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La marche de nuit

Dans le répertoire des formes de mobilisations féministes, il y a la “marche de nuit non mixte”. L’origine est sans doute les opérations “Take back the night”, à la fin des années soixante-dix, aux Etats-Unis [importées en France vers 1978 ?]. Il serait possible d’en faire un beau sujet de master de sociologie des mouvements sociaux.
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Action seins nus

J’ai reçu, sur une liste de diffusion, l’information suivante :

Les TumulTueuses à la piscine : le retour en force!
Quatre fois en 2008 et 2009, les militantes féministes les TumulTueuses sont allées se baigner torse nu dans des piscines de Paris. Malgré les nombreuses réactions de soutien de baigneuses et parfois de baigneurs, à deux reprises les directeurs ont fait venir la police… espérant sans doute nous ramener à plus de « décence ».
Preuve était faite que les femmes ne peuvent toujours pas s’habiller ou se déshabiller comme elles le veulent, que certaines parties de leurs corps, comme leur torse, sont mystérieusement considérées comme sexuelles (mais pas celui des hommes), bref que nos corps sont toujours sous contrôle – si besoin policier.
Toujours plus déterminées, nous seront de retour le 15 décembre dans une piscine de Paris pour faire appliquer, par de nouveaux moyens, l’égalité entre les hommes et les femmes.
Venez participer à l’action avec le maillot de vos rêves…

On trouve quelques précisions sur le site des Tumul-Tueuses.
Il y a deux ans, en 2008, j’avais relayé quelques débats que ces actions seins-nus avaient soulevés. Mais ce qui m’intéressait, principalement, c’était l’utilisation de la piscine comme espace de lutte politique.
Les TumulTueuses (qui doivent être une dizaine, en gros) participent de ces petits groupes féministes, comme La Barbe, qui font part de leurs revendications par d’autres canaux que la pétition ou la manifestation. Elles impliquent leur corps différemment, peut-être un peu à la manière des “zaps” de l’association Act-Up.
Récemment, la revue Multitudes a interviewé quelques Tumul-Tueuses :

Les gens qui nagent s’en foutent globalement, après quand ils voient la police qui débarque, ils sont quand même choqués qu’il y ait plus de flics que de TumulTueuses, alors ils demandent les tracts et, surtout les femmes, ils sont plutôt solidaires avec nous. Mais les actions piscine mettent les maîtres nageurs hommes ou femmes dans un état d’excitation incroyable, comme s’ils étaient soudain les garants d’une espèce d’ordre moral. « Il y a des enfants dans la piscine ! » « Vous ne ferez pas ça dans ma piscine ! » Ou bien on tombe sur des ultras beaufs sexistes : « Moi, ça ne me dérange pas que vous les montriez vos jolis seins, mais… » Je crois qu’en plus les maîtres nageurs ont l’habitude qu’on leur obéisse, ils sifflent et hop les gens sortent. Nous on s’en fiche.
[…]
je n’aime pas aller à la piscine, je ne le fais pas pour y gagner la liberté d’être seins nus. En fait, ce qu’on veut démontrer, c’est l’interdit sur le corps des femmes, le contrôle du corps des femmes.
[…]
d’une façon plus générale, la piscine, c’est un prétexte pour une action dans l’espace public sur l’inégalité de traitement social entre les corps. La revendication est immédiatement visible, elle peut immédiatement susciter la discussion, et attirer l’attention, notamment médiatique, ce qui est un enjeu fort pour l’efficacité d’une action publique et la diffusion du message politique.
source : entretien de cinq féministes avec Pascale Molinier. Multitudes, 2010-3, n°42

Un sex-shop contre l’administration fiscale

Les sex-shops, pour le moment, sont non seulement interdits d’installation à proximité des établissements scolaires, mais ils sont aussi surtaxés [plus de précisions].
Je vais donc parler ici de droit des impôts. Mais ne partez pas tout de suite, ça peut vous intéresser quand même.

*

Cette surtaxe, donc, consiste en “un prélèvement spécial de 33 % (…) sur la fraction des bénéfices industriels et commerciaux imposables à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu”. Les établissement déclarés licencieux “soit en application de l’ordonnance n° 59-28 du 5 janvier 1959 (…), soit en vertu des pouvoirs de police que le maire et le représentant de l’Etat dans le département” tiennent de certains articles du Code des collectivités territoriales.

C’est un impôt étrange, qui est déclenché quand un préfet (ou un maire) déclare certains magasins licencieux ou interdits aux mineurs. Comme il n’y a ni “Ordre des patrons de sex-shops”, ni nécessité d’obtention d’une licence préalable à l’installation, ni obligation de déclaration… des magasins s’ouvrent et se ferment sans que les autorités soient au courant. Parfois, un préfet ou un maire se réveille, déclare tel magasin interdit aux mineurs… ce qui peut conduire à cette surtaxe. Les autres magasins, s’ils connaissent les arcanes du Code des impôts, vivent dans l’insécurité juridique (et financière) : ils peuvent très bien être ouverts depuis longtemps sans être soumis au “prélèvement spécial”. [Il me semble que c’est le cas des grandes surfaces sexy/porno ouvertes en zones commerciales, qui, éloignées des centres-villes, sont aussi éloignées du regard du “représentant de l’Etat”.]
Devant une telle insécurité, allez-vous me dire, les sex-shops se sont unis pour agir… C’est sans compter sur l’individualisme de ce monde : parce qu’ils sont nombreux à percevoir dans leurs concurrents des personnes de peu de foi, les patrons et propriétaires de sex-shops n’ont jamais réussi à constituer de syndicat professionnel. Il y eu deux tentatives : une en 1973-1974, et une autre vers 1986.
Pendant longtemps, donc, il n’y eu aucune protestation publique ou action en justice. Cela a changé. Le 21 juin 2010, le Tribunal administratif de Paris a rendu une ordonnance (dans l’affaire n°0701697). Cette ordonnance transmet au Conseil d’Etat une “Question prioritaire de constitutionnalité”. D’ici quelques mois, le Conseil d’Etat se prononcera et transmettra (ou non) la question au Conseil Constitutionnel.
C’est une première victoire pour un sex-shop, qui a réussi à intéresser les juges du T.A. (la question “n’est pas dépourvue de sérieux” écrit la vice-présidente). Il est possible que le texte de l’article 235 ter MB du Code général des impôts ne soit pas conforme à la Constitution : la taxe n’est pas prélevée de manière uniforme sur le territoire national ; la perception [au sens du Trésor public, collecter] d’un impôt national dépend donc de la perception [au sens de la connaissance] de la pornographie qu’ont les maires et des préfets.
Citons un peu l’ordonnance du T.A. qui résume un “mémoire” déposé par l’avocat du sex-shop : “en l’absence d’arrêté d’interdiction, des établissements vendant des articles similaires sont traités différemment, un arrêté d’interdiction n’est pas obligatoire eu égard aux circonstances locales et aux différences d’interprétations auxquelles elles peuvent donner lieu, et la taxation fiscale dissuasive auxquels sont soumis les seuls établissement interdits aux mineurs favorise la diffusion de la pornographie dans un secteur non protégé et contrevient ainsi aux impératifs de la protection de l’enfance“.
Si le Conseil constitutionnel juge fondée la Question prioritaire de constitutionnalité, l’article du CGI sera abrogé. Les sex-shops qui avaient dû payer cette taxe pourraient demander son remboursement. C’est probablement financièrement intéressant — s’ils ne laissent pas passer les délais de recours.

Parce que la question des mobilisations collectives est sociologiquement intéressante, que la “mobilisation par le droit” l’est tout autant, il s’ensuit que l’inverse, la mobilisation individuelle devrait être intéressante (il faudrait que je lise L’arme du droit de Liora Israël). Car pour l’instant seul un magasin s’est lancé dans cette aventure judiciaire. Si d’autres se joignaient au litige, cela donnerait, presque mécaniquement, plus de poids à la Question de constitutionnalité. Il me semble, en effet, qu’une action en justice est d’autant plus grande qu’il y a de personnes mobilisées.
Quel pourrait être l’intérêt de ces magasins à sortir de la routine ?

  • Pour les magasins “sexy”, qui vendent des culottes fendues, des caches-tétons et des godemichets, l’intérêt pourrait être de régler l’insécurité fiscale : ces magasins, qui disent ne pas vendre de pornographie, se conçoivent comme des “non-sex-shops”, comme des “love-stores”. Mais ils ne sont pas à l’abri d’un-e maire qui décide d’interdire l’entrée des mineurs. Surtout quand ces magasins, d’eux-mêmes, restreignent l’entrée aux “adultes consentants”.
  • Pour les sex-shops “classiques”, l’intérêt de se joindre au litige avant que le Conseil constitutionnel prenne sa décision est financier, le remboursement des impôts qui seraient jugés anticonstitutionnels. Comme me le précise un informateur, “les réclamations qui seront déposées après la décision du Conseil se heurteront aux délais de recours contentieux” (il sera alors trop tard pour le remboursement des impôts payés il y a plus de quelques années).

Ces magasins se découvriront-ils un intérêt commun ?

*

Parce que l’affaire m’intéresse, j’essaierai d’assister aux éventuelles audiences publiques du Conseil d’Etat (comme je l’avais fait pour l’Affaire Poppers il y a deux ans). Si le Conseil constitutionnel devait se prononcer, j’espère qu’il y aura aussi des audiences publiques.
Note conclusive : si j’ai commis d’honteuses erreurs juridiques, confondant “décision” et “jugement”, “litige” et “contentieux”, merci de me le signaler, gentiment, en commentaire.

Des hauts et débats… Seins nus à la piscine

Sur une mailing-liste milifique (*), il y a plusieurs semaines, le mail suivant circulait :

(EXTRAIT) Une action ‘seins nus à la piscine’ est en train de se créer. C’est une action féministe visant la réappropriation de l’espace public et le droit des femmes à disposer de leur corps .

Ce mail a suscité quelques réactions, dont voici l’une d’entre elles :

Alors à qui s’adresse cette action ?
J’en ai marre de voir des nanas, en dehors des réalités, dévoyer autant le féminisme.
Et si des nanas voilées ou juste pudiques veulent faire une action féministe, elles doivent se débrouiller autrement? Ou arrêter d’être pudique? (…)
Sans parler de cette facilité de montrer des seins pour les filles normées . Il va falloir réfléchir aussi au fait que pour certaines filles, montrer des seins qui tombent et qui sont “moches” suivant la norme, est une vraie difficulté. Et pas la peine de dire que c’est ce type d’action qui peut nous libérer car je n’y crois pas une seule seconde. Quand on est grosse, comme moi, le stigmate qu’on t’a collé te suit à la trace…mais peut être ne suis je qu’une idiote…Et qu’une aliénée

Et une réaction de soutien à la réaction :

Profondément d’accord avec toi, [***], depuis mon point de vue de lesbienne trans blanche moche aigrie (sans doute !). Les “contre-normes “(euh ?) de nos milieux sont obstinément indexées sur nos valeurs classe moyenne sup blanches et valides, déjà, et par ailleurs sur le culte de “la vie intense pour celles qui relationnent”, bref le libéralisme en toutes matières.

D’autres réactions soutenaient la démarche. Le débat s’est rapidement éteint, du moins dans l’espace semi-public de la liste-mail, mais il témoigne de tensions internes au féminisme, même au sein des générations les plus jeunes.
L’action, organisée par les Tumul-Tueuses, a eu lieu cette semaine, et plusieurs blogs mentionne de nouveaux débats. Eléonore Quesnel décrit cette opération seins nus à la piscine :

Tandis qu’elles nagent comme tout le monde, les maîtres-nageurs parlent aux organisatrices, qui leur distribuent des tracts. Cinq minutes plus tard, une maître-nageuse va prévenir un vigile, sans que personne n’ait parlé aux amazones dans l’eau – à part un « C’est dégoûtant ce que vous faites ! » de la part d’une quadra outrée. Un vigile vient vers la dizaine de baigneuses en monokini. « Sortez de la piscine maintenant », ordonne-t-il du bord. Malgré le dialogue qu’elles essaient d’instaurer, l’homme ne veut rien savoir. Il obéit aux ordres, c’est tout. « Nous aussi, et on doit attendre le signal de notre chef pour sortir. » Ce dialogue de sourds dure jusqu’à ce qu’une des porte-parole leur fasse le signal convenu, le fameux « on se tire » universel. Elles sortent de la piscine, suivies par un autre vigile, plus sympathique. « Les avancées, vous les avez déjà ! Ce que vous avez fait ce soir, c’est déjà une avancée ! » confie-t-il discrètement. « On en veut encore, des avancées ! » rétorquent les militantes, qui, toujours topless, rejoignent les douches.

Le blog de Camille, Rue69, mentionne certaines des suites de l’action :

, la direction de l’établissement, elle, a jugé qu’il y avait là un trouble à l’ordre public (et que les seins nus pourraient choquer les enfants) et a appelé la police. Cette dernière est venue (mater une rebelion de femmes dangereuses ou mater des participantes dénudées?) et a menacé des femmes dans les vestiaires de poursuites pour exhibition sexuelle….

Le débat reprend, mais il va impliquer maintenant d’autres acteurs : directeurs de piscines, policières…

La monstration des seins a une longue histoire, et même, depuis le très bon ouvrage de Jean-Claude Kaufmann, Corps de femmes, regards d’hommes (5 étoiles au coulmont), une histoire dans la sociologie. Mais il me semble qu’il manque encore une histoire de la pratique : je connais trop peu les étapes ayant conduit les juges à accepter les seins nus sur la plage et pas vraiment ailleurs… Si un étudiant en histoire contemporaine pouvait se pencher sur les dossiers de procédure du côté de Saint Tropez, il ferait un beau mémoire de master. [Si cela a été déjà fait, je suis preneur des références.]
Il y a probablement eu, à Saint-Tropez au milieu des années soixante, quelques arrestations pour seins nus… et une petite affaire qui a été aujourd’hui oubliée. Mais parlait-on de féminisme à l’époque ? ou de bronzage ? Des actions de groupes étaient-elles organisées ? Comment la séparation s’est faite avec les naturistes (qui ne devaient pas accepter ce mi-nudisme) ? La diffusion de la pratique sur toutes les plages françaises a-t-elle donné lieu à de nouvelles mobilisations (de la police ou d’autres groupes) ?
Et enfin… une question m’intéresse : depuis quand la piscine est-elle un espace politique. Je crois comprendre le rôle des piscines, depuis le début du XXe siècle, dans les politiques municipales (c’est un établissement coûteux qui est utile à la fois aux écoles, aux sportifs, aux centres aérés etc…). Mais était-ce un espace objet d’autres investissement politiques ?
Depuis quelques années, la piscine est comme une extension de l’école en tant qu’espace “laïc” et sexué : les demandes de personnes souhaitant des piscines non-mixtes à certaines heures ont été qualifiées de communautaristes, et des reportages ont pointé du doigt la déviance anti-républicaine de certains maires…
Une bonne thèse avait été réalisée, il y a quelques années, par un sociologue (maintenant MCF à Lille, Frédéric Poulard), sur les musées locaux. On voyait bien le rôle des conservateurs dans les politiques culturelles, aux échelons locaux et nationaux. A quand une thèse sur les piscines ?

Liens :
Maïa Mazaurette sur sexactu
Eléonore Quesnel sur Agoravox
Des naturistes se réjouissent
Camille Rue69 / Rue89
Le journal suisse Le Temps
Eléonore Quesnel (encore) sur Rue69/Rue89
Un billet sur Pladond-de-verre, blog féministe.
Réactions sur un forum de nageurs.
Cousture à Montréal
AlicesWonderVerden, commentaire.

Notes
1- (*) milifique : scientifique et militant
2- j’ai posé beaucoup de questions et je n’ai pas fait les recherches minimales… Que les auteurs de travaux sur les piscines me pardonnent !

Les Putes (point org)

Il y a quelques mois, la Marche des trans – Existrans reprenait des formes de mobilisation — et de visibilisation dans l’espace public — dérivées des parades gaies et lesbiennes, les gay prides. Il y a quelques semaines, c’était au tour du groupe Les Putes de proposer une “pute pride”. Pour comprendre, tout d’abord, regardons ensemble deux reportages sur la Pute Pride (i>Télé et France3).
On constate que le répertoire de la “pride parade” n’explicite pas tout. Les parades mettent en valeur une succession de combinaisons identitaires (gay/techno, lesbienne/hard-rock, LGBT/chrétien, HEC/gay-lesbiennes, etc…) sous un même parapluie. La “pute pride” reste mono-identitaire (et l’on pourrait croire aussi à une sorte d’usage tourné vers la dérision ou l’ironie de certains codes des manifestations publiques gaies et lesbiennes).
La “pute pride”, beaucoup plus, semble répondre directement au constat problématique que fait Lilian Mathieu au début de son ouvrage, Mobilisations de prostituées :

pourquoi les individus qui se trouvent dans les situations les plus défavorisées et les plus dévalorisées, qui vivent dans les conditions les plus précaires, les individus soumis à des formes multiples de domination, de marginalisation ou de stigmatisation, sont-ils aussi ceux qui se révoltent le moins contre cette situation négative

La situation prostitutionnelle devient ainsi un cas “paradigmatique”, un cas extrême permettant d’accentuer certains traits. Mathieu analyse alors différentes mobilisations publiques (occupations d’églises dans les années 1970, tentatives de constitution d’un mouvement transnational dans les années 1990, actions “communautaires” dans le cadre de la lutte contre le sida…). Il porte son attention non seulement sur les ressources collectives (soutien d’associations…) mais aussi sur les “ressources individuelles” qui favorisent l’investissement dans l’action collective : “L’investissement dans l’action sociale peut ainsi apparaître comme une stratégie plus ou moins consciente de rattrapage, de reclassement, ou de repositionnement social.”

Marche des trans

J’ai eu l’occasion d’écrire quelques lignes au sujet de quelques transsexuels/transsexuelles/transgenres il y a quelques mois, quand des parents d’élèves d’une école de Rouen avaient dénoncé au journal local une institutrice, et quand Monsieur Alliot-Marie avait empêché deux personnes de se marier parce que l’une portait des jupes tout en étant un homme ([rappel 1], [rappel 2] [rappel 3], [rappel 4]).
La Marche des trans (video format QuickTime) est l’occasion de quelques mots supplémentaires. Cette manifestation, Existrans a déjà quelques années, et s’inspire fortement des Gay pride parades, maintenant “Marche des fiertés”. Quoi de mieux pour affirmer son existence dans l’espace public qu’une forme de visibilisation routinisée, la manifestation. Surtout si cet outil fait partie d’une boîte (à outils) identitaire composée d’associations trans (ASB, Caritig, PASTT…), de porte-parole, de slogans, de revendications s’adressant à l’arène publique…
Mais simultanément, une partie du travail identitaire consiste à gommer toute différence. Mis à part celles et ceux qui revendiquent une identité transgenre plus ou moins permanente, refusant d’être assigné à un endroit sexué particulier, les autres vont plutôt demander une forme d’invisibilisation : être trans’ est pour elles et eux un moment plus que la fin d’un “parcours” qui vise le changement de sexe (civil et/ou génital).
C’est comme un paradoxe, très intéressant, qui parcourt le mouvement associatif trans, où d’un côté l’utilisation d’armes de visibilisation doit servir à une meilleure reconnaissance, et où d’un autre côté l’utilisation d’armes d’invisibilisation (rééducation vocale, hormones, chirurgie, manières de marcher…) fait partie du travail quotidien — et des exigences des médecins spécialisés auxquels sont confrontés les transsexuels : pour un exemple, lire le blog Journal d’une Trans-formation d’un-e jeune trans de Montpellier.
Pour aller plus loin, et beaucoup plus loin, la somme de Joanne Meyerowitz, How Sex Changed (Harvard University Press) est à lire. [En attendant : Existrans (Reportage de France 3, video format QuickTime)