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Les billets de September, 2015 (ordre chronologique)

Lissage

Confronté à une carte de la France à l’échelon communal, on peut avoir parfois envie de calculer une moyenne prenant en compte plusieurs communes. En effet, il y a énormément de communes très petites, pour lesquelles un individu de plus ou de moins peut conduire à des taux différents. On peut passer de suite à l’échelle départementale (comme je le fais ici), mais on perd en finesse.

Par exemple, si je dresse la carte du ratio “Inscrits/résidents”, je me retrouve avec une carte qui semble stochastique. Il peut être intéressant de calculer non plus ce ratio pour une commune, mais pour le groupe des N communes les plus proches. Le GIF-animé, ci dessous, montre ce qu’il advient de cette carte quand on augmente le nombre de voisins (ici entre 1 et 32).
lissage-bargel
On voit apparaître plus clairement des zones où les inscrits sont plus nombreux que les résidents majeurs et des zones où, au contraire, les inscrits sont beaucoup moins nombreux que les résidents (à la fois parce que celles et ceux qui y résident sont inscrits ailleurs ou parce que ces résident.e.s n’ont pas le droit de vote en France).

Avec le logiciel R, voici les instructions qui permettent, à partir du fichier GEOFLA des communes (ici “france”), de déterminer les k plus proches communes voisines.

library(spdep) # package à charger : spdep
france.cntr<-cbind(france$X_CENTROID,france$Y_CENTROID) # on extrait les centroides des communes
k <- 8 # nombre de voisins à extraire
nn <- knearneigh(france.cntr, k, longlat=FALSE)
france.neighbors.knn <- knn2nb(nn)
df<-do.call(rbind.data.frame, france.neighbors.knn) # df est le data.frame contenant, pour chaque colonne i, l'indice des voisins d'ordre i 

 
Pour aller plus loin et mieux comprendre l’Effet Bargel .

La persistance de l’Ancien Régime

Que signifie la particule du nom de famille ? Plus de 50% des députés nés vers 1780 ont une particule. Ils n’étaient pas tous nobles, certes, mais ils aspiraient probablement à un destin glorieux.
En reconstituant de grandes listes nominatives de membres des différentes élites sociales, il serait sans doute possible de mesurer le degré de persistance des positions sociales d’Ancien Régime.
Prenons par exemple la Légion d’honneur. Honneur républicain aujourd’hui, institution napoléonienne à l’origine. Examinons la proportion de légionnaires porteurs d’une particule :

legionparticule
Les légionnaires nés avant 1770 sont souvent porteurs d’une particule : ils reçoivent leur médaille sous Napoléon ou au retour des Bourbons. Ensuite, c’est un lent déclin qui s’observe, jusque pour les légionnaires nés après 1890, qui semblent bien porter de plus en plus souvent une particule. Les promotions les plus récentes, en 2011 ou 2014, comportaient entre 3 et 4% de noms à particule.
Pour entrer dans l’élite, rien de tel, aujourd’hui, qu’un passage par Palaiseau, et son école polytechnique. Institution révolutionnaire, elle n’accueille, à ses débuts, qu’une toute petite proportion noms à particule. Il faut dire que s’appeler Louis-François-Marie de Beau-Nom vers 1793 n’était pas de tout repos. Mais dès Napoléon, et suite au retour des Emigrés, l’école polytechnique attire bon nombre de particule. Un élève sur cinq, vers 1820, est un Monsieur.
polytechniqueparticule
Et là aussi, assez régulièrement, la proportion de porteurs de particule diminue. Elle diminue, tout en restant bien supérieure à la proportion de particules dans la population française (aujourd’hui, environ 0,8% de la population, estimation haute).
L’École des Chartes, elle, est fondée en 1821 par une ordonnance de Louis XVIII. Elle a toujours gardé ce fond aristocratique, et a servi d’école de reconversion de capitaux à une noblesse en mal de titres académiques.
chartesparticule
Si l’on en croit les « thèses de l’école des Chartes » produites par les élèves de cette école, 16% des élèves ont une particule vers 1850, et près de 4% de nos jours. Mais cela a tendance à diminuer.
Une autre école du pouvoir, fondée au moment de la Révolution, est intéressante à étudier. En partie parce qu’elle a toujours visé à peupler l’Université d’un personnel bien formaté.
normaleparticule
La particule n’est pas fortement attirée par l’Ecole normale supérieure. On y trouverait bien un Numa Fustel de Coulanges par ici ou par là, mais dès la fin du XIXe siècle, la population des normaliens ne se distingue pas de la population française sous le rapport de la particule du nom de famille.
L’augmentation, depuis près de cinquante ans, de la proportion d’élèves portant une particule n’en est que plus étrange : un autre signe, peut-être, de la permanence des inégalités sociales dans l’accès aux grandes écoles.
 
Notes : [1] ces graphiques ont été produits en synthétisant des informations publiquement disponibles sur des annuaires ou des catalogues librement accessibles. Un risque d’erreur non négligeable subsiste : catalogues incomplets, oublis de la particule, erreurs de codage, etc…
[2] le titre du billet fait référence à un formidable ouvrage bien connu d’A. Mayer

Encore « Marie »

Dans un billet précédent, à partir des listes électorales parisiennes, j’avais remarqué la présence fréquente de “Marie” comme prénom secondaire pour les électeurs avec un nom à particule, au XXe siècle.
Peut-on repérer la même chose au XIXe siècle ?
La liste des personnes ayant reçu la Légion d’honneur peut nous donner des indications.
marieprenom-legion
L’on repère déjà que “Marie” est un prénom fréquemment donné, à des garçons, en première position, au milieu du XIXe siècle. Au moment où la Vierge ne cesse d’apparaître, où elle est embrigadée dans les entreprises de recatholicisation, et où elle se retrouvé attachée à un nouveau dogme romain, celui de l’Immaculée conception… son prénom se trouve donné, de manière assez importante, à des jeunes hommes. Vers 1850, 5% des garçons [parmi ceux qui recevront la Légion d’honneur] et même 15% des garçons à particule, ont “Marie” en premier prénom. C’est l’un des prénoms masculins les plus fréquemment donnés aux garçons.
Cet engouement s’étiole ensuite. Mais “Marie” est recyclée : le parthénonyme devient un prénom secondaire, marqueur discret. Vers 1900 près de 15% des garçons ont “Marie” en second prénom. Et c’est le cas de plus de 50% des bébés garçons qui naissent, à cette époque, avec un nom à particule.
À mesure que la noblesse et la noblesse d’apparence perd sa position dominante dans les champs politiques, économiques et intellectuels, elle développe un communautarisme culturel qui maintient les distances symboliques avec les autres groupes sociaux.