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Archives de la catégorie : 'religion'

Centralité des unes…

En sortant de l’université Paris 8, hier, j’ai photographié cette affiche:
afficheeglise20151005Cette image est une bonne représentante des affiches produites par des églises noires d’Île de France. Petite différence avec l’affiche moyenne, ce poster fait figurer une pasteure, une prophétesse, en position centrale. La féminisation du protestantisme évangélique et pentecôtiste est une réalité… étudiée dans un ouvrage qui vient de paraître, sous la direction de Gwendoline Malogne-Fer et Yannick Fer Femmes et pentecôtismes. Enjeux d’autorité et rapports de genre (Genève, Labor & Fides, coll. “Enquêtes”, 295 p., 2015), dans lequel j’ai écrit un chapitre, «Centralité des unes, autorité des autres. Des formes genrées de hiérarchie dans les Églises évangéliques « noires » de la banlieue parisienne», qui porte sur la mise en scène de ces affiches, et la position de minorité qu’y occupent les femmes.

D’autres présentations de l’ouvrage se trouvent sur le blog de Bernard Boutter, le blog de Sébastien Fath, le blog de Yannick Fer ou encore le blog de Gwendoline Malogne-Fer

Voir aussi Tenir le haut de l’affiche (une liste de mes articles sur ce thème).

Miracles à l’affiche

Dans le cahier “Culture et Idées” du Monde (daté du 20 juin 2015) se trouve un article, “Miracles à l’affiche“, qui reprend certaines des conclusions de mes travaux sur les églises noires de la banlieue parisienne :

201506-miraclesaffiches

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter :

Et plus largement, je recommande Une ethnographie des pentecôtismes africains en France de Damien Mottier, qui me semble être à la fois la meilleure introduction et l’ouvrage le plus fouillé sur ce monde protestant issu des diasporas africaines.

At the Top of the Bill

I’m very happy to see the publication in English of the article I wrote on the networks of black evangelicals in Paris.
At the Top of the Bill : A Structural Analysis of Claims to Charisma
[available on cairn.info]

2014-affiches-charisma

Here is the introduction :

Two prophets are in a boat … Do they try to push one another into the water, each believing in the exceptional nature of his own charisma ? Or do they decide that the sum of their two charismas is a collective charisma from which they could both benefit ? In short, is there anything other than conflict between bearers of charisma ? A “Key Idea” (Geertz [1986] 2012) of Weberian sociology, the concept of charisma sees the prophet, and more broadly the bearer of charisma, as an exceptional individual, or more precisely as the individual in whom those “charismatically dominated” recognize extraordinary qualities (Weber [1921-1922] 1971 : 320-9). It is the “face to face” relationship between charismatic man and his followers or adepts that is involved in the typological study. In the pure type, the charismatic man holds no institutional legitimacy—legal, bureaucratic—nor a legitimacy inherited from tradition : his charisma is personal. In this context, two prophets in the same boat would necessarily be in a situation of conflict.

But there is at least one everyday world populated by prophets, charismatic individuals in a relationship not just of competition but also, as we shall see, of collaboration. The Pentecostalist and evangelical “African” churches installed in the Paris area, of which there several hundred today, demonstrate the possible coexistence of “prophets” who have not monopolized the manipulation of charisma. These assemblies are not easy for sociologists to observe, but the advertising they use to promote some of their activities is an instructive source for investigating the actual forms of the manipulation of charisma.

Château-Rouge, in Paris (18th arrondissement), a hundred metres north of Barbès-Rochechouart metro station, is a working class “African” quarter ; a residential but especially a shopping area. The multitude of posters for “crusades,” “prophets” and “miracles,” posters featuring almost entirely black pastors, are striking for the passerby. In an area bounded by a few streets, religious advertising similar to Figure 1 cover blank walls and the barriers around building sites.

Next…

Que faire avec ses Saints ?

Les Saints disparaissent de la scène publique. De moins en moins de bébés reçoivent, à la naissance, un prénom inscrit dans le calendrier liturgique français.
saints-chute
Mais les Saints se maintiennent à un niveau supérieur à 30% des naissances jusqu’au début des années 2000. Le Saint pourrait donc être un indicateur intéressant : il capture de l’âge, de l’origine nationale, et peut-être des orientations culturelles (il me semble clair que la liste des Saints catholiques n’est pas une liste à l’attrait universel).
La proportion d’électeurs (et d’électrices) avec un prénom de Saint (ou de Sainte) dessine donc un espace parisien bien connu. Les Saints s’exhibent dans le septième arrondissement, dans toute leur gloire. Ils sont plus discrets dans le dix-neuvième.
prenomssaints
Les Saints n’ont pas perdu toute leur efficacité : ils font encore de l’effet. Le jour de la Saint-N (quel que soit le prénom de Saint), il va naître en moyenne 1,7 fois plus de bébés portant ce prénom (avant 1970) que lors du reste de l’année. On passe à 1,35 fois plus pour les bébés nés après 1970. Les Saints perdent quand même en efficacité.

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[Note : l’effet est massif, mais concentré sur une journée. Prenons le prénom “Zyxtof” : il va naître, chaque jour de l’année, en moyenne 0,27% des Zyxtof de l’année. Le jour de la Saint-Zyxtof, il naîtra 0,37% des Zyxtof de l’année. Ce qui fait que les Zyxtof ont quand meme 99,6% de chance de naître ailleurs que le jour de la Saint-Zyxtof.]
Signe de sécularisation ? de dissociation du catholicisme et de la nomination ? La conférence des évêques semble être consciente d’un retournement de civilisation : si l’on ne montre plus ses Saints, il faut amener les Saints en face des demandeurs. Sur le site “nominis.cef.fr“, il est ainsi possible d’entrer un prénom (Kaicy ? Stanley ? Jennifer ?) et de trouver le Saint associé. L’Eglise rattrape ainsi l’exubérance parentale, en proposant [principalement aux grands-parents, me dit-on] l’association à une lignée croyante a posteriori. N’ayez pas peur : vous avez tous des Saints !

Sur ce, puisque nous sommes le 13 mai, bonne fête à toutes les Fatima !

Versatile « Marie »

À la fin du XIXe siècle, Marie était dans le “top 20” des prénoms les plus donnés aux garçons. Souvenons-nous, par exemple de Marie Koenig, connu sous le prénom de Pierre. Ou de Marie Revillon, connu sous le nom de Michel Tony-Revillon.
Mais ce prénom cesse rapidement d’être donnés aux bébés de sexe masculin. Du moins en première position. Car « Marie » est versatile. On trouve des Louis-Marie et Jean-Marie, des Hubert-Marie et autres Pierre-Marie. Mais l’on trouve aussi des “Louis, Marie, Octave” ou des “Charles, Marie, Geoffroy”.
Et Wikipedia nous dit vaguement que « dans certaines familles catholiques, le prénom Marie sera systématiquement choisi pour premier ou deuxième prénom, même pour un garçon, en hommage à la Vierge Marie. »
Choisir « Marie » en 2e, en 3e ou en 7e prénom permettrait de signifier (en quasi-cachette, mais administrativement) une forme de catholicité. Possible, mais cela reste à creuser.
Il est possible, dès maintenant, de cartographier des « Marie-hommes », à partir des listes électorales à Paris :

homme-marie

Les arrondissements dans lesquels on trouve le plus de Marie-hommes (Marie étant ici utilisé sans “tiret” et après le premier prénom) sont les 7e et les alentours du Parc Monceau (8e et 17e). 16e, 15e, 6e suivent. Les arrondissements plus populaires, 18e, 19e, qui comptent aussi peu d’électeurs à particule, comptent peu de Marie-homme.
Difficile en l’état de valider totalement l’hypothèse de Marie comme signal catholique. Mais comme signal bourgeois, peut-être un peu plus.

Note méthodologique : la carte compare entre eux uniquement les hommes ayant plusieurs prénoms (car la probabilité d’avoir “Marie” en second prénom est nulle quand on n’a qu’un seul prénom). Une comparaison entre les porteurs du prénom Marie et tous les hommes (quel que soit le nombre de prénom) ne change pas la distribution.

Mise à jour : une version précédente de la carte était basée sur des données inexactes.

« Tenir le haut de l’affiche » en accès libre

La Revue française de sociologie a placé mon article, « Tenir le haut de l’affiche. Analyse structurale des prétentions au charisme » en accès libre. Il est disponible ici en PDF : http://www.rfs-revue.com/sites/rfs/IMG/pdf/RFS-2013-3-B-_Coulmont.pdf.
L’article revisite la sociologie wébérienne du charisme en insistant non pas sur la reconnaissance par une population dominée charismatiquement, mais sur la reconnaissance entre porteurs de charismes.
Je ne peux que vous encourager à le lire, à le discuter, à le partager… Je rappelle que les données initiales (200 affiches pour des événements évangéliques) sont elles aussi disponibles sur flickr.

Redonner de la chair

Dans « Tenir le haut de l’affiche » (article publié récemment dans la Revue française de sociologie), j’ai pris le contrepied des études ethnographiques sur les églises chrétiennes issues des immigrations africaines. Je me suis limité à des matériaux frustes mais nombreux, des affiches pour des événements religieux (200 affiches). Ce pas de côté devrait pouvoir être compris comme un contrepoint, l’ajout d’une nouvelle perspective de recherche à la douce mélodie de la “thick description“.
Bernard Boutter, dans un billet récent, revient sur mon article en explicitant certaines des raisons possibles de l’association entre deux pasteurs : l’un passant de Rennes à Paris, l’autre de Paris à Toulouse. Il souligne aussi le rôle joué par deux “nœuds” : le rassemblement autour d’un site internet et une fédération internationale d’églises. En faisant cela il redonne de la chair à des acteurs que j’avais consciemment dépersonnalisés.

“Tenir le haut de l’affiche…”, premières lectures

Quelques réactions à “Tenir le haut de l’affiche” [j’ai des “tirés à part électroniques” que je peux envoyer à la quinzaine de personnes qui souhaiteraient lire l’article]

Tenir le haut de l’affiche : les données

La Revue française de sociologie vient de publier mon article « Tenir le haut de l’affiche: analyse structurale des prétentions au charisme ».
L’article repose sur l’analyse statistique de 200 affiches pour des événements religieux organisés par des églises évangéliques liées aux migrations africaines (églises noires, ou “d’expression africaine”, ou “africaines”), en banlieue parisienne. [résumé de l’article]

Je mets à disposition des personnes intéressées les documents sur lesquels je me suis appuyé (et même un peu plus) dans cette collection d’environ 220 affiches dont celle-ci :
Untitled
Par ailleurs l’article avait été préparé par des réflexions intermédiaires, publiées sur ce blog, où j’indique comment savoir quand s’arrêter, et où je parle des acteurs importants, des réseaux aléatoires, de la statistique, des jeux d’échelles, des cartes, et une description des affiches (et une description des dispositifs anti-affichage).
L’on trouve aussi sur hal-shs une version un peu ancienne de mes réflexions : Capitals and networks : a sociology of Paris’ black churches (en anglais plein de fautes).

Comme vous pourrez le constater donc, cet article est le fruit d’une slow science. J’ai mis un peu plus de trois ans à rassembler le matériel qui a servi de base à l’article, patiemment, semaine après semaine : aucun corpus n’existait, il a fallu le constituer. Et ensuite il a fallu passer des heures à coder les affiches pour les faire “entrer” dans une base de données. Ah comme je jalouse les sociologues-en-chambre, qui n’ont comme seul corpus que leurs états d’âme (ce qui leur permet parfois de “produire”, bon an, mal an, un livre régulièrement).
L’article lui-même a mis deux ans à émerger : il fallait, pour le rédiger, me familiariser avec les outils de la sociologie des réseaux et avec l’ethnographie du pentecôtisme des migrants africains, deux choses que je ne connaissais pas. Et ici je jalouse les belles plumes de certains sociologues-en-chambre…
Le tout a donc pris cinq ans, c’est dire combien je suis heureux de cette publication.
Cette recherche fut, pendant ces cinq années, mon “travail à côté” : mes recherches principales étaient consacrées à la socio-histoire de la pornographie d’un côté et à la sociologie des prénoms (et aux changements de prénoms) de l’autre. J’ai apprécié l’absence d’intersection entre ces trois thèmes, qui rend difficile l’importation paresseuse de schèmes explicatifs (car il faut alors travailler à l’importation). J’ai apprécié la liberté qu’offrait le caractère marginal et non financé de cette recherche, y compris dans l’emploi de mon temps : recherche non financée, qui ne faisait l’objet d’aucune obligation institutionnelle, son rythme n’était dicté que par les possibilités de découverte. S’il n’y avait rien eu à découvrir, je n’aurai rien écrit.

Négocier les termes de l’Alliance

Un problème se pose à Pâque, si vous êtes juif assez orthodoxe, pas seulement l’interdiction de manger du pain levé, l’interdiction de tout levain chez soi. Une interdiction mentionnée à plusieurs reprises :
Exode 12:15 “dès le premier jour vous ôterez le levain de vos maisons”
Exode 12:19 “Pendant sept jours, il ne se trouvera point de levain dans vos maisons”
Deutéronome 16:4 “On ne verra point chez toi de levain, dans tout ton territoire, pendant sept jours” (“Durant ces sept jours, on ne devra trouver chez vous aucune trace de levain dans toute l’étendue de votre territoire” ou encore “On ne verra point chez toi de levain, dans toute l’étendue de ton pays, pendant sept jours”)
Cette interdiction est apparemment assez simple à respecter (il s’agit d’une interdiction matérielle, et non pas d’une interdiction morale), mais elle s’avère complexe : qu’est-ce qu’un “levain” ? jusqu’où s’étendent “maisons”, “territoire”, “pays” ? le levain contamine-t-il les objets ayant touché du levain ? Comment être certain de la disparition complète du levain ?
Ces questions ont des réponses. Il est possible de les trouver à partir d’une recherche sur le terme “hametz” (ou hamets, chametz… חָמֵץ / חמץ). Il semble ainsi qu’il faille considérer comme “levain” tout produit issu de la combinaison d’eau et d’une céréale, laissée à température ambiante plus de 18 minutes. Mais peu importe.
C’est en passant devant une supérette cachère que ma curiosité a été suscitée :
hametz
« Notre hametz a été vendu auprès du Rav Rottenberg » était-il écrit sur une affichette, à l’entrée du magasin. On remarquera que le hametz n’a pas été vendu “au” Rav, mais “auprès du” Rav.
Il s’avère, après quelques recherches, qu’il est possible de vendre son hametz (et tout ce qui a pu être contaminé) à un non-juif, pendant sept jours, et de le racheter ensuite. Mais il s’avère surtout qu’ont été mises en place des procédures d’intermédiation de cette vente : un rabbin peut être délégué pour vendre, à un non-juif, un fagot de hametz domestiques.
Ainsi, l’on trouvera, sur le site loubavitch français par exemple (mais d’autres groupes proposent des procédures similaires), un formulaire en ligne permettant à tout un chacun de déclarer, auprès d’un rabbin loubavitch, son hametz.
loubavitch-delegation-hametz
Ce rabbin vendra, pour sept jours, à un goy, les hametz dont il a obtenu délégation. Il faut bien enfermer son hametz dans un placard ou une pièce. Et “inutile de ranger”, est-il précisé à destination des ménagères ou des ménagers. Le hametz restera, physiquement, dans son placard, mais il sera considéré comme ayant disparu (du moins pendant sept jours).
Deux commentaires très rapides à cette procédure :

  1. Le contrat — une alliance entre hommes — permet de négocier les termes de l’Alliance — celle qu’a passé YHVH avec son peuple. Il me semble que les concepts mis en place par Viviana Zelizer : “circuit”, “marquage”… pourraient s’avérer intéressants à manipuler, pour mieux saisir ce qui se passe.
  2. Ce contrat, nominatif, permet aux différents groupes juifs orthodoxes, d’objectiver, année après année, leur étendue. À Pessah, chaque année, se complète une liste nominative (avec adresse), celle de ceux qui ont un placard à hametz.