Categories

Archives

Identifier les chiens (3)

Sgt Sniff a lot  par http://www.flickr.com/photos/nalbertini/6224914311/À partir de la fin du XIXe siècle, il apparaît à certaines personnes très important de pouvoir identifier individuellement les chiens, d’être certain qu’Azor est bel et bien l’Azor auquel on pense, et pas un autre. Les raisons sont multiples. Il s’agit, dans le cadre de l’engouement pour les “races pures” de chiens, de s’assurer de la pureté des reproducteurs (lices et étalons). Il s’agit aussi, pour les propriétaires, de pouvoir retrouver un chien qui aurait “divagué” et se serait retrouvé à la Fourrière, en instance d’exécution. Il s’agit enfin — j’arrêterai ici la liste — pour les assurances, de savoir quel chien est assuré, afin d’éviter les contestations.
Des techniques diverses ont été employées, qui avaient toutes pour objectif d’externaliser le crédit ou la confiance dans un dispositif. Photographies, descriptions fouillées, marquage au fer rouge… devaient permettre de transposer les caractéristiques individuelles des chiens dans des papiers ou d’associer une marque spécifique à un chien individuel.
Je vais m’intéresser ici à une technique d’identification qui a échoué, et qui avait pourtant tout pour plaire : l’empreinte nasale.
Comme l’écrit Etienne Létard (vétérinaire) en 1924 dans la Revue des abattoirs :

on a tenté de découvrir un procédé vraiment scientifique et certain de l’identification.
En 1922, Petersen, directeur du service de l’identité judiciaire de l’Etat de Minnesota, inaugurait une méthode que M. André Leroy a fait connaître en France, et très analogue au bertillonnage, ou prise d’empreinte des doigts, utilisée chez l’homme (…)
Létard, Etienne. “Les livres généalogiques”, Revue des abattoirs, 1924, p.192

Comme on le voit, cette méthode est un transfert direct d’une méthode d’identification policière des humains (l’empreinte digitale) vers les animaux, transfert opéré par un certain “Petersen” qui dirigeait le service chargé de l’identification des récidivistes. Ce procédé est repris par des vétérinaires, qui l’appliquent d’abord aux bovins, et, rapidement, aux chiens.
On trouve alors en France plusieurs vétérinaires qui, entre les années vingt et les années soixante, promeuvent cette méthode. Létard, comme on vient de le voir, mais aussi Dechambre, Leroy, Aubry…
Aubry est le plus prolifique de ces vétérinaires. Dès 1923, dans L’Eleveur, il se demande si “le procédé des empreintes digitales adopté par la police judiciaire à la suite des travaux du docteur Bertillon ne pourrait (…) pas être étudié et mise au point, pour l’identification des chiens”. Et on le retrouve écrire sur le même sujet dans Le Chasseur français en 1948 (“L’empreinte nasale du chien, précision nécessaire de son état civil”), et en 1949 encore dans le même magazine.
Les réflexions autour de cette méthode culmine à la fin des années 1930, quand Louis-Arthur David soutient une thèse de doctorat vétérinaire (à l’école d’Alfort). Thèse dans laquelle il tente de rationaliser cette technique.

Selon David,

l’empreinte nasale chez les canidés est non seulement un moyen d’identification, mais jusqu’à maintenant le seul vraiment efficace. Il est le seul à posséder les trois qualités requises pour une bonne identification. L’empreinte est en effet permanente, elle est individuelle, et indépendante d’une intervention manuelle quelconque

Ainsi, Médor n’est pas Azor… à vue de nez.

Cette méthode d’identification par les empreintes nasales est alors adoptée par la Société centrale canine, qui demande, pour l’établissement des pedigrees, plusieurs empreintes de truffe.
Mais au moment même où cette méthode, de technique virtuelle, devient technique actuelle, des critiques se font entendre. Dès 1948, dans L’Eleveur, J. Brégi (vétérinaire?) remarque ce qui fera échouer ce dispositif :

Il reste pour les empreintes de truffe à trouver le technicien de l’identité judiciaire qui codifiera leur classement en famille, avec nomenclature de quelques coïncidences bien choisies pour obtenir d’un coup d’oeil la vérification et la certitude (…) La chose n’est certainement pas plus compliquée que ce qui a été fait pour les empreintes digitales des quelques centaines de mille fichers du ‘Casier central’ de la Préfecture de Police

Et c’est même la diffusion de la technique qui causera sa chute : la Société centrale canine détenant des empreintes de truffe, elle devrait pouvoir certifier, en cas de doute, l’identité d’un chien. Mais elle en est incapable : à la fin des années soixante, les dénonciations se multiplient. “Le procédé n’est pas aussi merveilleux qu’on nous l’a dit” écrit Pierre Alaux, qui s’estime floué, dans La vie canine (avril 1970). Un vétérinaire, Théret dans un magazine de chiens (Field Trials) écrit en 1969 : “nous n’attachons personnellement qu’une bien faible valeur à la prise de l’empreinte de la truffe”. Un autre vétérinaire, Meynard, dans le Journal du chasseur écrit que “cette méthode ne semble avoir fourni dans la pratique que des résultats des plus inconstants”. Quéinnec, “président du club du levrier de course du midi de la France” et professeur de zootechnie à l’école vétérinaire de Toulouse écrit lui aussi dans La vie canine qu’il a “constaté depuis très longtemps l’inanité absolue des empreintes nasales”.
Ces prises de parole ne sont pas isolées. Une thèse soutenue en 1971 à l’école d’Alfort vient réviser la thèse de 1938 soutenu dans le même lieu.

Dans cette thèse, Françoise Hervé-Breau vient apporter sa caution au tatouage… technique d’identification qui avait déjà été, de toute manière, mis en place pour l’identification des chiens par un arrêté du ministère de l’Agriculture (16 février 1971).
L’empreinte nasale échoue pour de nombreuses raisons, mais en grande partie parce qu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires formé à la prise uniforme de ces empreintes, ni de corps chargé de l’appariement entre empreintes à fin de reconnaissance et d’identification. L’état-civil n’est pas qu’une forme juridique, c’est un enchaînement d’actions et c’est le produit du travail d’agents “neutres, objectifs, bref détachés du corps social” écrit Gérard Noiriel en 1993.
[Les volets précédent de cette exploration des techniques d’identification des chiens sont ici : 1- le collier, 2- l’impôt, et l’identification contemporaine.]

Bibliographie indicative :

About, Ilsen, et Vincent Denis. 2010. Histoire de l’identification des personnes. Paris: Editions La Découverte.

Guillo, Dominique. 2008. « Bertillon, l’anthropologie criminelle et l’histoire naturelle : des réponses au brouillage des identités ». Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies 12 (1): 97-117.

Noiriel, Gérard. 1993. « L’identification des citoyens. Naissance de l’état civil républicain ». Genèses 13: 3-28. doi:10.3406/genes.1993.1196.

Photo : Sgt. Sniff-a-lot par nicola.albertini sur flickr

Identifier les chiens (2)

Le premier moment, dans cette histoire de l’identification, était l’obligation du collier (1845). Le deuxième moment intervient quelques années après : à partir de 1856, et jusqu’au début des années 1970, existe en France une taxe municipale sur les chiens.
Pourquoi en fais-je une étape dans le processus d’identification ? Parce que c’est en relation avec l’impôt que l’État développe des outils visant à rendre le monde social “legible” (lisible et légiférable), pour reprendre le terme utilisé par James C. Scott. Par le recensement, le cadastre, l’état civil, l’unification des mesures… l’État et ses agents visent à rendre administrables à distance des populations et des individus qui, sans ces outils, restent obscurs. Pour pouvoir imposer (taxer) il faut pouvoir imposer (son point de vue). Il est, je pense, classique d’étudier la mise en place de certains impôts en relation avec ce projet étatique de repérage des individus. Difficile de taxer sans savoir combien d’individus, de transactions, de têtes de bétail, de fenêtres… existent (sauf à passer par l’intermédiaire, souvent intéressé, des notables locaux, qui ont d’autres intérêts à défendre). Pas de pouvoir sans savoir.
On connaît bien l’application de ces idées aux humains : connaître leur nombre, leur identité civile, permet de savoir combien de bouches sont à nourrir, combien de bras peuvent être mobilisés, combien de naissances sont à prévoir. La taxe sur les chiens domestiques a-t-elle eu les mêmes effets ? L’entreprise de “legibility” de l’État s’étend-elle aux non-humains après s’être étendue aux humains & citoyens ?
La taxe sur les chiens était justifiée de plusieurs manières. Elle visait à la fois à donner aux communes de nouvelles ressources, et à faire diminuer le nombre de chiens. Faire des communes des communautés autonomes nécessitait quelques impôts nouveaux. Je passe sur ce point. Mais pourquoi vouloir faire baisser le nombre de chiens ? Ils sont vus, à cette époque, comme des bouches inutiles : ils consomment ce que les Français pourraient manger. Ils sont aussi vus comme la source possible de dangers sanitaires (comme la rage), la source de puanteurs (en ville). Dans une certaine mesure aussi, des chiens sont vus comme “utiles” : les chiens “de garde”, les chiens destinés aux aveugles.


[Extrait d’un traité des impôts d’un nommé Esquirou]
 

Le décret d’application de la loi du 2 mai 1855 va différencier deux types de chiens : les “chiens d’agrément ou servant à la chasse”, qui seront les plus taxés, et les “chiens de garde” (d’aveugle, gardant les troupeaux, les ateliers…). Les “possesseurs” de chiens doivent faire une déclaration à la mairie.
Très rapidement, de nombreux problèmes juridiques vont se faire jour. Un “vieux chien infirme”, qui auparavant servait de “chien de garde” (peu taxé), devient-il maintenant un “chien d’agrément” (car, sourd et aveugle, il ne peut plus faire la garde) ? Le Conseil d’État va développer une jurisprudence foisonnante sur cette question (Dès 1861, le “Répertoire méthodique et alphabétique de législation” des Dalloz frères, comporte une bonne douzaines de pages rien que sur cette loi et les problèmes qu’elle pose.)
Pour ce qui nous concerne, la loi permet désormais comptages et dénombrements : Benedict-Henry Revoil dans un ouvrage de 1867, Histoire physiologique et anecdotique des chiens écrit ainsi que : “il y avait en France, en 1866, 1 960 789 chiens soumis à la taxe”. Elle incite aussi à la dissimulation, voire à la destruction de nombreux chiens, ou, plutôt, à l’abandon des chiens dont on ne veut pas payer la taxe (et cette multiplication des chiens errants est un effet contraire à ce que les promoteurs de la loi espéraient).
Mais cette loi semble avoir eu d’autres conséquences, et semble avoir contribué à rendre visible un nouvel état d’esprit concernant les chiens :

Avec la taxe, le chien est désormais un citoyen.
 
Références :
Sandra-Fraysse, Agnès. “1856 vue par Le Charivari: Année bestiaire ou année zoo ?“, Sociétés et représentations, 2009, n°27, p.39-64 [où j’ai découvert la caricature de Daumier]
Kete, Kathleen. The Beast in the Boudoir: Petkeeping in Nineteenth-Century Paris. Berkeley: University of California Press, c1994 1994. http://ark.cdlib.org/ark:/13030/ft3c6004dj/

Identifier les chiens (1)

Partons à l’exploration de l’identification des chiens. Etudions la genèse de la mise en place de techniques d’identification. Posons comme point de départ l’année 1845.
Le 27 mai 1845, le préfet de police (à Paris), publie une ordonnance visant à lutter contre la rage (l’hydrophobie) et la divagation (les chiens errants) :

Cette ordonnance (ici une reproduction affichée à Saint-Denis au début des années 1850) demande plusieurs choses, et notamment ceci : les chiens devront porter un collier indiquant le nom et l’adresse du propriétaire.

Porter un collier : ceci constitue une première forme de détermination de l’identité individuelle du chien, mais elle est indirecte, par l’intermédiaire du propriétaire. Nous verrons par la suite comment se déploient des techniques d’identification individuelle.
L’identification canine n’est pas qu’individuelle. Il ne s’agit pas seulement de “reconnaître” un animal précis plutôt qu’un autre. La même ordonnance oblige à l’identification générique :

Il est défendu de laisser circuler ou de conduire sur la voie publique, même en laisse et muselé, aucun Chien de la race des Bouledogues, ni de celle des Bouledogues métis ou croisés.

Dernier point, et c’est plutôt une parenthèse dans ma réflexion actuelle : cette ordonnance précise l’employabilité des chiens. Certaines activités leur sont interdites (« il est (…) défendu d’atteler (…) des Chiens aux voitures traînées à bras ») et d’autres semblent indirectement permises (la surveillance des foyers). Le chien quitte le monde du labeur public (pas de chien de traineau en France). Et les chiens interdits de cité, comme les Bouledogues, doivent rester confinés “dans l’intérieur des habitations ou dans les cours, jardins et autres lieux non ouverts au public”. En ce qui concerne les chiens, un même mouvement éloigne de la ville (comme espace public), mouvement auquel tous les animaux ont été confrontés au XIXe siècle, et rapproche des demeures.

Sources : Archives municipales de Saint-Denis. 20 Fi 2272 – Avis, le maire de la ville de Saint-Denis, averti d’un nouveau cas d’hydrophobie, rappelle à ses concitoyens les dispositions de l’ordonnance de police du 27 mai 1845 sur les chiens et les bouledogues. Signé le maire Giot. Imp. Prevot et Drouard. Noir et blanc. 50 x 64. (ancienne cote CT 247). – 1852

L’identification animale

Comment les animaux domestiques sont-ils identifiés ? La plupart du temps, ils relèvent d’une identification “en face à face” : Gucci, c’est le chat de ma soeur. Mais, de plus en plus, ils relèvent, comme les humains, d’un régime d’identification “à distance”, qui passe par l’écrit ou toute une série de techniques qui permettent d’identifier un animal sans le connaître ou connaître ses propriétaires.
L’histoire de l’identification des personnes est maintenant bien connue, et je recommande la synthèse de I. About et V. Denis. L’histoire de l’identification animale l’est beaucoup moins, même s’ils sont parfois traités comme des personnes. Voici quelques éléments.
Cette identification est tout d’abord inscrite dans le droit, dans le Code rural, articles D212-63 à D212-71.

L’Article L212-10 précise :

Les chiens et chats, préalablement à leur cession, à titre gratuit ou onéreux, sont identifiés par un procédé agréé par le ministre chargé de l’agriculture mis en œuvre par les personnes qu’il habilite à cet effet. Il en est de même, en dehors de toute cession, pour les chiens nés après le 6 janvier 1999 âgés de plus de quatre mois et pour les chats de plus de sept mois nés après le 1er janvier 2012. L’identification est à la charge du cédant.

et le D212-63 se lit ainsi :

[L’identification consiste en] d’une part, le marquage de l’animal par tatouage ou tout autre procédé agréé par arrêté du ministre chargé de l’agriculture et, d’autre part, l’inscription sur le ou les fichiers prévus à l’article D. 212-66 des indications permettant d’identifier l’animal.

Décrivons plus en détail ce en quoi consiste l’identification.
1- Elle met en relation plusieurs agents, individuels et collectifs. Le ministère de l’agriculture, des “personnes habilitées”, les gestionnaires du “fichier” et le “cédant” ;
2- Elle consiste en un marquage sur ou dans le corps de l’animal, par tatouage ou implant électronique ;
3- Ce marquage au corps est lié à un “fichier national” (Article D212-66 « Les indications permettant d’identifier les animaux et de connaître le nom et l’adresse de leur propriétaire sont portées à un fichier national. »)

À ce niveau de généralité, il est possible d’établir des comparaisons avec l’identification humaine. L’identification étatique repose sur des agents moins divers (les officiers d’état civil), n’utilise pas fréquemment le marquage sur le corps, et la source de l’identification est souvent un fichier local (l’acte de naissance conservé par les communes) plus qu’un fichier national. Des variations existent (le registre des passeports ou des cartes nationales est peut-être géré au niveau national, ou départemental), mais l’un n’est pas le décalque de l’autre.

Ces différences sont peut-être liées aux logiques différentes de l’identification animale relativement à l’identification humaine. Les médecins ne sont pas au centre de l’identification humaine, les vétérinaires le sont pour les animaux. Un “Cours de législation et réglementation sanitaires… [pdf]” le précise fort explicitement : « L’identification, c.-à-d. l’attribution à chaque animal d’un numéro exclusif, s’est imposée comme une nécessité zootechnique et sanitaire. Il s’agit aussi pour certaines espèces (chevaux, chiens, chats) d’une disposition importante en matière de protection animale. »

Et de fait, les vétérinaires sont les agents centraux de l’identification animale. Ce sont eux les “personnes habilitées” à tatouer (ou à poser un implant), et ils le sont “de plein droit”. On peut probablement lire la phrase « l’identification s’est imposée comme une nécessité zootechnique » avec l’interprétation suivante : les vétérinaires ont réussi, collectivement, à étendre leur mandat, en obtenant le partage du monopole de l’identification animale (qui n’est plus donc un monopole), et surtout, le monopole de l’acte de marquage.
On retrouve les vétérinaires dans diverses opérations liées à l’identification : par exemple « En cas de perte de la carte d’identification, le propriétaire, accompagné de son animal, en fait la déclaration auprès d’un vétérinaire, lequel établit un document… » (Art. 6 de l’arrêté du 2 juillet 2001 relatif à l’identification par radiofréquence…). Alors qu’en cas de perte d’une carte d’identité humaine, c’est auprès de la police qu’il faut déclarer la perte, la déclaration de perte d’une carte d’identification animale se fait auprès de la vétérinaire.

Une logique “zoosanitaire” préside donc à l’identification animale, qui met à profit l’existence d’acteurs non étatiques. Il existe un autre acteur, collectif, les “gérants du fichier national”. Pour les animaux domestiques, il s’agit, principalement, des Sociétés généalogiques félines et canines. La Société centrale canine gère la partie du fichier concernant les chiens : il s’agit, si mes renseignements sont bons, d’une “délégation de service public”. Cette fédération d’association d’amélioration des races canines étend ainsi sa surveillance de la santé raciale. Mais alors qu’elle avait la possibilité de ne pas reconnaître certaines races, elle doit, dans le fichier d’identification, accepter la présence de chiens sans race ou bâtards.

Il ne faudrait pas oublier qu’une logique commerciale (le pendant du contrôle des migrations humaines) vient s’ajouter à ces formes d’identification vétérinaires. Tout comme les humains ont leur passeport, les chiens et les chats, s’ils souhaitent circuler en Europe (ou plutôt, si leurs propriétaires souhaitent les faire bouger) doivent détenir un passeport. Le but « éviter que les mouvements commerciaux soient frauduleusement dissimulés comme mouvements non commerciaux d’animaux de compagnie » précise la Note de Service DGAL/SDSPA/N2008-8096 [pdf]. Mais là aussi, le contrôle zoosanitaire est au centre du dispositif : le passeport ressemble à un carnet de santé.

Les différents agents du régime d’identification n’ont pas les mêmes buts, et ces buts peuvent parfois diverger. Mais s’est mis en place une forme d’identification hybride, ni entièrement étatique, ni entièrement privée, disposant d’instruments inspirés des techniques appliquées aux humains (fichier central) ou non encore appliquées (implants électroniques).

Continuons. L’identification, ce n’est pas seulement la “singularisation” ou la “différenciation”, c’est aussi la “reconnaissance”. L’un des buts du tatouage ou de l’insertion d’un implant électronique sous la jugulaire gauche, c’est de pouvoir retourner à son propriétaire le chien qui fugue. Le propriétaire (maintenant nommé “détenteur”) est le dernier agent de la chaîne. Il dispose d’une carte d’identification (reproduite ci dessous) :

Cette carte est ici l’interface matérielle entre l’animal, son implant et son propriétaire. Elle relie concrètement un détenteur (dont l’identité est inscrite sur la carte) à un animal (désigné non seulement par un numéro, mais aussi par un nom et un nom d’usage, Fanny-Ardant dite Choupette). Ce doit être l’un des seuls formulaires étatiques (comprenant une “Marianne”) à indiquer encore un “type racial” (Fanny-Ardant est un bouledogue).

Le carnet anthropométrique des nomades

En 1912 est instauré, par la loi du 16 juillet « sur l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades », le “carnet anthropométrique des nomades”.
La genèse de ce carnet est assez bien connue. À la fin du XIXe siècle, les vagabonds, visibles en tant qu’individus instables, semblent aussi constituer une communauté invisible indénombrable. Un corps intermédiaire qui s’oppose de fait à l’unité voulue de la République. Et leur identité est difficile à connaître : pour diverses raisons, ces vagabonds ont appris à la dissimuler. A cette époque, la carte nationale d’identité n’existe pas.
La question spécifique des “vagabonds étrangers” inquiète certains élus ruraux.

Au début des années 1910, donc, un processus est mis en place qui conduira à la loi de 1912. Les résistances à l’encartement des nomades viendront principalement des forains et des marchands ambulants, qui refusaient d’être assimilés à des vagabonds. Un article du Figaro du 19 mars 1911 résume assez bien l’opposition foraine. Il y est écrit que :

Le romanichel est un vagabond ; il vit d’aumônes et de larcins. (…) Il n’a pas de patrie, pas de domicile, pas d’état civil. C’est un déraciné. Il convenait d’armer contre lui l”autorité.
Mais tout autre est le caractère du forain. Le forain est un commerçant. (…)
Pouvait-on par conséquent les assimiler sans iniquité aux romanichels ? Confondre avec des vagabonds des commerçants patentés [i.e. payant patente], avec des mendiants des gens qui « rapportent » de si gros bénéfices aux communes ?

L’opposition des forains et des marchants ambulants, ces “capitalistes”, fut couronnée de succès. La loi de juillet 1912 commence par définir les marchands ambulants (“individus domiciliés en France” ayant fait — à la préfecture de leur domicile — une déclaration du commerce ambulant qu’ils exercent) puis les forains (“individus de nationalité française” sans résidence fixe, ayant demandé un carnet d’identité de commerçant ou industriel forain) et enfin les “nomades” (“tous individus circulant en France” sans domicile ni résidence fixe “et ne rentrant dans aucune des catégories ci-dessus spécifiées”).
L’enchaînement des définitions est étrange : les “nomades” sont définis par défaut, par opposition aux catégories (dotées de plus grands capitaux, économiques et sociaux) qui ont réussi à échapper au “carnet anthropométrique”. Ce sont bien les nomades qui étaient visés, depuis plusieurs années, par les différents projets de loi qui se sont succédés, mais le processus aboutit à une définition “fourre-tout”. Cette définition a toutefois un intérêt pratique : les individus cherchant à échapper à l’emprise de l’Etat, en “oubliant” ou en “refusant” de demander une carte d’identité de forain, ou de lier un domicile à une déclaration en préfecture de commerce ambulant… ces individus récalcitrants seront concernés par une nouvelle emprise de l’Etat, par l’intermédiaire du carnet anthropométrique.
Cette définition, toutefois, doit être transformée, traduite en instructions précises à destination des policiers chargés du contrôle des carnets anthropométriques. La loi a donc donné lieu à un “décret”, à un “arrêté” et enfin à une “circulaire”. Le texte de la circulaire nous intéresse. Il est beaucoup plus précis que le texte de loi, car les rédacteurs ont réussi à trouver une définition “positive” ayant un certain statut juridique, une prise de parole au Sénat lors de l’examen de la loi :

Comme l’a fait observer M. Etienne Flandin, à la séance du sénat, le 22 décembre 1911, les nomades sont généralement des « roulottiers » n’ayant ni domicile, ni résidence, ni patrie, la plupart vagabonds, présentant le caractère ethnique particulier aux romanichels, bohémiens, tziganes, gitanos, qui, sous l’apparence d’une profession problématique, traînent le long des routes, sans souci des règles de l’hygiène ni des prescriptions légales. Ils exercent ou prétendent exercier un métier, se donnent comme étant rétameurs, vanniers ou rempailleurs de chaises, maquignons. Les nomades vivent à travers la France dans des voitures le plus souvent misérables, et chacune de ces maisons roulantes renferme parfois une famille assez nombreuse. On ne peut, dans l’état actuelle de la législation, leur appliquer la loi sur le vagabondage parce que, en fait, ils ont un domicile, leur roulotte.

Les policiers chargés du contrôle disposent, maintenant, de directions bien plus précises que “sont nomades ceux qui ne répondent ni de l’article 1 ni de l’article 2”
Le carnet lui-même possède certaines caractéristiques intéressantes pour une socio-histoire de l’identification. Mais il faut, avant d’aborder le carnet, aborder la “notice”. En effet, les nomades soumis au carnet anthropométrique doivent disposer, dans la préfecture où le carnet a été établi, d’une notice (dont un double sera envoyé dans un service spécial du ministère de l’intérieur). Le carnet est porté par le nomade (il sert à l’identification du porteur). La notice reste dans les archives locales et centrales : elle sert à établir l’identité d’un nomade, arrêté dans un autre département. Ce “dispositif archivistique” est, pour Pierre Piazza, l’une des grandes innovations pour l’identification étatique des individus, en “instaurant un lien indéfectible entre un document d’identité d’une grande fiabilité et une base de donnée centralisée faisant l’objet d’un archivage méthodique”.

Sur cette notice doivent figurer les “surnoms” par lesquels le nomade est connu. Les surnoms, dans les groupes cherchant à échapper au regard de l’Etat, servent à l’identification par interconnaissance tout en rendant opaque l’identité civile des personnes. Les mafieux ont des surnoms. La logique policière suivie ici prend le surnom comme un identificateur possible. Le but est bien d’ « attribuer une identité fixe à chaque nomade » écrit Pierre Piazza : et cette fixation de l’identité repose ici sur des techniques policières doubles. Une technique éprouvée, le recueil des différentes identités sous lesquelles voyage le nomade (ses “surnoms”). Une technique toute neuve : l’anthropométrie, la photographie…

Le carnet anthropométrique d’identité se présente en deux parties. Un premier carnet est individuel. Et il est anthropométrique : les mesures de l’homme y sont centrales (celles du pied gauche et de l’oreille droite…). Porté en permanence, il doit être visé, à l’arrivée et au départ des communes visitées.

Un deuxième carnet vient s’ajouter au précédent. C’est la plus étrange des mesures décrites ici. Il s’agit d’un carnet “collectif”, qui, porté par le “chef de famille ou de groupe”, donne l’identité des personnes avec qui il voyage.
Ce carnet considère comme “nomades” les personnes voyageant avec un “nomade”. Son épouse, ses parents. Mais aussi sa “concubine” (si les nomades essayaient d’échapper aux liens formels du mariage, il fallait pouvoir quand même pouvoir établir la réalité de certaines unions). Et aussi ses employés ou serviteurs. Et enfin, ses “enfants”. Le carnet collectif, dont la structure est reproduite ci-dessous, ne conçoit pas les nomades comme des individus, mais comme faisant partie d’un groupe. Alors qu’un enfant de forain ou de marchand ambulant ne sera pas considéré comme un forain, un enfant de nomade, rattaché à son père par le carnet anthropométrique collectif, sera né nomade. “Nomade” devient, à partir de 1912-1913 une identité transgénérationnelle soutenue par les dispositifs d’identification étatiques.
Est-ce trop déduire d’un simple carnet que les enfants de nomades sont “toujours déjà” nomades ? La circulaire mentionnée plus haut devrait montrer que non. Il y est précisé que “il n’y a pas lieu de prendre les empreintes digitales des enfants de moins de deux ans” (qui sont quand même inscrits au carnet collectif).


Les effets immédiats de l’établissement de ce carnet sont peu clairs : la Guerre qui éclate en 1914 restreint de toute manière les mouvements. Pour l’historienne Henriette Asséo, les conséquences à plus long termes sont paradoxales : alors que le but de tout ce dispositif était bien de “fixer” les nomades, de faire en sorte qu’ils arrêtent d’être nomades, « la détention par le chef de famille d’un carnet anthropométrique collectif, en obligeant les familles à voyager ensemble, a contribué à souder l’identité collective bohémienne ». Elle parle même de “consolidation des liens anthropologiques” (un effet paradoxal de l’identification transgénérationnelle).

Bibliographie

Asséo, H. [2002], La gendarmerie et l’identification des “nomades” (1870-1914). Dans L. Jean-Noël, éd. Gendarmerie, État et société au XIXe siècle. Paris: Publications de la Sorbonne, p. 301-311. [lien]

Piazza, P. [2002], Au cœur de la construction de l’État moderne. Socio-genèse du carnet anthropométrique des nomades. Les Cahiers de la sécurité intérieure, 48, 207-227. [lien]

Loi du 16 juillet 1912 sur l’exercice des professions ambulantes… Paris, Henri Charles-Lavauzelle Editeur, 1914 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6105294r

Girard, Maxime, « Les capitalistes de la foire ». Le Figaro, 19 mars 1911, p.4, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k289158v

Ces bandes de bohémiens…

Dans Le Figaro, le 9 septembre 1910, il y a donc cent ans.
LES ROMANICHELS
On sait que des ordres très sévères ont été donnés pour débarrasser la France de ces bandes de bohémiens qui s’abattent sur une contrée : marchands de paniers d’osier, diseurs de bonne aventure, etc., mais ne vivent en réalité que de rapines, et surtout experts aux vols à l’étalage et au « rendez-moi ».
Un campement. d’une cinquantaine de roulottes était venu ces jours derniers s’installer dans un vaste terrain compris entre les fortifications, la rue de Paris, à Montreuil, et la rue de Saint-Mandé. A peine étaient-ils là que des plaintes s’élevaient. Le préfet de police donna ordre d’agir.
Hier matin, MM. Hamard, chef, et Jouin, sous-chef de la Sûreté, accompagnés de quatre-vingts inspecteurs et gardiens de la paix, et des chiens de police Brutal, Follette et Titi, se rendaient au campement des romanichels. Des perquisitions furent opérées dans les roulottes, et quatre-vingt-quinze individus, hommes et femmes, furent conduits au poste de Charonne, où les attendaient M. Bertillon, chef du service anthropométrique, et Prunier, inspecteur principal de l’identification judiciaire.
A l’aide des fiches anthropométriques on a pu reconstituer l’identité de la plupart de ces nomades qui se désignaient par des noms de fantaisie. Un certain nombre d’entre eux, frappés d’arrêtés d’expulsion, interdits de séjour, insoumis à la loi militaire, condamnés déjà pour vol et recherchés par des Parquets de province ont été mis en état d’arrestation. Les autres ont été, invités à évacuer le plus vite possible les environs de Paris.

 
Il y a cent ans, donc. Avec l’aide de Bertillon, la France s’était dotée de formes performantes d’identification. Celles et ceux qui y résistaient, nomades, seraient bientôt dotés d’un carnet anthropométrique spécifique, apte à les constituer comme groupe d’équivalence, du point de vue de l’Etat du moins. Mais on sait combien les catégories juridiques, administratives, deviennent parfois, aussi, des catégories du sens commun.
 
Il y a cent ans, les chiens de police avaient des prénoms, comme les chefs et les sous-chefs. Mais ni les nomades, ni les “inspecteurs et gardiens de la paix” n’avaient de noms suffisamment grands pour passer le filtre journalistique.

Sociologie économique

Je présente mercredi 19 mai 2010, dans quelques jours, un travail intitulé “Sociologie policière de l’échange commercial : « l’outrage aux bonnes mœurs » comme objectivation d’un marché” dans le cadre du Séminaire de sociologie économique organisé par Anne Jourdain (Université d’Amiens – CURAPP) et Sidonie Naulin (Université Paris IV – GEMAS).
Voici un résumé de mon papier :

À la fin des années soixante, pour constater un « outrage aux bonnes moeurs », les policiers avaient besoin de considérer certaines relations sociales sous l’angle du marché.
Extrait de l’article 283 du code pénal : « Sera puni d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 360 F à 30.000 F quiconque aura : Fabriqué ou détenu en vue d’en faire commerce, distribution, location, affichage ou exposition (…) Vendu, loué, mis en vente ou en location, même non publiquement » (je souligne)
On peut donc relire — c’est du moins ma perspective — leur action comme celle de personnes cherchant les indices d’un marché, mais aussi comme celle de personnes donnant une structure à un marché (ne serait-ce que parce que les personnes surveillées ou inculpées résistent à la définition policière de leurs actions).
Sources : Dossiers de procédure pour “outrage aux bonnes moeurs”, Archives de Paris, en gros entre 1967 et 1972

Comme je ne connais pas grand chose à la sociologie économique, que c’est un séminaire de spécialistes et que le discutant est Pierre François auteur de Sociologie des marchés, je vais sans doute pouvoir profiter de la discussion pour la suite de mon travail.

Cela se passera de 17h à 19h en salle 421 à la Maison de la Recherche de Paris IV (28 rue Serpente, 75006 Paris).
Plus d’informations en écrivant à seminaire.socio.eco@gmail.com

Quelques livres reçus gratuitement

Prenons la suite d’un billet du Polit’Bistro. J’ai récemment reçu gratuitement (hors cadeaux de Noël) plusieurs livres :

Jean Da Silva Du Velu au Lisse : Histoire et esthétique de l’épilation intime, envoyé directement par l’auteur : l’angle d’attaque de l’épilation est ici l’histoire de l’art (ou celle des arts de soi).

Michel Bozon, Sociologie de la sexualité : Domaines et approches, envoyé par les éditions Armand Colin : l’indispensable seconde édition de cet indispensable ouvrage, court et synthétique.

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out: A Theory of Collective Abdications, trouvé abandonné après un désherbage de bureau, avec d’autres ouvrages plus anciens. Ca me semble être un ouvrage de sociologie historique important, notamment parce qu’il combine la lecture des archives — le travail de première main — avec des tentatives de modélisation — théorie des jeux entre autres. Combinaison que les collègues français, socio-historiens, ne font pas : trop historiens sans doute.

Marion Selz et Florence Maillochon, Le raisonnement statistique en sociologie, gagné par tirage au sort. Un bel ouvrage qui se centre, véritablement et tout au long des pages, sur le raisonnement statistique et pas sur le calcul statistique, sur le pourquoi plutôt que sur le comment.

Etat, prénoms

Dans le Reichsgesetzblatt (I, 1938, p.1044) on lit, en caractères gothiques, que les Juifs qui n’ont pas les prénoms autorisés par le Reichsminister des Innern doivent prendre un prénom additionnel : Israel pour les hommes, Sara pour les femmes.
Ce décret daté du 17 août 1938 est l’oeuvre de Hans Globke, qui, avant même l’arrivée de Hitler au pouvoir, alors qu’il était haut fonctionnaire prussien, avait donné l’ordre à son administration de s’opposer aux changements d’état-civil des Juifs (Annette Wieviorka, Le Procès Eichman, Bruxelles, Complexe, 1989, p.121-122). L’un des buts du décret : visibiliser les Juifs, par leur prénom, dans tous les actes juridiques qui ne requièrent ni l’interconnaissance, ni la co-présence. Le linguiste Victor Klemperer, visé par le décret, écrit en 1938 dans son journal :

24 août 1938
Que l’Allemagne serait belle si l’on pouvait encore se sentir allemand, et se sentir allemand avec fierté. (Je viens de lire, il y a cinq minutes, la loi récemment publiée sur les prénoms juifs. Il faudrait en rire si ce n’était pas à en perdre la raison. Pour la plupart, les nouveaux prénoms ne sont pas tirés de l’Ancien Testament, mais de la tradition yiddish et du ghetto, des noms aux sonorités bizarres. (…) Je suis donc moi-même tenu de signaler aux bureaux d’état civil de Landsberg et de Berlin, ainsi qu’à la mairie de Dölzschen, que je m’appelle Victor Israel, et je dois signer de ce nom toutes mes lettres officielles. Je ne sais pas encore si Eva doit désormais s’appeler Eva-Sara.)
source : Victor Klemperer, Mes soldats de papier. Journal, 1933-1941 Paris, Seuil, (trad. Ghislain Riccardi), p.406.

C’est là un cas limite de l’action de l’Etat sur l’identification des personnes puisqu’il consiste à rendre étranger, ou “bizarre”, toute une catégorie de population.
Demande de renseignement : je n’ai pas réussi à trouver la “liste des prénoms autorisés” pour les Juifs par le Reichsminister des Innern… et je ne sais pas trop où chercher.

Etat, nation, prénom

Pour Embruns et Sasa Laloute, apparemment intéressés par le “Top 50” des prénoms… voici les prénoms belges :
Métro Bruxelles Prénoms
Il existe, entre unité nationale et unité onomastique, un bel accord, qui disparaît quand l’unité de la nation se désagrège… Statbel, organisme statistique fédéral propose listes wallonnes (Léa, Clara, Manon… Noah, Hugo, Nathan…) et listes flamandes (Emma, Lotte, Lore… Milan, Wout, Robbe…).
Soit dit en passant, Statbel donne accès gratuitement à des données fort riches (au contraire de notre INSEE nationale, qui fait payer…) mais sans mention du groupe social des parents : on ne peut pas connaître facilement les prénoms appréciés des bourgeois belges.