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Les billets de January, 2015 (ordre chronologique)

Elles sont Charlie

Ou alors ils sont Charlie. Leur naissance a eu lieu après le 7 janvier. On trouve leur trace dans les “Carnets du jour” publiés par la presse quotidienne.

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Rappelons, à tout hasard, qu’avant même les attentats, Charlie était un prénom mixte en forte croissance :
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Charlie marqueur événementiel

La fréquence des prénoms est-elle sensible aux événements ?
En 1915, le général Joffre, perçu comme un héros militaire suite aux premières victoires françaises, inspira des parents. Il naquit quelques Joffrette, que la presse — patriotique en ces temps de guerre — célébra. Des réchauds à gaz et des biscuits furent aussi baptisés Joffrette et Joffrinette : l’imagination des publicitaires est sans limite.

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Balzac, qui tend parfois à expliquer l’origine des prénoms de ses personnages, indique ainsi [Beatrix, C.H., Tome 2, p.651] qu’un certain Calyste, né “le jour même de l’entrée de Louis XVIII à Calais”, reçu alors aussi le prénom de Louis.

Bref : les prénoms sont parfois choisis en hommage. Rien de nouveau. Rien d’étrange alors à que qu’un prénom comme Mazarine ou Barack, [quasi-]inconnus respectivement en France avant 1995 et aux Etats-Unis avant 2007, ne connaissent un petit succès, qui en 1996, qui en 2008-2009.
Et inversement, d’autres événements vont faire chuter certains prénoms. Les parents étatsuniens cessent de donner Hillary en 1992-1993, quand William J. “Bill” Clinton devient président et sa femme, Hillary Rodham, “First Lady”. De même Katrina connaît une chute brutale après le passage de l’ouragan du même nom en 2005-2006.

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Que va-t-il se passer avec le prénom “Charlie” ? Il était, depuis une dizaine d’années, en forte croissance, à la fois comme prénom de garçon et comme prénom de fille. Les parents vont-ils continuer à le donner de plus en plus, ou vont-il cesser de le faire en raison de l’association avec les attentats du 7 janvier : on trouve déjà des “Charly” qui disposent maintenant d’une nouvelle connotation : leur prénom “dit quelque chose” (mais quoi?). Si quelques témoignages ou les premiers éléments permettent de repérer en une dizaine de jours une vingtaine de bébés Charlie dans les “Carnets” de la presse quotidienne, ce n’est peut-être qu’un feu de paille.

Mais dès 1915, les stratégies parentales d’hommages s’accommodent de la multiplicité des prénoms. Un entrefilet dans La Croix le remarque :

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De très nombreux bébés naissent en France avec plusieurs prénoms, des seconds prénoms invisibles dont on a beaucoup de mal à se souvenir (que celles et ceux qui connaissent les seconds prénoms de leurs cousins et cousines lèvent la main). Ces seconds prénoms servent aux hommages familiaux — et ce d’autant plus que l’arrière-grand mère avait un “joli” prénom. Ils servent de réceptacles aux prénoms démodés des parrains — parfois, quand l’enfant est baptisé. Ils servent de tiroir aux prénoms sur lesquels le consensus ne s’est pas fait. Ils servent aussi, dans le cas présent, d’hommage indélébile mais invisible :

Prénom Charlie : pic d’attribution en 2e et 3e choix à Paris [Elodie Moreau] (…)
Si, pour l’heure, on ne note pas d’ « effet Charlie » sur l’ensemble du territoire, la capitale fait exception en la matière. Davantage de jeunes parents parisiens ont en effet choisi Charlie en 2e ou 3e prénom pour leur enfant. « C’est une nouveauté », nous confirme la mairie de Paris. Depuis mercredi dernier, ce prénom a été attribué 11 fois en 2ème ou 3ème position sur près de 670 naissances.

ou encore :

«Charlie» se glisse dans les berceaux des maternités [Aline Gérard]
« On s’en est aperçu lors de la déclaration de naissance d’un petit garçon né le 10 janvier. Ses parents lui avaient donné comme troisième prénom Charlie. D’habitude, les couples choisissent comme deuxième ou troisième prénom celui d’un ascendant ou d’un parrain. Mais là, il n’y avait aucun Charlie ni dans la généalogie, ni dans l’entourage », raconte un agent des services de l’état civil de la mairie du XIIIe arrondissement de Paris.
« Ces parents placent Charlie généralement en troisième ou quatrième position », précise-t-on à la mairie du XVe où, là aussi, on a repéré le phénomène. « En quelques jours, on a vu passer une petite dizaine de déclarations de ce type, qu’il s’agisse de garçons ou de filles », constate, de son côté, la mairie du XIIe arrondissement.

L’hommage onomastique passera donc peut-être, en janvier-février 2015, par la multiplication des “Charlie” en deuxième position : un marquage conjugal / familial du moment de la naissance, marquage invisible aux yeux de presque tous, mais marquage permanent. Le prénom inscrit aujourd’hui les personnes dans des générations, des classes d’âge. Il peut aussi marquer le moment, l’événement (la conjonction de l’événement parental et de l’événement politique).

Compte rendu

Je signale, au passage, le compte rendu par Frédéric Roux de la deuxième édition de Sociologie des prénoms sur lectures.revues.org :

Cet ouvrage est la deuxième édition revue et corrigée, dans la célèbre collection « Repères », d’une synthèse, qui se propose de réunir un grand ensemble d’études sociologiques, historiques, anthropologiques mais aussi économiques dont le point commun est d’avoir le prénom pour objet central ou périphérique. L’auteur revendique d’emblée un point de vue à la fois « pluraliste » sur le plan méthodologique mais aussi « impérialiste », en mettant en avant le regard sociologique. Car il s’agit bien d’approfondir une intuition ancienne et déjà formulée par des écrivains selon laquelle le prénom est une fenêtre sur le monde social.
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Géographie des prénoms en Turquie

Le Turkish Statistical Institute publie des données intéressantes sur les prénoms les plus donnés en Turquie : j’avais commencé à les analyser avec Elifsu Sabuncu. Et je viens de m’apercevoir (suite à un article de Julie Desbiolles dans le Le Petit Journal . com) que les données sont ventilées par “province” dans certaines publications [comme : Istatistiklerle Çocuk 2013 (ISBN.978-975-19-5976-8)].

Commençons par les prénoms des garcons :
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Que retenir de ce patchwork ? Que les prénoms de la cote et des frontières occidentales (Emir et Cinar) ne se retrouvent pas (en première position) à l’Est.

Poursuivons avec les prénoms des filles :
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Plus d’unanimisme là : les parents turcs apprécient le prénom Zeynep, qui est presque partout le prénom le plus donné aux bébés filles en 2013.
Pour saisir des différences régionales, il faut regarder les rangs suivants. Le 2e prénom le plus donné nous donne la carte suivante : Elif est souvent le 2e prénom le plus donné. Et dans les régions où Elif est le prénom le plus donné, alors Zeynep est le 2e prénom le plus donné.

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En 2013, le prénom Ecrin — un prénom relativement neuf en Turquie — est le prénom le plus donné, ou le 2e prénom le plus donné dans les provinces de l’Est. Il apparaît au 3e rang dans de nombreuses provinces. Il manque des données sur la fréquence de ces prénoms, et sur leur évolution temporelle pour pouvoir en dire plus.

Géographie des prénoms en Turquie, suite

Suite de l’étude des prénoms en Turquie commencée hier.
On dispose, pour chaque province, des 3 prénoms les plus donnés aux garçons et des trois prénoms les plus donnés aux filles. On peut considérer que plus deux provinces partagent des prénoms, plus elles sont similaires : si elles en partagent six, elles sont “semblables”.
Nous sommes limités dans l’analyse par le nombre réduit de prénoms et par l’absence d’informations sur la fréquence. Etre “numéro 1” quand on est donné à 20% des garçons et “numéro 1” quand on est donné qu’à 5% des garçons… ce n’est pas vraiment pareil.
J’ai réalisé une analyse en composantes principales (ACP) à partir des informations recueillies. Le premier axe n’est pas représenté : il est du à la seule province de Tunceli, petite et avec moins de 1000 naissances en 2013. Je ne représente ici que les axes 2 et 3.
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L’axe 2 oppose des prénoms comme Hiranur, Nisanur, Muhammed et Yusuf à des prénoms comme Emir, Cinar, Kerem et Elif. L’axe 3 Mehmet et Mustafa à Irmak, Arda ou Emir.
Les individus, ici, sont les provinces : TR213 est Kiklareli province à la frontière de la Bulgarie (et que les Bulgares appellent Lozengrad).TRB24, c’ets Hakkari, à l’extrême Est de la Turquie (à la frontière avec l’Iran et l’Irak). D’un côté, à l’Ouest, les parents choisissent plutôt Emir et Elif, et à l’Est plutôt Nisanur et Muhammed.
Dans la carte suivante, les provinces sont coloriées en fonction de leur coordonnée sur l’axe 2 de l’ACP. Les rouges/orangées ont des coordonnées positives (les provinces à la droite du graphique, à l’Ouest géographiquement), les bleues foncées ont des coordonnées négatives (les provinces à l’Est, à gauche du graphique).

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A partir d’une analyse des six prénoms les plus donnés aux enfants par province, en 2013, on voit apparaître des différences entre l’Est et l’Ouest de la Turquie.