En cas d’absence : la procuration
La Revue française de science politique vient de publier «In absentia. Le vote par procuration, une participation électorale à distance?» un article dans lequel, à partir des données de l’Enquête participation électorale 2017 (Insee), j’étudie le recours inégal à la procuration, lors de l’élection présidentielle et des élections législatives de 2017.
Cette modalité de vote accroît les inégalités de participation. Tout d’abord parce que c’est une modalité complexe, qui demande du temps et une familiarité avec les procédures administratives dérogatoires, et que les individus dont les ressources sociales (temps, niveau de vie, diplôme, profession…) sont limitées y ont peu recours. Mais aussi parce que donner sa voix à un truchement de confiance nécessite un réseau de relation mobilisable (et mobilisable électoralement) : et là, il semble bien que si les personnes les plus dotées en ressources arrivent à mobiliser leur réseau à distance, ce n’est pas le cas des moins dotés. Suite à un déménagement, les cadres multiplient le recours à la procuration, alors que les ouvriers — qui votaient déjà peu par procuration — voient leur recours à la procuration divisé par trois.
J’ai essayé de développer aussi un autre thème dans l’article — c’est le point d’interrogation final. Le vote par procuration est certes une modalité fréquente dans les classes supérieures, mais c’est une forme de délégation. Que se passe-t-il finalement quand l’habitude est prise, jeune, de déléguer son vote — à ses parents ? Est-ce que cela se convertit en vote physique — avec déplacement au bureau de vote — plus tard, ou est-ce une première étape vers un désengagement bourgeois, un vote à distance qui deviendrait, au fil du temps, une distance au vote, une abstention ?
L’article est disponible sur cairn.info, et d’autres informations le sont sur la page du site consacrée à l’article