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Propositions de sujets de master

Le département de sociologie de l’université Paris 8 est un lieu vivant de recherche sociologique. Pourquoi ne pas y faire un master ?

  1. Pourquoi pas un master sur un thème de sociologie politique sur le vote par procuration, à partir de sources administratives notamment. Il s’agirait non seulement de faire des entretiens avec des responsables politiques locaux (dans les permanences des partis, auprès de ceux qui géraient les sites internet des candidats), mais aussi de repérer, sur les listes d’émargement, qui est le mandant de qui. Ces listes sont consultables dans les mairies, les procurations sont indiquées en rouge… Comment les mandataires choisissent leur mandant ? Quelle rôle joue la confiance ? quel rôle joue la proximité politique ?
  2. La nomination des animaux : Qui choisit le prénom des animaux domestiques ? Comment ces prénoms sont utilisés (par les vétérinaires notamment) ? Utilise-t-on le prénom sous lequel le chien est enregistré ou un prénom d’usage différent ? L’enquête pourrait porter aussi bien auprès de vétérinaires qu’auprès des organismes gérant l’identification des animaux domestiques, mais aussi auprès des éleveurs et des propriétaires…
  3. Les mariages civils : cérémonie “pauvre” en ritualité ? Il s’agirait ici de travailler à partir de sources publiques : les bans de mariage; mais aussi de lieux publics : les halls des mairies, les salles des mariages… Travail d’observation et de comptage (combien d’invités, combien de temps d’attente…). Avec l’ouverture possible du mariage aux couples du même sexe au cours des prochaines années, le sujet prendra une autre dimension. Et déjà, cette cérémonie est devenue un lieu d’affrontement politique car accompagnée de trop de rituel
  4. les francisations : le journal officiel publie les noms et prénoms des personnes ayant choisi, au moment de leur naturalisation, de “franciser” leurs noms ou prénoms. Quelques milliers d’individus le font chaque année. A partir de ces décrets de francisation, il devrait être possible d’estimer quelques unes des caractéristiques de celles et ceux qui optaient pour la francisation en 1955, 1965, 1975… 2010. [Voir ci dessous un exemple illustré de ce que l’on trouve dans le Journal officiel
  5. La liste de sujets de master continue : certains des sujets que je proposais en 2009 n’ont toujours pas trouvé preneur

Les étudiantes intéressées peuvent me contacter, ou contacter les responsables du master de sociologie de l’université Paris 8.

Extrait du Journal officiel : les décrets de francisation donnent des informations sur l’âge, le pays de naissance, le sexe, le département de résidence en France, le prénom/nom de départ le prénom/nom d’arrivée :

Qui se ressemble, s’assemble

De passage à la mairie du XIXe arrondissement, j’en ai profité pour photographier les bans de mariage. Comme le sens commun et la sociologie du couple nous l’apprend, qui se ressemble s’assemble, ou a tendance à s’assembler.
Ainsi le serveur épouse la serveuse, le cuisinier épouse la serveuse, l’enseignant la professeure, l’étudiant l’étudiante [j’ai cherché en vain le professeur épousant l’étudiante]. L’administrateur des finance épouse l’administratrice des finances, le conseiller commercial épouse la “Manager marketing”, et le serveur la traiteur.

On pourrait retourner tout cela, et faire comme Gribaudi dans un article célèbre : non pas dire “les mariés se ressemblent”, mais “les groupes sociaux des épousés se ressemblent”, et traiter comme “proches” des groupes sociaux qui, souvent, se retrouvent dans les professions des couples — pour proposer un découpage alternatif de l’espace social. Je me demande ce que cela donnerait, à partir d’une enquête sur les bans de mariage, aujourd’hui.

Des erreurs dommageables

Il n’y a rien de pire que d’écrire pour personne. C’est pourquoi j’ai découvert avec un certain plaisir qu’un de mes articles [celui-ci] n’était pas “exempt[] d’erreurs dommageables”. Plaisir, car, au minimum, cela signifie qu’il avait été lu.
Dans une thèse de 2006 [Le Religieux dans la ville du premier vingtième siècle — La paroisse Notre-Dame Saint-Alban d’une guerre à l’autre] portant sur une paroisse lyonnaise, Natalie Malabre étudie l’action de l’abbé Remillieux, que j’avais analysé en tant que promoteur des fiançailles catholiques. A la différence de Natalie [sans h] Malabre, je ne m’étais pas appuyé sur des archives, mais sur de la littérature secondaire : j’ai donc raté une bonne partie du sens que les fiançailles avaient pour Remillieux, et le rôle qu’elle jouaient pour les « Compagnes de Saint-François ».
D’où l’intérêt, toujours, de s’appuyer sur des sources primaires.
[Note : je constate avec amusement que l’auteure, en citant mon article, se trompe d’année, en l’indiquant publié en 2003. Il y aurait donc pire que de ne pas être lu… être mal cité ?]

La danse étrange des mariages

Récemment, Timothée Poisot, en étudiant la répartition annuelle des mariages, se demandait pourquoi les variations mensuelles semblaient cycliques. En juin par exemple, tout les 5 ans environ, le nombre de mariage est plus élevé que la moyenne des années précédentes.
Je pensais au début que c’était lié aux congés mobiles. Mais il n’y en a pas en juin. @abracarioca sur twitter, apporta la solution : c’est lié au nombre de samedis dans le mois. Il y a des années ou juin est un mois à 4 samedis, et d’autres ou c’est un mois à 5 samedis.
Dans le graphique ci-dessous, qui représente le nombre de mariages entre mai (mois n°5) et octobre (mois n°10) entre 1975 et 2010, les mois à 5 samedis sont marqués d’un rond rouge.

version PDF plus lisible

Cette représentation graphique me suffit pour conclure qu’@abracarioca avait raison. Pour les mois d’été, compter 5 samedis fait augmenter le nombre de mariages.

L’écart d’âge entre conjoints (1)

L’écart d’âge entre conjoints est, avec le taux de suicide, surprenament régulier. Prenez une population assez large, et vous verrez que les hommes sont plus âgés que leurs conjointes [De la même manière, comparez le taux des suicides d’une grande population sur deux années consécutives, c’est presque le même.]
Il existe une belle littérature sociologique sur le thème. En France, l’article central est celui de Michel Bozon Les femmes et l’écart d’âge entre conjoints : une domination consentie.

Dans le graphique suivant (source des données), j’ai souligné les écarts “négatifs”, quand la femme est plus âgée que son conjoint :

Une lecture attentive permet de lire que : dans 12% des couples, l’homme est 2 ans plus âgé que sa partenaire ; l’inverse n’est vrai que dans 4% des cas. [Il y a autant de couples dans lesquels l’homme est 7 ans plus vieux que sa partenaire que de couples dans lesquels la femme est 2 ans plus vieille que son partenaire.]

Associée à cette pratique se trouve l’image, répandue, du couple constitué d’un vieil homme (un “barbon”) et d’une jeune fille. Mais ces couples sont peu fréquents. Il faut probablement tourner son regard non pas vers les hommes, mais vers les femmes et les mettre au centre du processus de décision. Car ce phénomène d’écart d’âge n’est pas limité aux conjoints, aux couples co-résidants. Dès l’adolescence, les filles (de 15 à 18 ans) recrutent leurs partenaires parmi les garçons âgés de 15 à 21 ans et mettent en place un écart d’âge structurel en recherchant des jeunes hommes plus âgés.

Jusqu’à présent, les choses semblent simples. Implicitement, j’ai fait comme si “des plus jeunes” allaient avec “des plus vieux”. Mais c’est plus complexe. Il est impossible de faire comme si hommes et femmes avaient les mêmes comportements, avec un petit décalage temporel.
Regardez par exemple ce graphique (extrait de Prioux (France), « Les couples non mariés en 2005 : quelles différences avec les couples mariés ? ». Politiques sociales et familiales n° 96 – juin 2009). Il apporte une difficulté, nous comparons ici les couples mariés et les couples non mariés. Mais surtout il compare les hommes et les femmes. Comment est-il possible que les expériences collectives des hommes et des femmes varient autant ?

Car on a bien ici plusieurs choses : l’écart d’âge augmente avec l’âge pour les hommes et diminue pour les femmes. Prenons les plus jeunes : les hommes mariés avant l’âge de 24 ans épousent des femmes en moyenne plus âgés qu’eux d’un an. Mais les femmes mariées jeunes, avant 24 ans, épousent des hommes plus âgés qu’elles en moyenne, de 6 ans et demi. Le décalage de calendriers d’entrée en couple, et la composition des “sous-populations” entrant en couple ou en mariage (à des âges différents) crée ces différences collectives agrégées. Et ne parlons pas des remises en couple aux âges tardifs (et de la “jeunesse” des couples non mariés).

Il nous faudrait un graphique qui compare les flux, les entrées en couple. Et nous l’avons (le graphique est extrait de l’article de Bozon cité plus haut). Les données sont un peu anciennes, mais ça ne doit pas avoir beaucoup changé depuis. Pas fondamentalement du moins.

C’est un beau graphique. Prenons l’âge moyen de la femme en fonction de l’âge de l’homme (pour les premières unions masculines) : les hommes qui se marient avant 20 ans épousent des femmes plus âgées. S’il se marie à 21 ans et plus, il épouse une femme plus jeune. Prenons maintenant l’âge moyen de l’homme en fonction de celui de la femme, au moment de la formation du couple : les femmes qui se marient à 16 ans épousent un homme de six ans leur aîné. L’écart est minimal quand le couple se forme autour des 24 ou 25 ans de la femme.

Ces quelques réflexions seront poursuivies probablement un peu plus tard dans l’année, après lecture d’un article récent de Jean-François Mignot.

Un dessin vaut mieux que mille mots

J’ai participé, en octobre dernier (2009), à un colloque fort intéressant organisé par le Cerlis (le labo de De Singly), l’INED et la Caisse nationale d’allocations familiales.
J’y ai présenté un travail en souffrance, réalisé à partir l’analyse partielle de quelques centaines de “editorial cartoons” publiés sur le thème du mariage gay, entre 2003 et 2009, aux Etats-Unis. Travail “en souffrance”, car je n’ai jamais réussi à trouver un angle qui me convienne parfaitement.
La Cnaf vient de publier les actes du colloque en ligne Les transformations de la conjugalité : Configurations et parcours, Dossiers d’études, n°127, avril 2010. Vous trouverez ma communication entre les pages 48 et 54.

Mariage au Vermont

Il y a sept ans de cela, je travaillais sur la célébration religieuse des “unions civiles”, une sorte de mariage “light” pour les couples du même sexe au Vermont, un tout petit état fédéré américain. Mes articles (1 et 2) sont aujourd’hui fort obsolètes, mais pour une raison que je ne vais pas regretter :
Aujourd’hui, les Assemblées élues du Vermont viennent d’ouvrir le mariage aux couples de deux hommes ou deux femmes.
Reste à savoir comment les Eglises locales vont faire… Je ne vois pas les candidats au mariage continuer à demander des “unions civiles” (en tout cas, les couples de sexes différents, à le Vermont offrait aussi une forme d’union civile, ne les ont jamais choisies).
Récemment (il y a moins d’une semaine), c’est l’Iowa (en tout cas sa cour suprême) qui a rendu légal le mariage de deux personnes du même sexe. Mais je n’ai pas eu le temps de lire les textes juridiques (la décision de la Cour Suprême) ni les réactions locales. En tout cas, cela n’a pas fait les gros titres de la presse ni la fortune des “cartoonistes” alors que, quand le Massachusetts avait étendu la définition du mariage, j’avais trouvé quelques 300 “editorial cartoons” et moins d’une centaine quand la Californie avait (un temps, en 2008) fait la même chose.

Mariage halal

Il y a deux semaines, j’avais réagi à quelques éléments d’un papier du Monde sur les musulmans qui refusent le mariage civil. L’article 433-21 du Code pénal interdit en effet toute célébration d’un mariage religieux s’il n’y a pas eu, auparavant, célébration d’un mariage civil. Cet article a une longue histoire (que j’avais rappelée ici) et a survécu à la loi de Séparation en 1905 et à la réforme du Code pénal au début des années 1990 (ainsi qu’à une proposition de loi d’Alain Madelin en 1981). En droit donc, en France, les seuls couples encore obligés de se marier civilement sont les couples qui cherchent à se marier religieusement (un certificat de pacs ne suffit pas).
Je me suis depuis plongé dans les résistances catholiques au mariage civil (qui permettent de remarquer que la laïcisation du mariage n’a pas été un processus rapide et sans contestations).
Mais j’ai aussi découvert (avec l’aide de Sébastien Fath) cet article du Courrier de l’Atlas, Mariage “halal” : mariage hors la loi (sauf celle de Dieu) :

Danger : Certains jeunes couples musulmans estiment pouvoir se contenter du mariage religieux. Ils boudent ou reportent indéfiniment l’union civile. Une situation inquiétante car “l’épouse” peut être répudiée du jour au lendemain, sans que ses droits soient reconnus. Dans certains cas, c’est aussi une forme de rejet de tout système civil et organisation sociale laïque, voire des lois… Dans d’autres cas, il s’agit tout simplement d’une astuce pour vivre en concubinage.

Les journalistes ont interrogé un imam qui « a d’ailleurs décidé de ne plus célébrer d’union religieuse sans avoir vérifié au préalable l’acte de mariage établi civilement par la mairie. » Bon exemple de respect des lois, mais comment le comprendre ? On découvre assez vite un autre son de cloche si l’on se promène un peu sur internet.
Sur un forum consacré à l’islam, à la question Où peut on faire le mariage Halal sans le civil ? SVP, une personne répond :

Fo sadressé à une petite moské, car lé grande moské refuse de fair le halal avant le mariage civil. Sinon on peu demmandé à une association islamik.
traduction : Il faut s’adresser à une petite mosquée, car les grandes mosquées refusent la célébration des mariages halal avant le mariage civil. Sinon, on peut demander à une association islamique.

Pourquoi donc une “petite moské” serait-elle plus encline à célébrer des mariages halal ? Un texte de Solenne Jouanneau, «L’imam et les jeunes mariés», issu de sa thèse — en cours de finalisation — va nous aider à comprendre. En réalité, c’était déjà ce texte qui m’avait servi dans le billet précédent sur islam français et mariage civil, mais je l’avais en parti oublié, rendant à [Jocelyne] Césari ce qui était en fait à Jouanneau. Elle écrit qu’on peut voir “progressivement apparaître, chez un nombre croissant de musulmans, non pas un refus de principe concernant le mariage en mairie, mais le besoin d’un rituel autour du mariage qui puisse être vécu comme spécifiquement islamique.” Besoin qui s’est “concrétisé dans le souhait que se soit un imam, si possible dans une mosquée, qui récite devant les jeunes époux la fatiha ce qui (…) n’avait aucunement cours dans les pays d’origine. Les imams (…) acceptent de se plier à la demande des fidèles et ce sans s’inquiéter du caractère novateur de ce cérémoniel.” Les jeunes musulmans demandent à l’imam ce que de jeunes catholiques demandent aux prêtres. [A noter que l’on remarque la même chose aux Etats-Unis, d’après K.I Leonard citant E. Shakir : «American mosques inevitably borrowed heavily from American churches, using them as models (…) Soon the mosque became the scene of weddings and funerals, of cake sales and dinners»]
Elle poursuit ainsi : “par la volonté des musulmans pratiquants de maintenir une spécificité islamique à leurs unions matrimoniales, les imams ont progressivement été amenés à jouer un rôle central dans la réinvention de pratiques religieuses autour du mariage.” En conclusion : “ces imams répondent aussi à une demande des fidèles consistant à recréer un espace de pratiques qui puisse être perçu comme spécifiquement « musulman », d’où la création d’un mariage religieux islamique qui n’a de sens qu’en opposition au mariage civil et dans le cadre d’un processus d’adaptation à un pays laïc où l’islam se trouve en situation minoritaire.”
Ceci une fois dit, S. Jouanneau va s’intéresser aux situations concrètes d’acceptation ou de refus de ces célébrations extrajuridiques. Elle écrit que “les imams officiant dans les mosquées engagées dans un processus de reconnaissance institutionnelle” refusent, alors que les imams qui “officient généralement dans des lieux de culte qui ne sont pas inscrits dans un processus de reconnaissance par les pouvoirs publics (et qui) ne sont généralement affiliés à aucune fédération d’ampleur nationale” vont plus facilement accepter. C’est que les premiers sont plus détaché des demandes des fidèles : ils peuvent être soutenus par le bureau de l’association gérant la mosquée, mais aussi tenir compte des retombées qu’offre une proximité avec les pouvoirs publics. Les seconds, au contraire, ne dépendent que des fidèles : ils sont “directement dépendants de l’opinion de leurs fidèles qui restent leur principale source de légitimité.”
C’est ainsi que l’on comprend le conseil, donné plus haut, de recourir à une petite moské : passer devant Monsieur l’imam correspond à l’idéal du mariage musulman contemporain en France, mais il faut choisir un imam dépendant des fidèles pour avoir accès au mariage religieux sans mariage civil. Ce que ne précise pas la personne proposant le recours à la petite moské, c’est qu’il y a peu de chance pour qu’un membre extérieur à l’assemblée des fidèles puisse avoir recours aux services extra-juridiques de l’imam.
Il serait, pour poursuivre dans cette direction, possible de s’intéresser aussi au volume de capitaux — culturel et religieux — détenus par les candidats au mariage. Mon hypothèse est que l’acceptation sera d’autant plus forte que les capitaux des candidats seront plus importants, indépendamment de la situation concrète de l’imam.
Mais revenons à l’article du Courrier de l’Atlas consacré au ‘mariage halal’. Les journalistes décrivent trois situations de mariage halal en se concentrant sur les jeunes femmes. « La femme est souvent la première victime de ce type d’union » nous précise-t-on. Ces femmes apparaissent comme des êtres vulnérables : Fouzia, 30 ans, a été “abandonnée avec son enfant par Samir”, Séphora a été “mariée avec Marouane puis séparée”. Le mariage halal n’étant — du point de vue de l’Etat — qu’un simple concubinage, et le ‘divorce halal’ étant très simple à réaliser, les séparations sont plus douloureuses pour les femmes. Le mariage halal est décrit comme une forme de tromperie sur la marchandise, un engagement creux. Dans les années cinquante — de manière ultra marginale — et soixante, l’union libre (la “cohabitation juvénile”) devait aussi être décrite comme mettant en jeu l’honneur, la réputation et l’avenir des jeunes femmes… je ne sais pas trop quand ce type de description a disparu pour la population générale et apparu pour décrire les jeunes musulmans…
D’autres usages du mariage halal, manière de rendre possible la cohabitation, semblent possibles, et les jeunes femmes peuvent être les promoteures de ce qui est parfois décrit comme des “fiançailles”. Sur un forum, encore :

je suis marocain et je suis venu faire mes etudes en france, j’ai rencontré une cousine a moi qui est né ici on est sorti ensemble et elle m’as demandé en mariage (oui rien n’etonne aujourdhui) j’ai accepté mais le probleme c’est q’elle veut juste un mariage avec un fqih et pas de mairie pour l’instant (et je sais pourquoi : elle craint que je la quitte si je fais mes papiers). mais moi je m’en fous des papiers.
source

Pour finir, ce clip — hilarant de machisme blessé — une chanson de l’Algerino qui raconte l’histoire d’une Fleur fanée (comprendre une femme multipartenaire), et dont les paroles contiennent les vers suivants :

J’ai pardonné ; tout le monde fait des erreurs, j’en ai fait
J’l’ai prise comme elle était ; j’lui ai rendu sa dignité
Elle m’a présentée à sa mère et j’la présente à la mienne
La mienne me suggère directement de faire un mariage halal
J’avais 21 ans pas un rond, pas de situation

Unions civiles : le New Hampshire

L’Etat du New Hampshire va autoriser, à partir de janvier 2008, les unions civiles, qui donnent aux couples du même sexe les droits (étatiques) que le mariage donne aux couples de sexes discordants. Il rejoint ainsi le Vermont, le Connecticut, et le New Jersey. Seul le Massachussetts autorise deux hommes à se marier (ou deux femmes, ou une femme et un homme).
Et, comme dans les trois États précédents, le New Hampshire va donner aux prêtres, rabbins, pasteures, rabinnes, prétresses… le droit de civil-unioner les couples du même sexe, en tant qu’agent of the state :
Les Revised Statutes Annotated du New Hampshire précisent :

457:31 Who May Solemnize. – Marriage may be solemnized by a justice of the peace as commissioned in the state; by any minister of the gospel in the state who has been ordained according to the usage of his or her denomination, resides in the state, and is in regular standing with the denomination; by any clergy who is not ordained but is engaged in the service of the religious body to which he or she belongs, resides in the state, after being licensed therefor by the secretary of state; within his or her parish, by any minister residing out of the state, but having a pastoral charge wholly or partly in this state; by judges of the United States appointed pursuant to Article III of the United States Constitution, by bankruptcy judges appointed pursuant to Article I of the United States Constitution, or by United States magistrate judges appointed pursuant to federal law.
source

Concrètement, il faut être un “ministre de l’Evangile (résidant) dans l’Etat, qui a été ordonné selon les usages en vigueur dans son Eglise et qui est en règle avec son Eglise” ou alors être un ou une “membre du clergé qui n’est pas ordonné mais qui est engagé au service du corps religieux auquel il ou elle appartient, et résidant dans l’Etat apr!s avoir reçu une licence du Secrétaire d’Etat”, ou encore un “ministre qui réside hors de l’Etat mais qui a des charges pastorales — totales ou partielles — dans l’Etat du New Hampshire” (il ou elle peut alors solenniser l’union civile ou le mariage dans sa paroisse).
Assez chrétien, cet ensemble : surtout l’expression “minister of the gospel”… On est loin de la liste proposée par le Vermont, qui, malgré ses 600 000 habitants, avait prévu le cas des Baha’i, comme mentionné sur ce même blog il y a quelques temps.
Est-ce à dire que, du point de vue de l’Etat, il n’y a aucun problème en vue à autoriser des ministres du culte à célébrer des unions civiles ? Pas vraiment, et on le voit dans une proposition de loi votée la semaine dernière par les députés californiens. L’Assembly Bill 43 précise en effet qu’il deviendra impossible de forcer un prêtre (ou rabbin, pasteur…) à célébrer un mariage (ce qui me semblait déjà être le cas)…

No priest, minister, or rabbi of any religious denomination, and no official of any nonprofit religious institution authorized to solemnize marriages, shall be required to solemnize any marriage in violation of his or her right to free exercise of religion guaranteed by the First Amendment to the United States Constitution or by Section 4 of Article I of the California Constitution.

Mariage gay et mariage religieux

Dans un numéro récent du Monde, à la question “Faut-il ouvrir le mariage aux couples de même sexe ?”, Catherine Labrusse-Riou, professeure de droit à l’université Paris-I, répond :

J’y suis opposée, comme juriste et comme citoyenne. Les tribunaux appelés à statuer sur le mariage homosexuel de Bègles l’ont annulé sur le fondement du code civil et de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans toutes les sociétés, depuis des millénaires, le mariage est un contrat destiné à sceller l’alliance de l’homme et de la femme. De plus, il n’y a pas d’injustice à exclure les homosexuels du mariage parce qu’ils sont libres de vivre en communauté de vie organisée. L’indifférenciation des sexes dans le mariage repose sur une conception abstraite de l’égalité qui ne vaut pas pour le mariage : l’égalité des époux a été acquise à partir des années 1960 mais cette révolution silencieuse suppose justement la différence des sexes. Je crois que la consécration du mariage homosexuel serait de nature, à terme, à remettre en cause la structure même du droit de la famille basée sur la différence généalogique des lignes paternelle et maternelle. La déstructuration des institutions civiles de la famille me paraît dangereuse.
En tant que citoyenne, je me demande si le mariage homosexuel est exempt de risques politiques et sociaux affectant la conception de la République. En 1792, le mariage civil a réalisé l’unité des Français malgré leurs différences religieuses : ce fut un facteur de paix sociale. Si le mariage homosexuel était consacré par la loi, les grandes religions dotées d’un droit de la famille – catholique, juive, musulmane – pourraient demander que le mariage civil ne soit plus un préalable nécessaire à la célébration religieuse. Il y a là un risque de retour de l’autorité des droits religieux et de repli communautariste.
source : LE MONDE, édition du 11.04.07

Je passerai sur le “dans toutes les sociétés, depuis des millénaires…”
M’intéresse particulièrement le passage que j’ai souligné, parce qu’il relie plusieurs thèmes qui me sont chers : des questions de droit, de religion, d’homosexualité et de mariage. La professeure Labrusse-Riou commence par lier, assez étrangement, République et mariage civil. La Constitution de 1791, qui instaure une monarchie constitutionnelle, déclare (titre 2, article 7) que “La loi ne considère le mariage que comme contrat civil.” Mais plus concrètement, la loi du 20 septembre 1792 “qui détermine le mode de constater l’état civil des citoyens” va préciser qui marie (et qui épouse qui : l’âge minimal, pour les filles, est treize ans…). [La République est proclamée le 23 septembre]
Dire que “ce fut un facteur de paix sociale” est un peu anachronique : le début des années 1790 est aussi une période de fracture de l’Eglise catholique, sommée d’accepter la “constitution civile du clergé”… Les “mariages sans Dieu” ne furent pas facilement acceptés.
L’inscription de longue durée du mariage civil n’est cependant pas un acte républicain, sauf à faire du Premier Consul l’incarnation de la République… Le caractère civil du mariage est imposé à l’Eglise catholique romaine dans un des “articles organiques” [i.e. “qui organisent”] du Concordat. L’article 54 précise que les curés “ne donneront la bénédiction nuptiale qu’à ceux qui justifieront, en bonne et due forme, avoir contracté mariage devant l’officier civil”. Autant le Concordat a été négocié avec le pape de l’époque (Pie VII), autant les articles organiques ne le furent. Dans le cadre des “cultes reconnus”, un régime qui court de 1802 à 1905, le mariage civil est donc nécessaire avant que des semi-fonctionnaires (le clergé catholique, protestant puis juif) puissent célébrer le mariage religieux. Ce régime a tenu indépendemment du régime politique — Consulat, Empires, Monarchies, République… — et il serait anachronique donc de considérer simplement le mariage civil comme lié à la “laïcité” (même s’il laïcise incontestablement) ou à la République.
Le Code civil de 1804 précise aussi les conditions pratiques du mariage. Le code pénal de 1810 prévoit même des peines pour le clergé qui célèbrerait des mariages religieux sans avoir vérifié l’état matrimonial des époux :

ARTICLE 199.
Tout ministre d’un culte qui procédera aux cérémonies religieuses d’un mariage, sans qu’il lui ait été justifié d’un acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil, sera, pour la première fois, puni d’une amende de seize francs à cent francs.
ARTICLE 200.
En cas de nouvelles contraventions de l’espèce exprimée en l’article précédent, le ministre du culte qui les aura commises, sera puni, savoir,
Pour la première récidive, d’un emprisonnement de deux à cinq ans ;
Et pour la seconde, de la déportation.
source : Code pénal de 1810, Livre 3, Titre premier, chapitre 3, section 3, paragraphe premier

On reconnaîtra ici aisément que la déportation est peut-être une peine un peu forte pour un curé résistant à l’emprise du pouvoir séculier sur des prérogatives religieuses… Mais il faut prendre cela comme un signe que l’instauration du mariage civil, loin d’avoir miraculeusement assuré la “paix sociale”, avait besoin des forces de polices pour s’incarner concrètement dans les comportements des Français.

Ce qui semblait « logique » dans le contexte où les ministres du culte étaient des quasi-fonctionnaires est interrogé au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905. Mais les articles 199 et 200 restent en vigueur. En 1945, l’amende est actualisée (Ordonnance du général De Gaulle du 4 Octobre 1945) et perdure jusqu’en 1994, au moment où la peine est adoucie : l’emprisonnement maximum est réduit à six mois. Aujourd’hui le texte est rédigé ainsi :

Code Pénal, Article 433-21
(Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)
Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende.

Ces possibilités de condamnation n’ont pas été souvent contestées. Au cours du XXe siècle, quelques prêtres et au moins un évêque ont été jugés pour y avoir contrevenu (en 1906, 1923 et 1976). Mais cela ne signifie pas qu’elles n’aient jamais été contestées, au contraire. Pour reprendre l’expression de Labrusse-Riou, “les grandes religions dotées d’un droit de la famille” n’ont pas toujours accepté l’état du droit séculier de la famille : demandez-donc au Pape si le mariage est un contrat civil. Le divorce — établi en France, de manière définitive jusqu’à présent, par la République, en 1884 — est par tout autant fortement critiqué par l’Eglise romaine.
L’idée que les revendications d’égalité devant le droit séculier devraient être ignorées sous prétexte que des religions — aussi “grandes” soient-elles — auraient elles-aussi des revendications est ridicule (et pourrait apparaître comme la reconnaissance institutionnelles de “communautés” dans la “République”). Surtout quand le point en discussion est “demander que le mariage civil ne soit plus un préalable nécessaire à la célébration religieuse”… Dans un régime de séparation, l’on pourrait s’attendre à ce que les actes religieux n’aient aucune valeur pour l’Etat… et que ce dernier n’impose pas de test au clergé. Le mariage est dans cet exemple un cas particulier : il n’est pas imposé à l’Eglise qui baptise de vérifier que l’enfant a bien été déclaré à l’état civil, ni, lors des obsèques, que la mort a bien été constatée. Le mariage semble être dans une situation particulière, comme point de contact entre sphères séculières et religieuses, mais cette situation n’est pas particulière à la France [une situation inversée existe aux Etats-Unis, par exemple, où la séparation des Eglises et de l’Etat s’accommode de clergé agent of the state quand ils marient].
Catherine Labrusse-Riou, en mobilisant sur le champ des débats politiques “République”, menace de “repli communautariste”, “paix sociale”… déploie de merveilleux épouvantails, qui ne résistent pas aux moineaux de la contextualisation.