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L’Autolib’, révélatrice de la sociologie postmoderne

Vous parcourez peut-être ces lignes parce que vous venez de lire le billet publié dans Le Monde, à la une du cahier « Science & Médecine » du mercredi 11 mars 2015, et que vous avez voulu en savoir un peu plus ?

Une des revues dirigées par Michel Maffesoli, Sociétés (publiée par De Boeck) a publié sans le savoir un canular rédigé par deux sociologues, Arnaud Saint-Martin et Manuel Quinon, sous le titre « Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris ». Article potache et sans queue ni tête, mais qui a été évalué comme un véritable article de sociologie par la revue en question.
Sur le Carnet Zilsel, ASM et MQ racontent le processus ayant mené à la rédaction de ce pastiche.
Pour aller plus loin :

  1. Petite liste des pastiches des prétentions scientifiques
  2. A few words in English on Crooked Timber
  3. Michel Maffesoli visé par un canular par Sylvestre Huet
  4. Chronique d’Yves Gingras sur Radio Canada(mp3)
  5. “Billet” de Guillaume Erner sur France Inter (mp4 audio)


20150309-autolibcassee

Mise à jour (suite de la revue de presse) :

  1. La revue Sociétés piégée par deux sociologues
  2. Édition scientifique : Maffesoli piégé par un faux article sur educpro
  3. Des universitaires trollent le magazine de sociologie “Sociétés” avec une étude complètement bidonnée sur les inrocks.com
  4. Interview des auteurs dans La Tête au carré sur France Inter
  5. De science certaine, par Yves Surel
  6. Un canular jette le trouble, dans le journal suisse Le Temps
  7. Le canular des automobilités par P. Dubois
  8. Les grilles de l’évaluation en sciences sociales sur le gril, par Genevieve Koubi
  9. L’Autolib: un canular sociologique (Agence Science Presse)
  10. Série d’articles sur le Polit’Bistro : 1-L’entre-soi éditorial des revues de sociologie et 2- Quelques mesures de la concentration éditoriale en sociologie et 3- Un “stress test” des revues de sociologie connectées par leurs auteurs
  11. L’imposture, c’est… par Pierre Mercklé
  12. So-kalled research… sur Retraction Watch
  13. Comment confondre les imposteurs: les vertus critiques du canular par Bernard Lahire
  14. La “science poubelle” révélée au grand jour sur le site de la Libre Belgique
  15. Blog Rédaction Médicale : “devant cette double erreur, c’est peut-être la revue entière qui devrait être rétractée”
  16. Canular intellectuel: deux chercheurs piègent une revue de sociologie, sur Philosophie Magazine
  17. Interview de Michel Maffesoli dans Le Monde (18/03/2015)
  18. Le sociologue, le marteau et la fausse monnaie, par Michel Dubois sur le Carnet Zilsel (21/03/2015)
  19. Réinventer la sociologie, seul contre tous, article de Sarah Diffalah sur le NouvelObs (21/03/2015)
  20. Just kidding? The latest academic ‘hoax’ and its consequences for cultural studies, par Clémentine Beauvais
  21. Michel Maffesoli, « expert » sociologique de pacotille (27/3/2015), par Blaise Magnin sur acrimed
  22. L’hystérie…, interview de M.M. sur atlantico (29/3/2015)
  23. L’Affaire Maffesoli, interview de William Genyies sur atlantico (29/3/2015)
  24. Monsieur Maffesoli, la sociologie est bien une science ! par A. Saint-Martin et M. Quinon, sur Le Monde (1/4/2015)
  25. La meilleure blague de l’histoire de la sociologie, interview de ASM et MQ, sur vice.com (2/4/2015)
  26. Science poubelle : Un canular fait couler beaucoup d’encre, sur Radio Canada (3/4/2015)
  27. Quelques réflexions au sujet de la nouvelle affaire Maffesoli, sur anthropiques (1/4/2015)
  28. Un canular sociologique, et après?, par Arnaud Saint-Martin et Manuel Quinon, dans Le Monde (29/4/2015)

Sociologie de l’autolib

Les pastiches des prétentions scientifiques sont relativement nombreux. Et la publication d’un pastiche de maffesolisme m’incite à proposer une petite liste :

  1. Marcel Proust est l’auteur d’un multipastiche savoureux d’un texte de Sainte-Beuve critiquant un pastiche de Flaubert lui aussi écrit par Proust, dans Pastiches et mélanges [plus de 109 citations sur google scholar]
  2. Cantatrix sopranica L. : Experimental demonstration of the tomatotopic organization in the Soprano de George Perec (en pdf ici) — 36 citations sur google scholar
  3. Le rond et le sobre, parodie de Claude Levi-Strauss (dont avait parlé Histoires à lunettes)
  4. L’effet ‘yau de poèle de François George, sur le lacanisme. Je n’ai pas d’extrait à proposer, mais une émission de Bernard Pivot, où F. George était invité : A quoi servent les philosophes ? [29 citations sur google scholar]
  5. Body ritual among the nacirema de Horace Miner, qui se moque probablement des sociologues utilisant le langage des anthropologues culturalistes. J’en avais parlé un peu ici (chose amusante, cet article avait été publié, avec un clin d’oeil appuyé, dans The American Anthropologist) [plus de 450 citations sur google scholar]
  6. Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity de Alan Sokal, qui pastiche ce qu’aurait pu écrire un physicien transi par Derrida et Latour. (Chose amusante, la revue Social Text n’y avait vu que du feu) [1116 citations sur google scholar].
  7. et il y aura, maintenant « Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris », un article écrit en maffesoli, publié dans une revue dirigée par Maffesoli (Sociétés) :

    Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin expliquent comment et pourquoi ils ont mystifié la rédaction de la revue Sociétés, tribune éditoriale d’une certaine « sociologie postmoderne »

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Faire semblant de travailler…

On apprenait récemment sur le blog de Pierre Dubois qu’un livre dont l’auteur est Ali Aït Abdelmalek, professeur de sociologie à l’université Rennes2, était pour partie constitué de citations sans guillemet d’un autre auteur (Edgar Morin). Mon collègue de Rennes 2 semble avoir oublié que l’usage des guillemets est de rigueur dans la citation de textes dont on n’est pas l’auteur. Il a mis en place sa propre stratégie de citations, en usant de périphrases comme “Selon les mots d’Edgar Morin”.
Je me suis permis, sur le blog de Dubois, de faire un peu d’ironie. Mais le commentaire du directeur de la collection dans laquelle l’ouvrage a paru m’a fait sursauter. Voici ce qu’il écrit [notez l’utilisation, pour la citation, d’un style particulier de la syntaxe HTML, le “blockquote”] :

Concernant le rôle d’un directeur de collection, je ne le conçois pas comme devant vérifier ligne par ligne si les guillemets ont été ou non mis.

Je souhaite ici faire part de mon expérience personnelle. J’ai récemment soumis un manuscrit pour une “grande” collection d’une “grande” maison d’édition… et je pense avoir compris, une fois le manuscrit revenu, une des raisons pour lesquelles cette collection est si renommée. Non seulement mon manuscrit a été relu ligne à ligne, mais une partie des articles que je cite, eux aussi, ont été relus par la personne ayant fait la lecture du manuscrit. Vous ne me croyez pas ? Regardez plutôt ce qui est arrivé à mon manuscrit : j’ai scanné un morceau de page. J’y cite un article de Héran. Manque de pot (ou de sérieux de ma part), Héran (qui n’est pas le relecteur de mon manuscrit) dit aussi autre chose, à la même page que je cite… ce qu’a vu le relecteur, qui m’écrit : « Héran dit pourtant (avec raison) “C’est davantage l’affaire […]” (même page) ».

Le relecteur me demande même de corriger certains guillemets. J’avais, dans une citation, utilisé des guillemets “à la française” [«.»], et non pas des guillemets “à l’anglaise” [“.”]. Et c’est comme ça, page après page : la moindre incohérence (rhétorique, argumentative ou même graphique) a été traquée, pointée, entourée, griffonnée, référencée…
Et je sais par ailleurs que le relecteur est l’un des directeurs de la collection.
Revenons maintenant au cas de départ : quand le directeur de collection considère que sa tâche n’est pas de “relire ligne à ligne”… il encourage ses auteurs à ne pas vraiment écrire ce qu’ils écrivent. Et le livre ne sera pas lu (si tout le monde sait que la collection n’est pas vraiment dirigée et que ce qui s’y publie n’a pas fait l’objet d’une évaluation). Cela s’appelle faire semblant de travailler.

Aller au CNU ?

La section 19 du CNU examine les dossiers des docteurs demandant leur “qualification” aux fonctions de maître de conférences en sociologie et démographie (la “qualification” est cette chose nécessaire pour pouvoir ensuite candidater sur les postes ouverts au recrutement). Le CNU gère aussi une partie des avancements de carrière des enseignants-chercheurs, notamment leur passage en “classe exceptionnelle”.
Il y a deux ans maintenant, un scandale a secoué la 19e section : des membres de cette section s’étaient “auto-promus”, s’accordant réciproquement la “classe exceptionnelle”. Les deux tiers du CNU avaient ensuite démissionné, protestant contre cette pratique. Les restants (ceux qui s’étaient autopromus et leurs affiliés) avaient ensuite coopté certains collègues pour former une nouvelle section. Je passe sur les détails les plus affligeants, l’on en trouve des traces sur la liste de diffusion de l’ASES.
L’année prochaine, des élections auront lieu pour renouveler le CNU. Il ne s’agit pas seulement de faire sortir celles et ceux qui se sont compromis dans des pratiques déontologiquement douteuses, d’empêcher que ces personnes soient candidates, ni d’empêcher qu’elles soient élues si elles formaient une liste. Si je me portais candidat (ou si, au Ministère, “on” décidait de me nommer membre du CNU) — je réfléchis encore — ce ne serait pas (que) dans ce but (mais plutôt comme une manière de poursuivre, par d’autres moyens, ce que j’avais commencé avec le “wiki-auditions”).
La chose est assez grave : le CNU, depuis la dernière réforme universitaire, a reçu de nouveaux pouvoirs. Les sections vont notamment évaluer les dossiers individuels des collègues en poste, en plus de gérer l’avancement “exceptionnel” et la qualification des docteurs.
C’est en prévision de ces responsabilités accrues qu’un décret et un arrêté sur les indemnités des membres du CNU a été publié en juillet dernier.

Une édition “de classe exceptionnelle” !

Dans la Revue philosophique de la France et de l’étranger, 2009/2 (Tome 134), l’on peut lire, sous la plume de Dominique Merllié, une présentation d’une réédition d’un ouvrage de Durkheim. En voici de larges extraits (coupes non indiquées) :

En 2008, c’est le tour des Formes élémentaires de la vie religieuse d’être rééditées avec une introduction aux Éditions du CNRS. En réalité, en dépit de la date du copyright comme du sérieux académique qu’on attendrait de son éditeur, [ce] n’est pas une nouvelle édition, car elle reproduit celle qui était parue en 1991 dans la collection du « Livre de poche » : même introduction, même biographie-croupion d’une vingtaine de lignes (dont une erreur de date pour les Règles), même « bibliographie » (neuf titres de 1960 à 1990) et tous les défauts de cette édition déjà relevés. Y manque notamment la carte de l’Australie qui permet de situer les tribus citées. Quant à l’établissement du texte, s’il innove quelque peu, c’est en ajoutant encore, à celles de l’édition reproduite, son propre lot de coquilles nouvelles. C’est le cas, par exemple, de la transcription des formules grecques, toutes plus ou moins estropiées, parfois drôlement (comme lorsque le mot qui se lit « guénos » est transcrit « yévoç », p. 168), parfois d’une manière qui défie la restitution (e.g. p. 92, note). C’est le cas de notes qui ont sauté (e.g. p. 162), ont perdu une partie de leur texte (e.g. p. 215), ont été déplacées par rapport aux appels (e.g. p. 119). Parmi d’autres broutilles plus ou moins gênantes (dont l’irrégularité du traitement de ce qui était en italiques chez Durkheim), le plus remarquable est un passage devenu inintelligible, p. 269 : pour la cohérence textuelle, il faut comprendre que la note 27 inclut en fait, après son contenu, à la fois une vingtaine de lignes qui devraient être dans le texte et le texte de la note appelée à la fin de ce passage. Le même phénomène se reproduit p. 293, mais, comme il s’agit de deux notes très rapprochées, le lecteur souffre moins.

Il serait indélicat de dévoiler qui fut impliqué dans les deux éditions (au “Livre de poche” et aux éditions du CNRS). Mais un indice : cette personne voit ses œuvres complètes publiées par les mêmes éditions du CNRS, et il a été nommé, et renommé au conseil d’administration du CNRS…

Quelques liens

  • Sur Paperolettes, Shakr, le Syrien kurde sans nationalité.
  • Chez Camille Peugny, Les privilèges de la naissance
  • Maïa tape sur les vieux :

    J’ai expliqué que les vieux qui refusent de partir à la retraite gardent les postes de pouvoir dont ils n’ont plus besoin, que la transmission du savoir en entreprise se faisait des jeunes vers les vieux et pas l’inverse (en management autant qu’en informatique), que nous demander de nous sacrifier pour les vieux était injuste vu qu’avec leur dette publique et leur mépris de l’écologie, on allait déjà payer bien assez cher leurs erreurs.

  • Chez Takuherz, ce qui arrive une fois le point final placé en fin de thèse.
  • Chez Laspic : Bac plus 7 et zéro euros par mois
  • Quand j’écris en alexandrins, tout le monde s’en fiche.
  • La Revue française de Sociologie fait un bilan annuel : l’activité de la rédaction…. Le but : “rendre le travail d’évaluation des articles plus clair pour les lecteurs”.
  • Qui va acheter cela ? “Raymond Boudon A Life in Sociology” Edited by Mohamed Cherkaoui and Peter Hamilton £525.00. Ca fait 563€… et c’est en quatre volumes ! Certains doivent sincèrement croire que rémonboudon est un grand sociologue… Quitte à choisir, je préfère quand même de loin Bou’ à Maff’
  • Michel Maffesoli n’a obtenu aucun prix Nobel… normal, il n’était pas dans le jury… (pas de prix Goncourt non plus, il n’est pas au jury et le gouvernement ne peut l’y nommer)… Mais en revanche, il s’est donné une belle promotion sonnante et trébuchante (en tant que juge et partie il se trouve génial).
  • Toujours en parlant de faillite. La bibliographie d’un collègue — dont je tairai le nom par charité — m’a beaucoup fait rire :

    L’exploitation familiale agricole: entre permanence et evolution

    La confrérie des «goustiers de l’andouille»: entre marketing et célébration

    Entre l’Europe communautaire et l’exploitation familiale, le rôle des médiations

    Le territoire: entre l’Europe et l’Etat-nation

    Les formes de constructions identitaires modernes: entre territoire et profession

    Il ne manque que “entre tradition et modernité” pour faire la totale !

Incompétences

En juin dernier, l’information s’est diffusée largement : Michel Maffesoli s’était auto-promu “professeur de classe exceptionnelle”, avec l’un de ses mignons, Tacussel. Cela prêterait à sourire si ces deux personnes n’étaient en charge des promotions pour la 19e section du CNU (sociologie et démographie).
Les casseroles que traînent ces deux-là sont connues, mais au ministère, ils sont en cour. [Et d’aucuns — ouh les mauvaises langues — disent qu’être franc-maçon, ça aide. Je ne puis m’associer à ces rumeurs !]
On peut lire, sur la liste de diffusion de l’ASES, des discussions au sujet de l’autopromotion. Je me permet ici d’émettre un jugement personnel : ça ne vole pas très haut. Mais jugez par vous même…
Sans transition, mais vraiment, sans transition, et sans aucun lien avec ce qui précède, car on va parler maintenant de l’Italie, pas de la France, ni du CNU : L’incompétence sert parfois de signal

[Après avoir étudié certains criminels] Gambetta affirme que quelque chose de similaire se passe chez les baroni qui président aux comités de sélection impliqués dans les modes de promotion académiques en Italie. […] Les baroni opèrent sur la base d’un pacte en réciprocité, qui requiert beaucoup de confiance, car les dettes ne sont remboursées que bien des années plus tard… Les figures les plus puissantes, dans ce système, tendent à être les moins intellectually distinguished.
(…) Etre incompétent, et le montrer, transmet un message : “je ne tirerai pas au flanc, car je n’ai pas les munitions (intellectuelles)”. Dans un marché académique corrompu, être bon, être intéressé par sa recherche, signale en revanche un potentiel de carrière indépendante de la réciprocité corrompue.
*
Gambetta argues that something similar takes place among the baroni (barons) who oversee the selection committees involved in Italian academic promotions. While some fields are more meritocratic than others, he says, the struggle for advancement involves a great deal of horse trading. “The barons operate on the basis of a pact of reciprocity, which requires a lot of trust, for debts are repaid years later. …The most powerful figures in this system, says Gambetta, tend to be the least intellectually distinguished. … “… and this is what is the most intriguing, they do not try to hide their weakness. One has the impression that they almost flaunt it in personal contacts.” … Gambetta argues that the cheerful incompetence of the baroni is akin to the mafioso’s way of signaling that he can be “trusted” within his narrowly predatory limits.
“Being incompetent and displaying it,” he writes, “conveys the message * I will not run away, for I have no strong legs to run anywhere else. * In a corrupt academic market, being good at and interested in one’s own research, by contrast, signal a potential for a career independent of corrupt reciprocity…. In the Italian academic world, the kakistrocrats are those who best assure others by displaying, through lack of competence and lack of interest in research, that they will comply with the pacts.”

Se pourrait-il aussi qu’en France, les kakistocrates puissent être suffisamment nombreux pour se gratter réciproquement le dos ? Cela demande, sans doute, des recherches approfondies.

Autonomie ?

Le gouvernement essaie de vendre comme “autonomie” ce qui s’apparente à une mise sous contrôle de l’Université conjugué à un abandon des universitaires.
Ainsi apprend-on récemment plusieurs choses :

  • Qu’une fille d’un conseiller du président Sarkozy va obtenir, de manière dérogatoire, un poste de maîtresse de conférence à Paris 4 malgré les protestations de l’UFR concerné.
  • Qu’un conseiller du président se voit parachuté professeur au conservatoire national des arts et métiers…
  • Et l’on se souvient, récemment, de la nomination faite au mépris des règles de l’évaluation scientifique, d’un certain Michel M*** à l’Institut Universitaire de France.
    Ce ne sont que trois petits exemples… mais peut-on vraiment parler d'”autonomie” ?

    Le noyautage

    Après avoir été publiquement ridiculisé et professionnellement humilié, en faisant soutenir une non-thèse qui engageait sa responsabilité de directeur, Michel écrivait :

    […] pourquoi ne pas supprimer le CNU, superfétatoire et laisser les commissions puiser dans le vivier des docteurs, sur le fondement de leurs dossiers. Après tout, ce sont toujours des professeurs qui composent les jurys de thèses, le CNU et les commissions. Multiplier les échelons favorise le contrôle de tous sur tous, ou plutôt du petit clan de ceux qui «sont dans toutes les commissions» sur tous les autres.
    source

    C’était après avoir été nommé (par un ministre de l’enseignement supérieur) au Conseil d’Administration du CNRS.
    Puis il fait publier, par le CNRS, ses oeuvres complètes… (un gros tome pour l’instant, on attend avec impatience la suite)
    Puis il a été nommé (par une ministre de l’enseignement supérieur), au Conseil national des universités, qu’il souhaitait pourtant “supprimer”.
    Puis il a été nommé (contre l’avis du jury, par la même ministre de l’enseignement supérieur) à l’Institut univ*rsitaire de France.
    Bilan : quelques années après avoir théorisé qu’être partout favorise le contrôle sur les autres, il est presque arrivé au but. Toutes mes félicitations ! (J’espère qu’avec ça, il favorisera ma carrière.)
    Pour en savoir plus : Sylvestre Huet sur son blog ; Denis Colombi sur le sien ; liens-socio et T. Mendès-France.

    Mouvements sociologiques

    Le Caliméro de la “sociologie” française m’avait, il y a deux ans, envoyé une lettre (il m’avait inscrit sur une liste noire après avoir vu mon nom sur une pétition) :

    Madame, Monsieur,
    Vos nom, grade et qualité figurent sur une liste invraisemblable, protestant, en un même mouvement, contre le manque de parité au C.A. du CNRS, et contre ma nomination à ce même conseil. Ayant pris le temps de la réflexion, il me semble que cela pose quelques questions.
    Est-ce bien “scientifique” de faire une confusion entre deux choses qui mériteraient d’être distinguées ?
    Les débats intellectuels peuvent-ils se régler à coup de pétitions?
    Que cache ce harcèlement à mon encontre ?

    Depuis, ce professeur ensorbonné continue d’être harcelé : après avoir été nommé au conseil d’administration du CNRS, il a été nommé, avec plusieurs de ses camarades, au Conseil National des Universités, section 19. Le monde entier lui en veut, et surtout Pécresse.
    D’ailleurs, preuve encore, même les doctorants lui en veulent : ils sont 151 (Cent Cinquante Et Un) à s’être inscrits avec lui, d’après le Fichier Central des Thèses (Merci L.C. !) ! Cent Cinquante Et Une personnes (plus Germaine Hanselmann non référencée), presque une tribu… Certainement, ces doctorants le harcèlent, car les encadrer prend du temps … Et son encadrement donne naissance à de très bonnes thèses, “très honorables” dirai-je… Mais le harcèlement continue ! Au Conseil National des Universités, le CNU, ses doctorants étaient jugés non-qualifiables. Mauvais. Leurs thèses, bien que très très honorables, ensorbonnées elles-aussi, ne passaient pas la barrière. Et pourtant il était le recordman des directeurs de thèses, avec 11 docteurs demandant la qualification entre 2005 et 2007. La solution, consistant à faire partie de la commission avec quelques amis, afin de résoudre les problèmes en aval plutôt qu’en amont… s’imposait. Et elle avait été, dès 2005, programmée par Caliméro (notamment dans ce texte sur la grippe, lire avec attention la note n°2, tout en bas).
    L’outrage fait à la discipline à laquelle j’appartiens est immense : non content de faire soutenir des thèses d’astrologie (“faire soutenir” est une de ses expressions), il souhaite faire croire qu’elles sont de bonnes thèses de sociologie… et il représente, auprès du ministère de la recherche, la sociologie.

    *
    *   *

    La L.R.U. parle un peu (beaucoup) du recrutement des nouveaux employés du Président de l’université. Je ne sais pas si les mutations sont mentionnées. Recruter quelqu’un à la mutation est, pour le moment, un peu complexe : les auditions sont interdites, mais on peut “rencontrer” les candidats et candidates… Les classements sont impossibles (et l’on doit donc s’assurer que la personne recrutée à la mutation prendra le poste).
    Il existe un autre mode de mobilité, les “échanges de poste”. Imaginons qu’une sociologue de l’art à Metz souhaite rejoindre son amie à Nantes, et qu’un sociologue de l’art de Nantes souhaite migrer vers Metz… il est tout à fait possible que ces deux personnes s’entendent pour s’échanger leurs postes, et cette décision peut être acceptée par les universités de départ et d’arrivée. Mais comment prendre connaissance de ces désirs de mobilité ?
    Les Mathématiciens français pratiquent ces échanges grâce à la Machine Ouverte aux Universitaires qui Veulent Echanger :

    Il s’agit donc ici d’aider les enseignant-es ou enseignants-chercheurs à effectuer dans les meilleures conditions le rapprochement géographique qu’ils souhaitent, et ce, en globalisant l’information au niveau national.

    Et cela marche !! :

    2007 : quatre résultats à mettre au crédit de MOUVE, à notre connaissance : une permutation s’est opérée en début d’année entre 2 MCF 28, entre Paris et Marseille, et trois autres à la rentrée : 2 MCF 64, entre Bordeaux et Nice ; 2 MCF 30 et 63, entre Bordeaux et Paris ; 2 MCF 26, entre Montpellier et Paris.
    2006 (année faste !) : pas moins de NEUF permutations ont abouti grâce à MOUVE :
    2 MCF 27 entre Montpellier et Paris, 2 MCF 25 entre Poitiers et La Réunion, 2 MCF 26 entre Toulouse et Lyon, 2 MCF 71 entre Lyon et Grenoble, 2 MCF 25 et 28 entre Paris et Grenoble, 2 MCF 26 et 28 entre Montpellier et Grenoble, 2 PRAG entre Grenoble et Marseille, 2 MCF 66 entre Paris et Nice, 2 MCF 65 et 66 entre Marseille et Montpellier

    Et les “mouvements” peuvent se faire non seulement entre deux personnes, mais aussi en cycle, entre 3 ou 4 MCF…
    Pour l’instant, très peu de disciplines des sciences sociales s’y sont inscrites. Mais j’invite tous les sociologues souhaitant bouger à s’inscrire au MOUVE, ou à consulter les offres. C’est tout simple. Les pages sont protégées par un mot de passe, afin que le Grand Oracle Omniscient qui Groupe Les Enseignants (G.O.O.G.L.E.) n’indexe pas cette base de données, mais le login est « mouve » ainsi que le mot de passe.
    Essayer de mouver avant l’application de la LRU est peut-être une bonne idée…

    *
    *   *

    La Tribune du Plaisir - Godes MaisonMes recherches se diffusent peu à peu. Dernièrement, c’était dans La Tribune du plaisir (n°5, novembre 2007), un magazine échangiste et pornographique. J’apparais dans un article intéressant — mais trop court… — consacré aux “godemichets faits maison”. J’avais connaissance du design vernaculaire pratiqué par des groupes féministes ou queer qui proposaient des ateliers de création, je ne connaissais pas d’autres facettes (petits artisans comme ce menuisier berlinois…). Sur une échelle de légitimité professionnelle, ce magazine est probablement situé tout en bas (absence de comité de rédaction ?). Plus haut sur l’échelle, probablement, la revue Area [ arearevue)s( ]… (n°15), une publication d’art et de réflexion sur l’art, dans laquelle je suis interviewé.