Le Parisien dentelé : un objet obscène vers 1890
Maxence Rodemacq est l’auteur d’un mémoire de master d’histoire intitulé L’industrie de l’obscénité. Commerce pornographique et culture de masse à Paris (1855 – 1930), réalisé sous la direction de Dominique Kalifa en 2010. Son travail s’inscrit dans une série de travaux récents en histoire de la sexualité. Pour dire bref, il se concentre sur le marché de la pornographie alors que les études un peu plus anciennes, celles d’Alain Corbin ou celle d’Annie Stora-Lamarre s’intéressaient aux formes culturelles ou s’intéressaient à la pornographie « dans le cadre de la censure politique ou encore celui de la “morale anticléricale” ». Mais à la fin du XIXe siècle, la pornographie se détache de tout discours politique pour viser autre chose.
A partir de sources policières et judiciaires, combinées à des textes publiés (notamment dans la presse de l’époque), Rodemacq donne à voir comment le marché s’organisait avant 1930. Les sources policières posent des problèmes bien analysés : pour les policiers aussi, l’outrage aux bonnes moeurs est un délit commercial, et ils s’intéressent plus aux vendeurs qu’aux clients. Le client intéressant, c’est « l’ “acheteur” qui achète pour revendre ensuite – par exemple le “commis acheteur” ». Les autres n’apportent pas grand chose au dossier policier.
Mais les sources policières ont de réels intérêts pour la recherche : elles conservent des documents qui ont disparu et qui donnent une idée de l’étendue de ce qui est alors considéré comme “obscène”. Des publicités et des catalogues notamment, qui donnent une idée des prix au détail. Une entreprise de “caoutchouc dilaté”, la Maison A. Claverie, propose ainsi, à la fin du XIXe siècle, divers préservatifs :
Le “Parisien” peut “servir plusieurs fois” : il “est en caoutchouc dilaté de qualité tout à fait supérieure [et] possède à son extrémité une petite poche ou ampoule qui sert à recevoir la semence de l’homme. Ce qui fait que le visiteur n’est pas gêné dans son fonctionnement au moment psychologique. On s’en sert comem du préservatif ordinaire, en le déroulant sur le visiteur“.
Le “Parisien dentelé […] a en plus un anneau dentelé soudé au bas de l’ampoule. De sorte qu’en étant très commode pour l’homme, il procure un plus grand plaisir à la femme”.
Le caoutchouc est devenu la matière centrale de l’obscénité par “objets” : il permet aussi la fabrication de godemichés (il suffit d’un moule, permettant la fabrication en série). Ces derniers deviennent, à un moment précis de l’histoire, des objets nécessaires aux mises en scènes photographiques : aux débuts de la photographie, le temps de pause est trop long pour que les modèles hommes puissent conserver leur érection.
Le mémoire de Maxence Rodemacq est consultable au Centre d’histoire du XIXe siècle à l’université Paris I.