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Archives de la catégorie : 'religion'

Une certaine actualité

L’ouverture prochaine du mariage aux couples du même sexe a redonné une petite actualité [exemple 1, exemple 2] aux articles issus de ma thèse, voire à ma thèse elle-même, qui portait sur les controverses, au sein d’églises américaines, autour du mariage des couples de deux hommes ou de deux femmes .
J’ai donc mis en ligne (ou vérifié leur disponibilité) la quasi-totalité des textes que j’ai rédigés et publiés sur ce sujet (des articles un peu anciens, rédigés vers 2005-2007, publiés avant 2009).

Coulmont B. (2003), « Églises chrétiennes et homosexualités aux États-Unis, éléments de compréhension ». Revue française d’études américaines, [95], p.73–86.
Coulmont B. (2003), « Géographie de l’union civile au Vermont ». Mappemonde, [71], p.13–18.
Coulmont B. (2004), « Devant Dieu et face au droit ? ». Critique internationale, [25], p.43–52.
Coulmont B. (2004), « Les Églises américaines et les nouvelles formes de mariages ». Matériaux pour l’histoire de notre temps, [75], p.5–16.
Coulmont B. (2005), « Do the Rite Thing: Religious Civil Unions in Vermont ». Social Compass, 52[2], p.225–239.

Coulmont B. (2005), « Entre droit, norme et politique : un procès ecclésiastique contemporain ». Droit et société, [59], p.139–148.
Coulmont B. (2006), « Jeux d’interdits ? Religion et homosexualité ». Archives de sciences sociales des religions, [136], p.103–114.
Coulmont B. (2006), « Entre le débat et le banal, le mariage religieux des couples du même sexe aux États-Unis ». In A. Cadoret et al. eds. Homoparentalités : approches scientifiques et politiques. Paris, Presses Universitaires de France, pp. 87–94.
Coulmont B. (2007), « Bons à marier ? Rite d’institution et institution d’un rite ». In B. Perreau ed. Le choix de l’homosexualité. Paris, EPEL, pp. 173–195.
Coulmont B. (2008), « États-Unis. Le mariage religieux des couples de même sexe ». In É. Fassin et al. eds. Mariages et homosexualités dans le monde. L’arrangement des normes familiales. Paris, Autrement, pp. 73–82.
Coulmont B. (2008), « Mariage homosexuel, religion et État aux États-Unis ». In F. Rochefort ed. Le Pouvoir du genre. Laïcités et religions 1905-2005. Toulouse, Presses universitaires du Mirail, pp. 217–228.
Coulmont B. (2010), « Un dessin vaut mieux que mille mots ». In Dossiers d’études. Les transformations de la conjugalité : Configurations et parcours. Paris, Université Paris Descartes, Caisse nationale des allocations familiales, pp. 48–54.

Des erreurs dommageables

Il n’y a rien de pire que d’écrire pour personne. C’est pourquoi j’ai découvert avec un certain plaisir qu’un de mes articles [celui-ci] n’était pas “exempt[] d’erreurs dommageables”. Plaisir, car, au minimum, cela signifie qu’il avait été lu.
Dans une thèse de 2006 [Le Religieux dans la ville du premier vingtième siècle — La paroisse Notre-Dame Saint-Alban d’une guerre à l’autre] portant sur une paroisse lyonnaise, Natalie Malabre étudie l’action de l’abbé Remillieux, que j’avais analysé en tant que promoteur des fiançailles catholiques. A la différence de Natalie [sans h] Malabre, je ne m’étais pas appuyé sur des archives, mais sur de la littérature secondaire : j’ai donc raté une bonne partie du sens que les fiançailles avaient pour Remillieux, et le rôle qu’elle jouaient pour les « Compagnes de Saint-François ».
D’où l’intérêt, toujours, de s’appuyer sur des sources primaires.
[Note : je constate avec amusement que l’auteure, en citant mon article, se trompe d’année, en l’indiquant publié en 2003. Il y aurait donc pire que de ne pas être lu… être mal cité ?]

À Amiens aussi, on a nos prophètes

Joël Gombin m’indique aujourd’hui sur twitter que les églises évangéliques “africaines” se trouvent aussi à Amiens. Il en veut pour preuve l’affiche suivante :

Affiche qui ne dépareillerait pas à Paris : on y retrouve les mêmes ingrédients (hommes en costumes, micro, “conférence”, mention d’une divinité…).
Mais que vont-ils faire à Amiens, ces pasteurs ? La population de cette ville de 130 000 habitants est-elle suffisante pour faire vivre une église à la fois protestante et en lien avec les migrations congolaises ou ivoiriennes ?
L’affiche qu’a trouvée Joël n’est pas isolée. Des tentatives d’installation ont même lieu dans des villes beaucoup plus petites. Noyon, 14 000 habitants, a vu l’arrivée de l’Eglise évangélique “Jésus-Christ le Rédempteur” l’année dernière.

Si les églises “africaines” sont surtout concentrées en banlieue nord de Paris (comme on peut le constater en lisant la thèse de Frédéric Dejean ou sur mon blog), l’expansion vers le Nord est rapide. Peut-être parce que l’immigration africaine, elle aussi, s’est déployée vers le Nord et que l’offre suit la demande. Peut-être aussi parce que la concurrence entre pasteurs-prophètes est tellement forte en région parisienne que le salut, pour un entrepreneur, se trouve là où elle est moins forte, voire inexistante : l’offre précède la demande. Peut-être enfin que s’installer entre Paris et Bruxelles (deux pôles importants pour ces églises) est associé à quelques avantages “transnationaux” (s’associer, par exemple, comme dans l’affiche d’Amiens, à des pasteurs parisiens d’un côté, bruxellois de l’autre).

Quand s’arrêter ?

Il est conseillé d’arrêter l’enquête ethnographique quand est atteinte une certaine “saturation”.

Lorsqu’une hypothèse, par rectifications successives, atteint un degré de pertinence, vient un moment où les données empiriques diverses lui apportent une confirmation régulière. Cette régularité, est-il besoin de le dire, n’a jamais rien d’une «loi» de la nature, mais renvoie simplement à la notion approximative de «bonne résistance» dans des situations empiriques variées. Alors on peut estimer que cette hypothèse est «saturée», c’est-à-dire qu’elle se comporte suffisamment bien au cours de nombreuses mises à l’épreuve pour pouvoir être considérée comme fiable.
(p. 286 de la postface au Hobo de Nels Anderson, le fameux texte sur “l’empirisme irréductible”)

La petite recherche que je mène actuellement sur les affichage des assemblées pentecôtistes africaines en région parisienne n’est pas vraiment ethnographique… Je constitue un corpus. Mais quand saurais-je que j’ai atteint un moment de saturation. Pas de saturation des hypothèses, mais de saturation des données ?
Je me dis actuellement que c’est quand j’aurai une vision assez complète des personnes présentes sur les affiches. On peut représenter cela par des points noirs (les personnes) sur des affiches (des carrés gris). Quand une personne se trouve sur une affiche, alors un point noir relie un carré gris.
Le dessin suivant montre six mois d’observation.

Ce graphe comporte une grosse vingtaine de “composantes connexes” (de groupes non reliés entre eux). Comme le montre le graphique suivant, le nombre de composantes ne cesse d’augmenter : pour l’instant, après trois ans de recueil, je vois toujours arriver des affiches qui ne comportent aucun individu qui était déjà présent dans mon corpus. [Vous pouvez voir ce phénomène dans l’animation du réseau proposée ici].

Mais depuis début 2009, il arrive que des nouvelles affiches fassent chuter le nombre de composantes, en reliant entre elles des composantes qui n’avaient aucun lien avant.
Peut-être que la saturation sera atteinte quand une nouvelle affiche ne pourra plus que faire diminuer le nombre de composantes.

Animer un réseau

Depuis 2008, je recueille des données sur des “grandes croisades”, événements organisés par des assemblées protestantes “noires” ou “africaines”, en région parisienne. La récurrence de certaines personnes sur les affiches publicitaires liées à ces “nuits de délivrance” permet de dresser un graphe, et surtout, parce qu’il y a un événement en moyenne par semaine, d’animer ce graphe :

C’est bien joli, tout ça, mais on me dit que, pour de tels réseaux dynamiques, il faut utiliser Siena.

(Fait avec R, package “igraph”, imageMagick et un peu de post-processing ensuite…)

Identifier des acteurs importants

Continuons l’exploration des réseaux d’invitation que l’on peut objectiver à partir des affiches d’églises “noires”, collées un peu partout en région parisienne (en réalité pas partout, mais bon…).
On peut supposer que les personnes qui, par leur présence, assurent des liens entre composantes qui seraient autrement disjointes sont “importants”. On peut identifier ces personnes comme des “cutpoints“. Je les ai coloriées dans le graphe ci-contre en vert.
Dans l’état présent de mes données, il y a 28 “cutpoints“. Et, chose amusante, sur ces 28 personnes, 7 ne sont pas des pasteurs, ni des prophètes, ni des évêques… Ce sont du “petit personnel” religieux, des détenteurs de “tous petits titres” : typiquement, “frère”, “soeur”, “servante” ou “chantre”. [Celles et ceux qui apparaissent vers la gauche de l’analyse en composante principale de ce billet]
Mais on pourrait supposer, d’une autre manière, que les acteurs les plus “importants” sont ceux qui sont connectés, directement ou indirectement, à de nombreux autres acteurs. On appelle cela la “centralité d’intermédiarité” et on peut donner un score à cette notion, à partir de l’algorithme betweenness (dans le package “sna” de R). Sûrement, là, on trouverait des pasteurs et des prophètes, les “big mens” de ce monde.
Mais mes données indiquent que, parmi les 11 personnes les plus “centrales”, 6 sont du “petit personnel” religieux. Il y a même mieux : la personne la plus centrale est un chanteur, René L***. Et cela peut se constater sur l’ensemble du graphe : si l’on calcule la “centralité par titre” (en ne gardant que 2 grosses catégories, “pasteurs” et “autres”, alors la catégorie “autres” a un score moyen de centralité plus important).
Le monde pentecôtiste est souvent décrit comme un monde d’entrepreneurs religieux indépendants (certains devenant “grands” en accumulant des fidèles). Au minimum, on voit ici à partir d’une approche de “sociologie structurale” que ces entrepreneurs s’adossent à des acteurs marginaux pour monter leur entreprise. J’appelle ces acteurs “marginaux” car ce ne sont ni des fidèles au sens strict, ni des outsiders radicaux, ni des porteurs de titres prestigieux (comme “bishop”) ni des “sans-titres”. Et je les appelle “marginaux” car, dans la quarantaine d’articles, de thèses, de livres… de sociologie et d’anthropologie portant sur ces églises, les “frères” et “soeurs” chanteurs et chanteuses n’apparaissent pas vraiment. Est-ce parce qu’ils sont vraiment anecdotiques ? Ou est-ce parce que le regard (et la problématique) de mes collègues les a invisibilisés ? [Il est facile de les invisibiliser, à partir d’une vision d’emblée “cléricale” du monde religieux, où les “grands” sont les porteurs d’un charisme personnel.]

Des réseaux religieux d’invitations

Les données recueillies à partir d’une collection de 150 affiches d’églises africaines sont très riches. J’ai déjà montré ici qu’on pouvait y déceler des indications d’implantation géographique, ou une “politique du titre” qui manifeste l’existence d’une hiérarchisation poussée.
Ces affiches donnent aussi des informations “réticulaires” : les pasteurs pentecôtistes passant une partie de leur temps à s’inviter les uns les autres, à pratiquer le “partage de la chaire”, un réseau apparaît. Voici une représentation graphique de ce réseau d’invitations. Vous remarquerez, en plissant les yeux, une grosse composante et de nombreuses petits groupes. Le nombre de composantes est de 60.
La question que je me pose est : mais comment donc un tel réseau est généré ? Est-ce qu’il peut être simplement déduit de certaines contraintes ?
Pour commencer à apporter une réponse, j’ai demandé à R de générer des réseaux aléatoires qui respectent 2 contraintes.

  • 1/ si dans le réseau observé l’individu (i) participe à (n) événements, il en va de même dans le réseau généré
  • 2/ si dans le réseau observé l’événement (j) a réuni (m) personnes, il en va de même dans le réseau généré

Les réseaux générés “aléatoirement et sous contraintes” ont une particularité : leur nombre moyen de composantes n’est pas proche de 60, il est proche de 41. Les réseaux “aléatoires” relient beaucoup plus les individus (alors que chaque individu participe au même nombre d’événements et que chaque événement réuni le même nombre de personnes, par comparaison avec le réseau observé).
Mes pasteurs pentecôtistes noirs, donc, semblent ne pas “inviter au hasard”, mais choisir une “distance” moindre que les “pasteurs aléatoires”. De ce fait, ils créent un monde un peu plus “troué” que celui du modèle.
Note : Je ne sais pas si je dois vraiment mettre cela en ligne. En effet, je ne maîtrise pas totalement ce dont je parle et j’ai peut-être fait n’importe quoi… J’expose donc maintenant la méthode utilisée. Je démarre d’une matrice d’adjacence, nommée “mat”, qui indique “qui participe à quoi” :
E1 E2 E3 E4
P1 1 0 1 0
P2 1 1 0 0
P3 0 1 0 1
P4 0 0 0 1
P5 0 0 0 1
P6 1 1 1 0

Dans laquelle E1 est l’événement n°1, P1 la personne n°1 (qui ici, participe à E1 et E3).
Dans le logiciel R, le package “vegan” dispose d’une commande :
b< -commsimulator(mat, method="quasiswap")

Methods quasiswap and backtracking are not sequential, but each call produces a matrix that is independent of previous matrices, and has the same marginal totals as the original data.

Cette commande permet de générer des matrices qui ont les mêmes marges que les matrices de départ (ce qui fait que chaque événement aura le même nombre de participants et chaque personne participera au même nombre d'événements).

Suites : Voici un synthèse du nombre de composantes après avoir généré 1000 réseaux aléatoires :

La probabilité de tomber sur un réseau à 60 composantes (avec les contraintes de départ) est donc bien faible.

Sociologie statistique de la religion

Après avoir, depuis deux ans et demi, recueilli quelques 150 affiches différentes présentant des “Grandes croisades” évangéliques organisées par des pasteurs noirs, en région parisienne, me voici avec une base de données amusante à manipuler.
Les personnes photographiées ou mentionnées sur les affiches revendiquent des titres (“pasteur”, “bishop”, “maman”…). Ces titres sont associés à des caractéristiques qui ne sont pas aléatoirement distribuées : les femmes, par exemple, sont plus souvent “invisibles” (mentionnées mais pas photographiées). Certains titres sont associés de manière intense avec “tenir une bible dans la main” ou avec “tenir un micro”.
J’ai en tête que ces représentations peuvent, indirectement, être liées à une hiérarchisation interne du monde des “églises africaines”.
Une petite “analyse par clusters” donne ceci :

Apparemment, les détenteurs (et détentrices) d’un titre indiquant une position cléricale (de “évangéliste” à “pasteur”) sont relativement proches entre eux. Un groupe féminin et laïque (maman… servante) se différencie du premier. J’avais cru voir, sur les affiches, les “mamans” en position dominante (mais il s’avère qu’elles sont moins souvent visibles, qu’elles n’ont ni bible, ni micro)…

Et une analyse en composante principale donnerait ceci :

J’ai bien envie de conclure que ces affiches permettent assez bien de comprendre certains des principes de hiérarchisation d’un monde, celui des églises évangéliques et pentecôtistes dirigées par des pasteurs noirs, qui se présente avant tout comme un monde de petits entrepreneurs religieux individuels.

Quelques courbes de niveau

Sur la carte suivante, chaque point représente le lieu de réunion d’une “église d’expression africaine” :

Cette série de points montre la dispersion, mais ne permet pas de repérer “immédiatement” une sorte de centre. Ce que fait la carte suivante, à lire comme des courbes de niveau. Il y a peut-être des espaces “inégalement religieux”.

Mais que trouve-t-on donc au centre ? Des églises plus anciennement implantées ? des “grosses” églises qui attirent, comme un supermarché des petits concurrents différenciés, d’autres églises, plus petites, qui tentent de capter le public… ?
Ces cartes ont été produites à partir de cet exemple de cartographie du crime à Houston, TX.

Zotero, outil collaboratif ? (Utiliser Zotero, 2)

Au coeur de l’été dans Paris assoupi, je termine un manuscrit (et j’aurai prochainement besoin de relectrices sociologues). Pour ce texte, j’utilise maintenant quotidiennement zotero et Dropbox : j’écris en effet un texte sur deux ordinateurs, et j’ai besoin d’un suivi automatique des versions.
Zotero me semble moins buggué maintenant et fort utilisable. J’ai donc souhaité passer à l’utilisation d’autres fonctions offertes par le logiciel bibliographique, en créant un “Group Library” (Bibliothèque groupée). Cette bibliothèque porte sur les églises noires en France et ne contient pour le moment qu’une trentaine de références. Certaines sont très récentes, comme la thèse, touffue, de Sarah Demart.
Ce groupe est joignable et, je pense, éditable par les personnes à qui je donnerai certains privilèges. Chaque référence que ces personnes entreront dans la “bibliothèque groupée” se retrouveront ajoutées automatiquement à ma base bibliographique (utilisable directement dans Word quand j’écris). La “veille documentaire” pourrait ainsi être collaborative.
On verra bien ce que cela donnera… Cela devrait être plus utile dans d’autres domaines (la “sociologie de l’émotion” par exemple, a un groupe bien actif).