Des étrangers votent-ils (vraiment) ?
Vous parcourez peut-être ces lignes parce que vous venez de lire le billet publié dans Le Monde, à la une du cahier « Science & Médecine » du mercredi 5 novembre 2014, et que vous avez voulu en savoir un peu plus ?
J’ai choisi cette semaine de présenter une étude, Do non-citizens vote in U.S. elections? : “est-ce que les non-citoyens votent aux élections étasuniennes ?”
Cet article a un grand intérêt : à partir d’une enquête de grande ampleur portant sur les pratiques électorales aux Etats-Unis, les auteurs repèrent des non-citoyens qui déclarent pourtant être inscrits et voter. Les auteurs présentent leurs résultats ici.
Cet article a suscité de nombreux commentaires (avant même sa publication) : What can we learn about the electoral behavior of non-citizens from a survey designed to learn about citizens? ou encore Methodological challenges affect study of non-citizens’ voting, que l’on pourrait résumer ainsi : puisque l’enquête par sondage à l’origine de l’article portait explicitement sur les citoyens, est-elle adaptée à ce que souhaitent étudier les auteurs de l’analyse secondaire (portant sur les non-citoyens) ?
D’autres enquêtes (sur les dons d’argents aux partis politiques (par des citoyens ou des non-citoyens) ne permettent pas de confirmer les résultats de Richman, Chattha et Earnest.
Les auteurs de l’article ont répondu aux critiques, toujours sur The Monkey Cage : Do non-citizens vote in U.S. elections? A reply to our critics. (The Monkey Cage est décidément un blog très intéressant et il permet le débat rapide entre politistes étatsuniens).
De plus d’autres enquêtes, plus ethnographiques, comme celle, excellente, de Sébastien Chauvin à Chicago, Les agences de la précarité, soulignent les différents “éléments de citoyenneté” les “niveaux de citoyenneté”, les “marchés secondaires de la citoyenneté” : “l’existence de ces niveaux de légalité [différents au niveau local, municipal, étatique ou fédéral] se traduit dans la conscience juridique des immigrés sans papiers..” (p.52), “Les migrants irréguliers connaissent également un accès à la citoyenneté formelle elle-même” : “appréhendées diachroniquement, leurs trajectoires documentaires font fréquemment apparaître un enchaînement vertueux d’incorporation bureaucratique au cours duquel un premier élément de citoyenneté obtenu, y compris par la falsification, devient la condition d’une insertion civique croissante, faire de droits de plus en plus formels et de papiers de plus en plus authentiques, bien qu’illégitimes” (p.53).