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Les billets de July, 2015 (ordre chronologique)

Jacobus, by any other name would smell as sweet

carlosmarxKarl Marx, né Carl Marx, est aussi connu en espagnol sous le nom de Carlos Marx : il est « conocido también en castellano como Carlos Marx » nous dit wikipedia. Il faut dire que ce celui qui est William ici, devient, au delà des Pyrénées, Guillermo, duque de Cambridge (fils de Carlos, époux de Catalina, père de Jorge et de Carlota).
En France, nous avons cessé de traduire ainsi les noms au début du XIXe siècle. L’on parlait bien de Godefroy Guillaume de Leibnitz (né à Leipsick) et encore d’Emmanuel Kant… mais on disserte rarement d'”Edmond” Husserl, sauf sous la plume d’Emmanuel Levinas, lui-même né Emanuelis / Эммануэль). Maria Antonia est bien devenue Marie Antoinette et Maria Ludovica Marie Louise… mais après, en gros, ça s’arrête.
Revenons à Carl/Karl : Dans la première section du 3e chapitre du livre 1 de Das Kapital (1867), l’on peut lire : [de] Ich weiß nichts vom Menschen, wenn ich weiß, daß ein Mensch Jacobus heißt.
Ce qui a été traduit, diversement, dans diverses langues. [fr] Je ne sais rien d’un homme quand je sais qu’il s’appelle Jacques. — [en] I know nothing of a man, by knowing that his name is Jacob. — [es] Nada sé de un hombre si sé que se llama Jacobo. — [ro] Eu nu ştiu nimic despre un om dacă ştiu numai că se numeşte Iacob. — [it] Se so che un uomo si chiama Jacopo, non so nulla sull’uomo. — [pt] Não sei nada de um homem quando sei apenas que ele se chama Jacó.
Le Jacobus latin germanique, qui n’est pas tout à fait Jakob, a été le plus souvent nationalisé : Jacques en français, Jacob, Iacob, Jacó… Cela a même pu inciter certains à décrire ce “Jacob” ainsi : « we know that that man, Jacob, to whom Marx referred is, most probably, an ex-Jew » Après tout, pourquoi pas ? Mon interprétation est différente : Jacobus est un nom de baptême latin (probablement catholique) ce qui était fréquent dans l’espace germanique. Ainsi Mozart fut-il déclaré-baptisé sous les prénoms de “Joannes Chrysost[omus] Wolfgangus Theophilus“. Mais ce nom de baptême n’est qu’un nom de papier, il n’est pas utilisé dans la vie courante : il n’y a pas de Jacobus pour les proches. Il y a peut-être une ironie à voir que l’exemple marxien, basé sur l’universalité du latin, est de suite traduit sous une forme nationale.

Quinze Cartes Blanches — Bilan d’étape

bilancartesblanchesDepuis près de deux ans, j’écris, toutes les six semaines, pour le cahier “Sciences” du journal Le Monde une “Carte blanche”. J’y ai pris la succession de Pierre Mercklé. 3500 caractères sur un thème sociologique. Le temps est venu d’un mini-bilan.
J’ai écrit 15 textes en deux ans. Ces textes portent sur des articles publiés récemment, ou une question liée à l’actualité. J’y expose le travail d’un sociologue ou de son équipe. J’ai cherché à diversifier les thèmes et les méthodes. Une petite moitié des “Cartes blanches” exposent des travaux reposant sur des méthodes dites “qualitatives” (entretiens, observations), le reste sur des méthodes “quantitatives”. Le thème le plus fréquent est lié à la description du travail sociologique, suivi des questions de famille et de sexualité.
J’y ai cité le nom de 49 sociologues et assimilés (on y trouve quelques économistes, par exemple). Les sociologues les plus fréquemment cités sont Emile Durkheim (à deux reprises), Max Weber (à deux reprises) et Etienne Ollion (à deux reprises). 19 de ces sociologues sont étatsuniens (au sens où ils travaillent dans une université nord-américaine). 29 sont français (même principe de classication). Et Weber est allemand. Je suis limité ici par mes connaissances linguistiques: il n’y a qu’en français et en anglais que je suis capable de bien lire. Mon allemand est rustique, et mon roumain presque oublié.
12 femmes ont été citées, et 37 hommes l’ont été, ce qui est loin de respecter la parité (dès qu’on l’oublie, elle disparait). Mais ces 12 femmes sont souvent les auteures centrales de la chronique, celles dont les travaux sont exposés (alors que de nombreux hommes, Tarde, Weber, Sorokin, Krugman… ne sont cités qu’en appui au texte).
Si les “Cartes Blanches” reprennent à la rentrée, il va falloir que je diversifie un peu plus mes connaissances et mes centres d’intérêt.

Prénoms et mentions au bac, édition 2015

bac2015mentionprenoms
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J’ai récupéré les prénoms des quelques 350 000 candidats qui ont obtenu 8 ou plus au bac général et technologique de 2015. Pas pour le plaisir, mais parce que l’étude des prénoms fait partie de mes centres d’intérêt professionnel (je suis l’auteur de Sociologie des prénoms, un petit ouvrage publié par les éditions La Découverte).
Le graphique ci-dessus représente, en abscisse la proportion de mention “Très bien”, et en ordonnées le nombre de candidats, le tout par groupe de prénom. 22% des 328 Joséphine ont obtenu la mention “Très bien”, à comparer avec 2,6% des 982 Dylan. Il y a beaucoup de Camille (près de 4000) et relativement peu d’Alban (environ 200) et leur proportion de mention “Très bien” est semblable (environ 11,5%).
Il est possible de lire le graphique plus en détail.
Au centre du graphique, de haut en bas, on peut lire une transposition du palmarès des naissances de 1997 : Thomas, Alexandre, Nicolas, Camille, Maxime, Lea, Manon, Quentin, Marie sont les prénoms les plus appréciés des parents à cette époque. Mais si Nicolas est au 3e rang des naissances, il est au 13e rang en nombre de candidats au bac général et technologique (ci-après G/T). Un bon nombre de Nicolas n’ont pas survécu jusqu’à la terminale G/T : sortie précoce du système scolaire, orientation vers un bac pro. Les filles survivent mieux : les prénoms féminins comme Camille ou Marie gagnent ont un rang plus élevé dans la population des bacheliers.
Plus largement, certains prénoms gagnent de nombreuses places au palmarès des prénoms fréquents à la naissance et au bac : Joséphine est, en 1997, le 277e prénom le plus donné aux bébés, c’est le 199e prénom le plus fréquent chez les bacheliers G/T. Hortense, Astrid, Segolene, Apolline, Philippine, Annabelle, Lucille, Diane, Eugenie, Mailys, Louison, Lauren ou Mariam gagnent chacunes plus de 80 places. De leur côté les prénoms Cynthia, Nabil, Alison, Esteban, Jordan, Wendy perdent 80 places. Ils survivent moins que d’autre aux rigueurs du système scolaire. C’est ainsi que la population des bacheliers G/T ne ressemble pas à la population des bébés de 1997.
Ainsi, celles et ceux qui survivent le mieux : Joséphine, Apolline, Capucine, Gabrielle, Clotilde, Alix, Adèle, Constance… sont celles et ceux qui obtiennent fréquemment une mention “Très bien”. De l’autre côté, ceux qui ont presque totalement été éliminés (sur les 969 Brandon nés en 1997, nous n’en trouvons plus que 112, c’est à dire 11%, au bac G/T) sont aussi ceux qui obtiennent moins souvent cette mention distinctive.
Prendre comme variable la mention “Très bien” intensifie a priori les écarts entre groupes de prénoms (indicateurs imparfaits de l’origine sociale), et il serait possible de signaler a contrario que 80% des Adèle n’obtiennent pas cette mention. Mais prendre une autre variable (le taux de survie) conduirait à la mise en évidence d’écarts aussi puissants. Quand on comprend que ces deux variables interagissent, l’on comprend que l’école n’est un lieu heureux que pour une toute petite partie d’entre nous.

 

Pour en savoir plus, vous pouvez examiner les graphiques des années précédentes : 2014,2013, 2012 ou 2011… ou lire Sociologie des prénoms (édition La Découverte) [sur amazon, dans une librairie indépendante].
Par ailleurs un mini-site interactif qui vous permet de consulter les résultats de votre prénom est disponible ici : https://coulmont.com/bac/