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É. Dubreuil

Élisa Dubreuil est née en janvier 1874 à Iffendic, en Ille et Vilaine. Son père est laboureur. En 1901, la jeune femme aux yeux gris est domestique, et elle épouse François Delalande, né en 1872, cultivateur, 1m61, cheveux bruns et menton ovale. Ils vont habiter à Monterfil, et on les retrouve dans le recensement de 1901 (un petit ménage de deux personnes). En 1906 il accueillent un “enfant assisté”, Georges Roussard né en 1902. En 1911, le recensement indique qu’ils ont deux domestiques, Georges Roussard né en 1902 (l’enfant assisté est devenu domestique, à 9 ans), et Mathilde Orain, née en 1894 à Rennes.

François Delalande, que ses contemporaines jugent idiot, faible d’esprit ou avec « la tête un peu drôle », avait quand même été jugé « propre au service » militaire en 1893. En 1896 il reçoit un certificat de bonne conduite et passe dans l’armée de réserve, puis dans l’armée territoriale. Il est rappelé sous les drapeaux en août 1914, à quarante-deux ans. Il sert jusqu’à octobre 1915, mais dès mars 1915, il est évacué pour « débilité mentale », hospitalisé au Val de Grâce, puis dans divers hôpitaux, pour enfin être réformé en octobre 1915.

Il rentre alors dans son foyer, où, pendant plusieurs mois, Élisa Dubreuil, femme Delalande, a vécu sans lui.

En 1917, Élisa quitte le domicile conjugal en laissant un mot sur la table. Elle avait demandé, depuis un certain temps, à pouvoir porter « le costume masculin ». Les témoignages de l’époque la décrivent comme « grande, solidement bâtie » (elle fait d’ailleurs 1m66, elle est plus grande que son époux), dure à la tâche, contribuant fortement à la prospérité de la ferme. Les voisins disent aussi qu’elle a alors « la figure d’un homme, les bras et la force d’un homme. Entre nous, on en parlait. Mais, puisqu’ils s’entendaient bien tous les deux, François et elle, puisqu’ils vivaient tranquilles et heureux, pourquoi aurions-nous dit quelque chose. C’est leur affaire, à eux tout seuls, pas vrai. »

Au maire du village, pour justifier le droit de porter blouse et paletot, elle avait indiqué être un homme. Face à son refus, il [je vais genrer Élisa au masculin maintenant] avait demandé au docteur de Caze, médecin à Plélan, un examen. De Caze a beau indiquer qu’É. Dubreuil présente « tous les caractères du sexe masculin », le maire refuse : seuls les hommes ont le droit de porter blouse et paletot, et pour devenir homme, il faut un jugement du tribunal civil. Dubreuil demande donc au tribunal civil de Montfort une rectification de son état civil et un changement de prénom : Élie en lieu et place d’Élisa. L’audience a lieu le 20 juillet 1917, au cours de laquelle l’examen médical du docteur de Caze fait preuve : « ses organes sexuels, bien que peu développés, sont cependant complets ». Le 23, É. Dubreuil devient officiellement homme, sans obtenir toutefois le changement de son prénom.

Le mariage est ensuite annulé, sur demande de François Delalande, en raison de ce changement de sexe, par un autre jugement [texte complet du jugement ici].

Mais, devenu homme (et homme célibataire) en pleine guerre, É. Dubreuil est incorporé, dès août 1917, au 41e régiment d’infanterie, sous le prénom d’Élie. Il n’y reste pas longtemps : il est réformé dès le 30 août pour « atrophie testiculaire très prononcée avec ectopie à droite hypospadias avec pénis rudimentaire ».

François Delalande, devenu lui aussi célibataire, se remarie en avril 1918 avec la fille de la voisine, Célestine Salmon : elle a 27 ans, il en a 45, et leur union donne un fils, né dix mois plus tard, en janvier 1919. Il décèdera malheureusement l’année suivante. En 1921, François et Célestine ont un domestique. En 1936, le couple réside seul.

É. Dubreuil lui aussi se remarie, et ce mariage a même lieu deux semaines avant celui de son ex-époux. En avril 1918, il épouse, à Rennes, Adèle Orain, née en 1894 à Rennes. L’acte de mariage, c’est une particularité, souligne le prénom Élisa. Signe, sans doute, du refus de la mairie d’utiliser le prénom Élie sous lequel É. Dubreuil voulait être connu. Mais qui est Adèle, épouse Dubreuil ? Il est très probable que ce soit « Mathilde » Orain, l’ancienne domestique du couple Delalande-Dubreuil : seule une « Orain » naît à Rennes en 1894.

Quelques articles de journaux (ceux qui ont pour origine une dépèche de l’Agence radio), en 1917, invitent à conjoindre Mathilde et Adèle. « Leur bonne a mis au monde un enfant de père inconnu » (vers 1916, il aurait été conçu lors de l’absence de François Delalande) et certains journalistes écrivent qu’É. Dubreuil affirme être le père et vouloir l’annulation de son mariage pour « convoler avec sa bonne, qu’elle avait séduite alors qu’elle était sa patronne ». Ces articles datent de juin ou juillet 1917, avant même le jugement et le remariage. Mais je n’ai pas trouvé trace d’un enfant né, entre 1914 et 1917, de père inconnu et d’une mère nommé Adèle ou Mathilde Orain, dans les villages situés à proximité de Monterfil (ni à Rennes)… cet enfant existe-t-il vraiment ?
[Adèle Orain, née au 56 rue Saint Hélier en 1894 semble être prénommée Marie lors du recensement de 1896]

Je perds ensuite la trace du couple Dubreuil-Orain. Je ne les ai pas retrouvé dans le recensement de 1921. Le registre matricule d’Élie Dubreuil indique, si je lis bien, qu’il est « [.ill.] domestique chez Evain, cultivateur à Breteil », mais si j’ai retrouvé Evain dans les recensements, je n’ai pas trouvé Dubreuil.

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Deux articles : féminisme, immigration

Je signale rapidement deux articles publiés récemment :

  1. «Faire référence. L’économie de la citation dans dix revues féministes» est un chapitre, écrit avec Isabelle Clair et Elsa Dorlin, dans leur ouvrage Photo de famille. Penser des vies intellectuelles d’un point de vue féministe. Dans ce travail, nous avons compté les citations faisant référence à 31 autrices et auteurs, dans 2981 articles dans dix revues féministes, principalement françaises (Travail, genre et société, les Cahiers du genre, Clio, etc…). Nous avons suivi les références faites à 26 femmes (avant 2016) et 5 hommes. Notre corpus compte 2705 auteurs et autrices citant (ou pas) les 31 auteurs et autrices suivies. Une chose m’a frappé : les hommes (a priori féministes) écrivant dans des revues explicitement féministes citent plus souvent des auteurs hommes (et donc moins souvent les autrices) que les femmes…
  2. La diversité des origines et la mixité des unions progressent au fil des générations (dans Insee première, n°1910), écrit avec Jérôme Lê et Patrick Simon, s’intéresse à la proportion d’immigrés, de descendants d’immigrés de 2e génération, et de descendants d’immigrés de troisième génération. On suit donc l’immigration sur trois générations. Et on met en évidence les conséquences de la mixité des unions sur plusieurs générations : Parmi les descendants de 3e génération, neuf sur dix n’ont qu’un ou deux grands-parents immigrés, 92% ont au moins un grand-parent né français en France.

Les prénoms des élus

Il y a, en 2022, environ 502 000 élus dans les différents conseils municipaux en France. Le répertoire national des élus est téléchargeable sur data.gouv.fr. Les prénoms les plus fréquents sont Jean, Marie, Philippe, Michel…
Mais ces prénoms sont aussi fréquents dans la population française non élue. Quels sont donc les prénoms qui sont sur-représentés chez les élus ?

Voici le raisonnement que j’ai suivi : j’ai comparé les prénoms des élus avec les prénoms des personnes nées en France, à partir du Fichier des prénoms, de l’Insee. Je vais présenter les résultats sous la forme d’un graphique qui compare la distribution des prénoms dans le Répertoire national des élus avec la distribution du Fichier des prénoms. Voici un graphique explicatif :
 

Vous remarquerez que les échelles sont logarithmiques.

Première comparaison

Je commence par comparer la population des élus et élues avec la population née en France depuis 1900 à partir du Fichier des prénoms. S’il y a 1,2% des naissances qui sont des naissances de bébés prénommés Zygloub et qu’il y a 2,4% de Zygloub parmi les élus, alors Zygloub est 2 fois plus présent chez les élus que ce qui est attendu (2 = 2,4 / 1,2).

Apparemment, il y a “trop” de Didier et de Régis parmi les élus, et “pas assez” de Jeannine, de Mohamed et de Thérèse. Quatre fois moins de Louis qu’attendu, et trois fois plus d’Hervé.
Mais on a tout de suite un problème : la population des élus municipaux compte moins de femmes que la population française, ce qui va se refléter sur la position des prénoms sur ce graphique. Je vais donc faire une deuxième comparaison, en tenant compte de la part des femmes parmi les élu·e·s.

Deuxième comparaison

Cela ne change pas grand chose, mais on voit des prénoms comme Justine ou Marie se rapprocher d’un rapport d’égalité :
 

Et de l’autre côté du graphique, les prénoms masculins sur-représentés apparaissent moins sur-représentés (étant donné que les hommes constituent la majorité des élus).

Troisième comparaison

On peut aller plus loin : les élus municipaux sont principalement des élus de toutes petites communes. Et à Paris, par exemple, il y a peu d’élus municipaux par comparaison avec la population. Quand on compare les prénoms de la population à ceux des élus, on peut le faire sur une base départementale : s’il y a peu de Samira en Corrèze, il y aura sans doute peu d’élues nommées Samira (même si, dans le Nord, il va naitre plus de Samira).

Dans le graphique suivant, je contrôle donc par les naissances départementales :


 
Peu de changements, là aussi. Mais quand même : si les Mohamed étaient quatre fois moins fréquents qu’attendus quand on ne prenait pas en compte les départements, ils ne sont plus que 2,5 fois moins fréquents qu’attendus.

Quatrième comparaison

Il faut donc probablement contrôler par le sexe et le département, comme je le propose ci-dessous :


 
Bof, non ? Ça ne conduit pas à une modification radicale des sur- et sous-représentations. C’est probablement parce que j’ai oublié que les élus n’avaient pas 110 ans, et qu’ils n’avaient pas 10 ans non plus.

Cinquième comparaison

Il faut donc, bien entendu, contrôler par l’année de naissance. Et cela d’autant plus que les prénoms connaissent souvent une période – plutôt courte – pendant laquelle ils sont beaucoup donnés. Si les Jeannine sont peu présentes parmi les élus, c’est parce qu’elles sont en grande partie déjà décédées.

Dans le graphique suivant, je prend donc en compte la distribution par âge de la population des élus.


 
Ah, là il y a du changement. Une bonne partie des prénoms se retrouvent à proximité du rapport d’égalité entre le nombre d’élus et le nombre attendu d’élus. Mais ne peut-on pas aussi prendre en compte le sexe et le département ?

Sixième comparaison

Oh que si : dans le dernier graphique, je montre les résultats d’un calcul prenant en compte l’année de naissance, le sexe et le département d’élection des élu·e·s :

La “boule” centrale s’est encore rétrécie : on prévoie assez bien combien il y a aura de Céline élues si l’on connaît la distribution par âge, sexe et départements de la population des élues. Il reste quelques prénoms que ces variables expliquent mal : Bertrand, Armelle, Bénédicte, Etienne, Benoît, Hugues et Hubert se retrouvent trop souvent parmi les élus. Est-ce un signe que ces prénoms sont attachés à des personnes disposant de ressources sociales plus importantes ? De l’autre côté, on trouve des prénoms symétriques : Tony, Kevin, Sabrina, Nadia, Jonathan, Jessica… que l’on devrait retrouver plus souvent chez les élus.

Et Mohamed et Karim : même en tenant compte de l’âge des élus, de leur département d’élection, de leur sexe… il y a “trop peu” de Mohamed et de Karim parmi les élus municipaux. Pour quelles raisons ? Peut-être l’utilisation d’un autre prénom au quotidien et une candidature sous un autre prénom que le prénom de naissance (comme le firent ou le font Marie-Ségolène “Ségolène” Royal, Marion-Anne “Marine” Le Pen et tant d’autres). Peut-être qu’il faudrait prendre en compte une échelle plus fine que le département ? Ou peut-être qu’on trouverait d’autres raisons si on cherchait un peu.

Notes :

  1. J’ai transformé les prénoms composés : Anne-Marie est Anne, Jean-Philippe est Jean…
  2. J’ai asciifié les prénoms : ils n’ont plus aucun accent ni cédilles
  3. C’est un peu stupide de prendre en compte les naissances départementales pour estimer une proportion attendue, comme si les élus étaient nés là où ils sont élus
  4. Et en plus, avec la fin du département de la Seine en 1968, les codages bizarres de l’Outre-Mer, je ne suis pas certain de ne pas avoir été trop rapide parfois
  5. J’ai sans doute fait des erreurs, mais si vous voulez les corriger, le code est sur github

Le mystère des garçons en avance

L’avance scolaire des garçons m’étonne, depuis quelques temps déjà (voir les épisodes précédents ici ou encore ). J’ai commencé à explorer les données du “Panel 2007” (qui suit des élèves sur plusieurs années), mais ce n’est pas encore assez abouti.
L’avance scolaire des garçons est bizarre car elle n’est pas entièrement liée à leurs performances scolaires : à notes égales, les garçons sautent plus souvent une classe que les filles. Et cela se vérifie quelque soit la série ou filière du bac et quelque soit l’origine sociale des élèves. Cela peut s’illustrer avec les résultats nominatifs au bac, en prenant les prénoms comme des indicateurs (flous) d’origine sociale.
En abscisse : le pourcentage de mention “Très bien”. En ordonnées : le pourcentage d’élèves en avance. Chaque point représente un groupe d’élèves portant un prénom donné plus de 200 fois. La ligne bleue montre la relation (issue d’une régression linéaire) entre la proportion de garçons obtenant la mention Très bien et la proportion de garçons “en avance”. La ligne rouge montre la même chose pour les filles. Quelque soit l’année (non représentée), quelque soit la série, quelque soit l’origine sociale, les garçons, en moyenne, ont plus souvent sauté une classe que les filles qui ont les mêmes performances scolaires.

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Quand on connaît les primes diverses accordées à la précocité, on ne peut s’empêcher de penser que, décidément, les avantages masculins commencent tôt dans la vie.

Une petite prime à la difficulté

Il y a peu de femmes députées, mais depuis la loi sur la parité, il y a presque autant de candidats que de candidates. Certes. Mais les femmes sont investies, en tendance, dans des circonscriptions plus difficiles à gagner.
On peut mettre cela en évidence en prenant les candidatures aux élections législatives de 2012.
On commence par s’intéresser à l’élection présidentielle et on calcule le score de chaque candidat au premier tour, dans chacune des circoncriptions. Hollande fait tant dans telle circonscription, etc… Puis on s’intéresse aux élections législatives, et on affecte les candidats-députés à chaque candidat-président en fonction de son “étiquette” : les candidats-députés socialistes sont affectées à Hollande, les candidats-députés “UMP” à Sarkozy, etc…
On peut alors regarder si les candidates-députées socialistes, par exemple, sont investies dans des circonscriptions où Hollande a fait un bon score ou un mauvais score, et faire la même chose pour les candidats-députés.
On sépare les candidats “sortants” (celles et ceux qui étaient déjà députés, et qui, très souvent, ont été élus dans des circonscriptions où leur “candidat-président” a fait un bon score) des candidats “nouveaux”.

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Ce que l’on peut voir, c’est que les candidates sont investies dans des circonscriptions où leur “candidat-président” a fait un mauvais score (un score plus bas que sa moyenne). Les candidats, eux, non. De ce fait, il est plus difficile d’être élue députée que d’être élu député.

Les épreuves classantes nationales : âge, sexe et prestige

Il y a, en France, un concours pour devenir interne en médecine, et les listes des reçus sont publiées au journal officiel chaque année, m’apprend nc233.com qui a étudié les prénom des reçus.
J’ai récupéré les listes pour les trois dernières années.
Comme dans toute épreuve scolaire, on remarque que les plus précoces réussissent mieux :

En 2016, 50 % les candidats nés en 1993 sont dans le “top 1000”, alors que moins de 5% de ceux qui sont nés en 1988 s’y trouvent.

Mais à la différence des épreuves scolaires, les filles réussissent moins bien les “Epreuves nationales classantes” que les hommes. La pénalité est d’environ une demi-année : les filles réussissent autant que les garçons qui ont six mois de plus qu’elles.

Et cette plus grande réussite masculine est visible si l’on s’intéresse à la proportion d’hommes en fonction du rang de classement. Plus on se rapproche du début du classement, plus les hommes sont représentés : quand il y a 45% d’hommes au total, ils sont 60% dans les tous premiers rangs :

Et cette prime masculine se reproduit année après année.
Il est intéresssant de voir que la proportion d’homme augmente aussi vers la fin du classement, mais pas aux toutes dernières places, où il n’y a plus que 40% de garçons. Les femmes, elles, sont plus fréquemment représentées au milieu du classement.

Est-ce lié au refus de féminiser les internats et les spécialités médicales les plus prestigieuses ? Ou est-ce un effet du rendement inégal du rang de classement entre hommes et femmes ? Ne sachant pas comment ces épreuves sont organisées, je ne peux pas répondre.

Les arrêtés d’affectation sont aussi publié, et l’on peut voir qui choisit quoi en fonction de son rang de classement. Les premiers classés obtiennent ce qu’ils souhaitent. Les dernières classées prennent ce qui reste.

Dans le tableau suivant, par exemple, on peut lire que la spécialité “pédiatrie” est féminisée. Alors que la chirurgie générale (que ce soit à Paris, à Lille ou à Lyon) l’est peu. La colonne “max” indique la position du dernier reçu (50 indique que le dernier reçu était dans les 50% les mieux classés). Cela indique l’attractivité de la Discipline*Région : ainsi pour espérer une place en cardiologie ou en anesthésie, il vaut mieux être bien classé. En revanche, pour avoir psychiatrie, pas de problème. Et si on est bien classé, en général, on ne demandera pas “medecine générale” à Caen : personne parmi les 20% les mieux classés, entre 2014 et 2016, n’a demandé cette spécialité (ce qu’indique la colonne “min”).

Attractivités des spécialités et des régions
Région Spécialité min max N % Hommes
1 Aix-Marseille. pédiatrie 1 51 50 8
2 Ile-de-France. dermatologie et vénérologie 0 76 52 15.4
3 Lyon. pédiatrie 0 73 51 15.7
4 Ile-de-France. pédiatrie 1 76 253 17.8
5 Ile-de-France. gynécologie obstétrique 1 42 94 18.1
6 Lille. pédiatrie 1 49 65 20
7 Nancy. psychiatrie 7 100 52 25
8 Rennes. médecine générale 0 95 322 30.7
9 Besançon. médecine générale 6 100 237 31.2
10 Aix-Marseille. psychiatrie 5 88 76 31.6
11 Grenoble. médecine générale 4 97 328 31.7
12 Lyon. médecine générale 3 98 555 32.4
13 Nantes. médecine générale 3 90 348 33.9
14 Ile-de-France. pneumologie 1 27 58 34.5
15 Montpellier. médecine générale 1 97 475 34.9
16 Angers. médecine générale 4 97 346 35
17 Bordeaux. psychiatrie 15 92 68 35.3
18 Tours. médecine générale 10 100 263 35.7
19 Ile-de-France. médecine générale 0 100 1730 36.1
20 Strasbourg. médecine générale 4 99 413 36.1
21 Bordeaux. médecine générale 0 98 577 36.4
22 Toulouse. médecine générale 1 98 472 38.3
23 Ile-de-France. psychiatrie 2 91 308 38.6
24 Nice. médecine générale 2 95 247 40.1
25 Saint-Etienne. médecine générale 4 97 234 40.2
26 Aix-Marseille. médecine générale 4 99 653 40.3
27 Clermont-Ferrand. médecine générale 2 100 258 40.7
28 Nancy. médecine générale 17 100 398 40.7
29 Toulouse. psychiatrie 2 96 73 41.1
30 Lyon. psychiatrie 4 75 72 41.7
31 Ile-de-France. médecine interne 0 27 93 41.9
32 Ile-de-France. médecine du travail 29 100 57 42.1
33 Brest. médecine générale 6 99 284 42.3
34 Ile-de-France. gastro-entérologie et hépatologie 0 27 66 42.4
35 Lille. psychiatrie 6 93 120 43.3
36 Rouen. psychiatrie 15 98 62 43.5
37 Ile-de-France. biologie médicale 4 99 55 43.6
38 Ile-de-France. oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale 2 28 55 43.6
39 Rouen. médecine générale 12 100 296 43.6
40 Ile-de-France. neurologie 0 29 64 43.8
41 Poitiers. médecine générale 5 96 368 43.8
42 Lille. médecine générale 1 99 715 43.9
43 Océan-Indien. médecine générale 13 97 169 45
44 Reims. médecine générale 17 100 236 46.6
45 Limoges. médecine générale 10 100 130 46.9
46 Caen. médecine générale 20 100 271 47.6
47 Antilles-Guyane. médecine générale 8 96 212 49.1
48 Dijon. médecine générale 8 100 244 50.4
49 Ile-de-France. oncologie 0 34 76 52.6
50 Poitiers. psychiatrie 6 99 57 54.4
51 Amiens. médecine générale 16 100 246 54.9
52 Ile-de-France. ophtalmologie 0 47 90 55.6
53 Ile-de-France. radiodiagnostic et imagerie médicale 0 22 155 56.1
54 Lyon. anesthésie-réanimation 0 23 50 58
55 Ile-de-France. cardiologie et maladies vasculaires 0 21 141 58.9
56 Montpellier. chirurgie générale 1 51 61 59
57 Lille. anesthésie-réanimation 1 38 60 60
58 Ile-de-France. anesthésie-réanimation 0 41 193 60.6
59 Ile-de-France. santé publique 3 97 51 62.7
60 Ile-de-France. anesthésie réanimation 0 39 92 66.3
61 Lille. radiodiagnostic et imagerie médicale 0 22 57 66.7
62 Lyon. chirurgie générale 2 44 64 67.2
63 Lille. chirurgie générale 1 50 96 67.7
64 Aix-Marseille. chirurgie générale 0 52 66 68.2
65 Ile-de-France. chirurgie générale 0 72 190 68.4
Source : Légifrance

Et un bonus pour celles et ceux qui sont arrivés jusqu’ici : la proportion de candidats “précoces” (qui ont au moins un an de moins que le gros du peloton) par spécialité. 17% des internes en “néphrologie” sont des précoces, et ce n’est que 2,7% des internes en médecine générale (les plus nombreux).

Proportion de candidats précoces
Spécialité % précoces Effectif
santé publique 1.4 222
médecine du travail 1.7 293
médecine générale 2.8 11027
biologie médicale 3.2 339
médecine physique et de réadaptation 3.2 311
endocrinologie, diabète, maladies métaboliques 3.3 246
psychiatrie 3.4 1546
gynécologie-obstétrique 4.7 214
anesthésie réanimation 6.1 460
chirurgie générale 6.4 1260
oncologie 6.6 392
cardiologie et maladies vasculaires 7.1 644
pneumologie 7.1 366
pédiatrie 7.3 995
gynécologie obstétrique 7.5 456
anesthésie-réanimation 8 922
rhumatologie 8.1 271
neurologie 8.6 373
radiodiagnostic et imagerie médicale 9 787
gastro-entérologie et hépatologie 9.1 397
dermatologie et vénérologie 9.4 299
oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale 9.5 262
ophtalmologie 12.6 461
médecine interne 14.7 409
néphrologie 17 265
Source : Légifrance

Hétéro ?

Vous parcourez peut-être ces lignes parce que vous venez de lire le billet publié dans Le Monde, dans le cahier « Science & Médecine » du mercredi 15 décembre 2016, et que vous avez voulu en savoir un peu plus ?
Pour écrire cette chronique, je me suis principalement appuyé sur l’ouvrage de Jane Ward, professeure à l’Université de Californie, Not Gay. Sex between Straight White Men. L’ouvrage repose sur un paradoxe : l’existence d’interactions sexuelles, génitales, entre hommes hétérosexuels. Je vous invite — si vous lisez l’anglais — à lire son livre.
Ward est loin d’être la seule à étudier ainsi l’hétérosexualité masculine. C’est ce que faisait en partie George Chauncey, dans Gay New YorkBud-Sex: Constructing Normative Masculinity among Rural Straight Men That Have Sex With Men».
Toutes ces études montrent par l’exemple que les frontières sociales et symboliques entre homosexualité et hétérosexualité donnent naissance à des pratiques de “boundary crossing” (de traversée des frontières), de “boundary blurring” (de floutage des frontières) et de “boundary brokering” (de négociation des frontières)…
En envoyant la chronique au journal, j’ai demandé un commentaire à Mathieu Trachman. Parce que sa lecture aide à mieux comprendre mon texte, je la reproduits ci-dessous

Tu prends la question des frontières pour monter en généralité, c’est une bonne idée, mais ensuite tu insistes plus sur les processus de catégorisation. La référence à l’actualité est tentante, elle tend sans doute à mettre en regard de situations plutôt différentes (frontières de l’espace public, frontières entre groupes sexuels,
rapport clivé à soi-même…). Par exemple, partir du triptyque pratique / attirance / identification et de ses non recoupements serait plus simple, mais moins accrocheur…

D’une certaine manière, ce qui est premier, ce ne sont pas les frontières, c’est le soupçon d’homosexualité – ce qui permettrait de faire allusion implicitement à toutes les rumeurs circulant sur l’homosexualité de tel ou tel personnage public ?

Ces hommes jouent avec les catégories si tu veux, ils les reconduisent largement : j’insisterai plus sur le genre et la masculinité, dans un contexte où les pratiques sexuelles entre hommes sont spontanément codées comme une identité ou un désir profond. Et l’homosexualité ne se définit pas uniquement par des actes, une identification, c’est sans doute aussi des codes, une culture… Ce qui est aussi présent chez Chauncey.

Je parlerai moins d’excuses (ce qui pourrait laisser entendre qu’ils sont “en fait” gays ou qu’ils n’assument pas leurs désirs) que de justifications que le système sexuel et sexué impose, qu’ils le veuillent ou non. De plus, c’est difficile de saisir si la prolifération des catégories est un effet de ce système ou une manière plus juste et plus précise de saisir des identifications et des désirs.

Toutes ces remarques sont extrêmement pertinentes, notamment parce qu’elles pointent la complexité des catégories d’orientation sexuelle, faites de culture, de désirs, d’opportunités, de contraintes, d’identification, de pratiques, de genre… Mais en 3700 caractères (la taille de la chronique), il est était difficile de déployer toutes ces dimensions. D’où ce petit billet.

Masculinités : l’homme pluriel

Il y a quelques jours se tenait à l’INED une journée d’études sur les socialisations masculines, autour d’un des derniers numéros de la revue Terrains & travaux.
Les intervenants ont discuté des formes que pouvaient prendre la masculinité… ou plutôt les masculinités. Car comme l’écrit Nicolas Journet, masculinités s’écrit désormais au pluriel. Oh, certes, on trouve souvent de la masculinité, mais, de manière croissante, aussi, des masculinités. Et c’est là — en partie — que l’étude de la féminité diffère de l’étude de la masculinité. De maigres indices, mais des indices concordants,

    Sur cairn.info

  • “masculinité” : 3085
    “masculinités” : 317
    (soit 10% des occurrences au singulier)
  • “féminité” : 5071
    “féminités” : 166 :
    (soit 3% des occurrences au singulier)
    Et sur Google Scholar :

  • “masculinité” : 20200
    “masculinités” : 2420: 12%
  • “féminité” : 32400
    “féminités” : 802: 2,5%

Masculinités est beaucoup plus souvent au pluriel que féminités, alors que c’est l’inverse pour les formes singulières de ces deux mots.

On peut sans doute dater assez précisément le dépassement des féminités par les masculinités (là encore, un indice nous est donné par la base google ngram) :

ngram-masculinites

C’est au milieu des années 1990 qu’en France, l’on invente les masculinités. L’on ne mettra “féminité” au pluriel que quelques années après, sans que cela prenne vraiment. Féminités n’est pas la version féminine de masculinités : il y a une spécificité des usages pluriels, nombreux, variés, fréquents, de “masculinités”.
L’influence majeure, sans doute, est l’ouvrage “Masculinities” de R. Connell, publié à l’origine en anglais en 1995. On voit aussi cela sur google-ngram :
ngram-masculinities
Mais dans la langue anglaise, femininities n’a jamais vraiment été utilisé, en tout cas moins qu’en français. On remarque quelques usages, probablement dérivés des “masculinités”, car quand on se met à parler des masculinités, il devient compliqué de parler de “la” féminité, mais ils sont peu nombreux.

En avance !

Dès le primaire, et jusqu’à l’Université, les résultats scolaires des filles sont meilleurs que ceux des garçons. L’avantage masculin lors des tests de mathématiques au début du collège est entièrement compensé par le plus grand avantage féminin dans les autres disciplines. Et au bac, les filles obtiennent de meilleurs résultats : moins d’échecs, moins de passages à l’oral, et plus de mentions.

L’on ne peut donc être étonné par le fait que, depuis l’après seconde guerre mondiale, la proportion de filles “en avance” d’un an ou plus en Terminale soit plus élevée que la proportion de garçons “en avance”. Les élèves qui ont “sauté une classe” sont celles et ceux qui avaient de meilleurs résultats que les autres, qui restent “à l’heure” ou qui redoublent. Les statistiques du ministère de l’éducation le prouvent. En 1971, 7,7% des filles en terminale sont “en avance”, et c’est le cas de 6,3% des garçons. En 2005, après une trentaine d’années de limitation des sauts de classe, 3% des filles de terminale et 2,5% des garçons sont “en avance”.
avance1985-2015
Mais aujourd’hui, l’avantage est masculin : 5,5% des garçons de terminale sont en avance, ce n’est le cas que de 4,5% des filles. Les résultats scolaires des garçons, dans leur ensemble, n’ont pas rejoint ceux des filles. Il est même possible d’aller plus loin : les résultats scolaires des garçons qui ont sauté une classe sont moins bons que ceux des filles qui ont sauté une classe. Le saut de classe n’est plus indexé sur les résultats scolaires. Comment alors expliquer la proportion plus importante de garçons en avance ? Une explication liée à la structure des orientations est probable (les garçons sortent plus vite du système scolaire, et ils se dirigent plus vers les bac pro). Une autre explication est possible : dans les classes supérieures, l’investissement dans l’éducation des garçons s’est renforcé (même si l’égalitarisme est toujours affirmé). Un dernier mécanisme est à explorer, il combine les deux précédentes explications : l’avance scolaire était utilisée par les parents de garçons souhaitant les faire accéder au “bac S”, en anticipant un redoublement possible, en seconde ou en première… La très forte diminution des redoublements au cours des vingt dernières années fait accéder ces garçons aux Terminales sans qu’ils perdent leur avance.

La valeur n’attend pas le nombre des années (de services)

Le Journal officiel publie régulièrement les listes des individus ayant reçu une légion d’honneur ou l’ordre du mérite.
J’ai récupéré rapidement quelques décrets de promotion et de nomination pour l’année 2015 et 2014. On trouve un peu plus fréquemment des porteurs de noms à particule parmi les récipiendaires de la légion d’honneur que parmi celles et ceux de l’ordre du mérite.
Le décret indique le nombre d’ « années de services ». Certains reçoivent leur médaille très vieux, après plusieurs dizaines d’années de services, d’autre plus jeunes. Et les femmes la reçoivent souvent plus rapidement que les hommes, comme le montrent les histogrammes suivants.
Le nombre d’hommes et de femmes est quasi égal : l’exigence de parité s’applique depuis quelques années aux Ordres nationaux. Mais les personnes nommées avant 35 années de services sont plutôt des femmes et celles qui sont nommées après 35 années de service sont plutôt des hommes.
legionHF2015

meriteHF2015

Notons cependant que je ne sais pas vraiment ce que recouvrent ces « années de services », et qu’il est donc complexe d’essayer de proposer d’autres interprétations de cette différence.