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Hard rock musulman

Je ne sais pas si le hard rock musulman existe, mais l’on trouve, à l’université Paris 8, des publicités pour du “Métal Kabyle” :
metal-kabyle
L’un des musiciens a une page sur myspace et l’on peut écouter ses chansons ici, par exemple.
Et l’on trouve, par ailleurs sur internet, de nombreux articles sur le Muslim Punk surtout depuis la publication de The Taqwacores par Michael Muhammad Knight, un irlando-américain converti à l’Islam. Le livre (pas lu), a été traduit en français : Les Taqwacores.
Le Heavy Metal musulman, de même, a suscité un documentaire. Peut-être parce que le groupe, Acrassicauda était composé d’Irakiens, jouant à Baghdad avant de devoir s’exiler à Istambul. Le documentaire, Heavy Metal in Baghdad, doit être intéressant.
Il faudrait que je demande à mon collègue Stéphane Dorin ce qu’il en pense…

Mariage halal

Il y a deux semaines, j’avais réagi à quelques éléments d’un papier du Monde sur les musulmans qui refusent le mariage civil. L’article 433-21 du Code pénal interdit en effet toute célébration d’un mariage religieux s’il n’y a pas eu, auparavant, célébration d’un mariage civil. Cet article a une longue histoire (que j’avais rappelée ici) et a survécu à la loi de Séparation en 1905 et à la réforme du Code pénal au début des années 1990 (ainsi qu’à une proposition de loi d’Alain Madelin en 1981). En droit donc, en France, les seuls couples encore obligés de se marier civilement sont les couples qui cherchent à se marier religieusement (un certificat de pacs ne suffit pas).
Je me suis depuis plongé dans les résistances catholiques au mariage civil (qui permettent de remarquer que la laïcisation du mariage n’a pas été un processus rapide et sans contestations).
Mais j’ai aussi découvert (avec l’aide de Sébastien Fath) cet article du Courrier de l’Atlas, Mariage “halal” : mariage hors la loi (sauf celle de Dieu) :

Danger : Certains jeunes couples musulmans estiment pouvoir se contenter du mariage religieux. Ils boudent ou reportent indéfiniment l’union civile. Une situation inquiétante car “l’épouse” peut être répudiée du jour au lendemain, sans que ses droits soient reconnus. Dans certains cas, c’est aussi une forme de rejet de tout système civil et organisation sociale laïque, voire des lois… Dans d’autres cas, il s’agit tout simplement d’une astuce pour vivre en concubinage.

Les journalistes ont interrogé un imam qui « a d’ailleurs décidé de ne plus célébrer d’union religieuse sans avoir vérifié au préalable l’acte de mariage établi civilement par la mairie. » Bon exemple de respect des lois, mais comment le comprendre ? On découvre assez vite un autre son de cloche si l’on se promène un peu sur internet.
Sur un forum consacré à l’islam, à la question Où peut on faire le mariage Halal sans le civil ? SVP, une personne répond :

Fo sadressé à une petite moské, car lé grande moské refuse de fair le halal avant le mariage civil. Sinon on peu demmandé à une association islamik.
traduction : Il faut s’adresser à une petite mosquée, car les grandes mosquées refusent la célébration des mariages halal avant le mariage civil. Sinon, on peut demander à une association islamique.

Pourquoi donc une “petite moské” serait-elle plus encline à célébrer des mariages halal ? Un texte de Solenne Jouanneau, «L’imam et les jeunes mariés», issu de sa thèse — en cours de finalisation — va nous aider à comprendre. En réalité, c’était déjà ce texte qui m’avait servi dans le billet précédent sur islam français et mariage civil, mais je l’avais en parti oublié, rendant à [Jocelyne] Césari ce qui était en fait à Jouanneau. Elle écrit qu’on peut voir “progressivement apparaître, chez un nombre croissant de musulmans, non pas un refus de principe concernant le mariage en mairie, mais le besoin d’un rituel autour du mariage qui puisse être vécu comme spécifiquement islamique.” Besoin qui s’est “concrétisé dans le souhait que se soit un imam, si possible dans une mosquée, qui récite devant les jeunes époux la fatiha ce qui (…) n’avait aucunement cours dans les pays d’origine. Les imams (…) acceptent de se plier à la demande des fidèles et ce sans s’inquiéter du caractère novateur de ce cérémoniel.” Les jeunes musulmans demandent à l’imam ce que de jeunes catholiques demandent aux prêtres. [A noter que l’on remarque la même chose aux Etats-Unis, d’après K.I Leonard citant E. Shakir : «American mosques inevitably borrowed heavily from American churches, using them as models (…) Soon the mosque became the scene of weddings and funerals, of cake sales and dinners»]
Elle poursuit ainsi : “par la volonté des musulmans pratiquants de maintenir une spécificité islamique à leurs unions matrimoniales, les imams ont progressivement été amenés à jouer un rôle central dans la réinvention de pratiques religieuses autour du mariage.” En conclusion : “ces imams répondent aussi à une demande des fidèles consistant à recréer un espace de pratiques qui puisse être perçu comme spécifiquement « musulman », d’où la création d’un mariage religieux islamique qui n’a de sens qu’en opposition au mariage civil et dans le cadre d’un processus d’adaptation à un pays laïc où l’islam se trouve en situation minoritaire.”
Ceci une fois dit, S. Jouanneau va s’intéresser aux situations concrètes d’acceptation ou de refus de ces célébrations extrajuridiques. Elle écrit que “les imams officiant dans les mosquées engagées dans un processus de reconnaissance institutionnelle” refusent, alors que les imams qui “officient généralement dans des lieux de culte qui ne sont pas inscrits dans un processus de reconnaissance par les pouvoirs publics (et qui) ne sont généralement affiliés à aucune fédération d’ampleur nationale” vont plus facilement accepter. C’est que les premiers sont plus détaché des demandes des fidèles : ils peuvent être soutenus par le bureau de l’association gérant la mosquée, mais aussi tenir compte des retombées qu’offre une proximité avec les pouvoirs publics. Les seconds, au contraire, ne dépendent que des fidèles : ils sont “directement dépendants de l’opinion de leurs fidèles qui restent leur principale source de légitimité.”
C’est ainsi que l’on comprend le conseil, donné plus haut, de recourir à une petite moské : passer devant Monsieur l’imam correspond à l’idéal du mariage musulman contemporain en France, mais il faut choisir un imam dépendant des fidèles pour avoir accès au mariage religieux sans mariage civil. Ce que ne précise pas la personne proposant le recours à la petite moské, c’est qu’il y a peu de chance pour qu’un membre extérieur à l’assemblée des fidèles puisse avoir recours aux services extra-juridiques de l’imam.
Il serait, pour poursuivre dans cette direction, possible de s’intéresser aussi au volume de capitaux — culturel et religieux — détenus par les candidats au mariage. Mon hypothèse est que l’acceptation sera d’autant plus forte que les capitaux des candidats seront plus importants, indépendamment de la situation concrète de l’imam.
Mais revenons à l’article du Courrier de l’Atlas consacré au ‘mariage halal’. Les journalistes décrivent trois situations de mariage halal en se concentrant sur les jeunes femmes. « La femme est souvent la première victime de ce type d’union » nous précise-t-on. Ces femmes apparaissent comme des êtres vulnérables : Fouzia, 30 ans, a été “abandonnée avec son enfant par Samir”, Séphora a été “mariée avec Marouane puis séparée”. Le mariage halal n’étant — du point de vue de l’Etat — qu’un simple concubinage, et le ‘divorce halal’ étant très simple à réaliser, les séparations sont plus douloureuses pour les femmes. Le mariage halal est décrit comme une forme de tromperie sur la marchandise, un engagement creux. Dans les années cinquante — de manière ultra marginale — et soixante, l’union libre (la “cohabitation juvénile”) devait aussi être décrite comme mettant en jeu l’honneur, la réputation et l’avenir des jeunes femmes… je ne sais pas trop quand ce type de description a disparu pour la population générale et apparu pour décrire les jeunes musulmans…
D’autres usages du mariage halal, manière de rendre possible la cohabitation, semblent possibles, et les jeunes femmes peuvent être les promoteures de ce qui est parfois décrit comme des “fiançailles”. Sur un forum, encore :

je suis marocain et je suis venu faire mes etudes en france, j’ai rencontré une cousine a moi qui est né ici on est sorti ensemble et elle m’as demandé en mariage (oui rien n’etonne aujourdhui) j’ai accepté mais le probleme c’est q’elle veut juste un mariage avec un fqih et pas de mairie pour l’instant (et je sais pourquoi : elle craint que je la quitte si je fais mes papiers). mais moi je m’en fous des papiers.
source

Pour finir, ce clip — hilarant de machisme blessé — une chanson de l’Algerino qui raconte l’histoire d’une Fleur fanée (comprendre une femme multipartenaire), et dont les paroles contiennent les vers suivants :

J’ai pardonné ; tout le monde fait des erreurs, j’en ai fait
J’l’ai prise comme elle était ; j’lui ai rendu sa dignité
Elle m’a présentée à sa mère et j’la présente à la mienne
La mienne me suggère directement de faire un mariage halal
J’avais 21 ans pas un rond, pas de situation

Islam français et mariage civil

Il y a quelques semaines, j’avais essayé de décrypter les propos de Catherine Labrusse-Riou parlant dans Le Monde des rapports entre mariage civil et mariage religieux. Elle mobilisait ces deux choses pour dénier aux couples du même sexe le droit au mariage, avec un argument étrange : «Si le mariage homosexuel était consacré par la loi, les grandes religions dotées d’un droit de la famille – catholique, juive, musulmane – pourraient demander que le mariage civil ne soit plus un préalable nécessaire à la célébration religieuse.»
Hier vendredi (dans le numéro daté de ce jour), Le Monde publiait un nouvel article sur les questions de mariages civils et religieux : Des jeunes musulmans veulent s’affranchir du mariage civil.

de jeunes musulmans souhaitent se marier religieusement, sans passer au préalable par un mariage civil. Une démarche illégale selon le code pénal, qui punit de six mois de prison et de 7 500 euros d’amende “tout ministre du culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil“.

Précisons. On voit mal dans quelle mesure cette démarche de candidats au mariage religieux serait illégale. Seuls les célébrants sont visés par la loi.
La journaliste du Monde Stéphanie Le Bars, remarque ensuite la mobilisation naissante de parlementaires autour de ce non-respect du Code pénal. Dans une question écrite récente, un député UMP s’étonnait ainsi :

Il paraîtrait que dans la plupart des communes, les services de l’État civil qui fournissent des certificats d’union civile à la demande des mariés souhaitant procéder ultérieurement à un mariage religieux ne sont quasiment jamais sollicités par les mariés de religion musulmane. En conséquence, soit il n’y a jamais de mariage religieux dans ladite religion, soit le mariage religieux a été célébré antérieurement au mariage civil ou bien le sera ultérieurement, mais sans qu’aucun certificat n’ait été produit devant le ministre du culte.
Source : Question écrite n° 118221, par Etienne Mourrut, (Question publiée au JO le : 13/02/2007 page : 1485)

Le député Mourrut ne cite malheureusement pas les sources de son affirmation sur ce qui se passerait dans «la plupart des communes»… A-t-il fait faire une enquête par ses services ? L’a-t-il fait lui-même ? Comment repère-t-il les “mariés de religion musulmane” ? (a-t-il posé la question — ce serait étonnant de séparer ainsi les différents fidèles ? pense-t-il que tous Mohammed et Samira sont nécessairement musulmans ?) Bref : le sociologue que je suis aimerait beaucoup accéder à la base de donnée “Mourrut-Islam”.
Le Monde ne publie pas la réponse du ministre de l’intérieur (période Baroin)… Je vais rectifier l’omission :

il convient de préciser qu’en islam le mariage ne constitue pas un « sacrement » comparable à celui d’autres religions et ne donne pas lieu à célébration religieuse. Il s’agit d’un contrat civil, faisant l’objet d’une cérémonie privée, au cours de laquelle intervient parfois un imam de façon incidente, pour une courte prière.

Oups…, Mourrut est ici rappelé à l’ordre : il y aurait des différences entre Islam et Catholicisme… On aurait même une religion considérant un acte (religieux pour les catholiques) comme relevant du domaine du “contrat civil”. Au passage, soulignons l’ironie de la situation : pour Mourrut, un mariage musulman est nécessairement “religieux”, pour le Ministre de l’Intérieur (du moins pour le chef du Bureau des Cultes), le mariage musulman est — du point de vue de l’Islam — un contrat civil.
La fin de la réponse est aussi à citer :

En France, il arrive que certaines mosquées soient sollicitées pour « enregistrer » de telles unions. Si la mosquée de Paris et les mosquées principales exigent à cette occasion la production d’un acte d’état civil préalable, d’autres s’en abstiennent, contrevenant ainsi aux dispositions rappelées ci-dessus.
source : Réponse à la Q.E. 118221, (Réponse publiée au JO le : 08/05/2007 page : 4319)
texte de la question et de la réponse sur droitdesreligions.net

C’est qu’en France, l’Islam se “paroissialise”, que l’imam se prêtrifie : il arrive que des candidats au mariage musulman demandent une cérémonie religieuse, dirigée par un prêtre imam, parfois même célébrée dans l’enceinte d’une mosquée. [Sur les changements de rôle de l’imam, voir le livre de Jocelyne Cesari, L’Islam à l’épreuve de l’Occident. L’on pourrait presque voir dans des demandes de mariage religieux entièrement séparées des demandes de mariage civil l’expression d’une revendication laïque : il faut être un fin connaisseur de la séparation à la française pour savoir que le mariage religieux y échappe et n’est possible qu’à la condition préalable d’un mariage civil.
Stéphanie Le Bars continue :

Il se trouve donc toujours des religieux musulmans pour célébrer, dans l’illégalité, de tels mariages (aucun cas n’est connu dans les autres confessions).

J’ai sursauté… Les contestations catholiques sont connues [par exemple : LEGRAIN, Michel. 2000. « Mariage civil et mariage religieux, se marier à l’église sans passer par la mairie » Revue de droit canonique, 50(1):163-169], et il aurait été possible de poser quelques questions à des spécialistes d’autres confessions que l’Islam pour repérer d’autres pratiques d’évitement des mariages civils. On m’avait ainsi raconté des mariages célébrés dans les îles anglo-normandes.
Il semble cependant évident que les contestations sont plus visibles “en islam” : Samir Amghar, interrogé par Le Monde explicite ainsi les stratégies salafistes.
Cet article, la question du député Mourrut, les réactions — sur le moment étrange — de Labrusse Riou à une question sur le mariage gay… me font penser à une nouvelle actualité de la question du mariage (religieux et civil).
Ailleurs : des réactions sur un forum consacré à l’islam, un blog laïciste, un blog de droite dure, une comparaison avec la situation dans l’île de La Réunion, une mise en perspective sur le Blog du Curé, un commentaire sur islamie.com