Categories

Archives

La procuration à Paris (suite)

Il y a eu presque autant de procurations au second tour des présidentielles, le 7 mai 2012, qu’au premier tour, à Paris du moins. 9,3% au premier tour, 8,4% au second tour.
Et là encore, les relations observées au premier tour se retrouvent au second tour :

Une relation positive relie, au niveau du bureau de vote, la proportion d’Inscrits votant pour Sarkozy et la proportions d’Inscrits utilisant le vote par procuration.
Et une relation négative (et quasi inverse) relie de la même manière Hollande et la procuration :

Mais creusons un peu. Nous allons voir si, à proportion constante de vote pour Sarkozy, la relation est vérifiée. Concentrons-nous, par exemple, sur les seuls bureaux de vote où Sarkozy a eu un score moyen (entre 20 et 30% des voix) :

Oh, surprise : à taux de sarkozysme constant, la relation Procuration~Hollande devient positive.
Nous pouvons comprendre les inter-relations entre votes pour Sarkozy, pour Hollande et par procuration comme dessinant un espace à trois dimensions, dans lequel se trouve un nuage de points (chaque point — un bureau de vote — ayant pour coordonnées les proportions de votes pour H, pour S et par procuration).

Dans le dessin précédent, le “plan de régression” est dessiné en bleuté (les deux graphiques représentent la même chose, j’ai juste pivoté le premier graphique pour donner une idée du volume). La vidéo suivante vous donnera une idée un peu plus précise de la position des points dans l’espace.


Régression linéaire (2 variables, 3 dimensions)

Tout ceci pour dire, donc, que “à proportion de votes pour Sarkozy (resp. Hollande) constante”, alors la corrélation est positive pour Hollande (resp. Sarkozy).

Il reste encore beaucoup à creuser, la procuration ayant fait l’objet de peu de travaux, ce que je vais faire avec Arthur Charpentier (Freakonometrics).

Annexe : La régression linéaire
(Où tproc est la proportion de procurations parmi les inscrits, thol le score de Hollande sur les Inscrits, tsark le score de Sarkozy parmi les Inscrits)

Call:
lm(formula = tproc ~ thol + tsark, data = paris)

Residuals:
    Min      1Q  Median      3Q     Max 
-4.6247 -0.9979 -0.1020  0.8853  5.0478 

Coefficients:
             Estimate Std. Error t value Pr(>|t|)    
(Intercept) -22.11458    1.59313  -13.88   <2e-16 ***
thol          0.33611    0.02078   16.17   <2e-16 ***
tsark         0.38963    0.01877   20.76   <2e-16 ***
---
Signif. codes:  0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1 

Residual standard error: 1.398 on 861 degrees of freedom
Multiple R-squared: 0.5408,	Adjusted R-squared: 0.5397 
F-statistic: 506.9 on 2 and 861 DF,  p-value: < 2.2e-16 

La procuration à Lyon

Les relations observées entre les candidats et la fréquence du vote par procuration se repèrent-elles ailleurs qu’à Paris ? On peut commencer par regarder ce qui se passe dans une autre grande ville, Lyon.
Tout d’abord, une petite carte. Où l’on voit que les arrondissements centraux de Lyon, 1er, 2e et 6e, pratiquent plus la procuration que le 8e arrondissement.

Comme à Paris, la relation est positive entre la fréquence de la procuration et le taux de participation (graphique non reproduit).
Et les grandes corrélations perçues à Paris sont encore valables à Lyon. Les bureaux de vote favorables à l’extrême gauche ont peu de procurations :


Idem avec les bureaux de vote où Mélenchon réalise un score élevé.

La relation est encore négative pour ce qui est des votes lepénistes :

Et ce n’est pas le candidat Hollande qui se trouve faire un score élevé dans les bureaux de vote où la procuration est élevée.

Comme à Paris, donc, on observe une relation positive entre votes Sarkozy et votes par procurations [entre bureaux de votes “sarkozystes” et bureaux de votes “à procuration”]

Mais à la différence de Paris, on observe une relation positive entre votes pour Eva Joly et votes par procuration, avec, cependant, une forte variance.

[Idem avec le vote Bayrou, qui, à Paris comme à Lyon, est positivement relié — par bureau de vote — au vote par procuration]
J’ai donc bien tendance à croire que le vote par procuration n’est pas socialement neutre ni politiquement neutre. Bien que le droit soit offert à tous, et que la libéralisation de la procédure avait pour but de favoriser le vote, il me semble que le recours à ce droit est plus le fait de certaines personnes que d’autres. Est-ce pour des raisons “objectives” (du type : les ménages aisés partent plus en vacances que les autres), ou pour des raisons d’engagement politique (du type : je suis empêché de voter, mais je vais tout faire pour voter pour mon candidat) ou de socialisation politique… il semble bien que les “procurateurs” soient le reflet inversé des abstentionnistes.

Note : j’ai récupéré les données sur le site de la ville de Lyon, avec R (package XML).

La France de la procuration

Deux cartes rapides, sur la fréquence de la procuration, par département, en 2002, aux premier et deuxième tours.
On se souvient qu’en 2002, Le Pen (père) s’était qualifié pour le deuxième tour.
La carte de la procuration, au premier tour, ressemblait à cela :

Et au deuxième tour, à ceci :

Il y eu, en 2002, presque deux fois plus de procurations au deuxième tour (755 000) qu’au premier (400 000).
Et, entre les deux tours, quelques constantes : les Corses aiment les procurations encore plus que les Parisiens.

Elle vote pour qui par procuration ?

La procuration, une arme contre l’abstention ? Mon collègue Camille Peugny m’a alerté hier sur l’existence d’une colonne “nombre de votes par procuration” dans certains jeux de données sur les présidentielles. Et il semble bien que oui : A Paris aux présidentielles de 2012, par bureau de vote, plus la proportion de procurations est importante, plus la participation est élevée :

Intéressant, intéressant… Avec un grand nombre de bureaux de votes, et la connaissance de ce chiffre, on pourrait certainement repérer des relations entre les votants par procuration et leurs choix. Voici ce que donne une étude rapide sur les quelques 850 bureaux de vote que compte la capitale.
Voyons… Peut-être sont-ce les “petits” candidats qui bénéficient des procurations.
Mais ça ne marche pas vraiment avec Eva Joly : la relation est négative, mais faiblement, entre la proportions de votes par procuration et le vote vert. Dans le graphique suivant comme dans les autres, un point représente un bureau de vote, l’abscisse correspond à la proportion de votes par procuration dans ce bureau (en % des votes exprimés) et l’ordonnée représente le pourcentage de vote pour la candidate. La ligne est une droite de régression.

Mélenchon alors. Il y a des personnes qui veulent vraiment voter pour lui, qui s’arrangent pour que leur choix compte… Mais ça ne marche pas non plus avec Mélenchon… même pas du tout. Plus le bureau de vote compte de votes par procuration, moins Mélenchon a de voix. [Pardonnez la coquille dans le graphique sur son nom]

La candidature d’extrême droite, à Paris, est un peu dans la même situation : Plus il y a de procurations, moins il y a de votes pour Le Pen.

Mais alors, ça doit bénéficier aux gros candidats. Hollande, avec son cortège de faux travailleurs ? Non plus : la relation, là encore, est négative. Plus la proportion de votes par procuration est importante, moins il y a de votes pour Hollande.

Mais qui donc bénéficie alors des procurations ? Le candidat des vrais travailleurs, de ceux qui ne peuvent se déplacer le dimanche parce qu’ils ont un vrai travail ? Ou le candidat de celles et ceux qui partent en vacances et qui connaissent assez bien les règles juridiques pour établir des procurations ?

Je vous laisse juges.
Et vous invite à voter. Par procuration ou non.

Mise à jour :
Une cartographie du vote par procuration à Paris :

La procuration est surtout utilisée dans les arrondissements aisés.

Sources :
http://opendata.paris.fr/opendata/jsp/site/Portal.jsp?document_id=133&portlet_id=102

Travail de députés

Avec qui travaillent nos députés ? Restent-ils entre membres du même parti ou vont-ils voir ailleurs ? Parce que le congrès de l’AFSP se termine, voici une deuxième petite excursion dans le monde politique. Pour répondre à la question précédente, on peut prendre comme indicateur d’un travail en commun la liste des “sponsors” des propositions de loi. On dira ici que travaillent ensemble des députés dont les noms apparaissent sur un même projet de loi.

Ainsi la proposition de loi 3698 visant à pénaliser les insultes à la nation a-t-elle été signée de ces noms-là :

Lionnel LUCA, Élie ABOUD, Philippe MEUNIER, Damien MESLOT, Claude BODIN, Claude GATIGNOL, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Jean-Pierre DECOOL, Bérengère POLETTI, Muriel MARLAND-MILITELLO, Jean-Marc ROUBAUD, Yves NICOLIN, Isabelle VASSEUR, Gérard HAMEL, Bernard DEPIERRE, Dominique DORD, Guy MALHERBE, Alain MOYNE-BRESSAND, Michel ZUMKELLER, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Marie SERMIER, Bernard REYNÈS, Michel LEJEUNE, Jean-Claude BOUCHET, Guy LEFRAND, Michel VOISIN, Éric DIARD, Michel TERROT, André WOJCIECHOWSKI, Jacques MYARD, Édouard COURTIAL, Daniel MACH, Marc FRANCINA, Josette PONS, François-Michel GONNOT, Jean-Michel FERRAND, Jean-Pierre GORGES, Jean-Pierre SCHOSTECK, Daniel SPAGNOU, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Jacques REMILLER, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Franck GILARD, Hervé NOVELLI et Patrick LABAUNE,

On peut penser que ces gens-là partagent certaines idées.

J’ai examiné les 250 dernières propositions de loi. Dans le graphique suivant, chaque député est représenté par un petit rond, et quand 2 députés apparaissent signataires d’une même proposition, un lien gris les relie.

La répartition des points (plus les députés sont fréquemment ensemble sur des propositions de loi, plus ils sont proches) fait apparaître trois groupes. Que l’on peut faire ressortir automatiquement (avec la fonction walktrap.community du package igraph, dans R)

Dans le graphique précédent, les Oranges sont un groupe comprenant les noms suivants : Brard, Buffet, Dolez, Billard, Braouezec, Amiable, Gosnat… Les spécialistes auront reconnus.
Les Bleus ce sont les proches de Montebourg, Mamère, Emmanuelli, Le Guen, Blisko, Filipetti, Queyranne, Cambadelis.
Les Prunes, ce sont les Poniatowski, Santini, Antier, de Courson, Jégo et autres Woerth.

Le travail de signature de proposition de loi, assez souvent, relie ensemble des personnes du même parti. Je ne comprends pas trop pourquoi les Communistes ne se retrouvent pas plus proches des Socialistes/Verts. C’est peut-être du à un effet de sélection (les 250 dernières propositions de loi).

Il y a quelques individus étranges, situés “in between” plusieurs groupes. On peut calculer cette “betweeness”, cette “centralité d’intermédiarité” : dans le graphique suivant, les individus les plus “intermédiaires” sont en bleu (et j’ai mis le nom de certains à côté de leurs points) :

Et là, j’avoue ma perplexité : je ne connais pas ces députés. J’ai entendu parler de Gremetz (qui s’est fait exclure ou s’est auto-exclu, je ne sais plus trop). Braouezec est probablement un communiste réformateur (encore plus réformateur que les autres). Martine Billard est peut-être en voie de “socialistisation”. Il faudrait un/une spécialiste de la politique parlementaire pour m’en dire plus… ou alors, il faudrait vraiment travailler sur ces données réticulaires, et plus précisément sur l’ensemble des propositions de loi d’une mandature plutôt que sur les 250 dernières.

Notes : cette petite étude graphique a été réalisée avec R, packages XML et igraph.

Mise à jour : on me demande en commentaire si l’on repère des proximités entre groupes politiques plus précises. Dans le graphe ci-dessous, chaque point est colorié en fonction du groupe d’appartenance du (de la) député(e). Rose et rouge : socialistes et “gauche républicaine”, les bleus : UMP et apparentés, orange et jaune : “nouveau centre” et apparentés…, les blancs sont “sans groupe politique”…

Deuxième mise à jour : voici ce qu’une étude sur les 1000 dernières propositions de vote donne.

Il est toujours trompeur de se baser sur une représentation graphique pour interpréter… mais je pense pouvoir déceler, ici, des “sous-groupes” au sein des gros groupes politiques. Et notamment au sein des groupes “UMP” et socialistes. Le “centre” n’existe pas dans l’assemblée actuelle, mais il y a de la part de certains à droite et de certains à gauche un plus grand détachement du bloc que leur parti constitue. Ce n’est probablement pas un “centre” que ces deux sous-groupes, mais plutôt des députés proposant de nombreuses lois, ou signant de nombreuses propositions. A droite, on y trouve Yvan Lachaud, JM Morisset, A. Grosskost, C. Gatignol, mais aussi Lionnel Luca (voir tout en haut du billet), JP Decool, Morel-à-l’huissier, Roatta, JM Lefranc, etc… et à gauche, on y trouve Guigou, M. Rogemont, J. Giraud, Martine Carillon-Couvreur, François Loncle, Monique ibora, michel vergnier, JP Dulau, Philippe Plisson, françois Imbert…
Je pense que seuls des spécialistes du parlement pourront donner une autre explication à l’existence de ces sous-groupes.

Encore une mise à jour : J’ai restreint les liens, ici, aux liens entre le dépositaire de la proposition de loi (le premier nom qui apparaît sur les listes) et les personnes qu’il a réussi à mobiliser. On peut en effet penser qu’une proposition de loi a une origine individuelle. Le graphe ci-dessous ne s’intéresse qu’à celles et ceux qui 1- ont déposé plusieurs projets de loi ET 2- dont le nom est apparu sur plusieurs projets de loi. J’ai fait s’afficher les noms des député-e-s qui sont recherchés et recherchent des signatures du camp opposé.
[Dans ce graphe, ce sont des députés de gauche qui apparaissent, car les députés de droite, par l’algorithme de placement des points, déposent tellement de propositions de loi qu’ils n’échappent pas à la gravité du groupe].

Il s’établit, au fur et à mesure de la mandature, des liens réciproques : tu signes, je signe… Ainsi, Gremetz appelle 9 fois Candelier à signer, et Candelier appelle 17 fois Gremetz.

maxime gremetz    jean-jacques candelier  9      17
jean-pierre decool pierre morel-a-l-huissier  8      14
jean-jacques candelier            maxime gremetz 17       9
yannick favennec pierre morel-a-l-huissier  9       9
jean-pierre decool       andre wojciechowski  7       8
...

Certains, qui proposent beaucoup de lois, demandent beaucoup plus de signatures qu’ils ne sont appelés à signer.

Encore une mise à jour : J’ai maintenant limité les données aux liens réciproques. N’ont été gardés que les députés formant couple (c’est à dire ayant signé une proposition de loi d’un collègue qu’ils avaient sollicité pour une signature).


Sur ce dessin, les noms qui apparaissent sont ceux des “cutpoints” (ou points d’articulation), qui, s’ils étaient absents, découperaient le réseaux en composantes non reliées. Ce graphe renforce encore l’effet de groupe (de groupe politique) qui semble être le canevas sur lequel se tissent les relations de travail.

Carrières de députés

Il s’agit ici d’explorer un peu qui sont nos députés (et il s’agit de le faire aujourd’hui en accompagnement du congrès de l’AFSP). J’ai proposé à une collègue, Catherine Achin (qui avait commencé à le faire), de récupérer, sur le site de l’Assemblée nationale, des informations biographiques sur les 577 députés. Le site de l’A.N. est suffisamment bien fait pour que, avec le package XML, on puisse demander à R d’aspirer tout seul certaines informations. (Encore merci à François Guillem d’avoir mis en ligne son tutoriel et répondu à mes questions).
Professeure Achin ne s’intéressait pas seulement aux caractéristiques actuelles des députés, mais à leur carrière. Comment sont-ils arrivés où ils en sont aujourd’hui ? Car l’on devient député à un âge fort avancé : l’âge à la première élection réussie est de 46 ans en moyenne. Ils ont du faire autre chose avant, mais quoi donc ?
Plus de 95% des députés au moment de leur élection, avaient déjà été détenteurs d’un mandat local : ce sont visiblement des professionnels de la politique. Les 5% restants, qui n’indiquent pas, sur le site de l’assemblée nationale, avoir déjà été élus, sont en partie des petits cachottiers, comme Edwige Antier (élue dès 1977 en Nouvelle Calédonie, puis en 2001 à Paris). Dans les paragraphes qui suivent, je n’étudie pas le cumul des mandats, mais la présence, ou non, avant dans la carrière, d’autres mandats (qui sont peut-être terminés).

Voici les séquences de carrière les plus fréquentes
C-M-G-D (d’abord conseiller municipal, puis maire, puis conseiller général, puis député) : 58 députés
C-D : de conseiller municipal à député : 49 députés
C-M-D de conseiller municipal à maire, à député : 43 députés

Toutes les carrières ne se terminent pas par “D” (Députés), certains se lançant aussi dans des carrières locales après la députation. R, ici, signifie membre d’un conseil régional.

Ne se trouvent, dessous, que les successions de mandats les plus fréquentes, car avec les permutations possibles G-D-R-M et autres… il y a une centaine de séquences possibles

C-M-G-D	58
C-D     49
C-M-D   43
D       29
C-G-D	26
C-G-M-D	22
C-R-D	22
G-C-M-D	20
C-M-R-D	19
G-C-D	14
C-M-G-R-D 12
R-D	12
C-D-M	11
D-C-M	9
D-R	8

… etc…

Voici une autre représentation. Les députés (chaque ligne correspond à un°e député°e) sont classés en fonction de l’année de leur premier mandat électif. Nous n’étudions ici que les mandats municipaux (conseillers, ici M, et maires, ici MA). Les carrières “toutes vertes” (uniquement député) sont rares : ceux qui commencent députés acquièrent rapidement un mandat municipal. Un député, ici, finit “bleu” ou “marron” (il a, à un moment de sa carrière, un mandat municipal), et commence “jaune” ou “rouge” (conseiller municipal ou maire).

Une conclusion ? La carrière locale est toujours bien intéressante. Et les députés hostiles au cumul des mandats, quand un mandat local s’ouvre à eux, ne résistent pas souvent.

L’idée que j’avais au départ, avec toutes ces données, était de faire de l'”analyse de séquence” (pour en savoir encore plus il existe cet article par Laurent Lesnard et Thibaut de Saint Pol, Introduction aux méthodes d’appariement optimal (Optimal Matching Analysis). J’ai d’ailleurs utilisé, avec R, le package TraMineR. Mais cela n’a d’intérêt que pour un connaisseur de la vie politique française et, surtout, les données “brutes” extraites directement du site de l’A.N. nécessitent un nettoyage. Je reviendrai peut-être sur ces données un jour. [d’ici là, les voici deputes-20110831.zip]

Un peu de sociologie électorale

Je n’avais qu’une heure, alors c’est fait à l’arrache.
Voici la “couleur” politique de votre bureau de vote, si vous votez à Paris :

Les données proviennent de Paris “Open Data” et décrivent les résultats du premier tour des régionales de 2010. Je me suis inspiré de Mounir&Simon mais j’ai fait une petite classification ascendante pour distinguer des “clusters” (ils ne distinguaient que Droite / Gauche et cela me semblait un peu trop simple).


Groupe 1 : noir : une zone frontière (mais où Pécresse fait le double de Huchon)
Groupe 2 : rouge : ce doit être une ancienne zone à droite, passée à gauche. Huchon et Duflot, ensemble, sont bien au dessus de Pécresse.
Groupe 3 : vert : C’est là où la candidate verte, Duflot, fait son score maximal et talonne Huchon. Le PC est aussi en “force”.
Groupe 4 : bleu foncé : LA zone Pécresse : là, on vote à droite en majorité.
Groupe 5 : bleu clair : la zone des marges, où le score de Pécresse est faible, et où les petits candidats (Arnautu, Besancenot, Governatori, Kanoute, Laurent, Mercier…) font un score plus important qu’ailleurs.

Mise à jour, avec de nouvelles couleurs.
Les groupes sont construits de la même manière que ci-dessus, mais le “barplot”, sous la carte, insiste sur les “petits” candidats, en insistant sur la déviation par rapport à leur moyenne sur Paris.


[Attention : c’est embrouillé. Ce n’est pas “faux”, mais le “barplot” ne représente pas les informations sur lesquelles je me suis basé pour construire les groupes.].

 
Où ont-ils (et elles) fait leur meilleur score ?

Deuxième mise à jour
Une analyse des correspondances produit ce joli graphe. L’Axe 1 explique les 3 quarts de l’inertie (et place les personnes sur un axe droite (à gauche) — gauche (à droite du dessin).
Mais l’on voit aussi l’importance du 2e axe : qui répartit les candidats de partis “hétérodoxes” : FN, NPA, Verts, etc…

Voter et élire

Les procédures de vote, les manières concrètes d’exprimer un choix politique, ne sont pas une pratique “naturelle”. Les façons concrètes de voter en France (bureaux de vote dans des écoles ou des mairies, bulletin de vote, isoloir, urne, assesseurs volontaires…) qui semblent, à bon nombre de Français, la seule bonne manière de faire, ne sont pas celles utilisées aux Etats-Unis. [Pour une histoire du vote en France, on consultera avec intérêt les articles de Michel Offerlé ou d’Alain Garrigou]
Tout d’abord, même pour les élections “nationales”, les bulletins de vote varient par comté. Pour se rendre compte de la grande variété des formes de vote, vous trouverez une carte des Etats-Unis (pdf, assez lourd) montrant les différents systèmes par comté (un rapport plus récent présente les systèmes en vigueur en 2004, p.15). Voici par ailleurs quelques exemples de bulletins: dans le Comté de McLean, Illinois, ou dans le comté de Chatham, Caroline du Nord. Les procédures concrètes varient donc fortement selon les comtés (voire parfois à l’intérieur même des comtés probablement) : bulletins à cocher, bulletins à percer, bulletins électroniques, bulletins par correspondance (comme dans l’Oregon, où le seul moyen de voter est de voter par correspondance)… Le vote est donc très souvent mécanisé : le bulletin est inséré dans une machine (dont la complexité peut varier, voir ce rapport, Voting Technologies in the United States). Le mode français de procéder (un bulletin dédié à une élection déposé dans une urne) est vu comme une forme arriérée — qui convient, il est vrai, surtout aux mono-élections, qui ne se présentent pas aux Etats-Unis, où élections au congrès, à la présidence, au sénat, aux postes locaux… ont lieu le même jour.
Ensuite, au delà des partis républicain et démocrate, existent un bon nombre de petits partis, qui proposent parfois leurs propres candidats, parfois non. Dans l’Etat de New York, certains partis, comme le Working FamiliesParty choisissent de soutenir un “grand” candidat (voir par exemple ce formidable bulletin de Rockland County, NY). Il est alors possible de voter pour Kerry en tant que candidat des Working Families. Le Independence Party soutient Nader pour président mais Shumer — démocrate — pour sénateur, le Conservative Party Bush pour président mais O’Grady — conservatrice — pour sénatrice.
Enfin le vote n’a pas forcément lieu dans des bâtiments d’Etat (écoles, mairies), mais un peu partout, le moins officiel, le mieux. Des centres commerciaux sont ainsi utilisés, ainsi que des églises. Quand j’habitais à New York, le hall de mon immeuble servait de bureau de vote. D’autres différences me venant à l’esprit : le vote n’a pas lieu le dimanche et le contrôle de l’identité repose en grande partie sur la parole de l’électrice. Comme le présente un texte de l’OSCE :

There is no national identification (ID) document for citizens or residents of the United States. Indeed, the lack of the obligation to carry ID is seen as an integral element of fundamental freedoms. While some sort of voter identification documents are required in around one third of the states, the majority of U.S. citizens can vote without presenting any form of ID at the polling stations.
(source: OSCE/ODIHR needs assessment mission report)