La princesse Florence
par Halenson

«C'est en s’attaquant aux racines du mal que l"humanité aurait peut-être un jour la possibilité de se libérer de ses chaînes.» Maurice G. DANTEC Les racines du mal


PREMIERE PARTIE


Il était une fois un vieux roi malade. Sa sagesse serait regrettée, ses conseils manqueraient, mais il allait mourir. Les médecins n'étaient pas parvenus à déterminer les causes de sa maladie, d'autant plus étrange que, même si l'on appelait le roi "le vieux roi", ce dernier était encore jeune. Mais il avait assez vécu pour voir naître deux filles et mourir sa femme, la jeune reine. De toujours il avait été appelé le vieux roi. A 19 ans, lors de son accession au trône, quand il s'était présenté au balcon du château en costume de sacre, la foule assemblée avait cru voir le vieux roi Gandolf, père de la nation. Alors on l'avait nommé le vieux roi. Il avait rapidement pris les traits d'un homme mur, et déjà sa barbe blanchissait, quand, à moins de 25 ans, il avait épousé celle qui allait devenir "la jeune reine", morte en beauté.

Il ne devait jamais s'en consoler. L'amour de sa fille aînée Florence, le respect de son peuple n'avaient jamais déridé le vieux roi qu'en de rares occasions. Il avait voulu se laisser mourir, mais le ciel en avait décidé autrement: le vieux roi était robuste et son corps avait toujours refusé de quitter la vie. Alors il avait vieilli, ses longs cheveux et sa longue barbe devinrent blancs, ses yeux s'éclaircirent, son visage se rida. Mais sa voix s'amplifia, et jamais l'énergie ne l'abandonna. Il ne prenait plus part aux conflits et rendait la justice avec justesse, sévérité et clémence: en justice.

Son chagrin ne s'était jamais éteint, et avait grandi avec sa fille cadette Salomé, qui n'avait jamais connu sa mère que quelques instants, avant que la mort ne l'enlève. Salomé semblait aussi avoir quitté ce monde, mais au contraire de son père, elle n'y était jamais vraiment entrée. Elle s'adonna à la magie noire et à la sorcellerie avant même de savoir parler. Elle lança ses premiers sorts avant même de savoir marcher. Elle distilla ses premiers filtres avant même de savoir lire. Effrayées par la mort, les bonnes fées n'avaient pu se pencher sur son berceau, et les mauvaises les avaient remplacées.

Salomé, très tôt, renia les idéaux de son pays et entreprit de détruire ce qu'elle pouvait. Elle détruisait son père, qui l'aimait comme sa fille et assurait qu'elle n'était pas responsable, qu'elle était trop jeune pour être devenue une sorcière, bien que, très tôt, elle en présentât tous les stigmates: depuis la longue robe noire et les cheveux secs et gris jusqu'à la verrue sur le nez crochu. Elle fit, à 15 ans, connaissance du Prince Ombre, plus âgé qu'elle, plus sorcier qu'elle.

Les conseillers avertirent le roi: votre fille est une sorcière, et ses pouvoirs seront décuplés si elle épouse le Prince Ombre. En ce moment, elle ne peut vous causer de mal, la magie blanche qui protège le royaume est encore plus puissante, mais vous devez la bannir. "C'est ma fille...", murmura le vieux roi, encore plus triste. Il dut la chasser quand elle lui apprit qu'elle avait décidé de s'unir au Prince maléfique. Elle le maudit. La tristesse du vieux roi crut encore. Son corps l'abandonna peu après. Il sombra dans un long sommeil, il allait mourir.

La princesse Florence, qui avait grandi dans un palais de silence, parceque le roi était triste et sa soeur sorcière, allait diriger le royaume. Grande, frêle, mais belle, blonde, timide, mais courageuse, elle comprenait la tristesse du vieux roi son père: même après la mort de sa femme, il n'avait pu abandonner son royaume, et, partagé entre son devoir de roi et son amour sans espoir, il avait choisi de ne pas choisir, sombrant dans la tristesse comme on vit tout les jours -sans s'en apercevoir. Florence était réservée, d'un naturel peu expansif. De sa mère, elle avait les souvenirs de l'amour et de la sécurité. De son père ceux de la sagesse et du désespoir. Contre sa soeur, ceux du Bien et du charme. Les fées s'étaient penchées sur son berceau, longtemps et avec attendrissement: fruit du bonheur, fruit de l'amour, fruit de la sagesse, le nouveau né Florence aurait la beauté, l'espoir et le sourire. Les fées eurent peur d'en avoir trop donné, et, elles se dirent qu'il faudrait donner au prochain enfant royal autant de dons et de qualités. Malheureusement, elles furent tenues éloignées. Elles comprirent vite ce que serait alors la vie de Florence: une vie d'épreuves, de dangers et de blessures, une vie contre la sorcellerie, la jalousie et le mal. Elles se sentirent coupables, et, sachant que les qualités et les dons ne sont que l'envers des défauts et des faiblesses, voulurent éviter à Florence l'aigreur et la mal-envie: l'une des fées abandonna son apparence de fée, ses ailes de libellule et sa légèreté de colibri, ses vêtements d'orchidée et ses cheveux bouclés, pour devenir un vieil homme, voûté par les ans, grisonné par la poussière, pâli par une existence de livre, pour devenir un archiviste. Cet archiviste était, dans ce royaume une légende: on disait qu'il était parti il y a très longtemps vers un lointain pays de lumières et de liberté, de tolérance et d'égalité, d'idéaux et de fraternité, on disait que, dans ce pays, il avait trouvé les archives dont il rêvait, on disait que, s'il revenait, il serait le plus savant des savants. Or voilà qu'il revenait: on l'avait vu passer la frontière, à pied, voûté sur son bâton d'archive. Il revenait pour instruire les filles du vieux roi.

L'archiviste de légende n'avait jamais existé qu'il y a très longtemps, au temps du roi Gandolf. Il était mort voilà longtemps. Mais il avait trouvé son rêve, et, comme tous les hommes qui un jour trouvent leur rêve, était devenu fée à sa mort, pour enseigner le rêve aux hommes, pour libérer en rêve les hommes. L'existence des fées est si douce que l'Archiviste avait eu beaucoup de mal à se décider à redevenir homme. Mais il avait été convaincu de la nécessité de sa mission: il fallait aider Florence, et Salomé si possible.

Florence était en âge d'apprendre à la mort de sa mère. Entre elle et l'Archiviste s'installa très vite une grande complicité. Salomé ne voulut jamais approcher l'Archiviste: elle se refusait à approcher la magie blanche -et son père, qui, comme tous les roi de ce pays, était un peu magique, en souffrait. L'Archiviste, qui était toujours à moitié fée, n'enseigna pas à la princesse Florence que l'Histoire, la Géographie, le Latin, le Grec et l'Allemand, mais aussi un peu de magie blanche, de magie fée. Il lui disait qu'il était utile à une princesse de savoir faire pousser les roses, de savoir faire pleuvoir quand la saison était sèche, de savoir rire quand elle était heureuse. Il lui montrait que dans les livres existent des mondes imaginaires qui sont souvent plus vrais que le monde réel. Il lui lisait les légendes du royaume, et notamment la légende qui le concernait. " Tu vois, lui disait-il, je ne suis qu'un personnage de légende, et pourtant j'existe.
- Oui, mais tous les pays dont vous m'avez parlé, ces pays aux langues exotiques, ces empires disparus, ces civilisations mortes, comment puis-je avoir la certitude qu'ils existent autre part que dans votre imagination, vieil Archiviste, répondait Florence avec tendresse mais fermeté.
- Tu le sauras bien assez tôt, petite princesse, ta vie sera une vie d'épreuves, et..."

Mais son devoir d'Archiviste lui interdisait de prévoir l'avenir. Il n'en avait de toute façon lui même qu'une vague idée, et n'avait pas le droit de figer le destin de Florence. Seul le passé était son domaine. L'éducation de Florence dura près de seize ans.


Florence était maintenant en charge du royaume. Elle devait prendre de graves décisions: pour la première fois depuis des temps sans souvenir, le royaume risquait d'entrer en guerre, des maux s'abattaient sur les cultures que la magie royale n'arrivait pas à sauver. La princesse, qui refusait à ce qu'on l'appelle Reine -même si les coutumes le permettait-, car son père n'était pas encore mort, se sentait seule. L'Archiviste, son conseiller le plus sage, disait ne plus pouvoir l'aider, disait que le futur n'était pas une affaire d'Archiviste.

" Princesse Florence, il va falloir être forte. Tu vas être très seule, tu doit affronter cette grave épreuve.
- Pourquoi ne voulez vous pas abandonner vos soit-disant devoirs d'archiviste, pourquoi ne voulez vous pas m'aider, pourquoi êtes vous si obtus!
- Ne dit pas cela Princesse Florence. Je dois partir, ma mission est achevée. Je t'ai élevée du mieux que j'ai pu.
- Pourquoi, pourquoi, pourquoi....
- Parceque je suis une fée, Princesse Florence, et que les fées sont déjà en partie responsables de cette situation, nous ne voulons pas envenimer les choses."

Et, ayant révélé sa vérité, le vieil archiviste redevint fée. "Comment un vieil homme comme vous peut-il être une si jeune fée?" Mais, comme tout le monde le sait, la langue des fées n'est pas comprise par les humains, fussent-ils princesses. La fée ne put que montrer à Florence une lettre, avant de s'envoler dans un nuage de rosée.

" Chère princesse Florence.
Ton Royaume est en danger. Ta soeur, l'obscure Reine Ombre, est aux portes du pays, et a juré ta perte, la fin de la magie blanche. Elle veut un monde de magie noire. Elle va tout tenter.
La magie ne sauvera pas la magie. Là où j'ai voyagé, la magie n'est pas. Là où j'ai voyagé, la raison en tient lieu. Ne croit pas que la raison en soit l'ennemie: la magie n'a d'ennemie que la sorcellerie, la barbarie. La raison est si puissante qu'elle seule peut combattre la barbarie. Ramène ta soeur à la raison.
Ta seule aide, je te l'écris en tant qu'archiviste, réside là bas. Cherche MacAbiaut.

L'Archiviste."


DEUXIEME PARTIE


La princesse Florence partit immédiatement, prenant juste le temps d'expliquer aux conseillers du vieux roi qu'elle allait à la recherche d'un sauveur. "Je ne devrais pas être absente très longtemps, mais les événements vont s'accélérer: la guerre approche."

Elle devait partir à pieds. L'Archiviste lui avait plusieurs foi répéter qu'on ne pouvait entrer ou quitter le royaume qu'à pieds. La princesse Florence marcha vers la frontière que ne menaçait pas les armées des Ombres. Elle ne fuyait pas le danger, elle reculait pour attaquer. Mais elle voyait comme en fuite.

Quand, plus tard, elle eut traversé la frontière, elle se dirigea vers la capitale du nouveau pays, toujours à pieds. Elle rencontrait peu de gens sur sa route, quelques enfants, des paysans. C'était l'automne dans ce pays, le temps des foires, et une grande partie des habitants était en ville. C'est uniquement arrivée dans la capitale qu'elle rencontra la foule. Elle entendait parler de rumeur de guerre dans le royaume voisin, elle entendait l'abandon de la princesse, elle ne pouvait réagir, elle devait rester silencieuse: les émissaires des Ombres étaient certainement nombreux dans cette ville. Elle marcha vers l'Ambassade du Royaume.

L'Ambassade était vide, hormis l'Ambassadeur. Ce dernier reconnut la princesse.
"Je vous attendais princesse Florence. Cela fait quelques temps maintenant que je rêve de votre arrivée. Je rêve aussi d'un message: "Il est en France."- Où est-ce?
- C'est un pays-de-marche, il n'est pas sur nos cartes. Vous devez continuer à marcher, sans jamais choisir d'autre moyen de communication. Un jour, vous arriverez en France, et vos pas vous conduiront à celui que vous cherchez. Ne tardez pas, marchez. Je repars dans notre pays pour le protéger. Ne tardez pas."

La princesse repartit. Elle traversa un autre pays, qui était sous la neige, et un autre, où la nature se réveillait. Puis elle arriva en France. Elle n'avait pas vu de frontière, elle avait juste remarqué que les champs étaient plus grand et les odeurs plus fortes, car la France connaissait un début d'été chaud et ensoleillé. Elle continua à marcher, évitant le bruit, sentant ses pas portés. Elle croisa plusieurs groupes, avec sacs au dos et chaussures de marche, étonnés par cette jeune fille qui devait être de la région puisqu'elle n'avait aucun équipement, juste un jean et un tee-shirt. Elle avait remarqué que ses vêtements, petit à petit, avaient changé, à l'approche de la France. Elle remarqua aussi qu'elle savait parler le Français, que pourtant elle n'avait jamais appris.

Elle arriva à Paris. Tout se passait comme si elle savait où elle allait. Elle marcha jusqu'à une rue plus calme, entra dans un bâtiment dans la cour duquel lisaient et discutaient des étudiants, monta et s'arrêta devant une porte, marquée du numéro 3082. Elle s'assit par terre devant cette porte, sachant qu'il n'était pas là. Elle attendit que l'après midi se passe, elle vit passer devant elle d'autres étudiants parlant de mathématiques, d'autres encore de musique... Tous se demandaient, et lui demandaient, ce qu'elle faisait là, devant la chambre de Christophe McAbiaut. Une fille du nom d'Anne, qui entrait dans la chambre voisine, lui dit:

" T'attends pour Christophe? Il est étrange, je te préviens: c'est une sorte de détective. Il est secret aussi, il ne parle pas beaucoup. J'me demande même s'il n'est pas un peu mystificateur, mythomane... Depuis quelques temps, il rêve de fées et de princesses, de guerres et de sorcières... J'te dis ça, j'te dis rien. D'ailleurs, il arrive."

Un jeune homme marchait en effet au bout du couloir, vers Florence. Il ne l'aperçut qu'une fois le nez sur elle. Il écarquilla les yeux, étonné, et lui fit signe d'entrer. Anne, qui n'était rentrée dans sa chambre que pour mieux regarder par le trou de la serrure ce qui se passait en face, fut elle aussi étonnée: elle n'avait jamais pu rentrer chez McAbiaut. Elle aurait de toute façon été déçue, il n'y avait rien de plus chez Mac que ce qu'il y avait chez elle: un lavabo à l'entrée, un placard, un bureau et un lit, une étagère de livres.
"J'ai rêvé de toi. De toi et de fées, de sorcières, d'un royaume enchanté... Délire.
- Je ne savais pas. Mais ça va m'aider: je suis venu vous chercher.
- Faut me tutoyer. Alors tu es vraiment une princesse... Florence, c'est ça?
- Oui, princesse Florence."

Christophe MacAbiaut, quand il avait rêvé de ce royaume, de cette princesse, avait cru avoir trop lu, trop travaillé. Il en avait parlé à la cantine. Il en avait ri, s'était décrit comme un détective de conte de fée, avec un costume à la Sherlock et une loupe magique. Mais maintenant, il se disait qu'il aurait du la fermer. Il écouta Florence. Elle lui dit, dans un Français parfait mais avec un accent chantant et doux, qu'il était le seul à pouvoir sauver la magie blanche, parcequ'il était né dans un monde de raison... Il ne comprenait rien du tout. Florence, dans sa précipitation parlait à demi-mots, maniait le sous-entendu, prenait son monde comme référence. Mac lui dit qu'il ne saisissait pas grand chose, qu'il voulait bien la croire, mais qu'il croyait plutôt à une blague d'Anne... Alors elle lui montra la magie blanche, elle fit pousser des roses dans le pot de terre où agonisait une plante d'appartement minable, elle danser les sucres et la tasse de café, elle fit apparaître et disparaître différents objets, elle amena des images vivantes de son royaume. Elle parla ensuite à Christophe, lui expliqua longuement sa vie dans son royaume, les dangers qu'il rencontrait en ce moment.
" Je vous aiderais, lui promit Christophe, mais comment?
- Je ne sais pas encore, mais il faut partir maintenant, à pieds..."

Le détective se dit que, de toute façon il n'avait rien à perdre, qu'il repasserait les examens en septembre, s'il revenait vivant. Il parti comme ça, en jean et en basket, avec une jolie fille à ses côtés, dans Paris. Ils sortirent de Paris à la tombée de la nuit, mais ils n'étaient pas fatigués, il continuèrent.

Un groupe patibulaire vint à leur rencontre. Christophe et Florence, qui discutaient, ne l'avait pas remarqué avant qu'un des individus leur demande leur fric, sinon... Les voleurs ne comprirent pas quand, Florence ayant pris la main de Christophe, ils devinrent invisibles. La princesse et le détective, qui s'en allaient, entendirent les commentaires: "J'te l'avais bien dit, exactement comme dans mon rêve... La fille et le pauv'type. C'est une princesse de conte de fée..." Les autres éclatèrent de rire, mais sans coeur, par peur.

Christophe et Florence marchèrent longtemps, se reposant plutôt le jour que la nuit. La princesse expliqua à Christophe qu'il était indispensable qu'ils marchent, qu'ils ne pouvaient prendre de cheval, de voiture, d'avion, car son pays n'était pas sur les cartes, tout comme la France n'était pas sur les cartes de son royaume. Christophe ne voyait pas le rapport. "Et alors? qu'est-ce que ça change que ton royaume ne soit pas sur les cartes? Tu sais, ni Andorre, ni le Liechtenstein ne sont sur les cartes, c'est trop petit." La princesse répondit que Christophe "raisonnait", qu'il ne suffisait pas de raisonner pour comprendre, qu'il fallait la sagesse, aussi. "La sagesse, la raison et la magie sont unis. La sagesse est raison et magie. C'est vers elle qu'elles tendent toutes deux: le sage n'a pas plus besoin de raison que de magie, mais il n'est ni raisonnable, ni magicien, il est sage. Si tu n'uses que de raison, jamais tu ne saisiras ce qu'il y a de magique dans la magie."

Et en marchant, ils parlaient. Christophe n'avait maintenant plus de doute concernant la magie de la princesse. Il lui demanda si l'Enchanteur Merlin avait pris sa retraite chez elle, si la fée Viviane vivait toujours, si La Belle et La Bête étaient de sa famille. Mais elle lui répondit que ces légendes faisaient partie du monde d'où ils venaient, et non pas du monde où ils partaient. Elle lui raconta ses légendes: la légende de l'Archiviste, la légende du Physicien, l'histoire de la Science et du Hasard. Christophe trouvait que cette dernière histoire ressemblait fortement à celle de la Belle et la Bête. "Je crois que ces histoires sont fonctionnelles, elles décrivent dans les deux monde ce qui leur manque: l'amour et la magie ici, la raison et je ne sais quoi de l'autre côté." Ce je-ne-sais-quoi, que n'arrivait pas à saisir Christophe, pour lequel il n'avait pas de mot, était ce que nous concevons en unissant les concepts d'ordre, de passé, de lien, de ligne et de limite. Un être face auquel nous sommes privés du langage. Et le reflet de cet être, que Christophe avait désigné comme étant l'amour, manquait à Florence: "Non, ce n'est pas l'amour qui vous manque, c'est un peu de l'amour, mais c'est aussi un peu de l'espoir, un peu de l'inconnu..."

C'est au milieu d'une conversation comme celle là que Christophe se rendit compte qu'il ne parlait plus Français, que ses baskets s'étaient changées en étranges "chausses" -il ne voyait que ce mot français pour les désigner, bien que cela ai un nom dans la langue qu'il était en train de parler. Florence lui sourit: "Nous ne sommes plus en France, d'ailleurs, regarde, le temps est au printemps ici. Nous sommes aux frontières des pays-de-marche. Nous allons bientôt arriver chez moi.

Mais plus tard, ils découvrirent qu'il ne leur serait pas facile d'arriver au Royaume. Ils rencontrèrent un exode. Des camps de fortune étaient installés dans le pays bordant le royaume: nombre de ses sujets reconnurent la princesse et lui dirent que son royaume n'existait plus. "Votre soeur et l'armée des Ombres ont envahi le Royaume. Nous n'avons pu que fuir. Elle est Reine maintenant, votre père est mort..."


TROISIEME PARTIE


La nouvelle de la mort de son père et de la ruine de son royaume ôta la force qui soutenait Florence. Elle s'effondra. Christophe, qui l'avait vu forte, prudente, sûre d'elle au long du voyage qu'ils venaient d'accomplir découvrit une autre fille, non plus la princesse, mais celle sur qui s'acharnait le malheur.

Pour la première fois depuis son départ, Florence dormit cette nuit-là. Elle sombra dans le sommeil, et sa magie n'y fit rien, quand elle se réveilla de son repos sans rêves, ce qui l'étonna, elle découvrit le détective, qui veillait sur elle. Elle aurait voulu dire "veillait tendrement sur elle", mais le visage de MacAbiaut n'était pas tendre, il était résolu, dur.

Mac avait, au long de cette nuit, comprit qu'il lui revenait de sauver ce pays. Chose qu'il n'avait pas saisi jusqu'alors. Il s'était cru investi, un peu comme Jeanne d'Arc, d'une mission. Il avait cru qu'une armée l'aiderait. Mais il était seul, Florence, il le comprenait maintenant, était une jeune fille dépassée par les événements; endormie, elle semblait si faible.

Il fut étonné par son regard au réveil. Il y lut l'obstination. Il poursuivirent alors leur route très rapidement, après un petit-déjeuner que Mac n'eut pas le temps d'analyser, fait de fruits juteux et copieux, mélange de melon et de banane, à ce qu'il avait senti. Ils arrivèrent à la frontière.

Plus loin commençait ce qui était maintenant le fief de la Reine Ombre. Le pays était comme recouvert d'une couche de poussière, et, bien que le ciel soit encore bleu, les couleurs n'étaient plus en harmonies. Le soleil semblait se cacher, le vent soufflait trop fort, le silence couvrait la vie. On leur avait dit que les fées se cachaient, s'enfuyaient, quittaient le pays sous le pouvoir de la barbarie et de la sorcellerie. Or un pays sans fées perdrait rapidement sa magie.

Ils en virent quelques unes à la frontière. Leur vol restait énigmatique, rien qui renseignât les voyageurs sur le sort qui les attendait. Mais elles fuyaient nettement. Peut-être se rendaient-elles à un conseil des fées, qui pourrait contrer le pouvoir de sa soeur? Peut-être que leur magie était impuissante?

Ils entrèrent dans le pays et commencèrent à marcher. Le pays était désolé. Personne n'y habitait plus et les cultures ne seraient pas récoltées cette année. Ils traversèrent des villes mortes. "Sans la science, comment faites vous pour construire de si belles villes?" Nous avons la magie, répondait Florence, sans poursuivre plus longtemps la conversation: ils avançaient mais ne savaient pas pourquoi. Ils espéraient la confrontation, mais ne pouvaient la provoquer, ils avançaient vers le château royal, mais pourquoi? Soudains ils furent entourés de guerriers, en armures de métal, sur-protégés d'armes de poing. Ces guerriers n'étaient pas humains, ils sentaient la bête sauvage; mais il était impossible d'en dire plus: on ne voyait pas leur visage, recouvert d'un casque qui cachait jusqu'à leurs yeux. "Ce sont des Sombres, dit Florence à Christophe, les gardes du Prince Ombre. Nous allons leur échapper." Florence fit un geste subtil, tendit quelques doigts dans la direction du plus grand garde sombre, et rien ne se produisit. Christophe attendait, sûr de la magie "florentine", mais les gardes s'approchèrent, et assommèrent le Détective.

Il se réveilla, seul, en pleine nuit, attaché à quelque chose, il ne savait pas quoi. Il avait très mal à la tête et sentait que le coup qu'il avait reçu l'avait blessé, même s'il ne pouvait toucher sa blessure, ses mains étant attachées, dans le dos, à un morceau de métal. Il ne pouvait se coucher... Il reperdit conscience en essayant d'appeler Florence. Quand il reprit conscience, il faisait encore nuit. Mais il se sentait mieux, beaucoup mieux. Rien de tel qu'un petit somme, se disait-il. En tournant sa tête, même si ça lui faisait affreusement mal et qu'il n'était pas habitué à la douleur, il vit qu'il était attaché à un anneau en fer auquel on attachait les chevaux. Ligoté avec de la corde. "J'espère que c'est pas de la corde magique qu'on peut pas couper!"

Christophe n'avait jamais été scout. Il n'avait, pour être précis, jamais voulu être scout, pour des raisons qu'il est aisé de comprendre: inféodation aux différentes hiérarchies religieuses, infantilisation, en bref et pour résumer: ridicule. Et grand bien lui en avait pris: s'il avait été scout, jamais il n'aurait reconnu le noeud qui l'enchaînait à un anneau en métal. Christophe, qui avait étudié autrement les noeuds, sentit rapidement qu'il saurait le défaire. Et en effet, peu après, le noeud se déserra et céda. Christophe s'étira alors et fit craquer les jointures de ses mains. Le son résonna lugubrement. La ville dans laquelle se trouvait Mac était morte, silencieuse et désolée. Mac était seul, au milieu d'une nuit sans lune et d'une ville inconnue.

Pas si seul que ça, se dit Mac. Il entendait respirer quelqu'un. Derrière un muret, accroupi. Mais ce n'était pas Florence: il avait appris à reconnaitre son souffle. "Oh! Montre toi!" Mac entendit bouger la personne, qui se leva. C'était un garçon, d'une dizaine d'année., qui, à ce que Mac pouvait distinguer dans ce noir, le regardait fixement. Le garçon reproduit des gestes semblables à ceux de Florence avant l'attaque des gardes sombres, et le Détective ressentit quelques chatouilles sur les bras. Voyant que ses gestes n'avaient pas de résultat tangible, le garçon commença à parler:
" Détective, tu dois être un grand enchanteur. Ma magie n'a pas d'effet sur toi. J'étais là quand les gardes sombres ont emmené la princesse, mais ils étaient protégés par la puissance de la reine Ombre, et je n'ai rien pu faire. Je crois que je n'ai plus de magie. Seule la sorcellerie existe encore...
- Qui es-tu? Et comment sais-tu qui je suis?
- Je suis Merlin, élève-enchanteur, j'ai su, en rêve, que je devais t'accompagner.
- M'accompagner? Pour aller où? La seule personne qui savait ce qu'elle faisait, c'était la princesse Florence, et elle a disparu. Comment pourrais-tu alors "m'accompagner"? Et si tu veux tant m'accompagner, pourquoi m'as-tu laissé attaché sans rien faire?
- J'avais peur...
- T'as quelque chose à manger, je "crève la dalle", comme on dit en Français.
- Dans mon sac, suis-moi."

Derrière le muret, Merlin avait caché un sac, dans lequel il y avait à manger. C'est de ce côté là que Mac et Florence étaient venu, les gardes sombres étaient apparus au moment où ils allaient contourner ce muret. C'était une sorte de place, pavée. Mac, laissant Merlin choisir ce qu'ils allaient manger, examina l'endroit:
" Eh! Merlin, tu disais que tu était présent quand les gardes sont apparus, ils étaient où, à peu près.
- Vous étiez là, comme ça et eux vous entouraient, lui montra Merlin."

Mac se pencha, commença à examiner l'herbe, foulée par les gardes et remarqua d'étranges traces, humides et régulières. Les chaussures des gardes avaient laissé sur le sol des zigzags, des chevrons, des motifs géométriques identiques. Or Mac avait remarqué que, depuis qu'ils avaient quitté la France, les chaussures n'avaient plus que des semelles en cuir, sans dessin. Mac pensait que les gardes sombres étaient après tout sûrement humains, et peut être même pas magiques du tout. Des mercenaires venu des "pays-de-marche"?

Mac examina ensuite plus précisément la terre apportée par ces semelles. En bon détective, il remarqua que la terre apportée était rouge, argileuse, alors que la terre locale était noire, charbonneuse.
" Que signifie ton nom, Détective?
- Le détective, c'est celui qui cherche. Par exemple: tu vois la couleur de la terre et ce que j'ai dans les mains.
- Oui, c'est pas la même chose.
- Ce que j'ai dans les mains était accroché aux semelles des chausses des gardes sombres. Si nous arrivons à savoir d'où cela provient, nous avons de bonnes chances d'y trouver les gardes. Autre moyen: ils ont abandonné une de leurs épées. Il doit y avoir des empreintes digitales, ou alors il pourrait être possible de connaître le lieu d'origine de cette arme. On peut aussi réfléchir dans l'abstrait, chercher à savoir où est le meilleur endroit pour enfermer ou tuer la princesse Florence, sachant qu'elle est considérée comme la seule rivale de la Reine Ombre. Toujours dans la même voie, mais c'est sûrement impossible, essayer de les suivre à la trace: malheureusement ils apparaissent et disparaissent par magie. Donc, pas de trace!"

Mac se sentait dans la peau du chevalier héroïque qui avait pour mission de délivrer la belle prisonnière du Dragon. Seulement, notre détective n'était pas vraiment dans une position idéale-typique: il n'appartenait pas au monde du conte de fées, il ne se trouvait pas devant l'antre du Dragon, il ne savait pas où chercher. Ses indices étaient maigres, ses ressources, aussi. Il faut ajouter que, même s'il ne craignait pas pour sa vie -les sbires des ombres ne l'avaient pas tué, alors que rien ne les en empêchaient-, il voulait quand même retrouver Florence, parcequ'elle connaissait le chemin du retour, parcequ'il n'avait pas envie de passer le restant de sa vie sous une dictature ensorcelée, parcequ'il avait accepté d'être le sauveur du Royaume.

Voilà, mais comment faire? Le détective n'en avait aucune idée. En mangeant, il réfléchissait, se disait que sa seule chance résidait dans sa capacité à jouer à Sherlock, à déduire des indices un être, un lieu, une date. Mais ceux qu'il avait entre les mains -quelques traces, de l'argile, une épée- ne lui apportaient rien. Il fallait trouver autre chose. Il examina l'épée, à la lumière du jour naissant. La poignée, recouverte de cuir tressé, était abîmée par la sueur, noircie. Certaines fibres commençaient à se casser, à s'éffilocher. Aux endroits où la main n'avait pas touché la poignée, le cuir était neuf, sentait le cuir neuf, était encore souple, doré. La pointe de la lame était cassée, le fil de l'épée était rayé et, en plusieurs endroits, entaillé. A d'autres endroits, la lame était comme neuve, lisse, argentée, presque un miroir. Mac revint alors à la poignée: il prit l'épée comme il lui avait appris son grand-père. Les marques laissées par le garde sombre ne correspondaient pas. Il replaça alors les mains, cherchant à superposer ses doigts sur les traces. Il sourit.

Il regarda les empreintes laissées par les pieds. Il sourit encore.
Il expliqua à Merlin:

"Les gardes viennent d'un endroit chaud et humide. Un lieu de rocaille et d'arbres de santal. Ces gardes ne savent pas se servir d'un épée. Ils ne savent ni la tenir, ni placer leurs jambes. Ils combattent à l'épée comme avec une mitraillette: regarde comment leurs pieds sont placés, ils positionnent la jambe arrière comme pour encaisser un recul. Ils ont joué avec ces épées en coupant des arbres, en se battant entre eux. Ils ont laissé traîner la pointe à terre. Celle-ci s'est cassée. Ah j'oubliais, dernière précision, ils habitent sur une montagne ou une colline très pentue: regarde les talons."


La princesse Florence avait été jetée dans un cachot. Et dans ce cachot avait été accrochée une cage. Dans la cage, des fées, que la sorcière avait capturé et enfermée. Les fées aussi avaient perdu la magie. Elles ne pouvaient parler qu'entre elles:

"La princesse est prisonnière, et nous ne pouvons plus l'aider.
-Mais le Détective n'est pas ici.
-Peut-être est-il dans un autre cachot..."

Florence se réveilla brutalement. Elle bondit et se mit debout immédiatement. Elle ne tarda pas à voir les fées, dans leur cage. Elle tenta d'ouvrir la cage, mais ni sa magie ni sa force physique ne vint à bout des serrures. Au moment où elle se rendit compte que sa magie n'avait pas d'effet, elle se souvint de ce qui venait de lui arriver. "Où est MacAbiaut?" demanda-t-elle aux fées, sans espérer de réponse. Il fallait, au contraire, espérer qu'il la retrouve: creusé dans la roche la plus dure, les murs du cachot n'étaient qu'un bloc, et il lui était impossible, sans magie et sans outils, de sortir. La lumière, faible, provenait des fées, qui n'avaient pas perdu leur luminosité. La porte semblait très solide.

Longtemps après, des gardes vinrent la chercher. Ils l'emmenèrent dans une grande salle, que des torches et des bougies éclairaient. Dehors, il faisait nuit, mais l'air qui entrait par les fenêtres ouvertes était chaud et humide, une atmosphère étouffante. Sa soeur entra. Elle avait vieilli. Florence avait en souvenir une enfant de 15 ans, elle avait devant elle une vieille femme, presque aveugle, voûtée, aux articulations gonflées de rhumatismes, à la peau tâchée par l'âge, décharnée. La reine Ombre s'appuyait sur une canne hélicoïdale. Elle vivait de haine. Florence sut que la Mort approchait.

"Retourne-toi." Derrière Florence était allongé le vieux roi, sur un autel. Plus que vieux, il était devenu poussiéreux, sec. Il avait été placé là comme on donne aux tombes un gisant, mais il était son propre hommage. Il n'avait jamais cessé d'aimer sa fille, même si, devenue sorcière, elle tentait de détruire ce qu'il avait dirigé avec justice. La sorcière voulait, s'aidant de cet amour, associer l'âme du vieux roi à ses desseins terribles. Salomé voulait non seulement détruire le royaume, mais elle désirait aussi éliminer la magie et la raison, offrir à la barbarie et au chaos l'ordre des Pays-de-marche. Pour cela, elle avait formé, à partir de soldats de ces pays, un groupe qui n'avait des Gardes Sombres que l'apparence. Elle expliquait cela à la belle Florence lorsque l'affolement se fit entendre depuis le quartier des gardes. Un par un, mais dans le plus grand désordre, les gardes entrèrent dans la salle. De nombreux, sans uniforme, avaient perdu l'apparence surnaturelle qu'il procurait. Peu pouvaient confondre ces hommes avec des Gardes sombres. Il s'avérait que la reine avait recruté des mercenaires peu fiables: gros et gras, lourdaud, bêtes et maladroits, plus doués pour des soûleries que pour la subversion. Ils avaient considéré la sorcière qui avait besoin d'eux comme un moyen de sortir d'une vie terne. Ils avaient, crédules, accepté son explication quand elle les avait transporté par sorcellerie de leur bouge à son repaire. Mais ce qui aurait pu s'avérer fatal pour le royaume de la princesse Florence n'eut que des conséquences réduites: Mac avait déduit des quelques indices en sa possession que les Gardes sombres qui avaient enlevé la princesse n'étaient que des brutes, en provenance d'un pays-de-marche: ils ne savaient pas tenir une épée, leur chaussures n'étaient pas de fabrication magique. ,/p>

MacAbiaut avait alors échafaudé un plan, avec l'aide de Merlin. Ils trouvèrent rapidement où se cachaient les Gardes et, les observant au travers d'un soupirail, découvrirent que ces mercenaires avaient peur du monde dans lequel ils se trouvaient. Ils avaient vus les pouvoirs de la reine Salomé, et ils sentaient la présence malfaisante de son mari, reclus dans une pièce, la plus sombre, du château. Ils se sentaient pris dans un jeu dont ils ne connaissaient finalement ni les règles ni le but. Et leur peur ne demandait qu'à se transformer en affolement.

Toutefois, il n'était pas facile de provoquer cet affolement: la magie blanche était inefficace sous le règne de Salomé; Mac et Merlin ne pouvaient attaquer de front les mercenaires...

Mac et Merlin non, mais les fées, peut-être bien que oui, se dirent ensemble les compagnons, lorsque l'ordre parvint aux gardes d'amener dans la Grande Salle la princesse, mais de laisser les fées dans leur cage, précision qui soulagea les gardes, que les fées effrayaient. Suivant silencieusement les gardes, Merlin et le Détective purent déterminer dans quelle cellule se trouvaient les fées. Ils virent Florence emmenée vers la Grande Salle, et ensuite le couloir fut vide. La porte de la cellule était très solide, mais aussi très grossière: la serrure était si simpliste qu'elle fut crochetée en quelques secondes.

Les fées semblèrent sourire à l'approche de leurs libérateurs. Semblèrent: leur visage est toujours énigmatique et secret. Ils ouvrirent la cage d'où s'envolèrent les fées. Leur luminosité s'était accrue. Ils leur expliquèrent le plan. Elles acceptèrent, sans un mot, dans un rire. ,/p>

Il en résulta la peur et la déroute des gardes, leur fuite dans la Grande Salle.

La Reine Ombre ne savait que faire, sa sorcellerie reposait sur la peur qu'elle arrivait à imposer aux autres, pas sur celle que les autres imposaient à ses sbires. Parallèlement à la déroute des gardes, son pouvoir maléfique avait cessé, et la magie fée s'était accrue. La princesse Florence, sentant que ses pouvoirs lui revenait, tenta d'enfermer la Reine par un sort, aidée des fées. Mais la Sorcière, de rage, disparut. Les gardes avaient déjà pris la fuite. Au loin, dans une des nombreuses chambres de ce château, qui commençait à disparaître, à se fondre dans la nuit qui cédait à l'aube, un cri de désespoir et de vengeance retentit. Le Prince Ombre se fondait dans les ténèbres, mais n'abandonnait pas. Il rejoindrait sa femme et, ensemble, prépareraient de nouveau l'invasion du Royaume.

Le vieux roi se réveilla. Il se leva de l'autel mortuaire et parla à sa fille. Sa voix n'était que tristesse. Il pleurait. Il revenait de la mort, où il avait retrouvé sa femme. " Notre destin est de pleurer. Aime." furent les seules paroles que put entendre Christophe, le Détective. Le roi retourna à la mort.

Quand l'ordre revint dans le Royaume, quand le bonheur eut effacé les funérailles, quand les réjouissances n'eurent plus qu'un arrière-gout lointain de perte et de manque, Mac pensa à partir. Florence était devenue la belle reine, et ne ressemblait plus que lointainement à la fille en tee-shirt et en jeans qu'il avait accueilli à l'ENS. Elle avait grandi. Sa fonction la séparait des hommes, elle était son royaume. Le lien magique qui l'unissait à son peuple la séparait du Détective. Lui-même n'était plus qu'objet de légende, et les mémorialistes composaient sa geste. Seul Merlin cherchait à comprendre Christophe. Ce dernier lui enseigna une partie de son savoir. Merlin comprenait vite.

Ce conte ne finit donc pas par un mariage. Peut-être parceque le temps de la fin n'est pas encore venu. Le Détective ne faisait que sa première entrée dans la légende.

FIN

© Baptiste Coulmont, 1995

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