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A journalistic sex toy raid

IIn the US, some states prohibit the retail of sex-toys. And citizen journalists are fighting to enforce these laws, too often neglected by the police. Yesterday in Jackson Mississippi, a strong-willed local and undercover journalist tried to buy one personal vibrator. A purple one.
Adult Store Caught Selling Illegal Sex Toys : “Adult Video and Books on McDowell Road in Jackson is apparently selling illegal sex toys again.”
A…GAIN ! ? Indeed : « A “3 on Your Side” undercover investigation shows that the business is back at it again and is not even discreet about selling the devices.
WLBT received the tip, so we decided to go undercover to see if it was true. »

[flashvideo filename=”../../blog/fichiers/2008/20080131-wblt-sextoys.flv” width=”320″ height=”240″ /]

Unfortunately : the police doesn’t care… even though « Section 97-29-105 of the Mississippi Code provides that knowingly selling, advertising, publishing or exhibiting any three-dimensional device designed or marketed as useful primarily for the stimulation of human genitalia (“sexual devices”) is illegal.» [Miss. Code Ann. § 97-29-105 (Rev. 2000)]

Elsewhere on the internet : Cory Silverberg, JackBeNimble, Violet Blue

Jouets dangereux

Il y a quelques jours, une émission de la télévision suisse romande a été consacrée presque entièrement aux godemichets, vibromasseurs et autres gadgets… L’émission, ABE “à bon entendeur” est disponible en ligne.
Pour partie, l’émission traitait de la présence de phtalates dans ces jouets pour adultes… ce qui me conduit à imaginer un commentaire, qui, pour l’instant, n’est pas bien ficelé. Mais à quoi bon me servirait ce blog si je ne pouvais exposer des morceaux de réflexion peu assurés, aux frontières de l’objectivation…

Les phallus en plastique contiennent en effet, assez souvent, des doses importantes de phtalates, composants interdits dans les jouets pour enfants, car cancérigènes chez le petit animal et causant d’autres problèmes chez l’humain. Les sex-shops d’origine féministe, aux Etats-Unis, s’interdisent ainsi la vente des objets phtalatés ou précisent, dans de petits prospectus certaines règles d’usage (voir un de ces prospectus ici).
En quoi ces phtalates posent-ils problème ? Ils présentent un risque de santé, certes. Mais il me semble qu’ils viennent aussi pointer les contradiction de pratiques sexuelles qui s’appuient sur le monde marchand. L’achat de ces jouets est présenté comme libérateur ou comme proposant une plus grande authenticité, le dialogue conjugal se poursuivant dans l’échange des orgasmes. Interrogée par une journaliste, une “responsable presse” déclare :

Même si on n’a pas forcément envie de se marier dans les deux heures après être venu à la boutique, on aspire tous à trouver quelqu’un avec qui partager de bons moments, avoir une intimité et une sexualité qui se passent bien, avec qui on peut faire des tas de choses.(source)

Le rappel de la composition phtalatée des jouets (comme le rappel, peu fréquent, des conditions de production, en Chine, des mêmes objets ou celui de leur mauvaise qualité de fabrication) vient casser la connivence… S’il faut des émissions de télévision pour rappeler que certains godemichets à pile contiennent plus de 25% de phtalates alors que la limite admise dans les jouets pour enfants est de 0,1%… c’est soit parce que les vendeurs, finalement, ne savent pas ce qu’ils vendent, soit parce qu’ils cachent ce qu’ils savent.
C’est ainsi toute la question de la circulation des dialogues, entre grossistes et détaillants, entre vendeuses et acheteuses, entre le couple qui est remise en cause, alors que l’exigence de conversation authentique — celle qui révèle les désirs — était un point de rencontre entre normes conjugales et discours des promoteurs de jouets pour adultes…
Ailleurs : sur sextoyer, un site à mi-chemin entre la promotion et la “veille”.

La chasse aux godes

J’ai déjà eu l’occasion de souligner que les godemichets étaient interdits en France au début des années 1970. Tout comme diverses représentations pornographiques, ils constituaient un outrage aux bonnes moeurs (voir ici l’activité du tribunal de grande instance de Paris en 1971).
Mais l’interdiction des godemichets était-elle “réelle” ? Jusqu’où les divers acteurs du monde judiciaire ou policier se mobilisaient-ils pour les interdire sur le territoire français ?
J’ai trouvé un exemple — peut-être extraordinaire ou folklorique — dans des archives judiciaires. Notez : afin de protéger les personnes impliquées, j’ai modifié une partie des caractéristiques.

Au tout début de la décennie 1970, le Commissaire divisionnaire chef de la brigade mondaine envoie au procureur de la République ce rapport suivant :

Objet : enquête de flagrant délit,
J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint la procédure établie à l’encontre du nommé F…. Emile, Simon, né le 24 février 1914 à Montreuil (Seine Saint Denis), domicilié [17e arr], susceptible d’être inculpé d’Outrage aux Bonnes Mœurs
Après plusieurs surveillances, les officiers de Police de ma Brigade ont procédé le 24 courant à 19 heures 45, à l’angle de l’Avenue des Champs Elysées et de la rue Pierre Charron à Paris 8ème, à l’interpellation du nommé F… Emile qui tentait de vendre une certaine quantité de godmichets [sic].
La fouille effectuée à l’intérieur de la voiture du susnommé a permis de saisir et placer sous scellé un carton contenant 19 godmichets et un lot de petits objets en matière plastique adaptables sur ces godmichets.
Au cours de la perquisition à laquelle il a été procédé, 8 Bd […], deux films obscènes ont été saisis et placés sous scellés.
F… Emile a reconnu avoir fabriqué lui-même ces objets contraires aux bonnes mœurs, et en avoir déjà vendu une vingtaine à raison de 10 ou 15 francs pièce.
Quant aux deux films pornographiques découverts à son domicile, il prétend qu’ils ont été abandonnés chez lui par un ami, et affirme ne pas en faire le trafic.
En raison de son état de santé (il souffre d’un infarctus), et compte tenu des garanties de représentation offertes, le sieur F… Emile a été laissé libre aux charges d’usage.
[signé – le commissaire divisionnaire]

Que constate-t-on : une personne était surveillée (la soupçonnait-on de vendre des “godmichets”?). La découverte de ces objets n’a pas rendu la surveillance inutile : à partir de la découverte de ces objets, une inculpation pouvait être imaginée.
Mais que constate-t-on encore ? Ces godes étaient fabriqués par le vendeur. Il ne s’agissait pas d’un trafic international, ou d’une fabrication à l’échelle industrielle. Le fabricant était ici aussi le grossiste et le détaillant. L’illégalité de la pornographie conduisait-elle à une multiplication des petites entreprises ? A la lecture de ces archives, il me semble que oui.
Mais pour mieux comprendre cette affaire, il faut remonter un jour plus tôt, quand le subordonné du commissaire divisionnaire écrit à ce dernier :

Début NNNNN 1970, un renseignement condidentiel, parvenu à notre service, nous faisait savoir qu’un individu domicilié dans le 17e arrondissement, propriétaire d’une vieille simca immatriculée XXXX NN 75, vendait des godmichets.
Le propriétaire de la Simca était identifié. Il s’agit du nommé F… Emile (état-civil mentionné en tête du présent). Cet individu avait été interpellé par notre service en 1967, et ce dans les circonstances suivantes.
– – –
Le X NNN 1967, au cours de l’exécution de la commission rogatoire n°XXX en date du NN XXXX 1967, délivrée par Monsieur U*** juge d’instruction, du chef d’outrages aux bonnes mœurs par la voie de photographies ; une perquisition effectuée au domicile du nommé F… Emile 8 bd […] à Paris 17e et dans un local commercial, 55 rue de … à Paris 8e, permettait la découverte d’objets contraires aux bonnes mœurs, qui n’entraient pas expressement dans le cadre de la délégation.
Il s’agissait de « godmichets » et du matériel nécessaire à leur fabrication.
Monsieur U***, informé, prescrivait la Brigade Mondaine de poursuivre l’enquête en flagrant délit.
Le nommé F… reconnaissait avoir fabriqué une cinquantaine de « godmichets ». Sur ce nombre une trentaine aurait été commercialisée, à raison de 20 à 30 francs l’unité, permettant à F… de réaliser un bénéfice de l’ordre de 1000 à 1500 francs.
– – –
Plusieurs surveillances étaient exercées aux abords du 8 Bd … domicile de l’intéressé.
Ce jour à quinze heures trente, nous pouvions voir le nommé F… Emile sortir de l’immeuble et prendre place à bord de sa voiture garée sur le trottoir devant le n°8 du Bd […]
Il prenait la direction du bois de Boulogne. La circulation intense à l’entrée du bois ne nous permettait pas de continuer la filature.
Nous reprenions la surveillance boulevard de […]. A 17 heures 15 le nommé F… rejoignait son domicile toujours au volant de son véhicule puis repartait quelques instants plus tard pour se rendre Avenue des Champs Elysées. Il garait sa simca sur la contre-allée à hauteur de la rue Pierre-Charron.
Le Sieur F… pénétrait à l’intérieur du café Le Colisée, avenue des Champs Elysées, porteur d’un porte document et d’une petite mallette bleue de la Pam-Am.
Manifestement à la recherche d’une personne, l’intéressé détaillait les nombreux clients de l’établissement puis se rendait au sous-sol pour téléphoner. Il demandait ensuite à l’un des garçons si l’on n’avait pas demandé Monsieur F… Le garçon répondait par la négative.
L’intéressé s’installait ensuite à une table à l’intérieur du Colisée, face à l’entrée du café.
A 19 heures, il quittait cet établissement, puis, semblant trés (sic) méfiant faisait du « lèche vitrine » sur les Champs Elysées jusqu’à 19 heures 45, heure à laquelle il regagnait son véhicule. Nous l’interpellions à ce moment là, après avoir décliné nos qualités.
Monsieur F… reconnaissait spontanément que son véhicule contenait des « godmichets », qu’il s’apprétait à vendre à un client, répondant au prénom de Roger. Il précisait qu’il n’avait pu encore rencontrer le dit Roger, dont il ignorait tout.
[signé : l’officier de police principal]

On peut presque sentir l’atmosphère — nécessairement enfûmée — de la chasse au gode en 1970 : les policiers de la Mondaine recevant, en échange d’un service, les confidences d’un indicateur, mettant en route une enquête, identifiant le propriétaire de la simca, se cachant — en planque — devant son domicile. Le “Colisée”, bistrot quelconque, enfûmé lui aussi. Le garçon, essuyant les verres, les policiers, entrant (ils commandent un demi, puis un autre, ils restent au bar) et cherchant à repérer le vieux “à la mallette de la Pam-Am”. Le vendeur de godes, qui, étrangement, court un peu partout dans Paris.
Emile F… est “connu des services” : en 1967, il a déjà été coincé… pour “OBM” (outrage aux bonnes moeurs). Il fabriquait déjà, de manière artisanale, des godes. Il est possible que, suite à l’indication confidentielle et à la découverte qu’il s’agissait bien d’un fabricant-détaillant de godes, les policiers avaient presque la certitude qu’Emile F… vendait toujours ses gadgets.
Ce qui m’intéresse ici, c’est que cela n’a pas poussé les policiers à conclure que le surveiller était du temps perdu. Prendre sur le fait un dealer de godes était suffisamment motivant pour s’astreindre à une surveillance et à une filature. Les godemichets faisaient bel et bien l’objet d’une interdiction, et le respect de cette interdiction pouvait mobiliser les officiers de police…et, par la suite, le procureur et le juge.

Au cours de l’audition d’Emile F… on apprend qu’il a quelques connaissances techniques, principalement mécaniques, et qu’il est représentant en matériel cinématographique [les policiers trouvent d’ailleurs chez lui deux films pornographiques]. Cette audition ne nous apprend pas grand chose d’autre. Mais les policiers semblent s’intéresser aux origines des “godmichets” : se pourrait-il que les personnes ayant fourni les matériaux soient au courant de leur destination finale ? Cet “outrage aux bonnes moeurs” implique-t-il d’autres personnes. Emile F… ne va impliquer personne (du moins publiquement) : il ne connait personne, ni “Roger”, ni les autres acheteurs :

Ce soir au moment où j’ai été interpellé par les policiers, j’avais dans mon véhicule des godmichets. J’avais rendez-vous au pont de Puteaux avec un certain Roger, qui m’avait téléphoné et à qui je devais montrer et vendre éventuellement des godmichets. Je n’ai pas trouvé cette personne et sachant que ce Roger fréquentait le café Le Colisée avenue des Champs Elysées, je me suis rendue (sic) à cette adresse. Le prénommé Roger devait me reconnaître à mon sac bleu de la Pam-Am. Mais je n’ai pu le rencontrer.
[…]
Comme je vous l’ai dit, j’ai déjà été interpellé par vos services en 1967 pour ce même motif. Depuis j’avais totalement cessé ce trafic. Ce n’est qu’au mois de septembre 1969 que j’ai recommencé à fabriquer des godmichets.
J’ai dû en fabriquer environ quarante, sans plus. Je les ai fabriqués chez moi. Pour ce faire, j’ai utilisé deux moules en plâtre que j’ai confectionné moi-même, et le four de ma cuisinière.
En ce qui concerne la pâte, j’emploie du polyéthylène replastifié à l’huile vaseline.
En ce qui concerne le polyéthylène, je l’ai obtenu gratuitement en échantillonnage, auprès de la maison Rhône-Poulenc, rue NN NN à Paris. En ce qui concerne l’huile de vaseline je me suis fourni chez des droguistes.
A cette époque mon amie Claudine G… était absente. Elle était en vacances chez sa mère dans l’Indre et Loire.
Je vous affirme que mon amie n’est pas au courant de ce trafic.
En dehors de ces quarante godmichets je n’ai pas fabriqué d’autres, car j’ai en fait du mal à les écouler. Comme je vous l’ai dit précédemment, jusqu’à présent j’ai du réussir à en vendre environ une vingtaine, sans plus.
En dehors de toute main d’œuvre, j’estime que la fabrication d’un godmichet me revient à environ 0 francs 60.
En principe, je vends ces godmichets à raison de 10 ou 15 francs pièce.(…)
En ce qui concerne la vingtaine de godmichets que j’ai déjà vendus, je ne puis vous apporter aucune précision sur leurs acheteurs. Il s’agit en fait de relations qui m’étaient adressées par d’autres relations. J’ignore leurs noms et leurs adresses. Je ne puis rien vous dire à ce sujet.
J’ai fabriqué à nouveau des godmichets parce que, d’une part j’ai été sollicité, et d’autre part j’ai appris que des firmes étrangères en vendaient en France, et j’en ai déduit que cela était maintenant plus ou moins autorisé.
Comme je vous l’ai dit, j’ai eu des difficultés à vendre ces godmichets, et je n’ai pas l’intention de poursuivre ce trafic.
En ce qui concerne les deux films obscènes découverts à mon domicile, je les détiens chez moi par un ami qui réside habituellement à Dakar. Je ne l’ai jamais revu depuis.
Je n’ai jamais utilisé ces deux films et n’ai jamais cherché à les vendre.

Peut-on faire de l’herméneutique à partir du discours d’Emile F… ? Nous ne disposons pas des questions des policiers, et la transcription n’est probablement pas verbatim. La structure de l’audition doit certainement reprendre un modèle habituel qu’il va me falloir saisir. Tout ce qui est écrit, ici, a pour but de minimiser les risques : Emile F… restreint le cercle des impliqués à lui seul. Il, seul, a fabriqué. Lui, seul, a été acheter (ou soutirer) les matériaux de base. Son amie n’est pas au courant. Les clients ? Disparus !
Emile F… semble se contredire : il dit presque simultanément que s’il a recommencé à fabriquer ces objets, c’est suite à des demandes, et qu’il a du mal à les écouler. Il laisse sous-entendre l’existence de réseaux d’interconnaissance (“des relations qui m’étaient adressées par d’autres relations”) qui permettaient à la pornographie de circuler.
Ces relations s’arrêtent-elles au monde de l’achat… ou sont-elles aussi liées à la production. Emile F… est-il réellement un fabricant ? N’est-il pas plutôt un intermédiaire ? La perquisition ne repère pas de moule en plâtre (en 1970 du moins, car en 1967, le “matériel nécessaire à la fabrication” est indiqué). D’autres objets sont découverts avec les godes, que les policiers décrivent comme «soixante neuf objets en matière plastique adaptables sur ces godmichets». On ne sait pas d’où viennent ces objets.
L’hypothèse du petit fabricant de gode, utilisant une recette connue de lui seul, ou circulant — souterraine — parmi les petits dealer de porno, me séduit pourtant. Elle me séduit, parce qu’il est alors possible d’opposer ce mode de fonctionnement (illégal, semi-secret, basé sur l’interconnaissance et des signes de reconnaissance étranges — la Pan-Am…) à ce qui se met en place au même moment : un marché de la pornographie en voie de légalisation encadrée, avec ses gros acteurs commerciaux, ses circuits, ses modes de gestions…

Suites : dix mois plus tard, en première instance, Emile F…, défaillant, sera condamné à neuf mois de prison et cinq cent francs d’amende, « attendu qu’il résulte des documents de la cause et des débats la preuve qu’à Paris, courant mil neuf cent soixante dix, et plus spécialement le vingt quatre NNNNN mil neuf cent soixante dix, en tout cas depuis temps non prescrit le nommé F… Emile a fabriqué, détenu en vue d’en faire commerce, transporté, vendu, offert, même non publiquement, des godmichets (sic), objets contraires aux bonnes mœurs».

Vers la province…

Au cours de mes recherches sur les sex-shops, j’ai, par tropisme résidentiel, principalement étudié des magasins parisiens ou banlieusards. Mes sources d’archives (privées ou publiques) étaient aussi parisiennes. J’ai eu la chance, heureusement, de pouvoir lire le travail de Marc Skerrett sur Toulouse, qui montrait l’existence de véritables stratégies régionales, au début des années soixante-dix. En quelques années (entre 1970 et 1973) les “sex-shops”, au départ quelques boutiques parisiennes, s’implantent dans toute la France. D’anciens libraires se reconvertissent dans le commerce de la pornographie. Pour certains étudiants, c’est leur premier emploi…
Ce passage d’une forme commerciale de Paris à la province semble se répéter aussi rapidement en ce moment. Mais si, dans les années soixante-dix, c’était le commerce du livre qui se trouvait au centre (parce que les poupées gonflables, les godemichés et les préservatifs vibrateurs étaient interdits sur le territoire national avant fin-1973), de nos jours les “sex-toys” sont au centre.
Les “reconversions” vers la vente de godemichets se font par étapes. Dans La Dépêche de Toulouse du 8 juin dernier, un dossier était consacré à l’érotisme commercial dans la bonne ville de Castres. Et une vendeuse de lingerie était interviewée :

Nathalie met à l’aise les plus timides
Pour Nathalie, il n’y a pas de tabou. Et elle vend avec le même naturel des « sous-vêtements classiques » à des jeunes filles de 16 à 18 ans que de la lingerie érotique à des couples d’un certain âge. « Ma clientèle est très large et je les aide à se décomplexer », confirme cette jeune femme dynamique qui a ouvert sa boutique de lingerie il y a trois mois. Appelé « Brin de folie », son commerce de la rue Sabaterie va d’ailleurs être rebaptisé « Soir et sexy ». Histoire de bien se démarquer des boutiques traditionnelles. Car,
elle, son créneau, c’est clairement l’érotisme et la sensualité. A ne pas confondre avec le sexe pur et dur. « Entre le sex-shop et la lingerie classique, il n’y avait rien à Castres »(…)
[C]omme Nathalie a tendance à mettre à l’aise rapidement, les plus timides finissent par passer le pas de sa porte et à revenir. « J’ai même été obligé de cacher un peu la vitrine de l’extérieur car mes clientes ont tendance à se balader dans la boutique avec les sous-vêtements qu’elles essayent » (…)
Et pour compléter ses rayons lingeries, Nathalie propose aussi des accessoires. Gadgets, déguisements coquins et sex toys.
Mais ces derniers sont cachés dans l’arrière-boutique « pour ne pas les mettre sous le nez des mineurs qui rentrent dans mon magasin ».
(source : La Dépêche du midi, 8 juin 2007)

Actuellement, la vente de gadgets sexuels vibrants ne suffit pas à transformer une boutique en magasin interdit aux mineurs, à transformer un magasin quelconque en “sex-shop” soumis à des contrôles particuliers. Il en était à peu près de même en 1970-1971 : les libraires qui choisissaient d’ouvrir leurs rayons à des ouvrages “osés” ne savaient pas qu’ils devraient rapidement interdire l’entrée de leurs officines aux mineurs, puis à opacifier leurs vitrines… Les “reconversions” ne s’aperçoivent ainsi qu’a posteriori : sur le moment, ce sont des innovations commerciales, qui ne portent pas vraiment à conséquence.

Il existe cependant des reconversions explicitées. Paraît ce jour (samedi 23 juin) un article dans Sud Ouest, Le sexe, sans équivoque, présentant l’ouverture d’un magasin, ekivoQ (ekivoq.com) à Bordeaux.

(…) Propriétaire de ce magasin rose bonbon, où les canards de bain ont des cols en froufrou et des tenues en cuir : Gérard Baraud, 55 ans.
Cet homme d’affaires, bien connu à Bordeaux, a créé en 1982 l’enseigne Canal Vidéo. Avec cette nouvelle boutique, il opère un véritable tournant dans sa carrière. « A cause du téléchargement, les vidéoclubs fonctionnent de moins en moins bien, soupire-t-il. C’est pourquoi, en juillet dernier, j’ai acheté un sex-shop, cours de la Marne. J’ai été surpris de trouver des gens de tout type dans ma clientèle. Ensuite, il y a eu le fameux canard de Ryckiel dont on a tant parlé (1). Et j’ai pensé à créer ce magasin. »

La catégorie juridique, administrative ou commerciale permettant de définir les magasins vendant des vibromasseurs et de la lingerie, cependant, n’existe pas encore. Le grand public ne sait pas toujours les différencier des sex-shops… Et il se pourrait bien, qu’objectivement, il n’y ait pas de différences faciles à percevoir.
Une correspondante, ayant ouvert très récemment un magasin, ainsi, m’écrit que : « Pour ce qui est de la clientèle locale la rumeur avait fait son travail à savoir cataloguer la boutique en sexshop et les [habitants de la région] ne semblent pas du tout curieux à ce sujet. » De son point de vue, son magasin en était très éloigné.
Mise à jour Dans un article de Aujourd’hui en France (28 juin 2007), Gérard Baraud déclare : . « Je veux faire en quelque sorte un anti-sex-shop, avec un joli magasin, mignon, sans pornographie, pour la femme et le couple. Il n’est d’ailleurs pas interdit aux moins de 18 ans ». En reversant l’interdiction d’entrée des mineurs — en la présentant comme un élément laissé au bon vouloir des gérants — il tente de séparer son magasin des “sex-shops”fin de la mise à jour
Afin de rendre explicite les différences, il importe donc de renforcer les détails et de rendre significatif/essentiel ce qui n’était qu’accessoire/accidentel. L’apparence extérieure et intérieure importe au plus haut point. Gérard Baraud, mentionnée plus haut, qui est donc l’heureux propriétaire d’un sex-shop traditionnel et d’un sexy magasin tout neuf, semble en être conscient. Le nom des détaillants de gadgets sexuels bannit “sex” mais pas toujours son dérivé “sexy”, pour insister sur l’amour (love), le plaisir, la douceur (Dulce aussi à Bordeaux), contribuant à renforcer des stéréotypes de genre (les femmes seraient “douces”, les hommes pornographes)… c’est peut-être parce que les propriétaires (et les financeurs) restent, le plus souvent, des hommes.
Ekivoq planL’intérieur des magasins fait aussi l’objet d’une réflexion. L’intérieur des sex-shops “habituels” n’a souvent fait l’objet d’aucune préparation. Préparer un espace commercial spécifique va donc contribuer à séparer le magasin “sexy” de ce qui est refusé. Alice Lafaye, étudiante en architecture intérieure, a ainsi participé à l’aménagement du magasin “ekivoQ” de Bordeaux, mentionné plus haut.
Ekivoq photo alice lafayeSans que l’on sache très bien ce qui constitue le “glauque” des sex-shops, on peut voir sur ces photos que le magasin, ici, essaye de s’en éloigner : les éclairages sont multipliés, des podiums individualisent les objets (qui sont sortis de leurs emballages pour pouvoir être manipulés), des cadres servent d’«écrins» (les godes sont proposés comme des oeuvres d’art ou des bijoux), le mur du fond, consacré aux petites culottes à la lingerie fine, rappelle par certains détails la maroquinerie. Bref, la décoration a été pensée [J’attends avec impatience le mémoire de fin d’année de cette étudiante, qui me permettra de mieux comprendre l’ensemble de la décoration.]
 
Je m’aperçois avoir encore une fois entremêlé plusieurs streams of consciousness dans ce billet : la provincialisation des magasins sexys, des questions liées à la reconversions d’habitudes commerciales dans de nouveaux objets, l’utilisation de détails décoratifs pour séparer radicalement des échoppes. Ces trois choses sont liées : la provincialisation rapide de magasins “proposant des vibromasseurs et de la lingerie sans DVD X” va de pair avec l’arrivée de nouveaux “travailleurs du sexy” (vendeuses, gérants… et décoratrices).

Genre et commerce

J’alterne entre veille juridique (suivi des diverses lois et règlementations consacrées aux sex-shops) et veille commerciale. Les mondes de l’entreprise privée et du commerce m’étant socialement étrangers (et plus exotiques que la fonction publique), je prends un grand intérêt à suivre les diverses élaborations intellectuelles et pratiques des personnes cherchant à ouvrir, aujourd’hui, des sex-shops d’un nouveau type.
Le recueil d’anecdotes diverses m’aide à comprendre comment, en l’absence d’institution centralisatrice — Ordre, Syndicat, Coopérative… –, les grossistes et les distributeurs jouent un rôle d’information :

Une autre anecdote qui vous plaira certainement. J’ai découvert par un fournisseur lors de ma visite au salon de la lingerie à Paris, qu’une boutique au même concept que le mien allait s’ouvrir à 100m de la mienne.
Même concept, mêmes fournisseurs, le cauchemar total. J’ai contacté cette personne pour que l’on puisse se positionner l’une par rapport à l’autre.
Elle est déjà implantée sur la ville mais avec une boutique […] qu’elle va transformer en concept boudoir, cabaret chic, lingerie + sextoys.
Elle a pris de l’avance sur moi, sachant qu’elle a déjà passé toutes ses commandes, et sachant que sa boutique est opérationnelle. Nonobstant la nausée qui m’a pris lorsque j’ai appris la nouvelle, j’ai foi en mon projet, et je vais me battre en misant sur mes forces, mon relationnel, mais surtout sur mon envie de réussir.

Informations sur l’état du marché en général, mais aussi sur la concurrence locale : les détaillants cherchant à ouvrir un sex-shop (ou un magasin sexy) doivent une part de leurs connaissances aux fournisseurs [sur un point similaire, j’avais déjà abordé la question de l’importance des grossistes]. Il est fort probable que ces situations où la distribution d’information est liée à la distribution des biens soient plus fréquente que je ne le pense : une collègue me signalait d’ailleur hier un livre à lire, du sociologue américain E. Freidson (portant sur les médecins).
Passage du désirLa veille commerciale se poursuit par le suivi de l’ouverture des points de vente de vibromasseurs et de godemichets (le sociologue peut être monomaniaque). J’ai passé quelques minutes dans un magasin ouvert très récemment, au 11 rue Saint-Martin à Paris, et dont j’ai suivi, au cours des derniers mois, une petite partie des péripéties liées à l’installation.
Passage du désirCette boutique se présente comme “the♥store”. Le “♥” est ici visiblement lié à une relation, ou — au minimum — à la dualité : une série de cartes déclaratives (“tu me manques déjà”, “où tu veux, quand tu veux”…) parsème d’ailleurs la vitrine. Alors que la concurrence cherche à faire des sex-toys des objets féminins, ce magasin vise la conjugalité. Le site internet de la marque se déclare “dédié au développement durable du couple”.
heart sex love man womanLe couple proposé est probablement égalitaire dans ses décisions d’achat, mais il n’échappe pas du tout à certaines normes de genre. Une variation du dessin représenté ici se trouve dans la boutique. Je n’y ai pas toutefois trouvé d’inversion de la place des coeurs.
Dans “the♥store”, le ♥ est “genré”, ironiquement, mais explicitement : celui des hommes est vénérien. [Dans le même ordre d’idée, un reportage de France3 sur la Saint Valentin (format Quicktime .mov)]
Je signalerai enfin une variation sur le thème, habituel, de l’interdiction d’entrée des mineurs. Passage du désirL’interdiction d’entrée dans les sex-shops, à Paris, a pour origine une ordonnance préfectorale de 1970. Dans le cas présent, cette interdiction n’était pas requise [le magasin ne proposant aucune publication interdite aux mineurs], mais n’a pas été entièrement abandonnée : elle a été transformée en restriction à un public choisi.

Des gadgeteries (et des magasins de lingerie) pour des gadgets

Les godemichés ont-ils nécessairement besoin de magasins spécialisés ? L’opération symbolique et matérielle visant à ôter à une partie d’entre eux tout caractère licencieux — en changeant la couleur, par exemple — a-t-il rendu contingent leur lien avec les sex-shops. Au cours des dernières années, ce mouvement se percevait à travers l’ouverture de commerces qui refusaient la dénomination de “sex shops” mais axaient leur publicité sur la vente de sex-toys : des magasins ambigus souvent nommés “sex shops pour femmes”. Ces commerces de demi-luxe (ayant pour nom Yoba, Amours délices et orgues, 1969… Lilouplaisir à Montpellier, Olly Boutique à Lyon, Dulce à Bordeaux… Lady Paname à Bruxelles) restaient des endroits sexualisés : un signe le prouve, les petits panneaux interdisant le plus souvent l’entrée des mineurs.
Mais le processus de sortie des sex shops s’est poursuivi. Quelques sex toys, godemichés ou vibromasseurs d’un certain type, sont désormais présents dans les rayons de magasins “classiques”, non interdits aux mineurs, et dont la fréquentation n’entraîne ni perte de réputation, ni tache morale.
Durex Play MonoprixIl me semble, sans en être certain, que les magasins de farces et attrapes ont souvent eu en stock quelques objets en latex à usage orgasmique… mais les jouets pour adultes sortent aussi de ces magasins. L’illustration ci-contre a été prise dans un “Monoprix” parisien, où les voisins des préservatifs (d’ailleurs “texturés” et aromatisés) sont de petits vibromasseurs. Une chronique récente de Beaudonnet sur France Info (mars 2007), portant sur la “guerre du préservatif”, explicitait la stratégie des fabriquants, qui souhaitent faire de leurs produits des jeux “à valeur ajoutée” pour (jeunes) adultes, vendus bien plus chers que les objets simplement prophylactiques.
Les moyennes surfaces ne sont pas les seules à stocker des jouets sexuels. Des marchands de parfum avaient, il y a quelques années, commencé à vendre des canards vibrants. Mais j’ai pu prendre conscience, concrètement, au cours des derniers mois de plusieurs autres types de lieux de vente.
Une correspondante m’écrivait par exemple l’année dernière :

Je suis gérante d’une boutique d’accessoires de mode et de lingerie depuis 18 mois. Au préalable, j’effectuais de la vente à domicile de lingerie fine.
Je constate que les femmes (quelque soit l’âge ou la situation socio-professionnelle) sont des consommatrices laissées pour compte des sextoys. En effet, peu d’entre elles osent franchir la porte d’un sexshop ou lorsqu’elles le font, effectuent très vite un demi-tour. Et peu d’entre elles osent commander ce genre d’articles sur le net (peur d’une erreur d’un facteur, des enfants découvrant avant…).
C’est pourquoi elles me demandent de passer par ma boutique pour commander ces objets. Elles regardent les sites, me notent les références et je commande. La livraison se fait en arrière boutique et juste entre femmes.

Cette correspondante décrit ici un bel exemple de gestion du stigmate — cet attribut potentiellement discréditant. Le magasin de lingerie agit comme interface entre les vendeurs de godemichés et les clientes souhaitant minimiser tout risque pour leur vertu publique. Le patron d’un “sexy shop” destiné principalement à une clientèle féminine, du Sud de la France, m’avait aussi signalé que, en faisant le tour des magasins de son quartier pour annoncer son implantation, la gérante d’un magasin de lingerie lui avait dit avoir un moment stocké, en arrière boutique, quelques jouets pour adultes.
Une autre personne me décrivait, dans un mail, son magasin :

[P]our l’instant c’est encore une boutique de prêt à porter. J’ai mis de-ci de-là des huiles et des kits de séduction. Seule une de mes deux vitrines est travaillée avec des produits sexy… Je ne mets aucun vibro en rayon, ou en vitrine (sauf forme rigolote comme, le canard ou le rouge à lèvre vibrants…). Ils sont présentés sur demande de la cliente.
Pour le moment, et c’est quelque chose que je continuerai dans le temps, je propose des réunions à domicile (plus difficiles à mettre en place, puisque ça demande le concours de la cliente !). Et pour le coup, il s’avère que l’intérêt pour les objets vibrants, et la demande n’est pas du tout la même en boutique ou en réunion. Pour les quelques mois d’activité à mon actif, je reconnais qu’il faut du temps pour bousculer les vieilles habitudes, mais je suis optimiste quant à l’avenir…

Je lui ai demandé une photo, pour mieux comprendre son magasin (situé à Sainte-Maxime, dans le Var) :
Sainte Maxime - boutique Capucine - maximegirl (a) aol.com

Sainte Maxime - boutique  Capucine - maximegirl (a) aol.comma boutique prend forme! Je ne vous cache pas que j’avance un peu à tâton… Ne sachant pas trop comment m’organiser au début… Et ayant peur des réctions de mes clientes ! Mais bon, plus de peur que de mal, elles ont très bien pris les choses !
Il est vrai qu’au démarrage, ma boutique “Capucine”, n’était qu’une boutique de prêt à porter féminin et accessoires. Dans le métier depuis un bon nombre d’années, et avec la conjoncture actuelle, nous (commerçants) ne savons plus bien quoi faire pour séduire de nouveau notre clientèle. Alors pour arrondir tout d’abord les fins de mois, je voulais proposer des réunions genre “Tupperware”. Dans ma région c’est un peu difficile, les gens ne se reçoivent pas chez eux (appartements trop petits!), alors vu que Ste Maxime est un petit village, le bouche à oreille c’est fait vite, et par curiosité les clientes venaient me questioner au magasin.
[…] Les sex-toys quant à eux sont en réserve. Je les sors souvent mais uniquement sur demande… Ainsi pas de soucis pour les enfants ou clientes un peu susceptibles.
Un panneau annonce que je propose toujours les fameuses réunions. Dans peu de temps, je vais mettre un site en place, ainsi je pourrais garder le contact avec des clientes saisonnières (nos estrangers, comme on dit ici) ou peut-être toucher des personnes plus réservées.
Ayant essayé tous mes articles, je peux en parler très librement, et il semblerait que l’ensemble de mes clientes adhèrent… J’ai eu beaucoup de très bons retours. Et c’est très motivant. Je touche du bois, mais mes craintes d’être ennuyée par une population masculine, ou féminine, réticente se sont trouvées infondées !
[…]
PS: le mannequin en vitrine a un serre-tête avec des petites cornes rouges (ce qui explique la queue de diable!!!)

Dans ce magasin aussi, les jouets moins “innocents” que le canard sont hors regard. Un canard dont le camouflage, encore efficace il y a quelques années, semble devenir transparent : il me semble même que ces canards jouent ici le rôle d’annonciateurs. Si ces canards sont là, c’est qu’il doit y avoir plus derrière : moins un camouflage qu’un leurre, si l’on me permet de filer la métaphore cynégétique.
Les magasins de lingerie féminine ne sont pas les seuls à ouvrir leurs rayons aux sex toys. Diverses gadgeteries proposent, parmi la quincaillerie, les parapluies et les verres à cocktail, quelques vibromasseurs. En vitrine, là aussi, les canards. Plus loin dans le magasin, en haut d’étagères, quelques semi-phallii (phalla ?) colorés. Le Diablotin, à Dreux, m’écrit :
Magazin Les Diablotins Dreux

Je reprend contact avec vous pour vous donner des nouvelles de notre activité de sex toys. Nous avons fait rentrer quelques produits de chez fun factory et différents objets de chez Big teaze toys. Depuis l’implatation de sex toys dans le magasin je n’ai eu que deux remarques négatives et dans l’ensemble la clientèle trouve cela plutôt rigolo […]
La première réflexion est venue d’un de mes clients qui a demandé à une vieille dame dans le magasin si elle trouvait ça choquant. Les gens sont plus ouverts que l’on ne pense car elle a répondu d’un air amusé que non. Et la femme de mon client est revenue quelques semaines plus tard avec son bébé en poussette dans le magasin pour prendre des magnets.
La deuxième réflexion est venu d’une dame BCBG qui est entrée alors que je rangeais les sex toys et, surprise par mon activité peu commune, a dit à sa copine “Je crois que nous nous sommes trompé de magasin“. C’est tout, juste une réaction de défense face à une situation angoissante pour elle.

L’offre est grosso-modo la même dans un magasin parisien du Forum des Halles, qui propose un rayon “sexy” :
Objectica Rayon sexyLe magasin n’est en rien interdit aux mineurs (c’est une “gadgeterie”) mais les jouets phalliques sont placés bien en dehors de portée des enfants (voire même des grands enfants), à plus d’un mètre soixante de hauteur — au contraire des incontournables canards, à hauteur de client-e. La zone est rendue visible par un “SEXY” en néon rose (que l’on voit mal sur la photo).

Cette boutique, comme toutes les gadgeteries, propose un choix d’articles autour du thème “sexe”, pas toujours de très bon goût d’ailleurs : pâtes zizi, antistress en forme de seins ou de sexe masculin, etc.
Mais contrairement à la plupart de ces boutiques, l’enseigne (…) propose désormais une sélection de sextoys, principalement des fun factory et des Big tease toys, qui, par leurs couleurs et leurs looks rigolos, ne dénotent presque pas avec les figurines Titi ou Caliméro juste à côté.
source

D’autres gadgèteries proposent les mêmes produits.
Ce sont des gadgets spécifiques qui sont mis en vente dans ces magasins : vibrants mais non phalliques — attachables au pénis comme les anneaux vibrants — ou légèrement phalliques mais vert-fluo ou rose-bonbon. Ils sont nombreux à insérer la sexualité dans les filets de l’électrification.
Répondre brièvement à la question que je posais rhétoriquement en début de billet (des magasins spécialisés sont ils nécessaires ?) est donc possible : plus maintenant. Certains moyens d’accéder à l’orgasme, certains adjuvants des relations sexuelles, semblent trouver un espace commercial public, à l’extérieur de la catégorie juridico-administrative de sex-shop [rejoignant en cela d’autres adjuvants habituels — le lit, les coussins –, d’autres plus récents — le viagra, les contraceptifs]. Mais certaines frontières restent, au niveau micro-social, encore visible : certains jouets restent “en arrière-boutique”, d’autres hors de portée immédiate des clients. Le camouflage [dont j’avais plus longuement parlé ici] — revisité sous la forme ironique du canard annonciateur et non plus de l’appareil de massage facial — est toujours en partie présent.

L’organisation du marché et les salons de l’érotisme

Erotix, Erotica Dream, Eropolis, Erotissima… les « salons de l’érotisme » sont des sex-shops itinérants qui s’arrêtent quelques jours dans les préfectures (et parfois les sous-préfectures) provinciales.
L’origine — s’il fallait en trouver une — est probablement la “Sex Messe”, le salon du sexe de Copenhague, qui, à l’été 1969, européanise la diffusion des productions pornographiques scandinaves. Jean-Claude Lauret, dans La foire au sexe (Paris, André Balland, 1970), décrit longuement ce salon :

Rassasié de films, je visite les stands. Ceux-ci exposnt tout un matériel destiné à faire jouir, mieux, plus vite et plus souvent : préservatifs, vibromasseurs, bagues électriques, lingeries enfin, offrant aux utilisateurs toute liberté de mouvements et d’imagination. (…) On a beaucoup pensé aux dames. On peut imaginer que ces industries sont dirigées par des femmes PDG qui s’efforcent de fournir à leurs compagnes des substituts dont elles ont cruellement senti l’absence dans leur jeunesse. Nouvelles salutistes, elles oeuvrent ainsi pour le bonheur sexuel de la gent féminine…
Dans un de ses catalogues une firme déclare que « si la femme, durant l’accouplement, ne sent pass assez le pénis de l’homme, les condoms spéciaux proposés ci-dessu apportent dans la majeure partie des cas une aide exceptionnelle ».

Salon Erotisme ClermontCes salons se sont exportés en France, mais toujours sous une forme minimaliste : En 1994, le salon “Erotica 94”, qui s’est tenu à l’Aquaboulevard de Paris, n’avait qu’une quinzaine de stands. En 2007, le salon “Vénus”, avatar parisien du salon berlinois du même nom, est annulé. Mais ces formes minimalistes ont essaimé sur le territoire :

c’est la Province qui a permis le développement spectaculaire de cette grande foire itinérante du sexe. Normal à bien y réfléchir. Car des villes comme Rennes, Clermont ou encore Grenoble n’étaient jusqu’alors guère achalandées questions fantasmes si ce n’est par quelques sex-shops ravitaillés sur le tard et disséminés ça et là. La grande caravane du sexe, avec ses stars, ses strass et ses shows, y a donc trouvé un acueil des plus chaleureux.
source : Interconnexion, avril 2003

«En 2005, ce sont 16 salons qui tournent en France» déclare le directeur d’une des sociétés organisatrices :

L’idée est née en mai 2001, dans le Var. Erick Heuninck, Catherine et Jocelyn Quesne décident de se lancer dans une aventure commune… mais peu commune: créer des salons érotiques en France. Le premier est un spécialiste d’organisation et de gestion d’événements. Les deux autres, des strip-teaseurs professionnels.
source : Le Républicain Lorrain, jeudi 26 janvier 2006

Il faudrait, pour travailler sérieusement, réussir à compter le nombre de salons de ce typeest enant en France chaque année depuis 1970, à préciser leur localisation, à évaluer — par exemple — les articles dans la presse locale, afin de pouvoir repérer la place de ces formes commerciales et spectaculaires dans une géographie nationale de la sexualité. Parce qu’ils sont éphémères, temporaires, ils n’attirent opposition et formes de contrôle social que par moments… Mais leur circulation sur l’ensemble du territoire métropolitain a probablement quelques conséquences (en terme de diffusion d’informations par exemple). Reste à se pencher sur ces salons… Ce que je ne vais pas faire ici : ce billet est un simple collage d’extraits de journaux.
Ces salons permettent certes à un public d’accéder à un grand sex shop, mais c’est aussi, pour les commerçants (détaillants ou grossistes, ou encore fabricants), l’occasion de présenter leurs produits. Quand un salon se tient, en 2006, en Normandie, le journal local demande au patron d’un sex-shop local :

Que représente le salon pour vous?
Jean-Claude Hus: C’est un tremplin. L’année dernière, cela nous a permis de gagner 25% de clients supplémentaires. Ici, nous expliquons aux gens que nous sommes des professionnels. Nous planchons d’ailleurs sur des grandes surfaces de l’érotisme, des boutiques de 1.500 m2! Un peu comme le magasin Concorde à Paris. Il y a eu une polémique autour d’un sex-shop à Rouen dernièrement. Nous, nous sommes au coeur du centre-ville depuis 10 ans et nous n’avons jamais eu de problème.
source : Paris-Normandie, 12 septembre 2006

Avec les mêmes questions en tête, la Voix du Nord interroge le patron d’un fabricant de godemichés “en latex naturel”, à plusieurs occasions, en 2004 et 2005 :

Dès cet automne, le nouveau patron de Domax commencera la tournée des 350 sex-shops français mais aussi des salons de l’érotisme (« Berlin, c’est le summum ! »), seule opportunité de rencontrer son véritable public, écouter les doléances et remarques des utilisateurs. Assurer un véritable service après-vente en quelque sorte puisque, là un peu plus que chez d’autres fabricants, c’est bien le plaisir du consommateur qui est en jeu…
source : La Voix du Nord, Samedi 10 juillet 2004

Comme d’autres font les marchés, elle fait les salons érotiques «En France, en Belgique et même en Espagne.» Un peu comme notre industriel de Courcelles-les-Lens. «En terme d’image, c’est bien. Par contre, sur un salon on fait zéro euro de bénéfice.» L’emplacement se paie au prix fort (1500 Euro(s) pour lui à Erotica Douai). Les retombées seront pour demain.
source : La Voix du Nord Samedi 2 avril 2005

Les responsables de certains commerces de “sex toys” avec lesquels j’ai pu parler m’ont aussi signalé cette absence de bénéfices, le coût élevé de ces manifestations, et l’absence de correspondance entre les attentes du public et ce qu’ils proposaient à la vente…
La Voix du Nord semble adorer les salons de l’érotisme, et le quotidien les suit dans les villages les plus improbables :

Nicolas et Sandrine ne sont pas encore des habitués des salons de l’érotisme. N’empêche que le couple n’en est pas à son coup d’essai. Leur baptême, c’est au salon Erotica de Lille qu’ils l’ont effectué. Avec timidité puisque Nicolas a dû insister pour y emmener Sandrine. Hier, à Maing, c’est Sandrine qui a voulu venir. «En fait, la première fois, nous avons acheté des gadgets classiques comme de la lingerie coquine et des boules de geisha. Aujourd’hui, j’aimerais bien me laisser tenter par autre chose», confie la jeune femme. Quand on dit qu’il n’y a que le premier pas qui coûte…
source : La Voix du Nord Dimanche 26 juin 2005

Parfois, cependant, l’organisation de tels salons suscite l’hostilité : ils sont pornographiques plus qu’érotiques.

L’organisateur du salon, Luc Janssen, se défend d’avoir mis sur pied une manifestation hard. Et il met en avant les 80 % de visiteurs qui « viennent en couple ». Selon lui, « la France avait un sérieux retard sur l’ouverture d’esprit à l’importance du plaisir physique », alors que la Belgique (dont il est citoyen) organise 12 salons, la Hollande 20 et l’Allemagne 30.
source : Sud Ouest, Samedi 15 avril 2000

Le ton est plus léger, ironique, sur les chaînes de télévision locales. La semaine dernière, France3 Auvergne a suivi l’installation du salon de l’Erotisme de Clermont-Ferrand. “À Paris le Salon de l’Agriculture, 430 kilomètres plus au sud, un autre salon. Ici pas d’animaux, tout au plus quelques petits cochons…” déclare le journaliste.
Salon Erotisme Clermont
Reportage de France3 Auvergne – format Quicktime

Ailleurs sur internet

  • un diaporama sur le site de La Dépêche de Toulouse
  • customtaro à La Rochelle :

    Au début, il faut se faire à l’idée de voir du sexe partout et puis au bout d’un quart d’heure, on se prend au jeu et on fouille pour trouver de bonnes affaires en matière de vêtements, d’accessoires etc…
    Cela peut paraître choquant pour certains ce genre d’évènement mais c’est une sortie en couple assez marrante à faire.

Interdire les sex-shops : le débat au Sénat

J’ai essayé de suivre les débats au Sénat autour de l’Article 3-ter de la loi sur la protection de l’enfance, qui interdit l’installation les magasins vendant des “objets à caractère pornographique” (c’est à dire des “sex toys”) à moins de 200 mètres des établissements scolaires. Voici l’extrait des débats. Attention, c’est court (cela commence par la discussion de l’article 3-bis et ensuite celle qui nous intéresse, l’article 3-ter) :
image sénat
Le débat au format Quicktime

Pour en savoir plus sur cette loi, c’est ici : “Interdire les magasins à sex-toys”.

La nouvelle loi : Interdire les magasins à sex-toys !

Comme vous le savez, si vous êtes des lecteurs attentifs de ce blog, j’ai suivi depuis juillet la tentative de plusieurs parlementaires de faire passer une nouvelle loi visant à interdire les sex-shops. La commission des affaires sociales du sénat vient de préciser la portée de cet amendement à la loi sur la protection des mineurs (protection de l’enfance, officiellement) : il s’agit d’interdire les magasins vendant des “sex toys”.
Mais expliquons les choses dans le détail.
L’article 99 de la loi du 30 juillet 1987, depuis vingt ans, était rédigée ainsi :

LOI n°87-588 du 30 juillet 1987, Article 99
Modifié par Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 art. 284 (JORF 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994).
Est interdite l’installation, à moins de cent mètres d’un établissement d’enseignement maternel, primaire ou secondaire, d’un établissement dont l’activité principale est la vente ou la mise à disposition au public de publications dont la vente aux mineurs de dix-huit ans est prohibée. L’infraction au présent article est punie de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.
Pour cette infraction, les associations de parents d’élèves régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile.

Plusieurs points sont importants dans ces deux paragraphes. Tout est basé sur les “publications interdites aux mineurs” (et c’est le ministère de l’intérieur qui interdit). Le caractère “principal” de l’activité de l’établissement est aussi important (les kiosques, ainsi, ne sont pas menacés). Enfin, les “associations de parents d’élèves” peuvent seules porter plainte.
Comment est rédigé la nouvelle loi ?

L’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social est ainsi rédigé :
« Est interdite l’installation, à moins de deux cents mètres d’un établissement d’enseignement, un établissement dont l’activité est la vente ou la mise à disposition du public d’objets à caractère pornographique. L’infraction au présent article est punie de deux ans d’emprisonnement et de trente mille euros d’amende.
« Sont passibles des mêmes peines les personnes qui favorisent ou tolèrent l’accès d’un mineur à un établissement où s’exerce l’une des activités visées au premier alinéa.
« Pour cette infraction, les associations de parents d’élèves, de jeunesse et de défense de l’enfance en danger, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. »

Les points importants sont les suivants : les “publications” ont disparu, mais les “objets à caractère pornographique” sont au centre. Un grand nombre d’associations peut désormais porter plainte. J’imagine que, parmi les “associations de jeunesse” l’on pourra trouver tout un tas de regroupements… puisqu’il n’y a a priori pas de critère officiel de définition.
Est-ce à dire que les députés et sénateurs s’inquiètent des sex-toys à proximité des écoles ? Réponse courte : oui !
Lisons, pour s’en convaincre, le Rapport n° 205 (2006-2007) de M. André LARDEUX, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1er février 2007, que je vais décortiquer ci-dessous :

Article 3 ter (nouveau)
(article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social)
Réglementation de l’installation des établissements vendant des objets à caractère pornographique
Objet : Cet article, introduit par l’Assemblée nationale, vise à rendre plus sévère l’interdiction d’installation des établissements vendant des objets pornographiques à proximité des établissements d’enseignement.

Ça, c’est le titre du paragraphe.

I – Le texte adopté par l’Assemblée nationale
L’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social prévoit une interdiction d’installation à moins de cent mètres des établissements scolaires pour les « sex-shops », ces derniers étant définis comme des « établissements dont l’activité principale est la vente ou la mise à disposition au public de publications dont la vente aux mineurs de dix- huit ans est prohibée ».
Cette définition comportait toutefois un défaut : en se fondant uniquement sur la vente de revues à caractère pornographique, elle ne permet pas de cerner l’activité réelle de ce type d’établissement. En effet, bien souvent, la vente de ce type de revues n’est pas leur activité principale car ils proposent également des vidéos ou encore des accessoires.

En effet, le sénateur Lardeux a raison, mais il ne précise pas que plusieurs décisions de justice ont passé outre : même s’il n’y avait pas comme caractère principal des publications interdites aux mineurs, la loi de 1987 s’est appliquée (à Rouen, Tribunal de Grande instance, ordonnance de référé du 17 juillet 2002, dossier n°02/00492 ; à Lyon, Tribunal de Grande instance, ordonnance de référé du 7 juin 2002, dossier n°02/01541 [plus d’infos ici])… Notamment parce qu’il y avait des cabines de projections pornographiques.

C’est la raison pour laquelle le présent article modifie la définition des établissements interdits d’installation à proximité des établissements scolaires, en visant non plus la vente de revues mais la vente d’objets à caractère pornographique, couramment appelés « sex-toys ». Cette nouvelle définition devrait empêcher les établissements de contourner l’interdiction, en arguant du caractère non majoritaire de leur activité de vente de revues. Elle permet également de lever le doute quant à l’inclusion ou non dans cette réglementation des kiosques et des libraires qui consacrent une partie de leur activité à la vente de revues érotiques. (je souligne)

Donc les sex-toys sont bien visés, explicitement, par cette loi. Et c’est peut-être la première fois que cette expression apparaît dans un texte parlementaire. J’entends ici les promoteurs de ces nouveaux magasins (Amours, délices et Orgues à Paris, Lilouplaisir à Montpellier, Rykiel Woman, Yoba, 1969… et autres, comme Les nuits blanchessur myspace) dire que leurs sex-toys ne sont pas pornographiques… Ces échoppes avaient en effet choisi d’utiliser le terme “sex toy” plutôt que godemiché (ou gode ou godemichet…) ou vibromasseur (vibro…) afin d’ôter à ces gadgets leur caractère pornographique, afin de “faire sortir” ces objets des sex-shops et de les requalifier comme objets de plaisir. Apparemment, les députés et sénateurs ne sont pas au courant de cette volonté de distinction symbolique. En revanche, ni les oeuvres complètes de Mapplethorpe, ni le kiosque du quartier vendant Union ou Swing ne sont concernés… Les parlementaires mettent ici l’accent sur une définition changeante de la pornographie : leur but n’est pas vraiment de protéger les mineurs d’une exposition à la pornographie (sinon les kiosques et les librairies seraient visés), mais de les protéger de ce qu’ils appellent les “objets pornographiques”, qui seraient du ressort des sex-shops.

Par ailleurs, pour renforcer la protection des mineurs en la matière, cet article s’attache à rendre plus sévères ces conditions d’installation des sex-shops, en portant de cent à deux cents mètres le rayon d’interdiction d’installation pour ce type d’établissement.

J’ai montré, dans un billet récent, il y a une semaine, que cela faisait bien plus que “rendre plus sévères les conditions d’installation” : cela interdit en pratique ces établissements à Paris.

Enfin, si la peine encourue est inchangée (deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende), elle est étendue aux personnes qui favorisent ou tolèrent l’installation des ces établissements : les associations de protection de l’enfance, dont le texte précise par ailleurs qu’elle conservent le droit de se constituer partie civile pour ce type d’infraction, pourront se retourner contre un maire qui n’aurait rien mis en œuvre pour éviter l’installation ou faire fermer un établissement de ce type dans le périmètre d’exclusion d’un établissement scolaire. (je souligne)

Cela est fort intéressant, et pourrait conduire les pouvoirs politiques locaux à une action proactive, en essayant d’empêcher l’installation de tels magasins avant même que des associations portent plainte ! Certains maires avaient déjà commencé, comme à Houilles, cela va les conforter (Houilles, affaire complexe, première partie et deuxième partie).

II – La position de votre commission

L’on s’attend là, de la part du parlement, à un sursaut de bon sens…

Votre commission est naturellement favorable à toute mesure qui permet d’améliorer la protection des mineurs contre la pornographie.
Elle constate d’ailleurs que les dispositions de cet article complètent utilement celles de l’article 17 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui prévoit notamment une interdiction d’exposer à la vue du public des vidéos à caractère pornographique, sauf si le lieu où elles sont exposées est explicitement interdit aux mineurs.
Il convient toutefois de souligner que le présent article ne sera applicable qu’aux installations qui interviendront à compter de la publication de la loi. En effet, le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère interdit aux juridictions répressives de faire application de ces dispositions aux établissements implantés dans la zone géographique désormais exclue, c’est-à-dire dans un rayon de cent à deux cents mètres des établissements scolaires.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d’adopter cet article sans modification.

Le principe de non-rétroactivité, dans ce projet, est sauvegardé (on a vu, il y a quelques années, des propositions de loi essayant de prévoir une indemnisation pour les sex-shops obligés de fermer). Tout laisse entendre, donc, que cette loi sera acceptée par le sénat la semaine prochaine…
Il sera très intéressant de voir quels seront les conséquences pour des magasins de gadgets ou de lingerie qui s’étaient mis, relativement récemment, à vendre des “sex-toys”. Il sera aussi intéressant d’essayer de repérer les répercussions médiatiques : l’action des élus du peuple apparaîtra-t-elle comme ridicule ou pleine de bon sens ?
 
Si vous avez lu jusqu’ici, alors vous serez certainement intéressé par Sex-shops, une histoire française, mon livre (sortie le 20 avril), écrit avec I. Roca Ortiz (une liste de diffusion existe, à laquelle vous pouvez vous inscrire).

Commerces et grossistes

C’est dans une thèse lue récemment “Selling sexual liberation: Women-owned sex toy stores and the business of social change” de Lynn Comella (“Selling sexual liberation…”, University of Massachusetts, 2004) que j’ai pris conscience de l’importance des grossistes (distributeurs, diffuseurs…) de sex-toys.
Depuis le milieu des années soixante-dix ont été fondés, aux Etats-Unis, des “women-owned sex toys stores” (magasins de godemichés tenus par des femmes). D’abord une poignée, puis, dans les années 1990, un nombre plus important. Lynn Comella montre bien comment le “modèle Good Vibration“, du nom d’un magasin de San-Francisco, inspire d’autres créatrices d’entreprises. Pas seulement parce que les unes et les autres participent, plus ou moins fortement, aux mêmes mouvements féministes “pro-sex“, mais aussi parce que Joani Blank, la fondatrice de Good Vibrations, distribuait et partageait facilement la liste de ses grossistes ou distributeurs, ses marges, ses résultats financiers, dans un esprit de sororité entrepreneuriale (a spirit of entrepreneurial sisterhood résume Comella). Le but principal de Blank n’était pas d’étendre son commerce, mais de promouvoir la naissance d’autres magasins — même concurrents — proposant la même philosophie : une libération personnelle par l’orgasme, une attitude “sex positive” et, in fine une forme de changement social.
Ces éléments étaient très important pour les fondatrices d’autres sex shops féministes (Toys in Babeland, etc…) qui ont ainsi économisé les années d’expériences accumulées par Blank. Cette dernière était même disponible comme experte, et, pour un honoraire, expliquait le fonctionnement de son magasin. Voici comment les fondatrices de T.I.B. racontent à Lynn Comella comment elles ont monté leur magasin, à Seattle :

“that day, Rachel called Joani Blank, the founder of the Good Vibration retail store in San Francisco, and said, ‘We want to consult with you because we want to open a business like yours'”
[Blank] agreed to consult with the pair for a fee of $75 (“That was the best $75 we ever spent bar none,” Cavanah would later tell me). Blank was encouraging, and assured them that any town of any size could support a store like Good Vibration. […] After almost a year of planning in which Cavanah completed a month-long, unpaid internship at Good Vibrations, teh pair opened their flagship store in Seattle.
Comella, Lynn, Selling Sexual Liberation, p.16

Récemment, j’ai compris aussi l’importance du processus inverse : pourquoi, concrètement, la faillite d’une entreprise de vente de sex-toys n’était pas nécessairement un coup porté au secteur dans son entier : une fois l’entreprise fermée, des concurrents ont contacté les propriétaires pour leur offrir de racheter leur stock, leurs adresses, leurs contacts.
Tout cela est — j’en ai conscience — un signe de mon peu de connaissance du monde du commerce, je devrais faire un MBA !
J’aurais pourtant pu comprendre l’importance de ces contacts, de ces listes, de ces “savoir-faire”, à la lecture des commentaires laissé à un tout petit billet sur le marché du sex shop, qui a attiré, depuis janvier dernier, de nombreuses personnes à la recherche d’informations sur l’ouverture d’un sex-shop, en ligne ou en “dur”. Dans mes réponses, j’essaie de produire une “fiche de synthèse”, et j’ai maintenant une belle liste de grossistes, de distributeurs et de fabriquants de sex-toys.
En prenant conscience de l’importance de ces informations, j’ai aussi compris que je pouvais, dans le cadre de mes recherches, en tirer partie : je pose quelques questions générales pour en savoir un peu plus sur le contexte des demandes (âge, niveau de diplômes, profession, fréquentation éventuelle d’un sex-shop…) en échange de mes listes ou de mes contacts. C’est pour cette raison que, pendant un moment encore, je ne rendrais pas publiques certaines informations très pratiques : c’est ma monnaie d’échange, et je souhaite que les personnes souhaitant créer des sex-shops me contactent.
C’est une manière un peu étrange de faire de la sociologie, j’en conviens [et me contactent principalement les personnes n’ayant aucun lien institutionnel, familial ou professionnel avec les sex-shops], mais je souhaite voir ce que cela donne.
Et comme nous sommes à parler un peu de commerce, voici, comme il se doit, les commentaires satisfaits de la croix vitafor mes conseils et mes listes…

1.

en 24 heures j’avais les réponses à mes questions. Avant toute chose je tiens donc à vous remercier pour votre réponse qui va me faire gagner un temps précieux. Pour satisfaire votre curiosité, je vais donc faire les présentations…

2.

Je vous remercie encore une fois pour votre aide précieuse.
En ce qui concerne votre demande, j’espère avoir répondu au mieux dans les lignes qui suivent (si vous avez besoin de plus d’infos n’hésitez pas)

3.

Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour votre répondre. La vendeuse dont vous m’aviez envoyé le mail s’est avérée être un excellent contact et j’ai pu l’interroger la semaine dernière.