Avec qui travaillent nos députés ? Restent-ils entre membres du même parti ou vont-ils voir ailleurs ? Parce que le congrès de l’AFSP se termine, voici une deuxième petite excursion dans le monde politique. Pour répondre à la question précédente, on peut prendre comme indicateur d’un travail en commun la liste des “sponsors” des propositions de loi. On dira ici que travaillent ensemble des députés dont les noms apparaissent sur un même projet de loi.
Ainsi la proposition de loi 3698 visant à pénaliser les insultes à la nation a-t-elle été signée de ces noms-là :
Lionnel LUCA, Élie ABOUD, Philippe MEUNIER, Damien MESLOT, Claude BODIN, Claude GATIGNOL, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Jean-Pierre DECOOL, Bérengère POLETTI, Muriel MARLAND-MILITELLO, Jean-Marc ROUBAUD, Yves NICOLIN, Isabelle VASSEUR, Gérard HAMEL, Bernard DEPIERRE, Dominique DORD, Guy MALHERBE, Alain MOYNE-BRESSAND, Michel ZUMKELLER, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Marie SERMIER, Bernard REYNÈS, Michel LEJEUNE, Jean-Claude BOUCHET, Guy LEFRAND, Michel VOISIN, Éric DIARD, Michel TERROT, André WOJCIECHOWSKI, Jacques MYARD, Édouard COURTIAL, Daniel MACH, Marc FRANCINA, Josette PONS, François-Michel GONNOT, Jean-Michel FERRAND, Jean-Pierre GORGES, Jean-Pierre SCHOSTECK, Daniel SPAGNOU, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Jacques REMILLER, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Franck GILARD, Hervé NOVELLI et Patrick LABAUNE,
On peut penser que ces gens-là partagent certaines idées.
J’ai examiné les 250 dernières propositions de loi. Dans le graphique suivant, chaque député est représenté par un petit rond, et quand 2 députés apparaissent signataires d’une même proposition, un lien gris les relie.
La répartition des points (plus les députés sont fréquemment ensemble sur des propositions de loi, plus ils sont proches) fait apparaître trois groupes. Que l’on peut faire ressortir automatiquement (avec la fonction walktrap.community du package igraph, dans R)
Dans le graphique précédent, les Oranges sont un groupe comprenant les noms suivants : Brard, Buffet, Dolez, Billard, Braouezec, Amiable, Gosnat… Les spécialistes auront reconnus.
Les Bleus ce sont les proches de Montebourg, Mamère, Emmanuelli, Le Guen, Blisko, Filipetti, Queyranne, Cambadelis.
Les Prunes, ce sont les Poniatowski, Santini, Antier, de Courson, Jégo et autres Woerth.
Le travail de signature de proposition de loi, assez souvent, relie ensemble des personnes du même parti. Je ne comprends pas trop pourquoi les Communistes ne se retrouvent pas plus proches des Socialistes/Verts. C’est peut-être du à un effet de sélection (les 250 dernières propositions de loi).
Il y a quelques individus étranges, situés “in between” plusieurs groupes. On peut calculer cette “betweeness”, cette “centralité d’intermédiarité” : dans le graphique suivant, les individus les plus “intermédiaires” sont en bleu (et j’ai mis le nom de certains à côté de leurs points) :
Et là, j’avoue ma perplexité : je ne connais pas ces députés. J’ai entendu parler de Gremetz (qui s’est fait exclure ou s’est auto-exclu, je ne sais plus trop). Braouezec est probablement un communiste réformateur (encore plus réformateur que les autres). Martine Billard est peut-être en voie de “socialistisation”. Il faudrait un/une spécialiste de la politique parlementaire pour m’en dire plus… ou alors, il faudrait vraiment travailler sur ces données réticulaires, et plus précisément sur l’ensemble des propositions de loi d’une mandature plutôt que sur les 250 dernières.
Notes : cette petite étude graphique a été réalisée avec R, packages XML et igraph.
Mise à jour : on me demande en commentaire si l’on repère des proximités entre groupes politiques plus précises. Dans le graphe ci-dessous, chaque point est colorié en fonction du groupe d’appartenance du (de la) député(e). Rose et rouge : socialistes et “gauche républicaine”, les bleus : UMP et apparentés, orange et jaune : “nouveau centre” et apparentés…, les blancs sont “sans groupe politique”…
Deuxième mise à jour : voici ce qu’une étude sur les 1000 dernières propositions de vote donne.
Il est toujours trompeur de se baser sur une représentation graphique pour interpréter… mais je pense pouvoir déceler, ici, des “sous-groupes” au sein des gros groupes politiques. Et notamment au sein des groupes “UMP” et socialistes. Le “centre” n’existe pas dans l’assemblée actuelle, mais il y a de la part de certains à droite et de certains à gauche un plus grand détachement du bloc que leur parti constitue. Ce n’est probablement pas un “centre” que ces deux sous-groupes, mais plutôt des députés proposant de nombreuses lois, ou signant de nombreuses propositions. A droite, on y trouve Yvan Lachaud, JM Morisset, A. Grosskost, C. Gatignol, mais aussi Lionnel Luca (voir tout en haut du billet), JP Decool, Morel-à-l’huissier, Roatta, JM Lefranc, etc… et à gauche, on y trouve Guigou, M. Rogemont, J. Giraud, Martine Carillon-Couvreur, François Loncle, Monique ibora, michel vergnier, JP Dulau, Philippe Plisson, françois Imbert…
Je pense que seuls des spécialistes du parlement pourront donner une autre explication à l’existence de ces sous-groupes.
Encore une mise à jour : J’ai restreint les liens, ici, aux liens entre le dépositaire de la proposition de loi (le premier nom qui apparaît sur les listes) et les personnes qu’il a réussi à mobiliser. On peut en effet penser qu’une proposition de loi a une origine individuelle. Le graphe ci-dessous ne s’intéresse qu’à celles et ceux qui 1- ont déposé plusieurs projets de loi ET 2- dont le nom est apparu sur plusieurs projets de loi. J’ai fait s’afficher les noms des député-e-s qui sont recherchés et recherchent des signatures du camp opposé.
[Dans ce graphe, ce sont des députés de gauche qui apparaissent, car les députés de droite, par l’algorithme de placement des points, déposent tellement de propositions de loi qu’ils n’échappent pas à la gravité du groupe].
Il s’établit, au fur et à mesure de la mandature, des liens réciproques : tu signes, je signe… Ainsi, Gremetz appelle 9 fois Candelier à signer, et Candelier appelle 17 fois Gremetz.
maxime gremetz jean-jacques candelier 9 17
jean-pierre decool pierre morel-a-l-huissier 8 14
jean-jacques candelier maxime gremetz 17 9
yannick favennec pierre morel-a-l-huissier 9 9
jean-pierre decool andre wojciechowski 7 8
...
Certains, qui proposent beaucoup de lois, demandent beaucoup plus de signatures qu’ils ne sont appelés à signer.
Encore une mise à jour : J’ai maintenant limité les données aux liens réciproques. N’ont été gardés que les députés formant couple (c’est à dire ayant signé une proposition de loi d’un collègue qu’ils avaient sollicité pour une signature).
Sur ce dessin, les noms qui apparaissent sont ceux des “cutpoints” (ou points d’articulation), qui, s’ils étaient absents, découperaient le réseaux en composantes non reliées. Ce graphe renforce encore l’effet de groupe (de groupe politique) qui semble être le canevas sur lequel se tissent les relations de travail.