Masculinités : l’homme pluriel
Il y a quelques jours se tenait à l’INED une journée d’études sur les socialisations masculines, autour d’un des derniers numéros de la revue Terrains & travaux.
Les intervenants ont discuté des formes que pouvaient prendre la masculinité… ou plutôt les masculinités. Car comme l’écrit Nicolas Journet, masculinités s’écrit désormais au pluriel. Oh, certes, on trouve souvent de la masculinité, mais, de manière croissante, aussi, des masculinités. Et c’est là — en partie — que l’étude de la féminité diffère de l’étude de la masculinité. De maigres indices, mais des indices concordants,
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Sur cairn.info
- “masculinité” : 3085
“masculinités” : 317
(soit 10% des occurrences au singulier) - “féminité” : 5071
“féminités” : 166 :
(soit 3% des occurrences au singulier)
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Et sur Google Scholar :
- “masculinité” : 20200
“masculinités” : 2420: 12% - “féminité” : 32400
“féminités” : 802: 2,5%
Masculinités est beaucoup plus souvent au pluriel que féminités, alors que c’est l’inverse pour les formes singulières de ces deux mots.
On peut sans doute dater assez précisément le dépassement des féminités par les masculinités (là encore, un indice nous est donné par la base google ngram) :
C’est au milieu des années 1990 qu’en France, l’on invente les masculinités. L’on ne mettra “féminité” au pluriel que quelques années après, sans que cela prenne vraiment. Féminités n’est pas la version féminine de masculinités : il y a une spécificité des usages pluriels, nombreux, variés, fréquents, de “masculinités”.
L’influence majeure, sans doute, est l’ouvrage “Masculinities” de R. Connell, publié à l’origine en anglais en 1995. On voit aussi cela sur google-ngram :
Mais dans la langue anglaise, femininities n’a jamais vraiment été utilisé, en tout cas moins qu’en français. On remarque quelques usages, probablement dérivés des “masculinités”, car quand on se met à parler des masculinités, il devient compliqué de parler de “la” féminité, mais ils sont peu nombreux.