Sauter une classe, une affaire de classe (mais pas que)
5% des candidats au bac (général ou technologique) arrivent “en avance” : ils (et elles) passent le bac en 2014, mais au lieu d’être nés en 1996, ils (et elles) sont nés entre 1997 et 2000…
Ces candidats et ces candidates ont “sauté une classe” : parents et enseignants ont repéré une maîtrise des compétences scolaires suffisante pour passer de la “grande section” de maternelle au CE1, par exemple. Mais il est fort probable que tous les milieux sociaux ne valorisent pas autant l’avance et la précocité. En classe de sixième : 8 à 9 % des enfants de professions libérales ou de professeurs sont “en avance”, ce n’est le cas que de 1% environ des enfants d’ouvriers, m’écrit Wilfried Lignier.
Un graphique qui représente en abscisses la proportion de porteurs de prénoms “en avance” et en ordonnées le nombre de candidats portant ces prénoms montre de manière synthétique l’origine de classe du saut de classe.
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Si l’on compare le graphique de l’avance au graphique des mentions “Très bien”, on repèrera de grandes similarités. Les Augustin et les Jordan sont toujours situés aux extrèmes.
On peut aussi repérer des différences, par exemple si l’on compare directement proportion de mentions “TB” et proportion d’individus en avance, et que l’on colore les prénoms en fonction de leur genre.
5,4% des garçons sont “en avance”, et ce n’est le cas que de 4,5% des filles. À résultat final équivalent, 10% des Augustin et 3% des Lise auront été jugés suffisamment “intelligents/mûrs/compétents…” pour sauter une ou deux classes. “Petit génie”, “enfant prodige”, est un diagnostic qui se porte plus souvent sur les garçons (brillants) que sur les filles (scolaires). Sauter une classe : une affaire de genre.
3 commentaires
Un commentaire par JEnn (09/07/2014 à 23:17)
La sociologie des évidences ! Je me demande si il est nécessaire de mettre à plat une telle étude. Des gamins que l’on a poussé à être ultra performant (j’en ai connu une finalement son intelligence s’est révélée dans la norme. Souvent ce sont les parents qui voient en leur enfant un futur génie) pour nous pondre que c’est une question de classe ou de genre (donc en fonction des stéréotypes). Petit génie, enfant prodige (bien que mis entre parenthèses me font sourire), le diagnostic d’un enfant précoce se fait sur des critères bien plus complexes. Les zèbres (enfant et adulte surdoués)sont plus intéressant à étudier, sociologiquement parlant plus pertinent.
Un commentaire par Léa (25/08/2014 à 13:02)
Deux autres corrélations statistiques seraient à étudier sur cette question :
– lien / corrélation entre saut de classe et ordre dans la fratrie. Mon hypothèse est que les aînés sautent moins souvent une classe que les suivants.
– corrélation entre sexe de la fratrie : avoir une grande soeur ou un grand frère a-t-il un impact sur le saut de classe? Idem : avoir un petit frère ou une petite soeur a-t-il un impact? j’ai tendance à penser que oui (impact positif ou négatif je l’ignore).
En effet, l’ordre dans une fratrie influence les apprentissages.
De plus, le sexe des enfants d’une fratrie impacte leurs relations, leurs modalités d’apprentissage, et (surtout) le regard que les parents portent sur chaque enfant, les attentes stéréotypées sur eux.
Un commentaire par Alcian (17/09/2014 à 11:52)
Parfaitement d’accord avec Jenn.
Je suis toujours désolée de voir des gens parler de “petit génie” ou de gamin “en avance” (bon dieu mais en avance sur quoi ?!) pour évoquer le saut de classe et la précocité. Et je suis toujours morte de rire quand j’entend dire que la précocité est un don, ou un avantage, ou je ne sais quoi d’autre.
Avoir un enfant Intellectuellement Précoce, ou à Haut Potentiel, ça n’est pas avoir Einstein dans la famille. Beaucoup de gamins doivent sauter une ou plusieurs classes, car leur fonctionnement face à l’apprentissage est différent, et ils ont tendance à être en échec scolaire s’il ne sont pas plus motivé par des cours plus complexes. Mais sur le plan émotionnel, leur fonctionnement est également différent, et ils n’arrivent pas toujours à vivre correctement leur scolarité, que ce soit du à des problèmes avec les professeurs, les élèves…
Pour faire court, j’était une “enfant précoce”, comme ont dit, et sauter des classes m’a toujours paru comme ayant été le fardeau qui m’a empèché de me faire des amis (ou plutôt, qui a empèché les gamins mal élevés (littéralement) de me respecter comme leur égale).
Je préfère avoir des enfants qui redoublent et qui sont heureux. Ça, c’est un cadeau. Avoir un enfant différent, ça n’est pas un cadeau, car ça veut quasiment systématiquement dire avoir un enfant rejeté par les autres.