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Mărţişor !

Les mărţişoare [wikipedia] sont une des rares particularités roumaines qui m’avaient amusé — lors d’un trop long séjour dans ce pays. Ce sont des petits objets blancs et rouges distribués en cadeau le premier mars.

Les mythes fondateurs de la valeureuse nation roumaine étant liés à l’Empire romain, aux Thraces et aux Daces… les mărţişoare le sont aussi, forcément. Et les folkloristes roumanophones y ont sans doute consacré des carrières entières.

Sperme européen

En 2005, la Food and Drug Administration des Etats-Unis a interdit l’importation de sperme européen, en raison des risques liés à la Vache folle. “Mad Cow Rules Hit Sperm Banks’ Patrons” titre le Washington Post.
L’article est centré sur une femme qui, après avoir été inséminée par le sperme d’un ingénieur danois aux yeux bleus, cherchait à avoir un autre enfant du même donneur. Mais la compagnie américaine est en rupture de stock de sperme danois (apparemment le plus demandé).
Le tout est très intéressant et pose des questions sur la commodification de certaines parties du corps : le sperme est sans doute, avec le sang et ses dérivés, beaucoup plus inscrit dans un marché global que le coeur ou les reins. Le choix du Washington Post de choisir comme angle d’attaque les restrictions d’importation (souvent lues comme des formes de nationalisme) me semble pertinent : il oppose une agence étatique et un désir individuel…
A lire, donc.
(D’ailleurs, c’est le genre d’article qui risque de se retrouver, sous une forme modifiée, dans Libé ou Le Monde très prochainement.)

Égouts : la merde n’est pas une marchandise comme les autres

Dans la belle librairie Le Genre urbain j’ai découvert, il y a quelques jours, Basses Œuvres d’Agnès Jeanjean, sous-titré “Une ethnologie du travail dans les égouts”. Je l’ai acheté de suite (et pas seulement parce que, le 1er octobre, les égoutiers commençaient à demander leurs étrennes). D’un côté, l’objet m’apparaissait bien “petit”, ig-noble, dégoûtant et sale (le type même d’objet de recherche qui s’attache à la réputation du chercheur) et donc intéressant. D’un autre côté, entre les égoutiers, de par leur fonction obligés d’entrer en contact avec les excréments et autres déchets humains, et les vendeurs de sex-shops, parfois contraints de nettoyer les cabines de projection vidéo, il me semblait pouvoir y avoir quelques points de comparaisons intéressants.
Il y en a, mais l’ouvrage d’Agnès Jeanjean a plus. L’ambition “anthropologique” (au sens de recherche d’invariants culturels universels) se manifeste par l’appel à certains auteurs, et au recours à de gros concepts (souillure, sacré, secret…). Mais elle me semble moins aboutie que le travail plus proprement sociologique (ici compris comme une attention constante portée aux traductions pratiques et théoriques des positions différentielles dans une structure sociale). En surface, A. Jeanjean décrit la variété des statuts (employés municipaux, ouvriers d’entreprises privées, des stations d’épuration, cadres et managers…), dont la hiérarchie a quelque chose à voir avec le degré d’éloignement (symbolique ou physique) avec les eaux usées. Mais la lecture laisse surtout l’image amusante — et inquiétante — de la néolibéralisation de la merde, car « (pull)les égouts, c’est rentable(/pull) » soulignent certains enquêtés. Facturation du travail en équivalent heure-camion, cadres pris dans “logiques du projet” et “logique de réseaux” (analysées finement à travers les légions de dîners de travail, de déjeuners de fin de travaux…), dé-municipalisation des basses œuvres (plus ou moins privatisées et confiées aux antennes locales de multinationales).
Il ne manque à cela qu’un groupe altermondialiste s’opposant à ce que la merde soit considérée comme une marchandise comme les autres (semblent-ils préférer, comme la plupart des sociologues, des objets plus nobles ?).

Pour aller plus loin