Un petit article paru dans la Voix du Nord a attiré mon attention : il parlait de masturbation payante et de nettoyage de cabines. Je me permets de le reproduire en grande partie.
La patronne de sex-shop, les impôts et la pompe à fric
samedi 16.01.2010, 05:05 – La Voix du Nord
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Chacun connaît l’une des méthodes employées pour contrôler un restaurant. On compte le nombre de dosettes individuelles de sucre. Cela offre une idée de la masse de cafés consommés dans l’établissement et donc de repas servis. Et pour un sex-shop, quel mètre étalon ? (…)
Dans la ligne de mire de la direction des services fiscaux du Nord, une dame de 46 ans, patronne, entre autres, d’une société gérant un sex-shop à Rouen et un autre dans le centre de Lille… Le fisc s’interroge sur des déclarations allant du 1er décembre 2003 au 31 décembre 2005. Les contrôleurs finiront par faire preuve – comment dire ? – d’une certaine dextérité.
Preuve par l’essuie-tout
À Lille, la maison propose le confort de seize cabines et salon consacrés au visionnage de films X. Rouen ? Douze cabines et un salon… Rigoureux, les polyvalents se penchent… sur les chiffres présentés. Une comptabilité trop raide à leurs yeux. Selon les observations des agents du fisc, les cahiers présentés laissent figurer une fréquentation d’un client par jour et par cabine. Or, d’après des repérages – un testing ? – réalisés par les fonctionnaires, les lieux sont régulièrement pleins. « On fait même la queue », précise, presque sans sourire, un fin connaisseur du dossier. Qui, ici, jouera le rôle du sucre ? L’idée jaillira très vite. L’essuie-tout fourni au client, pardi ! Résultat : au regard des sommes présentées par la patronne, la consommation par client égale… neuf mètres de papier tendre.
Pour redresser la commerçante, défendue par Gérard Frézal, du barreau de Rouen, le fisc, représenté par l’avocat parisien Jean-Marie Bouquet, se placera, lui, sur une base de deux mètres par client et réclamera plus de 120 000 € d’arriérés. Deux mètres par client ? Les impôts ne sont pas les seuls experts en redressement… Décision le 29 janvier. •
LAKHDAR BELAÏD
L’autre quotidien du Nord, Nord-Eclair a quelques autres informations :
Quand le fisc s’intéresse au sexe, Publié le samedi 16 janvier 2010 à 06h00
Aurélia C., 47 ans, s’occupe, comme le dit le président Jean-Marc Défossez, d’un « commerce de détail d’articles spécialisés dans le sexe ». L’établissement, vaste et bien connu des juristes puisqu’il jouxte une célèbre salle de ventes aux enchères, est établi rue des Jardins à Lille.
Un autre établissement similaire est établi à Rouen et une succursale existait, au moment des faits, à Tourcoing. Mais elle a fermé : « Dans cette ville, un sex-shop, ça ne marche pas » souligne Aurélia C.
Curieuses recettes des cabines
Bref, la société « Carré Blanc », gérée par Aurélia C., son mari et son fils, se retrouve dans le collimateur de l’administration des impôts. Ce ne sont pas tellement les objets revendus qui posent problème mais plutôt une TVA trafiquée – c’est du moins la thèse de l’accusation – et les recettes curieuses des cabines où l’on peut visionner des films pornos.
À Lille, par exemple, il existe 12 cabines pour les spectateurs isolés et un salon où l’on peut regarder les films de façon plus conviviale avec une amie.
« L’administration, en divisant les recettes officielles par le nombre de jours ouvrables, a eu l’impression qu’on ne visionnait qu’un ou deux films par jour » résume le président Défossez. Comme le dit l’administration des impôts : « Le service a évalué les prestations d’après les quantités d’essuie-tout achetées et consommées ». Et là, la comptabilité des sex-shops de Lille et Rouen capote : 21 262 mètres d’essuie-tout ont été consommés en 2007, 28 350 en 2006, 21 262 en 2005.
Bref, même à raison de 2 m d’essuie-tout par visionnage de film, base très large retenue par l’administration, on arrive à des totaux de films visionnés et payés bien plus importants que le nombre officiel. « Le vérificateur des impôts estime à 18 mètres la longueur d’essuie-tout utilisée en moyenne chaque jour » souligne le président. « Il faut tout de même prendre en compte les besoins du personnel qui utilise aussi ces torchons en papier » objecte la prévenue.
Il n’empêche que la société est redressée singulièrement. La face cachée de la comptabilité est estimée à 67 000 euros et à 47 000 euros. Ce sont en tout cas les sommes exigées par Me Bouquet pour le fisc. Les magistrats ajoutent que, déjà en 2002, la même société a fait l’objet de récriminations similaires.
Le procureur Didier Cocquio n’y va pas de main morte en réclamant 10 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Me Frézal, du barreau de Rouen, conteste les prétentions de l’administration. Prononcé du jugement dans quelques semaines.
DIDIER SPECQ
Les services des impôts ont donc mesuré la longueur totale des essuie-tout achetés par le sex-shop et estimé ensuite un nombre de clients annuels. Des sociologues verraient dans ces rouleaux de sopalin un “indicateur” — l’objectivation n’est pas leur monopole.
Une chose n’est pas précisée dans les articles nordistes : à quoi servent ces feuilles d’essuie-tout ? Les cabines, dans lesquelles sont diffusées des films pornographiques, sont des lieux de masturbation et doivent être nettoyées régulièrement. Comme le disait une employée de sex-shop interrogée par Irene Roca Ortiz, “les hommes des fois, ben, ils sont maladroits, et ils visent pas là où ils devraient viser“.
Mais ces cabines sont aussi des lieux honteux : personne ne protestera en ne recevant pas de ticket ou de reçu, ce qui permet assez facilement aux sex-shops de sous-estimer les recettes engendrées par ces dispositifs. Divers procès ont rappelé que la délivrance d’un ticket était obligatoire ou fortement souhaitée (voir aussi ce procès ou encore celui-ci)… et que, sans cette trace, il fallait pouvoir estimer le nombre de clients :
pour reconstituer le chiffre d’affaires et le montant du bénéfice réalisé par la société MARATHON à raison de son activité de projection de films à caractère pornographique, le vérificateur s’est fondé sur la consommation électrique de l’établissement ; qu’il a déduit la consommation électrique liée à l’éclairage, au chauffage et aux travaux réalisés dans les locaux ; que le montant des recettes a été obtenu en déterminant, en fonction de la consommation électrique horaire de chaque cabine et du prix moyen horaire d’une projection, le nombre total annuel de projections
source
Mais je n’avais jamais entendu parler de l’objectivation par l’essuie-tout.