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Archives de la catégorie : 'cartographie'

La procuration en 2022 : répartition communale

L’Insee a rendu public, sur le site Statistiques locales, le nombre et la fréquence des procurations en 2022, au niveau communal.
Voici donc une carte montrant, pour la France métropolitaine, le « taux de procurations » en 2022 :

La procuration est plus fréquente dans l’Ouest parisien (des villes riches comme Neuilly ou Versailles), dans les métropoles régionales (Nantes, Rennes, Lyon), dans les zones de montagne (où l’on trouve par ailleurs des inscrits qui n’y résident pas), la Corse mais aussi les villes et villages du littoral de la Manche et de l’Atlantique (zones de résidences secondaires).

Quinze ans de procurations à Paris, 2007-2022

La carte ci-dessous représente la proportion des voix exprimées qui sont des votes par procuration, à Paris, par bureau de vote, pour les élections municipales, législatives et présidentielles, de 2007 à 2022.

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On retrouve des régularités : (1) le vote par procuration est plus fréquent en période de vacances scolaires ou de «pont» (et donc au moment des présidentielles, qui ont lieu pendant les vacances de printemps), (2) le vote par procuration est plus fréquent dans les beaux quartiers que dans la ceinture de logements sociaux situés à proximité du périphérique, et (3) le vote par procuration, lors des municipales, est plus fréquent là où le résultat de l’élection est incertain (mais ce point, je devrais le vérifier).

Si l’on calcule la fréquence moyenne, sur ces vingt scrutins, du vote par procuration, on peut tracer la carte suivante :

Comme les frontières des bureaux de vote ont changé entre 2007 et 2022, j’ai découpé Paris en petits carrés et estimé la fréquence qu’on aurait si les bureaux de vote étaient ces petits carrés.

La question privée

L’Annuaire de l’éducation, ce sont des informations sur près de 70 000 établissements scolaires et administrations diverses de l’Éducation nationale. Il est en ligne sur data.gouv.fr.
Les établissements sont géolocalisés, et on dispose de leur statut (public, privé) et du nombre d’élèves.
On peut alors tracer assez rapidement une carte, comme celle-ci :

Les proportions ne doivent pas être totalement fausses : on retrouve bien la géographie connue de l’implantation des écoles privées en France.

Les établissements scolaires ont un nom, et ces noms varient en fonction du statut.

Le tout a été réalisé avec R, et le code est sur github : 2021-annuaire-education-github.R (parce que science ouverte, données libres, partage de code).

Découpages incongrus

Maintenant que l’Institut géographique national a libéré ses données, on dispose des découpages géographiques à des échelles très fines : IRIS ou communes, par exemple.
Mais parfois, on a besoin d’un autre découpage de la France, parce que les données sont disponibles à une autre échelle, celle des ressorts des tribunaux judiciaires par exemple, ou un mélange de départements, régions, EPCI…

Commençons par les tribunaux. On trouve, sur le site de l’observatoire des territoires le tribunal de rattachement de toutes les communes françaises. On peut donc, à partir du fichier “ADMIN EXPRESS” de l’IGN, faire la jointure entre communes et tribunal, pour dessiner la carte des ressorts des 164 tribunaux.

La carte des ressorts des tribunaux :

que l’on peut relier à des données (comme la durée moyenne des affaires) :

Et maintenant le recensement. L’insee met à disposition, en accès libre, les fichiers détail du recensement. Il existe un fichier avec les individus localisés à la région, fichier proposant des variables avec des modalités très fines, comme la profession détaillée. Le titre du fichier est légèrement trompeur, car les individus sont localisés à l’échelle de la région pour les régions peu peuplées, mais aussi à l’échelle du département, pour les départements de plus de 700 000 personnes, et à l’échelle de l’EPCI (pour Paris, Marseille, Lille, Lyon, Bordeaux et Toulouse). Cela donne un découpage un peu incongru de la France, que voici :

Comme vous pouvez le constater, on trouve les départements peuplés de la Bretagne, des grosses métropoles, et de larges régions un peu plus vides.

Ce découpage n’est pas inutile. Voici, par exemple, une cartographie de la part d’immigré.e.s parmi les hommes et femmes de ménage auprès des particuliers :

Je vais essayer de mettre le code permettant de générer ces cartes sur github.

L’évolution de l’abstention à Paris, 2014-2020

Le premier tour des élections municipales s’est déroulé dans un contexte de pandémie, qui n’a pas incité à la participation électorale. Le taux d’abstention en 2020 est donc beaucoup plus élevé que le taux d’abstention observé en 2014, comme les deux cartes suivantes permettent de le voir :



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En prenant la même discrétisation (le même découpage de couleurs) on remarque que l’abstention augmente de manière globale : tout se décale vers le rouge et les zones participationnistes, bleu-foncées, disparaissent. La géographie générale n’est pas bouleversée : ce sont bien dans les quartiers d’habitat populaire, à Paris, que l’abstention reste la plus élevée, en 2014 comme en 2020. Mais la hausse de l’abstention n’est quand même pas semblable partout.

La carte suivante montre le différentiel entre 2014 et 2020 : plus la couleur est sombre, plus la hause de l’abstention a été forte. J’ai été confronté à un petit problème : les frontières des bureaux de vote ont changé entre 2014 et 2020. Certains bureaux ont été scindés en plusieurs bureaux (une trentaine), d’autres ont vu leurs bordure se décaler d’une rue ici, d’un pâté de maison là. J’ai préféré donc passer à un carroyage. J’ai découpé Paris en 2800 petites zones et j’ai affecté à ces zones une moyenne interpolée de l’abstention en 2014, de l’abstention en 2020 puis j’ai calculé la différence.

C’est surtout dans le sud de Paris (bas du 16e, 15e, 14e, 13e, 5e et 12e) que la hausse de l’abstention a été élevée.

Mais est-il possible de savoir un peu plus précisément qui s’est abstenu ? Peut-être les plus âgés, particulièrement soumis à un risque de développer les formes graves de Covid19. Je vais m’appuyer sur la composition par âge des bureaux de vote pour explorer la relation entre classes d’âge et abstention.

Les graphiques suivants comparent les bureaux de vote de 2014 et ceux de 2020 (sans essayer de s’assurer de la correspondance des frontières, avec tous les problèmes que cela pose donc). On peut voir que dans les bureaux de votes où la proportion de plus de 53 ans est élevée (les deux derniers panels), alors la hausse de l’abstention est, en tendance, plus élevée que dans les bureaux où ces plus de 53 ans sont en proportion plus faible. Mais il s’agit de corrélation écologique : on ne peut pas savoir si ce sont les personnes âgées des bureaux où il y a relativement plus de personnes âgées qui se sont abstenues, ou si ce sont les plus jeunes des bureaux “âgés” qui se sont abstenus… et les différences sont faibles.

Qui épouse qui ?

L’homogamie, ou le fait d’épouser (ou d’être en couple) avec quelqu’un de socialement proche, est fréquente. Un bon nombre d’enseignant.e.s sont en couple avec des enseignant.e.s. Idem avec les ingénieur.e.s, ou les avocat.e.s. Mais parfois, les couples sont formés de personnes occupant des professions proches, mais différentes.
Le graphique suivant considère qu’il y a un lien entre deux professions (dans des couples composés de personnes de sexes différents) quand le couple est bien plus fréquent que ce que l’on observerait si les couples se composaient de personnes sélectionnées au hasard dans l’espace social. Et j’ai différencié les couples non mariés des couples mariés.


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Explorons quelques coins de l’espace ainsi dessiné :


On a ici un monde d’employés de la restauration et de mécanicien.

Et un autre morceau de l’espace, juste en dessous : le monde de l’alimentation, de l’hotellerie et des magasins.

On terminera par un monde de la fonction publique : agents des impots, magistrature… allié au monde médical.

Celles et ceux qui souhaitent explorer peuvent chercher les professions “pivot”, celles qui font le lien entre un monde et un autre.

Les dessous d’une carte

Qu’ai-je du faire pour tracer cette carte, que l’on trouve dans le billet écrit avec Lucie Bargel et intitulé « À la campagne, la victoire est en ville », sur le blog Terrains de campagne

D’abord, que représente-t-elle ? Les zones où il y a plus d’inscrit.e.s sur les listes électorales que de résident.e.s français.es majeur.e.s.

Il faut d’abord récupérer les résultats électoraux à l’échelle des communes. Par exemple, les résultats de la présidentielle de 2012. Ces listes indiquent, pour chaque commune, combien il y a d’inscrits sur les listes, ce qui est essentiel pour pouvoir calculer, par exemple, un taux d’abstention.
Il faut ensuite récupérer les Fichiers détails du recensement 2012 (fichier « individus localisés au canton-ou-ville »), car ces fichiers permettent de sélectionner les Français majeurs (les individus recensés, de nationalité française, et âgés de 18 ans ou plus en 2012). Les résultats du recensement agrégés à l’échelle des communes, que l’on trouve facilement sans avoir de calcul à faire n’indiquent pas si les personnes majeures sont de nationalité française.
Et on rapproche les deux bases : Inscrits et Résidents.
Mais : la géographie du recensement de l’année N est celle de l’année N+2. Par exemple, si la commune de Triffoulli a été fusionnée avec la commune des Oies en 2012 ou 2013, les résultats du recensement sont diffusés pour la nouvelle commune de Triffoulli – Les Oies.
Il faut donc faire passer la base Inscrits de la géographie 2012 à la géographie 2014.
De plus, les résultats du recensement sont diffusés non pas toujours à l’échelle des communes, mais à celle du “Canton-ou-Ville” (à la géographie N+2). Il faut donc associer à chaque commune du fichier des Inscrits le Canton-ou-Ville dans lequel elle se trouve.
Et là, on peut faire la jointure des deux bases et calculer un ratio Inscrits/Résidents-français-majeurs.

Et ça ne suffit pas : il faut aussi transformer le fonds de carte “Geofla communes” (2014) en fusionnant les polygones des communes qui appartiennent aux mêmes “cantons-ou-villes”. Maintenant, on peut associer le ratio calculé précédemment à la carte.

La carte que l’on ferait pour l’année 2012 révèlerait une géographie intéressante. La sur-inscription est fréquente dans les petites villes de plateau et de montagne, et dans une série de villages du littoral. Mais… les enquêtes annuelles de recensement ont lieu tous les cinq ans, avec une méthode particulière pour les petites villes. Est-ce que la carte ne serait pas une illusion ?
C’est pour cela que j’ai souhaité m’assurer de la stabilité de cette géographie sur plusieurs années, plusieurs recensements, des élections différentes. La distribution géographique est stable. Il reste à l’analyser.

Pour aller plus loin : « À la campagne, la victoire est en ville », sur le blog Terrains de campagne

Marquée dans sa chair

Les données du recensement (Fichier détail “Logements ordinaires”) indiquent la date de construction des logements. On peut ainsi indiquer, sur une carte, la proportion des logements qui datent d’avant 1919.


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100 ans après la Première Guerre mondiale, les traces des destructions sont visibles dans le paysage, sous la forme de constructions neuves. Ci dessous la carte des zones détruites :

Source : wikipedia

Le taux de suicide départemental en France, 1827 – 2012

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Le taux de suicide s’exprime en nombre de décès par 100 000 individus. Pour calculer ce taux (brut) à l’échelle des départements de la France métropolitaine, il faut donc à la fois le nombre de suicides et la population du département.
En France, on dispose, grâce au Compte général de l’administration de la justice criminelle, du nombre de suicides par départements depuis 1827, jusque 1931. Il faut juste tout recopier, à la main, dans un tableau. Ce sont des statistiques judiciaires, qui contiennent aussi une partie des tentatives de suicide connues de la justice.
On dispose aussi, depuis 1906, de statistiques dites “sanitaires”, issues des certificats de décès. Depuis 1968, c’est l’INSERM qui s’en occupe.
Mais il y a des trous : en raison des guerres, en raison de problèmes administratifs, certaines années ne sont pas disponibles. Ainsi on ne connait pas le nombre de suicides à Paris en 1870. On ne sait pas ce qui se passe en Alsace entre 1919 et 1925…
La population départementale est connue précisément à partir des recensements : mais ces recensements, jusqu’au début des années 2000, étaient réalisés tous les 5 ou 10 ans.
Pour produire l’animation, j’ai donc du extrapoler, imputer et lisser les données. Quelle est donc la population de l’Ariège en 1863 ? Si on connaît la population de 1861 et celle de 1865, on peut se dire que c’est entre les deux. L’effet des guerres, qui font chuter le taux de suicide, n’est pas visible ici : les cartes, trop lissées, font comme si rien n’avait eu lieu. Parfois, dans des départements à la population réduite, une poignée de suicides en plus (ou en moins) fait brutalement augmenter (ou chuter) le taux à un moment, sans que cette hausse se poursuive les années suivantes : je lisse donc les pics de la courbe.
L’ensemble permet de rendre visible l’augmentation du taux de suicide au XIXe siècle, que ce taux soit le reflet d’une augmentation de la fréquence réelle des suicide ou celui d’une plus grande attention administrative portée à l’identification des suicides. On repère aussi bien l’augmentation qui a lieu à partir du milieu des années 1970 et le reflux à partir de la fin des années 1980.

Anamorphoses cartographiques

Les bureaux de vote parisiens regroupent un nombre presque identique d’électeurs sur une surface approximativement de même taille. Mais le nombre d’inscrits varie de 1 à 2 et la surface varie aussi beaucoup.
La carte suivante, qui illustre où le vote Fillon fut fréquent à Paris, est donc trompeuse (comme toutes les cartes).

Trompeuse, parce qu’une bonne partie des bureaux où Fillon fait un score élevé sont des bureaux de grande surface et où relativement peu d’électeurs sont inscrits.
Il est possible de transformer la surface de chaque bureau afin que cette surface soit proportionnelle au nombre d’électeurs inscrits. La carte suivante illustre cette transformation par anamorphose :

Le huitième arrondissement disparaît presque entièrement, et le dix-huitième voit sa surface augmenter.

Pour celles que cela intéresserait, j’ai mis le code sur github.

Les différences entre les deux formes de cartes sont bien plus apparentes si l’on s’intéresse aux communes d’Île de France, car certaines (comme le 15e arrondissement) sont très peuplées alors que d’autres (en Seine et Marne par exemple) sont presque vides.