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Deux articles : féminisme, immigration

Je signale rapidement deux articles publiés récemment :

  1. «Faire référence. L’économie de la citation dans dix revues féministes» est un chapitre, écrit avec Isabelle Clair et Elsa Dorlin, dans leur ouvrage Photo de famille. Penser des vies intellectuelles d’un point de vue féministe. Dans ce travail, nous avons compté les citations faisant référence à 31 autrices et auteurs, dans 2981 articles dans dix revues féministes, principalement françaises (Travail, genre et société, les Cahiers du genre, Clio, etc…). Nous avons suivi les références faites à 26 femmes (avant 2016) et 5 hommes. Notre corpus compte 2705 auteurs et autrices citant (ou pas) les 31 auteurs et autrices suivies. Une chose m’a frappé : les hommes (a priori féministes) écrivant dans des revues explicitement féministes citent plus souvent des auteurs hommes (et donc moins souvent les autrices) que les femmes…
  2. La diversité des origines et la mixité des unions progressent au fil des générations (dans Insee première, n°1910), écrit avec Jérôme Lê et Patrick Simon, s’intéresse à la proportion d’immigrés, de descendants d’immigrés de 2e génération, et de descendants d’immigrés de troisième génération. On suit donc l’immigration sur trois générations. Et on met en évidence les conséquences de la mixité des unions sur plusieurs générations : Parmi les descendants de 3e génération, neuf sur dix n’ont qu’un ou deux grands-parents immigrés, 92% ont au moins un grand-parent né français en France.

Découpages incongrus

Maintenant que l’Institut géographique national a libéré ses données, on dispose des découpages géographiques à des échelles très fines : IRIS ou communes, par exemple.
Mais parfois, on a besoin d’un autre découpage de la France, parce que les données sont disponibles à une autre échelle, celle des ressorts des tribunaux judiciaires par exemple, ou un mélange de départements, régions, EPCI…

Commençons par les tribunaux. On trouve, sur le site de l’observatoire des territoires le tribunal de rattachement de toutes les communes françaises. On peut donc, à partir du fichier “ADMIN EXPRESS” de l’IGN, faire la jointure entre communes et tribunal, pour dessiner la carte des ressorts des 164 tribunaux.

La carte des ressorts des tribunaux :

que l’on peut relier à des données (comme la durée moyenne des affaires) :

Et maintenant le recensement. L’insee met à disposition, en accès libre, les fichiers détail du recensement. Il existe un fichier avec les individus localisés à la région, fichier proposant des variables avec des modalités très fines, comme la profession détaillée. Le titre du fichier est légèrement trompeur, car les individus sont localisés à l’échelle de la région pour les régions peu peuplées, mais aussi à l’échelle du département, pour les départements de plus de 700 000 personnes, et à l’échelle de l’EPCI (pour Paris, Marseille, Lille, Lyon, Bordeaux et Toulouse). Cela donne un découpage un peu incongru de la France, que voici :

Comme vous pouvez le constater, on trouve les départements peuplés de la Bretagne, des grosses métropoles, et de larges régions un peu plus vides.

Ce découpage n’est pas inutile. Voici, par exemple, une cartographie de la part d’immigré.e.s parmi les hommes et femmes de ménage auprès des particuliers :

Je vais essayer de mettre le code permettant de générer ces cartes sur github.

Quels prénoms les immigrés (et leurs descendants) donnent-ils à leurs enfants ?

Vous arrivez peut-être ici après avoir lu le numéro de Population et Sociétés publié aujourd’hui, et vous souhaitez en savoir plus.
Le format de Population et Sociétés, 4 courtes pages, est parfait pour résumer des recherches, mais laisse parfois sur sa faim. Voici ce que je souhaite ajouter.
 
Le score de distance :
Tout d’abord, avec Patrick Simon, nous étudions les choix des prénoms de deux manières. Une première (centrale dans l’article) consiste à classer les prénoms en grandes zones nationales/culturelles/religieuses en fonction de leur structure syllabique. Une deuxième manière (moins utilisée dans l’article) consiste à calculer, pour chaque prénom, un score, variant entre zéro et 100, en fonction de la proportion relative des prénoms dans deux groupes : celui des enfants dont les deux parents sont nés en France, et celui des enfants dont un des parents au moins est né hors de France. Ce score, utilisé assez souvent depuis une quinzaine d’années, permet de repérer les prénoms que portent les enfants de natifs et les prénoms que portent les autres enfants. Un score de 75 indique que le prénom est trois fois plus fréquent dans le groupe des enfants de natifs que dans le deuxième groupe. Un score proche de zéro indique que ce prénom n’est presque jamais choisi par deux parents nés en France pour leur enfant.
Prenons les Sabrina. 0,2% des Sabrina sont enfant de couples nés en France, mais 1% des Sabrina sont enfant de couples dont un des membres est né à l’étranger. Le score du prénom Sabrina sera 100 * 0,2 / (1+0,2), soit 17.
Dans le cas des Océane, les chiffres sont 0,8% (couples nés en France), et 0,1% (couples dont un des membres est né à l’étranger). Son score est donc 100*0,8/(0,8+0,1), soit 89.

Voici le score moyen des prénoms portés par les immigrés, les descendants d’immigrés, les enfants de descendants d’immigrés et la “population majoritaire” (et ses descendants) :

Ce score est intéressant en lui-même, mais aussi en comparaison avec la classification “syllabique” des prénoms. Avec la classification des prénoms, on peut constater par exemple (c’est le graphique 1 dans le Population et Sociétés), que les Français sans origine migratoire directe (la “population majoritaire”) donne de moins en moins souvent des prénoms français à ses enfants : Erwan, Kilian, Clara, Enzo… ont remplacé les prénoms des Saints, ou les prénoms fréquents au XIXe siècle, ou les prénoms “qui sonnent français”. Quel que soit l’indice retenu, on constatera l’abandon, par les Français sans origine migratoire directe, du registre des prénoms français. Cela se fait au profit du registre “latin”, du registre “anglo”, “celtique”, etc…
Le score numérique nous apporte une autre information : comme vous pouvez le constater ci-dessous, il reste stable. Les Français sans origine migratoire directe piochent dans des registres non-français… sans que le score moyen des prénoms choisis ne se rapproche de celui des immigrés ou de leurs descendants ? Pour une raison simple : les Français (sans origine etc…) ne piochent pas dans le stock des prénoms porté par les immigrés. Ils continuent à maintenir une distance culturelle : Enzo devient possible quand les immigrés ne s’appellent plus Enzo.
 
La course à l’assimilation :
Imaginons l’assimilation (la disparition des différences saillantes entre deux populations) comme une course de 100 mètres, sur plusieurs générations. La vitesse de course peut se calculer, par exemple, à partir de l’abandon des prénoms du pays d’origine (le passage de 90% à 50% puis à 20%, par exemple). Ou se calculer à partir du score moyen des prénoms des immigrés, des descendants, et des enfants des descendants…
Ce que l’on verra, si l’on calcule la vitesse à laquelle courent les groupes d’immigrés et leurs descendants (par exemple les originaires d’Afrique du Nord par comparaison avec les originaires d’Europe du sud), c’est que, sur deux générations, des immigrés à leurs petits enfants, la vitesse est grosso-modo la même, la distance parcourue sur deux génération est comparable. L’assimilation est un processus social collectif auquel il est difficile d’échapper.
Mais si les immigrés courent tous au même rythme, ils ne participent pas à la même course. Les immigrés d’Europe du Sud (et leurs descendants) arrivent avec des prénoms plus proches des prénoms portés en France : il arrivent avec 10 à 20 mètres d’avance sur les immigrés d’Afrique du Nord. Et l’adoption, par les Français sans origine migratoire directe, de prénoms “latin” fait que, pour le dire vite, les immigrés d’Europe du Sud n’ont pas besoin de courir pour voir la distance se raccourcir.
J’ai essayé de montrer ceci avec un Gif Animé, mais je ne suis pas graphiste :

Quels prénoms ?

Depuis le 1er septembre, et pour un an — jusque fin août 2017 donc —, je suis en délégation pour recherches à l’INED. Mon travail va porter sur les prénoms que les immigrés (et les descendants d’immigrés) donnent à leurs enfants, à partir de l’enquête TeO. C’est une étude que j’avais commencée il y a quelques années déjà, mais que je n’avais pu terminer (en raison de la rédaction d’un ouvrage sur les changements de prénoms, d’une habilitation à diriger des recherches et de responsabilités administratives variées, au sein du département de sociologie de Paris 8).
Dans un contexte juridique entièrement libéral, quels prénoms les parents choisissent-ils ? A quelles caractéristiques individuelles (niveau de diplôme, ancienneté de résidence en France…) et contextuelles (lieu de résidence, environnement familial, amical et de travail…) sont associés certains choix ? Garçons et filles reçoivent-ils des prénoms du même registre ? Y a-t-il un lien entre l’expérience du racisme (en raison du nom ou du prénom) et le choix de tel ou tel prénom ?
Il existe une poignées d’articles sur les prénoms que reçoivent les enfants des immigrés, et même des travaux récents, qui montrent une tendance à l'”acculturation conservatrice” (le choix de prénoms “qui ont fait leur preuve” plutôt que de prénoms neufs). Mais ces enquêtes ne portaient pas sur la France. Essayons donc d’en savoir un peu plus.

L’accès sécurisé aux données

Jusque dans les années 1960-1970, l’accès aux données administratives était relativement facile aux sociologues. Depuis le développement des législations protégeant la vie privée des acteurs sociaux, c’est plus compliqué. Heureusement, la plupart du temps, la sociologue n’a pas besoin d’informations comme le revenu déclaré par les individus et les ménages habitant telle adresse. Mais parfois, si.
Dans ce cadre a été créé le CASD, “Centre d’accès sécurisé aux données”.

C’était l’introduction.

Depuis quelques années, je travaille à comprendre les usages sociaux du prénom. Le “Fichier des prénoms” de l’INSEE, ou de vieilles “Enquêtes Emploi” non anonymisées permettent de répliquer des résultats connus depuis les travaux de Besnard et Desplanques. Mais on en fait le tour. Ma recherche sur les changements de prénoms et la lecture de travaux sur les prénoms donnés par les migrants à leurs enfants m’a incité à diriger mes recherches vers ce thème: quels prénoms sont donnés par les migrants et leurs descendants ?
L’enquête TeO, Trajectoires et Origines, est une enquête récente. Y ont été interrogées 11 000 personnes nées en France métropolitaine et 11 000 hors de France métropolitaine. Comme il est de coutume dans les enquêtes de l’INED et de l’INSEE, les prénoms sont recueillis au départ du questionnaire, afin que les questions posées soient “Depuis combien de temps Robert est-il…” et non pas “Depuis combien de temps Individu7 est-il…”
TeO-prenoms
[extrait du questionnaire de l’enquête TeO]
Puis les prénoms sont séparés de la base de données : les chercheurs n’y ont pas accès, ils n’ont accès qu’à des identifiants numériques. Et Robert n’y pourra rien : il n’est maintenant qu’un numéro.

J’ai donc demandé, après plusieurs contacts auprès de l’INSEE et de l’INED, au Comité du Secret Statistique l’autorisation d’avoir accès aux prénoms de TeO. En décembre 2012, j’ai été auditionné par le Comité (l’audition fut très courte, le dossier avait été instruit et ne soulevait pas de problèmes particuliers). Les données seront accessibles par l’intermédiaire du “CASD”, le Centre d’accès sécurisé aux données.

Le CASD fournit un terminal (gros comme une demi-freebox) qui permet de faire des traitements statistiques sur les données, mais ne permet ni copie d’écran ni téléchargement des données : les données restent sur un serveur localisé — peut-être — dans les sous-sols de Malakoff. Le terminal ne fonctionne qu’à travers une double identification individuelle : par carte à puce et empreintes digitales. Un VPN permet d’accéder au serveur. Si le terminal, qui est dans un placard fermé dans un bureau fermé dans un lieu surveillé, est volé, le voleur ne pourra rien faire. Il lui faudrait ma carte à puce (conservée ailleurs) et mes doigts (toujours sur moi).
sdbox
Une fois les traitements statistiques effectués, les tableaux ou graphiques seront évalués par un agent du CASD, afin de vérifier qu’ils ne contiennent pas de données permettant d’identifier un individu précis.

Ce système, un peu complexe, me semble pour l’instant parfait [même si, pour des raisons liées à la configuration du réseau dans les locaux où je travaille, le VPN n’a pas encore pu être mis en place] : la nécessaire protection de la vie privée s’accompagne de la possibilité de travailler sur des données individuelles.

Changer de prénom (article du Monde)

Si vous arrivez ici suite à l’article du Monde (daté du 24 avril 2012), voici quelques précisions sur mon travail.
Comme précisé dans la partie Recherche du site, je mène actuellement une recherche sur les changements de prénoms dans le cadre d’une convention avec la Mission de recherche droit et justice. Cette recherche est centrée sur la procédure judiciaire : je ne m’intéresse qu’aux personnes faisant appel à la justice pour changer leur acte de naissance.
C’est après avoir écrit Sociologie des prénoms qu’une recherche sur les changements de prénom m’a semblé intéressante, pour comprendre une partie des usages des prénoms. Les sociologues savent beaucoup de choses sur le choix du prénom (par les parents), et peu de choses sur ce que l’on fait, ensuite, avec ce prénom.
Vous pouvez, si vous voulez en savoir plus, acheter Sociologie des prénoms, ou m’écrire en utilisant l’adresse suivante : prenoms@coulmont.com (sans accent).
Ces changements de prénom (comme les changements de nom) mettent en lumière « l’emprise du national sur le nominal » (pour reprendre l’expression de Nicole Lapierre) mais aussi les usages “narratifs” de l’état civil.

En France, aujourd’hui, le choix du prénom est libéralisé, il appartient pleinement aux parents. Il n’en va pas encore de même du choix d’un nouveau prénom (par les parents ou par l’enfant lui-même), qui est encore soumis à un contrôle judiciaire. Et il n’en va pas de même dans tous les pays. Le Maroc (comme le montre l’attestation consulaire copiée ci-contre) demande à ses citoyens d’avoir un prénom traditionnel marocain, ce qui peut poser problème à des parents cherchant à inscrire leur enfant dans deux espaces nationaux, s’ils ne vérifient pas le caractère marocain du prénom choisi.
La Turquie (et certains consulats turcs) cherche à maintenir les frontières de son alphabet, ce qui contraint certains enfants turcs, mais nés en France, à modifier, parfois très légèrement, leur prénom. Cette “tension alphabétique” s’est faite plus forte depuis une douzaine d’années, suite, notamment, à des revendications kurdes.

Aslan (Senem), 2009. Incoherent State: The Controversy over Kurdish Naming in Turkey. European Journal of Turkish Studies, (10). http://ejts.revues.org/index4142.html :
Especially in the post-2000 period, Kurdish activists sought to construct unique Kurdish names […] with letters that do not exist in the official alphabet […] [T]he pro-Kurdish Democratic People’s Party (DEHAP) and the Free Society Party (ÖTP) organized a campaign for the registration of Kurdish names that include letters q, x, and w, which do not exist in the official alphabet. Administrators of these parties collectively applied to courts to replace their names with explicit Kurdish names such as Xemgin, Berxwedan, Warjin, Qalferat, and Hêzîl Avaşîn.

En France, la procédure de “francisation” des noms et prénoms, proposée lors de la naturalisation (ou de l’acquisition de la nationalité), continue à entretenir un lien entre appartenance nationale et identité “nominale”. Nombreuses sont les personnes à demander à la justice une “défrancisation“, suite à la francisation d’un prénom [Mais ces personnes ne constituent qu’une petite partie des personnes qui ont francisé leur prénom].
 
L’« emprise du national sur le nominal » n’est qu’un aspect — éclairant, mais partiel — des changements de prénom. Une autre facette éclaire les demandes : l’état civil est considéré par les demandeurs comme une cristallisation de leur histoire personnelle. Pour beaucoup, les papiers disent une partie de la vérité des personnes (“C’est quoi ton vrai prénom ?”). Agir sur l’état civil permet ici de rectifier une histoire, de lui donner une unité, de choisir une lignée maternelle ou paternelle, de restaurer l’influence d’un aïeul, de s’inscrire dans un monde plutôt que dans un autre. C’est peut-être cela que Michel Foucault appelait la morale d’état civil.
 
N’hésitez pas à me contacter. Par mail à prenoms@coulmont.com ou en laissant un commentaire à ce billet.

La défrancisation

Il est possible de franciser ses prénoms et son nom de famille en acquérant la nationalité française. C’est une procédure à la signification ambigüe : d’un côté elle permet à des citoyens de ne plus être perçus — à distance — comme des étrangers; de l’autre elle manifeste une sorte de “nationalisme onomastique” [on appelle “onomastique” la science des noms propres]. Dans les faits aussi, une certaine ambigüité demeure : c’est une procédure facultative… mais c’est la première question qui apparaît sur le formulaire de naturalisation.
Parfois, la francisation passe mal. Le nouveau nom, ou le nouveau prénom, n’est pas utilisé car il apparaît trop étranger à soi-même. Ou alors plusieurs “nationalismes onomastiques” entrent en conflit.

Je suis d’origine marocaine et j’ai changé mon nom suite à ma naturalisation fin 2005, donc j’ai traduit mon nom de naissance (proposition faite par le ministère des affaires étrangères), ce qui a donné le nom Castel, un nom tout à fait noble et joli.

Au fur à mesure, je rencontre des soucis à la fois en France et au Maroc et qui deviennent très lourds à gérer. En France, on me pose la question « êtes-vous mariée » et on me regarde de travers quand je dis non!. Etant une personne très réservée, je n’aime pas parler de ma vie privée, mais ce nom suscite la curiosité des gens qui n’arrêtent pas de me poser des questions. Même en cas de contrôle de routine par la police, je me retrouve gênée par leurs questions.

Au Maroc, le nom Castel est refusé par les autorités marocaines à partir du moment où vous êtes au Maroc, aucune possibilité d’acceptation d’un nom français. Donc à l’aéroport je me fais toujours embêter parce qu’on me demande la carte d’identité marocaine et non la française. Le consulat du Maroc ici a refusé également ce nom et on me traite d’avoir renié mon pays natal.

Il est vrai qu’au moment où j’ai changé de nom, je n’ai pas réfléchi aux conséquences et que cela allait me rendre malade. Je pensais que mon nom natal allait disparaître sur les papiers, mais je me suis rendue compte que ce nom est mentionnée sur mon acte de naissance. Aujourd’hui je suis au bord de la dépression à cause de ce double patronyme et cela fait 6 ans que je vis avec ça, je ne supporte plus cette situation et j’aimerais savoir si c’est possible en France de récupérer mon nom de naissance tout simplement pour retrouver la paix et la sérenité.

Ce texte (reçu par mail) est touchant : en changeant de nom de famille, Mme Castel se retrouve sous le soupçon de fausse identité en France (son corps ne ressemble pas à son identité de papier) ou de reniement au Maroc (où changer d’identité civile au profit de l’ancienne puissance coloniale semble mal perçu). Parce que ces deux pays associent, à des degrés divers, le nom à l’appartenance nationale, les individus se trouvent au coeurs de conflits qui leur échappent.

Si madame Castel avait francisé son prénom, par exemple de Samia en Virginie, il lui aurait été possible de dé-franciser son prénom en montrant que seul Samia a, depuis sa naturalisation, été utilisé, et qu’un double état-civil pose problème dans la vie quotidienne.

Mais la dé-francisation du nom de famille n’est pas possible : le “Service du Sceau au ministère de la justice”, qui s’occupe de ces changements de noms de famille, a développé une jurisprudence très restrictive qui interdit de prendre un “nom étranger”. Certains descendants de migrants d’Europe de l’Est, souvent juifs, qui avaient pris, après 1945, des noms de famille “francisés” cherchent aujourd’hui à reprendre ces noms d’origine. Un collectif, la force du nom, s’est constitué au cours des dernières années. Un DVD, “Et leur nom, ils l’ont changé”, a été produit, qui montre bien les différences entre générations, les plus âgés n’ayant pas l’investissement émotionnel de leurs enfants.

Prénoms et immigration : Les enfants de Mohamed et Larbia Dupont s’appellent Yanis et Ines

Quels prénoms les immigrés donnent à leurs enfants ? Plusieurs articles ont paru récemment sur le sujet (Arai et al. 2009; Becker 2009; Gerhards et Hans 2009; Valetas et Bringé, à paraître; Sue et Telles 2007). Deux sur la France, deux sur l’Allemagne, un sur les USA. Voici quelques mots, un peu dans le désordre.
Les auteurs font le pari que les prénoms peuvent servir d’indicateur de l’acculturation, de l’assimilation ou de l’intégration. La chose semble assez logique : les prénoms des Marocains au Maroc et des Français en France diffèrent assez fortement… ceux que les immigrés marocains en France donnent à leurs enfants sont peut-être intermédiaires, et ceux que ces enfants donnent à leurs enfants ressemblent peut-être encore plus au stock général. De plus la disparition des prénoms allogènes a été observée auparavant, avant l’existence de grandes enquêtes statistiques : les enfants des Portugais, des Polonais, des Italiens… ont pu recevoir des prénoms différents de ceux que leurs parents portaient. Maintenant que l’on dispose d’enquêtes (ou de grandes bases de données administratives) il est possible d’essayer de comprendre comment cela se passe.

Les méthodes diffèrent légèrement. Travailler sur les prénoms pose des problèmes spécifiques. Les prénoms sont très nombreux et doivent être transformés en données utilisables.
Araï et alii construisent un « indice de francité » qui varie entre 0 et 1. L’indice reçoit 0 quand le prénom n’est donné que par des immigrants à leurs enfants… et 1 quand le prénom n’est donné que par des « native French ».
Les autres articles construisent des « familles de prénoms » : Gerhards et Hans classent chaque prénom en fonction de sa fréquence dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil : ils réalisent donc un travail de codage manuel, en s’assurant de la présence d’au moins un immigré de chacun des groupes parmi les codeurs (et c’est la même chose dans l’article de Becker). Sue et Telles construisent aussi un indice : 1 = « prénom English non traduisible en espagnol »… 5 = « prénom Spanish non traduisible en anglais ». Enfin Valetas et Bringé construisent 4 catégories : pour les enfants des Algériens « prénoms traditionnels » et « prénoms modernes » font référence aux prénoms en cours en Algérie, les prénoms français et prénoms internationaux étant les deux dernières catégories.
La méthode utilisée par Araï et alii me semble a priori la plus satisfaisante (mais interdit probablement certains traitements) : le traitement est grandement automatisé. Elle ne fait pas intervenir le goût de codeurs. Pour prendre un exemple, prenons « Sabrina » : ce prénom apparaîtra à certains comme un prénom classique, un peu comme « Nicolas » ; à d’autres comme une abomination, comme un prénom étranger, comme un prénom maghrébin, comme un prénom portugais, etc… Ce que l’on ressent face à un prénom dépend de sa position sociale.

Malgré la différence des méthodes, l’on va trouver d’étranges similarités.

Immigrer à un jeune âge, avoir immigré depuis longtemps… conduit à donner à ses enfants des prénoms plus proches des prénoms du pays d’accueil. Il en va de même avec le nombre d’années d’études et l’insertion sur le marché du travail : quand ces dernières augmentent, les prénoms se rapprochent. Le mariage avec un « native » (mariage mixte) conduit aussi à des prénoms éloignés de ceux du pays d’origine.

La similarité la plus remarquable concerne les filles.
Les prénoms donnés aux filles n’ont pas tout à fait les mêmes caractéristiques que les prénoms donnés aux garçons. Les bébés filles reçoivent, dans les 3 pays ici étudiés, des prénoms plus proches des prénoms déjà en usage, alors que les prénoms donnés aux garçons diffèrent de ce stock. Les filles des immigrés (qu’ils soient du Mexique, de Turquie, du Maghreb ou de Yougoslavie) ont plus de probabilité d’avoir un prénom local (allemand, étatsunien, français) que les garçons des immigrés.
Dans l’article de Becker, qui porte sur 600 familles d’origine turque : les filles reçoivent des prénoms « communs aux deux pays » trois fois plus fréquemment que les garçons. Chez Valetas & Bringé : « chez les immigrés algériens, les garçons reçoivent un prénom traditionnel à plus de 80%. Ce n’est le cas que pour deux filles sur trois ».

Les auteurs interprêtent ces résultats de plusieurs manières, parfois en rattachant cette différence à la différence de genre. Les garçons seraient détenteurs de la continuité familiale, ethnique ou identitaire… et recevraient donc des prénoms « marqués ». Ce ne serait pas le cas des filles… Cette interprêtation, qui est en grande partie celle de Sue et Telles, me gêne aux entournures (et je suis plein d’entournures) : dans d’autres cas, l’on interprêterait tout aussi bien des pratiques « féminines » comme liées au fait que ce sont les femmes qui transmettent, blah, blah…

J’aurai tendance à penser que ces différences entre prénoms donnés aux garçons et prénoms donnés aux filles sont liées à une différence de structure dans le stock des prénoms du « pays d’accueil ». Les prénoms féminins sont depuis longtemps plus variés que les prénoms masculins : en France depuis la fin du XVIIIe siècle les parents sont plus innovateurs en ce qui concerne les prénoms des filles.
Gerhards et Hans repèrent autre chose : le prénom des immigrantes (nées en Turquie par exemple) est plus fréquemment que celui des immigrants un prénom qui a court dans le pays d’accueil. Tout simplement : il y a plus de prénoms féminins communs aux deux pays que de prénoms masculins.

Vous pouvez me dire : cela ne fait que repousser le problème d’un cran. Mais ça en résoud un autre : en choisissant des prénoms innovateurs pour les filles et des prénoms « classiques » pour les garçons, les immigrés reproduisent des pratiques en phase avec celles du pays d’accueil.

Un autre élément me gêne aussi : les auteurs ont tendance à écrire que les prénoms du pays d’origine sont des prénoms traditionnels. Mais il existe, au Maghreb, en Turquie ou au Mexique, des mouvements de mode… mais peu de travaux encore (Bulliet 1978; Borrmans 1968). Les prénoms turcs ont pourtant été modifiés par le nationalisme kémaliste, mais aussi par des mouvements politiques islamistes. Des mouvements de mode sont aussi visibles au Maghreb dès les années soixante. C’est pour cela que l’article de Valetas et Bringé propose deux groupes de prénoms du Maghreb : les “classiques” et les “modernes”.

À suivre… Car on peut observer aussi d’autres formes d’acculturation. De la même manière que certaines Françaises se trouvent des racines celtes (ou des racines occitanes, basques, corses) et donnent à leurs enfants des prénoms “bretons” (ou …), d’autres Françaises vont se trouver d’autres racines. L’indicateur “prénom” est bien complexe.

Bibliographie
Arai, Mahmood, Damien Besancenot, Kim Huynh, et Ali Skalli. 2009. Children’s first names and immigration background in France. HALSHS http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00383090/fr/.
Becker, Birgit. 2009. Immigrants’ emotional identification with the host society. Ethnicities 9, no. 2: 200-225. doi:10.1177/1468796809103460. [En ligne en version préliminaire sur EqualSoc]
Borrmans, Maurice. 1968. Prénoms arabes et changement social en Tunisie. IBLA, revue de l’Institut des Belles Lettres Arabes 121: 97-112.
Bulliet, Richard W. 1978. First Names and Political Change in Modern Turkey. International Journal of Middle East Studies 9, no. 4 (Novembre): 489-495.
Gerhards, Jürgen, et Silke Hans. 2009. From Hasan to Herbert: Name-Giving Patterns of Immigrant Parents between acculturation and Ethnic Maintenance. American Journal of Sociology 114, no. 4: 1102-1128.
Sue, Christina A, et Edward E Telles. 2007. Assimilation and Gender in Naming. American Journal of Sociology 112, no. 5: 1383-1415.
Valetas, Marie-France, et Arnaud Bringé. Prénoms des enfants d’immigrés en France: Une pratique différente selon le sexe ? Dans Du genre à l’Afrique. Hommage à Thérèse Locoh, éd. Jacques Vallin, 57-65. Paris: Editions de l’Institut national d’études démographiques, paraître.

Note : le titre du billet est une allusion à un article de Desplanques.

Bouts de marabouts

Fonds de tiroirs, à vider avant les vacances. Flyers de marabout…

marabouts

Un peu de cartographie, extraite d’un ouvrage de Liliane Kuczynski :
marabouts-kuczynski
C’est là un bel exemple d’utilisation sociologique d’un corpus. Il faudrait voir si, entre 1993 et aujourd’hui, la dispersion des marabouts à Paris a été modifiée… Des collections systématiques de flyers devraient permettre de repérer ces modifications : Qui voudrait faire un mémoire de master sous ma direction ?

 

Ailleurs sur internet :
Sémiologie structurale du flyer de marabout et autres “Personal Marabouts Generator”.
Pool “Flyers de Marabouts” sur Flickr.
La dictature du nom de L. Kuczynski.

La francisation

Imaginons que vous soyez étrangère, que, par exemple vous vous appeliez محمد بن خلدون (peu de chance, mais imaginons). Vous demandez la nationalité française. Bien. Que découvrez-vous sur le formulaire de demande d’acquisition de la nationalité française ?

acquisition de la nationalité française

Vous découvrez la possibilité de “franciser” des noms et des prénoms (les vôtres, mais aussi ceux de vos enfants qui n’ont pas la nationalité française).
C’est, comme vous le voyez, la deuxième case à cocher, signe de son importance symbolique. Qu’est-ce donc que cette “francisation” ? Ce n’est pas une translittération, mais une transformation du prénom (ou du nom) d’origine en un autre, appartenant au stock en usage en France.

Les pages 5 et 6 du document CERFA 51148*01 : Notice d’information pour les candidats à la naturalisation ou à la réintégration dans la nationalité française [PDF] donnent quelques précisions. Il est par exemple possible de traduire “en langue française [le] nom étranger lorsque ce nom a une signification”. Wiesnienski deviendra ainsi “Merisier”, et Haddad “Laforge”. Mais : “Si vous êtes dans ce cas, vous devez fournir une attestation établie par un traducteur assermenté.” Il est aussi possible de “transformer” le “nom étranger pour aboutir à un nom français. Dans ce cas, le nom demandé ne doit pas être trop éloigné du nom d’origine et présenter une consonance et une orthographe françaises.”. Fayad deviendra “Fayard”.

La demande de francisation elle-même est manifestée en remplissant le formulaire CERFA 65-0054 : “Demande de francisation (facultative) [PDF]. Apparaît alors une possibilité qui n’était pas mentionnée dans les documents précédents. Il est possible de déclarer : “Je sollicite l’attribution d’un prénom français“, attribution qui sera — si j’ai bien compris — réalisée par l’employé administratif qui se trouve face à la demandeure. Ont-ils un livre des prénoms français ? ou une liste mille fois photocopiée de vieux prénoms “bien de chez nous” ?
francisation attribution d'un prénom

L’acquisition d’une nouvelle nationalité est probablement proche de l’endossement d’une nouvelle identité, et il est intéressant que l’Etat se fasse l’écho de ce désir de changement… Oui, mais ce serait trop simple. L’Etat, ici, ne propose pas un nouveau nom, il propose (c’est l’un des exemples officiels) de changer “Maria” en “Marie”, “Antonia” en “Adrienne” (sic). L’Etat propose une “francisation”. Et aujourd’hui, la possibilité même de francisation peut être vue comme une petite violence faite à l’identité d’origine, comme une demande d’un autre âge. “On croirait voir un agent recenseur colonial”… me déclarait un collègue avec qui je discutais de cette affaire.
D’où vient alors cette idée de francisation ?
Avant la Seconde guerre mondiale, la francisation de l’identité onomastique des naturalisés n’était pas largement acceptée. C’est le “déguisement des envahisseurs” écrivait Le Figaro le 24 juin 1927 en commentaire d’un projet de loi :

Les chiens de notre pays grognent sourdement quand ils flairent ces odeurs insolites [de peaux exotiques]. Les hommes de notre pays dressent l’oreille avec inquiétude quand ils entendent résonner ces noms sauvages. Il n’y aura pas moyen de tromper les chiens ; on va tâcher de tromper les hommes. […]
Un nombre infini de métèques, surtout dans le monde parisien, se cachent sous des noms français. […] Sous prétexte de sauvegarder “la musicalité (sic [dans le texte]) de notre langue”, en réalité pour endormir notre méfiance, le naturalisé poura “franciser” ses noms et prénoms […]
Le Figaro, 24 juin 1927, p.1 — sur Gallica

(On tremble d’ironie à savoir Marcel Dassault posséder aujourd’hui ce titre de presse).
Après la Seconde guerre mondiale, en 1945 mais surtout à partir de 1947, la francisation devient possible. Il s’agit désormais d’intégrer, en combinant incitations institutionnelles et individualisation des démarches. La circulaire du 23 avril 1947 relative à l’instruction des demandes de naturalisation précise :

La francisation devra tendre autant que possible à faire perdre aux noms leur aspect et la consonance étrangers. (…) L’expérience a démontré, en effet, qu’un naturalisé dont le nom difficilement prononçable rappelle à chaque instant son origine étrangère se fond moins rapidement dans la mase de la population (…) Or l’intérêt national exige que les naturalisés cessent, le plus rapidement possible, de se sentir différent des autres citoyens.

Un commentateur de cette circulaire, A. Juret (dans la revue Population en 1947, écrit ainsi, poursuivant l’argument : “Il serait peu logique d’admettre un étranger à la dignité de membre de la communauté française et de lui rendre difficile de faire disparaître le signe le plus évident de son origine étrangère. D’autre part, il ne faudrait pas faire de l’adoption d’un nom français une condition de la naturalisation, car il faut respecter les scrupules de ceux qui hésitent à renoncer au nom de leurs ancêtres“.
Au fur et à mesure des décennies, la francisation s’est faite plus facile : d’abord modification de l’orthographe seule, puis possibilités de traductions, puis extension à d’autres catégories de “nouveaux Français”. Cela devient plus facile… Est-ce que cela signifie qu’une proportion de plus en plus importante de naturalisés vont choisir la francisation ?
Ou alors, est-ce que, au contraire, le caractère multiculturel de la France contemporaine va inciter les nouveaux entrants dans la communauté nationale à conserver un signe qui n’est plus perçu comme signe d’une “origine étrangère”. Est-ce que le poids statistique des prénoms bien-français mais aussi néo-celtiques, anglo-saxons ou méditerranéens (Gwendal, Kevin, Laura) met en question l’idée même d’un prénom “français” ?

Regardons quelques chiffres, issus des rapports annuels de la sous-direction des naturalisations :

années total (naturalisations + réintégrations) francisations
1966 30396 5115
1973 33616 8243
1987 41754 7088
1989 33391 6930
1991 34468 6731
1995 40867 5589
1997 60485 7139
1999 67569 6435
2001 64595 4670
2003 77102 4990
2005 101785 5760
2006 87878 5096

Jusqu’au début des années 90, environ un naturalisé-réintégré sur 5 (20%) choisissait une francisation du nom ou du prénom. Et depuis, la proportion chute : en 2006, moins de 6% des nouveaux Français choisissent une francisation. On ne sait pas encore pourquoi… il semble ne pas y avoir eu de travaux sociologiques sur les francisations. Est-ce parce que les services de l’Etat ont cessé d’inciter à la francisation ? Est-ce parce que les nouveaux arrivant possèdent déjà des noms et prénoms en usage dans la France du fils de Pál Sárközy Nagy-Bócsay, d’Abdelmalek Sayad ou de Diams… ? Aaahhh si une étudiante entendait ma plainte et se penchait sur cette question (pour un mémoire de master en sociologie, par exemple…) !
On a peut être quelques réponses quand même, si l’on se penche sur les pratiques différentielles de la francisation. Les contingents les plus importants d’acquisition de la nationalité par décret sont les ressortissant-es du Maroc, d’Algérie et de Tunisie : elles (et ils) sont moins de 2% à demander la francisation. Les Turcs, les Portugais et les Congolais (Rep. dem.), les Cambodgiens et Vietnamiens aussi se francisent dans une proportion bien plus importante.
D’autres indices nous seraient donnés par les comportements différents des hommes et des femmes : pour certaines origines, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à demander la francisation (le Cameroun, par exemple)…

J’ai laissé pour la fin ce qui m’intéresse le plus. Qu’est-ce qui est francisé ? Pour l’année 2006 :
nom : 5 %
prénom : 88 %
nom et prénom : 7 %
Les “francisants” évitent dans l’immense majorité des cas de franciser ce que l’état-civil français considère comme un nom. Neuf fois sur dix, c’est le prénom qui est modifié. Le prénom… ce “bien symbolique” choisi pour nous par des parents, qui nous définit aux yeux des autres… c’est le prénom qui est modifié. Comme si, sur ce point, il était possible d’agir et de construire une nouvelle identité. Comme si les “francisants”, ici, choisissaient de “réparer” un peu leur identité, peut-être en choisissant, en France, un prénom un peu plus “moderne”, un peu plus “à la mode”, puisqu’on leur en offre la possibilité.

Les noms et les prénoms peuvent donc être d’intéressants objets de recherche pour une socio-histoire du politique : ils finissent par incarner (au sens fort du terme) les conséquences de certaines politiques publiques. On voit comment sont liés socio-genèse de l’Etat national (la genèse permanente des frontières symboliques au travers d’une multiplicité de règlements)… et psycho-genèse des individus (dans le sens où le choix d’un prénom “français” doit bien avoir quelques conséquences sur l’image de soi).

Bibliographie : je disais plus haut qu’il n’y avait rien… j’exagérais un peu. Sarah Mazouz, doctorante, travaille sur les naturalisations, et vous pouvez lire d’elle, notamment les cérémonies de remise des décrets de naturalisation et un autre article dans un numéro récent de la revue Genèses. Nicole Lapierre, anthropologue, a écrit de nombreux textes sur les noms, dont un article, dans Ethnologie française, sur “La francisation des noms”, en 1993. (Je me suis servi de cet article ici). [Je signale aussi ce récit de l’intérieur d’une “journée d’intégration”, sur le blog de Wilma]

note : Si vous n’avez ni nom, ni prénom à franciser, vous pouvez quand même franciser votre navire [PDF]