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Mais qui se fiance, de nos jours ?

Le Carnet du jour du Figaro est une source formidable qui se prête assez bien à l’enquête (pas seulement sur les prénoms). On peut y reconstituer certaines des relations familiales qui unissent entre elles des fractions diverses des classes dominantes. On peut y constater la place centrale qu’y occupe encore l’aristocratie d’apparence ou l’aristocratie titrée.
Voici un petit graphique, qui montre que près de 40% des faire-part de naissance et 75% des annonces de fiançailles implique une famille à particule. Chiffre à comparer avec la proportion estimée de porteurs de particule en France, plus de 0,5% mais moins de 1%.
carnetfigaro20132015-NF
On y repère aussi d’intéressantes variations saisonnières, qui restent à expliquer.

Modes bourgeoises

Chaque année, Le Figaro publie un palmarès des prénoms les plus fréquents dans les faire-parts de naissance du “Carnet du jour”. Formidable observatoire des convenances de la bourgeoisie parisienne et de la noblesse française.
Le Carnet des prénoms 2015 vient d’être publié. “Comment choisir le bon prénom ?”, et surtout “des prénoms chics, raffinés et charmants !” se demandent les rédacteurs de ce palmarès. Un palmarès, en effet, ce n’est pas qu’une compilation des actes passés, c’est parfois un guide pour les pratiques du futur.

Et l’on découvre l’appétence de certains et certaines pour Constance, Joséphine, Arthur ou Oscar.

carnet-prenoms-2015

L’on remarquera que, en 2015, alors que plus d’un tiers des filles, en France, naissent avec un prénom qui se termine en -A (Sarah, Léa, Nina…) ce n’est pas un goût bourgeois, qui préfère qu’un prénom féminin se termine avec les sons -S, -N, -D, -R, -Z, -X, -T, ou -L… ou -I, à la rigueur.

Le Carnet propose même, cette année, un retour en arrière de 20 ans et 10 ans, ce qui permet de repérer du changement dans la permanence :
carnet-1994-2004

Cela dit, si vous avez une particule (voire deux), ne choisissez pas dans cette liste. Choisissez « Amicie », qui est ce qu’Emma est aux hoi polloi.

amicie

 

Pour en savoir plus : Sociologie des prénoms (La Découverte, 2014)

Vendre la mêche

Chaque année, le Figaro publie un livret contenant la liste des vingt prénoms les plus donnés, l’année précédente, aux bébés dont la naissance a été annoncée dans le “Carnet du jour”.
Ces annonces de naissance sont anciennes, dans Le Figaro. Ci-dessous un exemple datant de novembre 1942 :
figaro-naissance194211
[L’on remarquera que, dès cette époque, les grands-frères et les grandes-sœurs étaient mises en scènes comme locuteurs de l’annonce.]
Dans ces annonces, la bonne bourgeoisie et l’aristocratie lectrice du Fig’ rend publique ses alliances et la production régulière d’héritiers et d’héritières. L’agrégation des actions d’Untel et de d’Unetelle peut publiciser certains des signaux d’appartenance. Il en serait ainsi de l’adresse (le Quinzième, mais attention, le “bon Quinzième”), des titres (“Vicomte”), etc…
Il en va de même des prénoms :
carnet-prenoms-2013-2014
Rien que de très classique me direz-vous (et là, c’est votre bon goût bourgeois qui parle). Avec quelques étrangetés. Il en est ainsi du prénom “Amicie”. Prénom très rare, qui n’a jamais été donné à plus de 30 enfants par an au cours du XXe siècle. Mais prénom de classe. Un exemple : parmi les électrices parisiennes, l’on trouve une poignée d’Amicie, et la moitié d’entre elles ont une particule. Sachant qu’il n’y a que 2% de porteurs de particules parmi l’électorat parisien, je vous laisse calculer le taux de surreprésentation. Près des 2/3 des Amicie résident dans le 15e, le 16e ou le 17e arrondissement. Et 80% des Amicie portent aussi le prénom “Marie”. [Sur twitter, l’on trouve aussi quelques Amicie particulées 1, 2 3 4…]
S’il entre dans le “Top 20” du Figaro, c’est peut-être déjà l’indice d’une trop grande diffusion : le signal perd de sa discrétion.

Inès et Arthur

Chaque année, le Figaro fait le comptage des prénoms les plus fréquents dans son Carnet, et publie ce palmarès dans un “guide des prénoms”.
Le but ? réduire l’anxiété de la bonne bourgeoisie en présentant “comment choisir” :
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[Extrait du “Guide des prénoms”]
Voici le palmarès des prénoms de 2012. “Pia” m’a un moment surpris, avant de penser que cela pouvait être une variante féminisée de Pie.

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Ce palmarès a un intérêt : fournir, à un instant donné, et chaque année, une photographie des goûts bourgeois en matière de prénoms. La longue liste des prénoms présents mais peu répandus dans le Carnet, publiée aussi chaque année, pourrait aussi servir d’indicateur.

On se souvient que, l’année dernière, Joséphine était en première position, et l’année d’avant Louise (déjà présente en 2008).

Téléchargez le Guide des prénoms du Figaro (édition 2013).

Prénoms et bourgeoisie

Chaque année depuis… oh, au moins 1967 (mais surtout depuis la fin des années 1990), le Figaro publie un palmarès des prénoms à partir du “carnet”, c’est à dire les annonces de naissance publiées par les parents.
Voici un exemple d’annonce du “Figaro” :

Où un couple versaillais y annonce la naissance (et surtout le prénom) de leur sixième enfant. On remarquera le caractère rare de la plupart des prénoms (Aimery étant peut-être le moins rare).
Et ce sont des prénoms rares, même pour le Figaro, dont le palmarès est reproduit ici (source: Carnet des prénoms, 2013):

Mais : “Erminie” et “Aimery” se trouvaient dans une liste de prénoms recommandés par Le Figaro dans le “Carnet des prénoms 2012“. Ce carnet n’est peut-être pas qu’un reflet de ce qui se passe, il est peut-être aussi un guide pour le choix, quand plus aucune règle n’existe sinon celle — problématique — du goût parental.

Quand la bourgeoisie (et l’aristocratie) se met en scène, elle utilise aussi les prénoms. Vous trouverez sur le tumblr de la “ligue [parodique] des officiers d’état civil” une contrepartie “populaire” à ces choix bourgeois, publiée dans la presse locale.

Pour les années précédentes : 2011, la bourgeoisie par les prénoms, 2010, prénoms bourgeois, 2008…;

Le “carnet des prénoms” de 1966

Je suis tombé aujourd’hui sur ce petit article paru dans le Figaro en 1967 :

A 45 ans de distance, il est difficile de savoir quel était, pour les Françaises de l’époque, le sens qui était mis dans chaque prénom. À quelles images et quels souvenirs ils étaient associés. Et les indices, ici, sont maigres. Je suis quand-même surpris par l’idée avancée que “Sophie, Isabelle et Nathalie” sont “surannés” et que “Florence, Valérie et Véronique” sont des choix “conservateurs”.
On remarque aussi que les lecteurs du Figaro, en 1966, avaient déjà abandonné les prénoms composés, et qu’ils seront rapidement suivis par le reste de la population.
[Et si quelqu’un peut m’expliquer le dessin de PIEM, je suis preneur…]

La bourgeoisie par les prénoms

Pour accompagner la série Nom d’un prénom du blog de Marie-Anne Paveau, voici le “top 20” des prénoms les plus donnés en 2010 dans le « Carnet du jour » du Figaro.

Comme l’année dernière, Louise et Joséphine restent en premières positions, et, parmi les 10 premiers, 9 se trouvaient déjà dans le palmarès l’année dernière.
Par rapport au palmarès de 1991, il en reste 5 (Camille, Alix, Charlotte, Marie, Victoria/Victoire).
Le Carnet des prénoms, édition 2011 est téléchargeable.

Prénoms bourgeois

Je n’ai pas retrouvé les anciens “Carnets des prénoms” du Figaro (avant 2007) : on les trouve, je pense, dans La Cote des prénoms de Joséphine Besnard (et dans les éditions plus anciennes, sous la responsabilité de son père).
Le petit dessin ci-dessous est donc composé de trois années. Les prénoms qui se retrouvent sur deux années consécutives sont liés par des traits de couleur.

Question : Combien des prénoms féminins les plus donnés en France aujourd’hui se retrouvent dans le Carnet du jour du Figaro (Pour les filles, vers 2006, ces prénoms étaient Emma, Léa, Clara, Chloé, Sarah, Manon, Camille, Inès, Jade, Maëlys).

Liens utiles

Chaque année ou presque, la régie publicitaire du Figaro publie un carnet des prénoms qui a un intérêt : il fournit un “top 20” des prénoms les plus données dans le “Carnet du jour” de l’année passée. L’on peut ainsi se faire une idée des prénoms que la bourgeoisie parisienne se donne (si l’on fait l’hypothèse que le Figaro est un journal de classe).

En 2009, Louise, Joséphine et Victoria semblent être fort appréciées. En 2007, on trouvait bien Louise, en première position, puis Victoire, plus bas, mais pas de Joséphine. En 2007, Charlotte et Camille étaient dans le top 3, seule Camille (17e) persiste.

*

Sans transition :

Sociologie et prénoms, genre et animalité

Le seul intérêt du Carnet des Prénoms 2008 [PDF] du Figaro est la liste du “Top 20” des prénoms donnés par la bourgeoisie parisienne (et dans une moindre mesure française) en 2007 (dans le “Carnet du Jour”).
carnet des prénoms 2008
Le reste, c’est juste de la soupe astrologique ou numérologique.

Il existe de nombreux travaux sociologiques sur les prénoms, qu’ignore le “Carnet des prénoms” du Figaro. Il existe même quelques rares travaux sur les prénoms des animaux domestiques. “Gender Related Naming Practices: Similarities and Differences Between People and their Dogs” est, par exemple, un petit article rédigé par deux gynécologues à l’esprit curieux :

Both male and female dogs had names ending in letters and phonemes characteristic of their respective human male and female counterparts. Female dogs had more syllables in their names than male dogs and a higher percentage of male dogs had one syllable names.

Les deux auteurs ont étudié la proximité structurale des prénoms des Labradors et des humains (homo americanus). Aux USA, les prénoms féminins, par exemple, se terminent souvent par une voyelle (deux tiers des prénoms féminins), et les prénoms masculins par une consonne (les 3/4). “Since pets are treated as “almost human” in many American households, we hypothesized that the same gender-related naming practices used for humans would also be used for pets.” : puisque les animaux domestiques sont traités comme des quasihumains au sein des ménages américains, nous avons fait l’hypothèse que leur prénomination suivait les règles de genre des prénoms donnés aux humains, écrivent-ils. Et la structure se retrouve, en effet.
Il y a même plus : “seventeen percent of the female dog names and almost 10% of male dog names were among the 100 most popular baby names for 2005″… L’on retrouve, parmi les prénoms donnés aux Labradors et aux Labradores, des prénoms à la mode chez les humanoïdes (ou est-ce le contraire ?).

Il serait intéressant et amusant de faire la même chose en France. Je me demande si les compagnies d’assurance canine permettraient à un sociologue d’avoir un accès partiel à leur base de données…