Sociologie de l’autolib
Billet publié le 07/03/2015
Les pastiches des prétentions scientifiques sont relativement nombreux. Et la publication d’un pastiche de maffesolisme m’incite à proposer une petite liste :
- Marcel Proust est l’auteur d’un multipastiche savoureux d’un texte de Sainte-Beuve critiquant un pastiche de Flaubert lui aussi écrit par Proust, dans Pastiches et mélanges [plus de 109 citations sur google scholar]
- Cantatrix sopranica L. : Experimental demonstration of the tomatotopic organization in the Soprano de George Perec (en pdf ici) — 36 citations sur google scholar
- Le rond et le sobre, parodie de Claude Levi-Strauss (dont avait parlé Histoires à lunettes)
- L’effet ‘yau de poèle de François George, sur le lacanisme. Je n’ai pas d’extrait à proposer, mais une émission de Bernard Pivot, où F. George était invité : A quoi servent les philosophes ? [29 citations sur google scholar]
- Body ritual among the nacirema de Horace Miner, qui se moque probablement des sociologues utilisant le langage des anthropologues culturalistes. J’en avais parlé un peu ici (chose amusante, cet article avait été publié, avec un clin d’oeil appuyé, dans The American Anthropologist) [plus de 450 citations sur google scholar]
- Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity de Alan Sokal, qui pastiche ce qu’aurait pu écrire un physicien transi par Derrida et Latour. (Chose amusante, la revue Social Text n’y avait vu que du feu) [1116 citations sur google scholar].
- et il y aura, maintenant « Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris », un article écrit en maffesoli, publié dans une revue dirigée par Maffesoli (Sociétés) :
Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin expliquent comment et pourquoi ils ont mystifié la rédaction de la revue Sociétés, tribune éditoriale d’une certaine « sociologie postmoderne »
1 commentaire
Un commentaire par régis (24/03/2015 à 18:57)
Ce qui étonne, c’est la capacité qu’ont les auteurs de canulars à “canuler” leurs victimes. Les énormes impostures qui ont agité la France politique sous la Troisième République (affaire Léo Taxil, affaire Hégésippe Simon, canular des Poldèves) ont par ailleurs duré pas mal de temps, les auteurs réussissant à filer le canular comme on file la métaphore. Le canular de Taxil est simple: il révèle aux milieux catholiques et conservateurs des informations fantaisistes qui flattent leurs préjugés antimaçonniques. Mon impression est que le public est encore plus facilement dupé lorsqu’on utilise un champ lexical qui lui est propre, ce qui détermine un sentiment d’appartenance. C’est le cas du canular d’Hégésippe Simon par lequel Paul Bidault, faisant référence au concept d’éducation de la démocratie, parvient à piéger de nombreux parlementaires de gauche (dont certains déclarent avec bonne foi avoir personnellement connu le “précurseur” imaginaire. Le canular des Poldèves reprend le même procédé, l’adhésion étant obtenue par l’appel aux valeurs de solidarité entre les peuples, en dépit de détails historiques de la plus haute fantaisie (Charles le Téméraire voulait la couronne de roi des Poldèves mais Charles-Quint s’y opposa…)