Categories

Archives

Archives de la catégorie : 'sexualité'

L’ordinaire

Je suis très heureux de pouvoir annoncer la publication de L’Ordinaire de la sexualité, que j’ai coordonné avec Marion Maudet.
Cet ouvrage de la collection « La Vie des Idées » aux Presses universitaires de France, est composé de cinq chapitres rédigés par Yaëlle Amsellem-Mainguy, Arthur Vuattoux, Céline Béraud, Delphine Chedaleux, Cécile Thomé, Catherine Cavalin, Jaércio da Silva, Pauline Delage et d’un entretien avec Isabelle Clair.
Pour en savoir plus, vous pouvez lire un extrait de l’introduction sur le site de la Vie des Idées.

À rebours d’une sociologie des pratiques sexuelles qui s’est souvent intéressée à la marge ou à ce qui apparaissait comme extraordinaire, le postulat de cet ouvrage est d’étudier les pratiques à l’aune de l’ordinaire sexuel. L’ordinaire, ce qui est « conforme à l’ordre », « ce qui n’a aucun caractère spécial », en matière de sexualité, ce sont des désirs, des apprentissages, mais aussi des violences, des productions culturelles et médiatiques, des injonctions normatives produites par des institutions.
Car les pratiques sexuelles sont, toujours, sociales.

Colette et Georges

Colette est abandonnée dix jours après sa naissance, en mars 1917, et c’est une amie de sa mère qui la dépose au Service des enfants assistés de la Seine. Une seule demande : que la petite soit baptisée.

Colette, devenue pupille de l’assistance publique, est envoyée à la campagne, dans la Sarthe, comme de nombreux enfants assistés à l’époque. Vers 13 ans, elle est placée comme « aide de culture », chez Madame Boitard. Et c’est là que nous la retrouvons, à seize ans, en octobre 1933.
Moretti, le directeur de l’agence locale, signale au Service des enfants assistés de la Seine que Colette « se trouve en état de grossesse de 6 mois 1/2 environ ». Le père est un ancien enfant assisté : il sont nombreux, dans la Sarthe. C’est donc une affaire interne au Service, même si Georges est majeur.

Je cite Moretti :

Cette pupille désigne comme séducteur l’ex-pupille N… Georges, né le 8 … 1911, n°22…., avec lequel elle avait entretenu des relations intimes au mois d’avril dernier pendant une permission de détente


… mais peut-être lisez-vous « aurait entretenu des relations »…

Georges, selon Moretti, a « certifié qu’il fréquentait la pupille Colette au moment de ses permissions mais qu’il n’avait jamais entretenu de relations coupables avec elle ».
Affaire classée non ? Sans relations coupables ni relations intimes, comment Georges pourrait-il être concerné ?
Et Moretti n’est pas dupe : Georges « s’est toujours montré excellent sujet. »


On appréciera le « je ne suis pas éloigné de croire », qu’il faut comprendre comme un « c’est lui qui a raison ». Car après tout, on le sait, les excellents sujets, même « d’intelligence un peu bornée » n’ont jamais de relations intimes et coupables.
En plus Madame Boitard est du même avis : sa domestique est d’une imagination débordante et trop « féconde » (sic), elle s’imagine des séducteurs, et hélas, sa conduite « laisse fort à désirer ». Non seulement elle sort, mais « elle fut surprise dans sa chambre, au mois de juillet dernier, en compagnie du domestique de la ferme. » Autant dire qu’on l’a échappé belle, on aurait pu croire à la vérité des déclarations d’une jeune fille de seize ans, enceinte. Et bien sûr, « ni lettre ni document » ne viennent prouver ce qu’elle raconte.

Et la présomption d’innocence ? Mais nous ne sommes pas en 2024, nous sommes en 1933.

Moretti organise une confrontation le mois suivant, en novembre 1933 donc. Cette confrontation, est-il désolé de l’écrire dans son rapport, « n’a pas permis de déceler le bien fondé des accusations portées par la pupille ». Alors certes, Georges a bien « accompagné Colette dans la nuit du 2 au 3 avril 1933 au retour de la fête du Port-Gauthier » mais « il n’a entretenu avec cette dernière aucune relation coupable ». Au dessus de tout soupçon, Georges ! Qui détourne l’attention du directeur vers « d’autres jeunes gens de la région » que Colette « fréquentait ».

« Dans ces conditions » il ne peut bien entendu pas « prendre la responsabilité d’une paternité qui ne lui appartient pas » conclut Moretti. Pauvre jeune homme accusé sans raison par une domestique à l’imagination trop féconde !

Et Colette s’effondre : pendant cette confrontation elle s’avère « beaucoup moins affirmative ». Moretti cherche à tout prix la vérité, mais « malgré [s]on insistance », malgré toute son insistance, elle ne peut apporter « aucune précision d’heure ni de lieu où l’acte s’est accompli ». Pourtant cela aurait été si intéressant, de savoir où et quand, précisément. Colette « maintient seulement que [Georges] avait été le dernier avec lequel elle a entretenu des relations intimes ».

Si Georges est « le dernier », c’est qu’il y en a eu d’autres. Moretti en conclut qu’il faut en rester là. Il lui parait « difficile » d’aller plus loin. Une accusation farfelu contre un « excellent sujet ».

Fin de l’histoire :

Pas tout à fait.

Moretti le 15 janvier envoie une nouvelle lettre à Paris : Colette a accouché d’une petite fille, Huguette. Elle n’abandonne pas sa fille mais la place en nourrice, et reçoit une allocation « à titre de secours préventif d’abandon ».

Un mois plus tard, Moretti envoie encore une lettre. Il a apparemment changé d’avis sur Georges. Ce dernier « qui avait été désigné comme séducteur et qui n’avait pas accepté de prendre à sa charge la paternité de l’enfant a, sur mes instances, consenti à réparer sa faute en contractant au début du mois d’avril prochain, un mariage avec la pupille. Il reconnaîtra l’enfant dans les formes légales. »

Moretti aime se mettre en avant. On ne sait pas ce qui lui a fait abandonner son incrédulité. Mais désormais, pour lui, Georges est bien le père de la petite Huguette.

Georges demande Colette en mariage, mais cette dernière, mineure, a besoin de l’autorisation du Service des enfants assistés afin de pouvoir se marier. Dans une dernière lettre, en mars, un mois avant la date prévue du mariage, Moretti transmet donc une demande d’autorisation. Dans laquelle il résume l’affaire :

Colette est jugée désormais « assez intelligente et assez active au travail ». Et Georges, lui, était « excellent élève, économe et stable dans ses placements ».

Moretti « transmet donc un avis très favorable à la demande de ces jeunes gens », même si, à aucun moment, il n’indique que Colette a reçu favorablement la demande en mariage de son « séducteur ».

Le mariage a lieu en avril 1933.

 

Source : Archives de Paris, D5X4 3494

É. Dubreuil

Élisa Dubreuil est née en janvier 1874 à Iffendic, en Ille et Vilaine. Son père est laboureur. En 1901, la jeune femme aux yeux gris est domestique, et elle épouse François Delalande, né en 1872, cultivateur, 1m61, cheveux bruns et menton ovale. Ils vont habiter à Monterfil, et on les retrouve dans le recensement de 1901 (un petit ménage de deux personnes). En 1906 il accueillent un “enfant assisté”, Georges Roussard né en 1902. En 1911, le recensement indique qu’ils ont deux domestiques, Georges Roussard né en 1902 (l’enfant assisté est devenu domestique, à 9 ans), et Mathilde Orain, née en 1894 à Rennes.

François Delalande, que ses contemporaines jugent idiot, faible d’esprit ou avec « la tête un peu drôle », avait quand même été jugé « propre au service » militaire en 1893. En 1896 il reçoit un certificat de bonne conduite et passe dans l’armée de réserve, puis dans l’armée territoriale. Il est rappelé sous les drapeaux en août 1914, à quarante-deux ans. Il sert jusqu’à octobre 1915, mais dès mars 1915, il est évacué pour « débilité mentale », hospitalisé au Val de Grâce, puis dans divers hôpitaux, pour enfin être réformé en octobre 1915.

Il rentre alors dans son foyer, où, pendant plusieurs mois, Élisa Dubreuil, femme Delalande, a vécu sans lui.

En 1917, Élisa quitte le domicile conjugal en laissant un mot sur la table. Elle avait demandé, depuis un certain temps, à pouvoir porter « le costume masculin ». Les témoignages de l’époque la décrivent comme « grande, solidement bâtie » (elle fait d’ailleurs 1m66, elle est plus grande que son époux), dure à la tâche, contribuant fortement à la prospérité de la ferme. Les voisins disent aussi qu’elle a alors « la figure d’un homme, les bras et la force d’un homme. Entre nous, on en parlait. Mais, puisqu’ils s’entendaient bien tous les deux, François et elle, puisqu’ils vivaient tranquilles et heureux, pourquoi aurions-nous dit quelque chose. C’est leur affaire, à eux tout seuls, pas vrai. »

Au maire du village, pour justifier le droit de porter blouse et paletot, elle avait indiqué être un homme. Face à son refus, il [je vais genrer Élisa au masculin maintenant] avait demandé au docteur de Caze, médecin à Plélan, un examen. De Caze a beau indiquer qu’É. Dubreuil présente « tous les caractères du sexe masculin », le maire refuse : seuls les hommes ont le droit de porter blouse et paletot, et pour devenir homme, il faut un jugement du tribunal civil. Dubreuil demande donc au tribunal civil de Montfort une rectification de son état civil et un changement de prénom : Élie en lieu et place d’Élisa. L’audience a lieu le 20 juillet 1917, au cours de laquelle l’examen médical du docteur de Caze fait preuve : « ses organes sexuels, bien que peu développés, sont cependant complets ». Le 23, É. Dubreuil devient officiellement homme, sans obtenir toutefois le changement de son prénom.

Le mariage est ensuite annulé, sur demande de François Delalande, en raison de ce changement de sexe, par un autre jugement [texte complet du jugement ici].

Mais, devenu homme (et homme célibataire) en pleine guerre, É. Dubreuil est incorporé, dès août 1917, au 41e régiment d’infanterie, sous le prénom d’Élie. Il n’y reste pas longtemps : il est réformé dès le 30 août pour « atrophie testiculaire très prononcée avec ectopie à droite hypospadias avec pénis rudimentaire ».

François Delalande, devenu lui aussi célibataire, se remarie en avril 1918 avec la fille de la voisine, Célestine Salmon : elle a 27 ans, il en a 45, et leur union donne un fils, né dix mois plus tard, en janvier 1919. Il décèdera malheureusement l’année suivante. En 1921, François et Célestine ont un domestique. En 1936, le couple réside seul.

É. Dubreuil lui aussi se remarie, et ce mariage a même lieu deux semaines avant celui de son ex-époux. En avril 1918, il épouse, à Rennes, Adèle Orain, née en 1894 à Rennes. L’acte de mariage, c’est une particularité, souligne le prénom Élisa. Signe, sans doute, du refus de la mairie d’utiliser le prénom Élie sous lequel É. Dubreuil voulait être connu. Mais qui est Adèle, épouse Dubreuil ? Il est très probable que ce soit « Mathilde » Orain, l’ancienne domestique du couple Delalande-Dubreuil : seule une « Orain » naît à Rennes en 1894.

Quelques articles de journaux (ceux qui ont pour origine une dépèche de l’Agence radio), en 1917, invitent à conjoindre Mathilde et Adèle. « Leur bonne a mis au monde un enfant de père inconnu » (vers 1916, il aurait été conçu lors de l’absence de François Delalande) et certains journalistes écrivent qu’É. Dubreuil affirme être le père et vouloir l’annulation de son mariage pour « convoler avec sa bonne, qu’elle avait séduite alors qu’elle était sa patronne ». Ces articles datent de juin ou juillet 1917, avant même le jugement et le remariage. Mais je n’ai pas trouvé trace d’un enfant né, entre 1914 et 1917, de père inconnu et d’une mère nommé Adèle ou Mathilde Orain, dans les villages situés à proximité de Monterfil (ni à Rennes)… cet enfant existe-t-il vraiment ?
[Adèle Orain, née au 56 rue Saint Hélier en 1894 semble être prénommée Marie lors du recensement de 1896]

Je perds ensuite la trace du couple Dubreuil-Orain. Je ne les ai pas retrouvé dans le recensement de 1921. Le registre matricule d’Élie Dubreuil indique, si je lis bien, qu’il est « [.ill.] domestique chez Evain, cultivateur à Breteil », mais si j’ai retrouvé Evain dans les recensements, je n’ai pas trouvé Dubreuil.

Documents :

Presse :

Juin :

Juillet

Août :

Septembre :

Sex-shops, une histoire en ligne

Il y a quinze ans paraissait, en avril 2007, mon premier ouvrage, Sex-shops, une histoire française, publié par les éditions Dilecta. Cet ouvrage, auquel avait participé Irene Roca Ortiz, alors étudiante en master à l’Université Paris V est désormais disponible, en accès libre, sur Hal, en version pdf : il avait quasiment fini sa carrière en librairie et je remercie vivement les éditions Dilecta de m’avoir autorisé à le mettre en ligne.

Je pourrais faire un bilan. Premier bilan : replacer, par exemple, mon texte dans un ensemble de travaux d’histoire et de sociologie des sexualités. En 2003-2004, quand je commence à m’intéresser à ces magasins, il y avait moins de travaux qu’aujourd’hui. Mais je n’étais pas précurseur : il y avait plein d’études et de travaux. De nombreux champs (sociologie de la prostitution, sociologie des pratiques sexuelles, etc…) étaient bien défrichés. Il y avait peu d’enquêtes sur le petit commerce et les petits commerçants, et c’est encore le cas aujourd’hui. Deuxième bilan : si j’avais à réécrire le texte, je n’écrirais pas tout à fait la même chose. J’ai découvert d’autres archives après la fin de la rédaction du livre (et j’ai publié quelques articles à partir de ces archives, dont la liste est ici). J’ai fait d’autres lectures, et puis je suis passé à autre chose. Troisième bilan : quand l’ouvrage est rédigé, il y a près de 130 sex-shops à Paris. En 2020 il en restait, selon la BD-COM de l’Apur, 69. Un petit commerce en déclin, donc.

La mise en ligne de Sex-shops va peut-être donner une deuxième carrière à l’ouvrage : il est maintenant beaucoup plus facile d’accès. Il reste disponible à l’achat en librairie, et il ne faut pas hésiter à l’acheter : c’est un bel ouvrage, au papier soyeux couleur ivoire et à la mise en page soignée.

Hétéro ?

Vous parcourez peut-être ces lignes parce que vous venez de lire le billet publié dans Le Monde, dans le cahier « Science & Médecine » du mercredi 15 décembre 2016, et que vous avez voulu en savoir un peu plus ?
Pour écrire cette chronique, je me suis principalement appuyé sur l’ouvrage de Jane Ward, professeure à l’Université de Californie, Not Gay. Sex between Straight White Men. L’ouvrage repose sur un paradoxe : l’existence d’interactions sexuelles, génitales, entre hommes hétérosexuels. Je vous invite — si vous lisez l’anglais — à lire son livre.
Ward est loin d’être la seule à étudier ainsi l’hétérosexualité masculine. C’est ce que faisait en partie George Chauncey, dans Gay New YorkBud-Sex: Constructing Normative Masculinity among Rural Straight Men That Have Sex With Men».
Toutes ces études montrent par l’exemple que les frontières sociales et symboliques entre homosexualité et hétérosexualité donnent naissance à des pratiques de “boundary crossing” (de traversée des frontières), de “boundary blurring” (de floutage des frontières) et de “boundary brokering” (de négociation des frontières)…
En envoyant la chronique au journal, j’ai demandé un commentaire à Mathieu Trachman. Parce que sa lecture aide à mieux comprendre mon texte, je la reproduits ci-dessous

Tu prends la question des frontières pour monter en généralité, c’est une bonne idée, mais ensuite tu insistes plus sur les processus de catégorisation. La référence à l’actualité est tentante, elle tend sans doute à mettre en regard de situations plutôt différentes (frontières de l’espace public, frontières entre groupes sexuels,
rapport clivé à soi-même…). Par exemple, partir du triptyque pratique / attirance / identification et de ses non recoupements serait plus simple, mais moins accrocheur…

D’une certaine manière, ce qui est premier, ce ne sont pas les frontières, c’est le soupçon d’homosexualité – ce qui permettrait de faire allusion implicitement à toutes les rumeurs circulant sur l’homosexualité de tel ou tel personnage public ?

Ces hommes jouent avec les catégories si tu veux, ils les reconduisent largement : j’insisterai plus sur le genre et la masculinité, dans un contexte où les pratiques sexuelles entre hommes sont spontanément codées comme une identité ou un désir profond. Et l’homosexualité ne se définit pas uniquement par des actes, une identification, c’est sans doute aussi des codes, une culture… Ce qui est aussi présent chez Chauncey.

Je parlerai moins d’excuses (ce qui pourrait laisser entendre qu’ils sont “en fait” gays ou qu’ils n’assument pas leurs désirs) que de justifications que le système sexuel et sexué impose, qu’ils le veuillent ou non. De plus, c’est difficile de saisir si la prolifération des catégories est un effet de ce système ou une manière plus juste et plus précise de saisir des identifications et des désirs.

Toutes ces remarques sont extrêmement pertinentes, notamment parce qu’elles pointent la complexité des catégories d’orientation sexuelle, faites de culture, de désirs, d’opportunités, de contraintes, d’identification, de pratiques, de genre… Mais en 3700 caractères (la taille de la chronique), il est était difficile de déployer toutes ces dimensions. D’où ce petit billet.

Masculinités : l’homme pluriel

Il y a quelques jours se tenait à l’INED une journée d’études sur les socialisations masculines, autour d’un des derniers numéros de la revue Terrains & travaux.
Les intervenants ont discuté des formes que pouvaient prendre la masculinité… ou plutôt les masculinités. Car comme l’écrit Nicolas Journet, masculinités s’écrit désormais au pluriel. Oh, certes, on trouve souvent de la masculinité, mais, de manière croissante, aussi, des masculinités. Et c’est là — en partie — que l’étude de la féminité diffère de l’étude de la masculinité. De maigres indices, mais des indices concordants,

    Sur cairn.info

  • “masculinité” : 3085
    “masculinités” : 317
    (soit 10% des occurrences au singulier)
  • “féminité” : 5071
    “féminités” : 166 :
    (soit 3% des occurrences au singulier)
    Et sur Google Scholar :

  • “masculinité” : 20200
    “masculinités” : 2420: 12%
  • “féminité” : 32400
    “féminités” : 802: 2,5%

Masculinités est beaucoup plus souvent au pluriel que féminités, alors que c’est l’inverse pour les formes singulières de ces deux mots.

On peut sans doute dater assez précisément le dépassement des féminités par les masculinités (là encore, un indice nous est donné par la base google ngram) :

ngram-masculinites

C’est au milieu des années 1990 qu’en France, l’on invente les masculinités. L’on ne mettra “féminité” au pluriel que quelques années après, sans que cela prenne vraiment. Féminités n’est pas la version féminine de masculinités : il y a une spécificité des usages pluriels, nombreux, variés, fréquents, de “masculinités”.
L’influence majeure, sans doute, est l’ouvrage “Masculinities” de R. Connell, publié à l’origine en anglais en 1995. On voit aussi cela sur google-ngram :
ngram-masculinities
Mais dans la langue anglaise, femininities n’a jamais vraiment été utilisé, en tout cas moins qu’en français. On remarque quelques usages, probablement dérivés des “masculinités”, car quand on se met à parler des masculinités, il devient compliqué de parler de “la” féminité, mais ils sont peu nombreux.

Quelques idées de cadeaux

En 1896 Charles Delbret, dit Claverie, est entendu par un juge, Monsieur Espinas. Claverie, en effet, ne vendait pas que des Bas élastiques pour varices, mais aussi des Appareils spéciaux pour l’usage intime des deux sexes. Et ça, ça pouvait parfois poser quelques petits problèmes, que la justice était chargée de résoudre.
onanisme-0
Et il éditait un catalogue. L’on y trouve quelques idées de cadeaux (pour elle comme pour lui, car, en 1896 déjà, les cadeaux étaient genrés).
onanisme-1
ou encore
onanisme-2
Je comprends qu’il soit difficile, à quelques jours de Noël, de commander par correspondance de tels jouets. Mais le magasin est ouvert ! (Même les dimanches et fêtes, car en 1896, on était socialiste moderne : pas de vacances, pas de congés payés, pas de sécurité sociale…)
onanisme-3
Et n’ayez pas peur, les “clients répondant à un sentiment fort compréhensible désir[a]nt ne pas être vus en rentrant chez nous” ont la possibilité d’utiliser une “entrée particulière”.
Les vitrines du magasin, en effet, suscitaient parfois l’amusement des passants, comme l’indique ce rapport de surveillance policière : « à différentes reprises on a pu constater que des passants s’arrêtaient devant sa porte et se montraient en riant des articles spéciaux en caoutchouc et en baudruche d’un usage trop intime pour être publiquement exhibés. »
onanisme-4
Des articles spéciaux en caoutchouc ? Comme ceux-ci peut-être : des “excitateurs”…
onanisme-5
Décidément, nos arrières-arrières-grands-parents avaient le choix au moment de Noël.
onanisme-6

S’il est compliqué de se déplacer jusqu’en 1896, il est toujours possible, aujourd’hui, de visiter la Maison Claverie, toujours située au 234 Faubourg Saint Martin.
onanisme-7

Source : Archives de Paris, D2U6 110, Delbret. C’est le travail de Maxence Rodemacq (L’industrie de l’obscénité. Commerce pornographique et culture de masse à Paris (1855 – 1930), Univ. Paris 1, dit. Kalifa) qui m’a dirigé vers ce dossier de procédure.

L’eurovision, bonne à penser ?

[un texte, écrit en 2011, inachevé]

L’Eurovision, bonne à penser ? Pour différentes raisons, une quarantaine de chercheurs, en sciences sociales principalement, répondent par l’affirmative. Certains commencent même à s’organiser en « Eurovision research network » (http://www.eurovisionresearch.net/).
Mais bonne à penser quoi ? L’Eurovision n’est, a priori, qu’un concours télévisuel de chansons « inauthentiques » : leur réunion n’est due qu’à un processus bureaucratique, la nécessité depuis 1956 pour l’Union Européenne de Radiodiffusion de promouvoir ses activités principalement techniques. L’Eurovision n’est même pas bonne à penser le succès de la chanson de variété : si des groupes comme ᗅᗺᗷᗅ (lauréat en 1974 pour la Suède) ou des chanteuses comme Céline Dion (Suisse, 1988) y ont connu leurs débuts, elles sont bien rares, sur les quelque 1100 chansons ayant concouru, celles à avoir marqué la culture européenne.

L’intérêt des chercheurs réside plutôt dans ce que produit aussi l’Eurovision : des données statistiques et une réception multiple.

L’architecture du concours produit chaque année une série de données complexes dont la forme est relativement stable d’une année sur l’autre (les changements dans le règlement introduisant quand même régulièrement des modifications dans le système de vote). Ces données, ce sont les votes des pays pour d’autres pays (et leur chanson), c’est-à-dire des manifestations agrégées du goût musical.

Ces données donnent matière à de nombreuses interrogations sur la qualité des produits. Le caractère régulier et formaté de l’épreuve et la relative similitude dans le temps des participants rend possible la manifestation d’un jugement de goût conçu implicitement comme sous-jacent à d’autres éléments.
Le paradoxe est en effet qu’à l’Eurovision, il apparaît qu’on ne vote pas véritablement pour la « meilleure » chanson : il est possible de déceler les biais qui limitent le succès total de la « meilleure » chanson.

Passons en revue ces « biais ».

L’épreuve proposée, bien qu’assurant formellement une égalité de traitement (chaque chanson est limitée à trois minutes), révèle des entorses faites à l’égalité : le pays organisateur y est souvent favorisé, recevant un peu plus de votes que prévu. La prime à l’organisateur est estimée à trois points supplémentaires par votant.
Bien que le rang de passage de chaque artiste soit sélectionné au hasard, passer en tout premier ou passer à la fin de l’émission permet de recevoir plus de votes et donc de gagner quelques places au classement final. Cet effet a été accentué par une modification intervenue à la fin des années 1990 : l’abandon du vote par panel de spécialistes et le passage au vote du public (par téléphone ou SMS) [Clerides & Stengos, 2006; Haan et al., 2005]. Le public, appelé à voter pendant quelques minutes, semble mieux se souvenir des chansons qu’il vient d’entendre. Au cours des 31 dernières années, en moyenne, le rang final des 2 chansons qui suivent la première est 14, celui des trois dernières est 10, soit un gain de 5 places.

L’existence de votes par affinités est sans doute l’élément le mieux mis en lumière par de nombreux articles, qui s’appuient sur la mise en scène des votes, où des pays votent pour d’autres pays (et non pas des individus pour des chanteurs, ou un panel pour une chanson). « Sweden, twelve points » a pu déclarer le Danemark à plusieurs reprises. L’ensemble des votes (et des non-votes, les fameux « France, zero point », jamais prononcés) se conçoit alors comme l’analogue de déclarations d’amitié « entre pays ». Les nombreux articles publiés sur ce thème s’accordent grosso modo sur l’existence de cliques, ou de relations favorisées entre pays, qui vont évoluer avec le temps. Dans les années 1980 et au début des années 1990, Yair [Yair, 1995; Yair & Maman, 1996] repère des blocs, l’Europe du Nord (Danemark, Suède, Finlande, Norvège…) s’opposant à l’Europe méditerranéenne (comprenant entre autres Israël, la Turquie, la Grèce et l’Italie). Les études plus récentes, effectuées après l’entrée dans l’Eurovision des pays d’Europe centrale issus de la décomposition des démocraties populaires, mettent en évidence d’autres cliques : balkaniques ou autres.

Les votes des trois dernières années du concours (2008, 2009 et 2010) peuvent être représentés de manière synthétique sur les cartes suivantes. Les traits noirs représentent les votes « 10 points » et « 12 points » reçus ou donnés. La couleur des légendes des pays est issue d’un algorithme de recherche de « communautés » . En 2008, quand le concours se tient en Serbie (et que la Russie gagne), tout comme en 2009 (quand la Norvège gagne), l’ancienne Yougoslavie apparaît encore fortement liée.

Figure 1 : en 2008
reseau-carte-2008

Figure 2 : en 2009
reseau-carte-2009
En 2010, l’Allemagne arrive à recueillir suffisamment de votes (principalement de ses voisins) pour remporter le concours.

Figure 3 : en 2010
reseau-carte-2010
Comment comprendre ces « blocs » ? La proximité géographique joue un rôle (des pays qui partagent des frontières semblent préférer leurs chansons aux autres), des langues proches, une communauté de religion aussi. Certains essaient d’identifier le poids du vote des diasporas émigrées, principalement en prenant en compte la taille de la population turque dans différents pays d’Europe.

L’ensemble de ces travaux essaie donc d’identifier des « biais » à l’évaluation de la « qualité » des œuvres chantées. Une fois tous ces biais mesurés, certains [Clerides & Stengos, 2006] proposent un classement « contrefactuel », en neutralisant l’effet des biais. La « qualité » est alors ce qui reste, une fois annulés les effets structurels (du rang) et effacées toutes les attaches sociales entre pays. De ces articles se dégage alors une conception implicite du goût, qui pourrait être une forme nette, et non pas la manifestation d’une forme d’encastrement. Peut-on vraiment « aimer » une forme pure, une chanson qui ne serait que la forme d’une chanson ?

Cette tentative pour détacher les chansons des ancrages sociaux n’est pas seulement réalisée par des chercheurs. C’est aussi une stratégie suivie par les producteurs eux-mêmes. La stratégie est double :
1- Elle consiste d’un côté à choisir des formes perçues comme générales : l’anglais, ainsi, devient la langue de chant indépendamment de la langue vernaculaire des pays (19 des 24 finalistes chantaient en anglais en 2010). Ce choix avait été précédé par l’usage, peu fréquent mais mémorable, de langues fictives, pour la totalité de la chanson (comme deux chansons belges Sanomi et O Julissi et une chanson néerlandaise Amambanda dans les années 2000) ou pour les refrains : La, la, la, Diggi-Loo Diggi Ley, Boom Bang-a-Bang, Ding-A-Dong ou A-Ba-Ni-Bi.
2- Elle consiste aussi, à l’inverse, à utiliser des formes identitaires nationales formelles (costumes régionaux, patois ou dialectes) héritées des constructions nationales du XIXe siècle. Ces formes sont détachées des contraintes quotidiennes (personne ne porte de costume national sauf en situation de représentation), mais inscrivent les candidats dans l’espace de la « world music ». Que des candidats français chantent en des langues minoritaires, breton en 1996, corse en 2011, participe de ce mouvement de détachement.

Un spectacle « kitsch » ?

Ces pratiques de détachement soutiennent les accusations de kitsch portées à l’encontre de l’Eurovision : ce spectacle n’a rien d’authentique et ne pourrait être apprécié qu’au second degré. Dans le champ des cultural studies, cette accusation a été placée au centre de plusieurs articles [Allatson, 2007; Baker, 2008; Coleman, 2008; Georgiou, 2008] qui examinent l’attitude ironique des consommateurs d’Eurovision. C’est que la musique de variété n’a pas, contrairement à d’autres styles musicaux, connu de processus de légitimation et qu’il semble difficile (aux personnes interrogées par ces chercheurs) d’en parler autrement qu’ironiquement.

En sociologue, et s’intéressant moins aux discours qu’aux pratiques, Philippe Le Guern [Le Guern, 2007] s’intéresse à la « faute de goût » en se penchant sur une association française de fans de l’Eurovision. En passant de l’autre côté de la barrière, il nous fait comprendre comment les associations de fans contribuent à produire l’événement lui-même. Ainsi l’Union Européenne de Radiodiffusion, l’organisateur de l’événement, sous-traite auprès d’associations nationales de fans la diffusion des billets permettant d’accéder à la salle de spectacle. Une partie du temps de travail des organisateurs du concours est consacrée à la gestion des contacts avec les fans.
« En résumé, l’attention accordée aux fans par l’équipe organisatrice peut s’expliquer par le sens des intérêts bien compris : d’une part, le Concours souffre d’un déficit de légitimité au sein de l’UER même si sa visibilité médiatique est incontestable ; il est considéré selon l’expression de l’un de ses responsables comme « un mal nécessaire ». Or, les fans constituent un public particulièrement actif et leur seule présence confère un statut particulier à la manifestation (…) Leur implication donne du sens au Concours. D’autre part, leur érudition en matière de chansons et d’Eurovision les désigne tout naturellement comme des experts auxquels l’UER et les chaînes de télévision peuvent faire appel : certains préparent les fiches des commentateurs » [Le Guern, 2007, p.244]
Pour certains fans, donc, l’activité est très sérieuse.

Le spectacle n’est pas kitsch pour tout le monde. Raykoff [Raykoff & Tobin, 2007] souligne ainsi que le degré d’engouement national pour l’Eurovision varie en raison inverse de l’ancienneté de présence dans le concours, les « anciens » (qui sont aussi ceux qui participèrent au Traité de Rome mettant en place l’Europe politique) étant moins enthousiastes que les « nouveaux » issus des élargissements progressifs ou du passage des démocraties populaires aux démocraties libérales. « Countries that joined the EU in the 1980s (Greece, Spain, and Portugal) and 1990s (Austria, Sweden, and Finland) still show a fair amount of enthusiasm for the ESC, but they are often outdone by East European countries emerging from a half-century of political, economic, and social isolation. »
Prendre au sérieux l’Eurovision, c’est, si l’on suit le raisonnement jusqu’à ses limites, affirmer sa place citoyenne dans l’Europe contemporaine.

3816886529_6b12654f28
Photo visiticeland@hotmail.com, licence Creative Commons

Un raisonnement similaire est parfois utilisé pour rendre compte de l’engouement manifeste de certains homosexuels pour l’Eurovision. Les groupes, les chanteurs et les chanteuses ont depuis une trentaine d’années multiplié les allusions à l’homosexualité (de manière explicite récemment), mais ce n’est pas uniquement cet aspect qui intéresse les chercheurs. Robert Deam Tobin [Raykoff & Tobin, 2007] écrit ainsi que la popularité de l’Eurovision au sein des « communautés queer » (lesbiennes, gays, bisexuelles ou trans) a quelque chose à voir avec le « sentiment de citoyenneté alternative » offert par ce spectacle, qui est soutenu par une organisation européenne transnationale, l’UER.
« While gays, lesbians, bisexuals, and transsexuals may have earned the right to distrust the nation state, they have increasingly found an ally in the new supranational structures of Europe. Various pan-European political institutions have been a driving force in whatever progress has been made in this situation of queer people in Europe. »
Le soutien des revendications des minorités sexuelles est devenu une partie de l’identité européenne et permettrait de comprendre l’affinité entre homosexualité et Eurovision, qui n’est pas qu’une affinité culturelle.

Sur cette photo prise lors de la « Amsterdam Pride », la chanteuse photographiée est arrivée 15e au concours de l’Eurovision en 1966.

Selon Dafna Lemish [Lemish, 2004], il est possible d’y voir l’équivalent homosexuel de la coupe du monde de football : « the ESC is to gay men what sport events are to heterosexual men, as several interviewees stated », l’occasion d’une soirée amicale devant la télévision, voire, en cas de succès national, de fête publique. Mais l’engouement homosexuel (s’il existe) semble se réaliser sous une forme qualifiée de « camp », terme anglais pouvant être défini comme un engagement avec la marginalité culturelle réalisé avec une intensité plus importante qu’habituellement requise, un choix conscient mais quelque peu distancié pour le mauvais goût (un « rapport savant » aux « cultures populaires »). La légitimité n’est jamais entièrement du côté de la consommation d’Eurovision. Ainsi les fans étudiés par Philippe Le Guern, s’ils sont presque tous homosexuels, sont aussi très souvent issus des fractions populaires des classes moyennes, la posture camp révèlerait ici autant la position des agents que celle des produits culturels dans l’espace social et dans l’espace des produits culturels :

« On ne peut (…) pas totalement comprendre la passion qu’éprouvent certains fans si on ne la
met pas en relation avec l’appartenance de classe ou la trajectoire culturelle : on le voit bien, lorsqu’ils se situent socialement et lorsqu’ils situent leurs goûts, c’est autant par rapport à l’ensemble de la société qu’en se référant à un espace déterminé par l’appartenance homosexuelle ; or, ils décrivent cet espace à la fois comme une communauté de destin mais aussi comme un espace où (…) le rapport à la culture n’est pas nécessairement plus égalitaire ou moins hiérarchisé. » [Le Guern, 2007, p.259-260]

Conclusion

Le caractère récurrent et régulier du concours télévisuel, diffusé depuis 1956, la stabilité de ses formes, en font un objet aisément utilisable par les sciences sociales. Un objet aux facettes multiples qui n’a, pour l’instant, pas été constitué comme « phénomène social total » malgré ses évidentes dimensions juridiques, culturelles, sociales ou économiques. D’un côté inscrit dans la culture populaire comme un spectacle un peu démodé, il fait l’objet d’une réception interprétative immédiate, celle des fans, des spectateurs, des journalistes, fonds de commerce des cultural studies. Une autre facette, moins connue sauf par les travaux de Le Guern, concerne l’organisation matérielle de ce spectacle à la fois éphémère et récurrent. Enfin la « quantophrénie » a trouvé dans le grand nombre de chansons, aux caractéristiques comparables (pas plus de 3 chanteurs, pas plus de 3 minutes, strictement rattachées à un pays), et les données quantitatives produites chaque année (la matrice des votes de chaque pays envers les finalistes), son petit bonheur.

bibliographie

Allatson, P. [2007], ‘Antes cursi que sencilla’: Eurovision Song Contests and the Kitsch-Drive to Euro-Unity. Culture, Theory and Critique, 48[1], p.87.
Baker, C. [2008], Wild Dances and Dying Wolves: Simulation, Essentialization, and National Identity at the Eurovision Song Contest. Popular Communication: The International Journal of Media and Culture, 6[3], p.173.
Clerides, S. & Stengos, T. [2006], Love thy Neighbor, Love thy Kin : Voting Biases in the Eurovision Song Contest.
Coleman, S. [2008], Why is the Eurovision Song Contest Ridiculous? Exploring a Spectacle of Embarrassment, Irony and Identity. Popular Communication: The International Journal of Media and Culture, 6[3], p.127.
Georgiou, M. [2008], « In the End, Germany will Always Resort to Hot Pants »: Watching Europe Singing, Constructing the Stereotype. Popular Communication: The International Journal of Media and Culture, 6[3], p.141.
Haan, M.A., Dijkstra, S.G. & Dijkstra, P.T. [2005], Expert Judgment Versus Public Opinion ? Evidence from the Eurovision Song Contest. Journal of Cultural Economics, 29[1], p.59-78.
Le Guern, P. [2007], Aimer l’eurovision, une faute de goût ? Réseaux, 141-142, p.231-265.
Lemish, D. [2004], « My Kind of Campfire »: The Eurovision Song Contest and Israeli Gay Men. Popular Communication: The International Journal of Media and Culture, 2[1], p.41.
Raykoff, I. & Tobin, R.D. éd. [2007], A Song for Europe. Popular Music and Politics in the Eurovision Song Contest, Hampshire (Royaume-Uni): Ashgate.
Yair, G. [1995], [`]Unite Unite Europe’ The political and cultural structures of Europe as reflected in the Eurovision Song Contest. Social Networks, 17[2], p.147-161.
Yair, G. & Maman, D. [1996], The Persistent Structure of Hegemony in the Eurovision Song Contest. Acta Sociologica, 39[3], p.309-325.

Les conditions maritales

Je continue ici l’examen des listes électorales. À Paris en 2014, les électrices sont 666954. Et un peu plus de 235000 sont mariées (au sens où elles disposent d’un nom marital en plus de leur nom de naissance). L’indicateur est imparfait : il est bien probable que le nom de l’époux ne soit pas toujours mentionné sur les listes électorales.
La proportion de femmes “mariées” augmente avec l’âge : les centenaires sont presques toutes mariées.
age-mariee
La géographie maritale parisienne est intéressante (on s’intéresse ici à la proportion de femmes mariées parmi les femmes) :
femmes-mariees
Les arrondissements les plus bourgeois sont ceux où les femmes mariées sont les plus fréquentes : septième, huitième, seizième. En revanche, dans les dixième, onzième et dix-huitième, les femmes n’indiquent pas souvent de nom marital. Est-ce parce qu’elles ne sont pas mariées ? Ou est-ce plutôt parce que c’est surtout dans les espaces bourgeois que l’on indique, — en toute discrétion — avec la bague de fiançailles et l’alliance, le nom de l’époux en toutes circonstances ? Ou est-ce parce qu’il y a des arrondissements de vieux et des arrondissements de jeunes et que le taux de mariage varie avec l’âge ?
L’analyse multivariée attendra, mais l’on remarquera, déjà, des comportements différents entre arrondissements : à tous âges, les femmes des arrondissements bourgeois ont plus fréquemment un nom marital sur leur carte d’électrice.
age-arrondissement-mariee

From tags to niches : big “data porn”

The first issue of Porn Studies has now been published, and it contains the article written with Mazières, Trachman, Cointet and Prieur, “Deep Tags“. In it, we describe a huge dataset of titles and tags. One interesting part is where we try to define what could be a “niche”, as arising from shared tags rather than from a particular or specific desire.
You can find more information about this article and the dataset on sexualitics.org.
Deep tags: toward a quantitative analysis of online pornography (open access)