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Archives de la catégorie : 'religion'

Genre et religion + séminaristes homosexuels

Les blogs universitaires ayant pour auteurs des sociologues des religions sont relativement nombreux en France (Sébastien Fath, Jean Baubérot, Fabrice Desplan, Yannick Fer…) Ils restent très masculins… et très protestants dans leurs sujets d’études. Cela sera peut-être un jour l’objet d’un billet de Béatrice de Gasquet dont les travaux universitaires et le blog portent sur les rapports entre genre et religion (flux RSS) et qui m’avertit que :

Le séminaire rabbinique américain du courant Conservative va accepter les étudiants homosexuels
A la suite d’un processus de réflexion approfondi et réfléchi, le JTS a pris la décision, qui prend effet dès ce jour, d’accepter les étudiant.e.s gay et lesbiennes qualifié.e.s dans son école rabbinique et dans son école cantoriale (hazzanout).
Cette décision a été prise trois mois après que le CJLS, Comité sur la Loi Juive de l’Assemblée rabbinique du mouvement Conservative a approuvé une teshouva (responsum) autorisant l’ordination de gays et de lesbiennes, amenant de ce fait le JTS à examiner cette question.

Béatrice de Gasquet et alii organise par ailleurs un atelier “Genre et religion”, dont la prochaine séance devrait intéresser quelques personnes : Prochaine séance de l’atelier EFiGiES « Genre et religions » jeudi 29 mars – Discussion collective sur le thème « Sexualité et religion : problématiques, terrains, méthodes »

Sexualité, politique et religion

Une des choses qui m’avaient surprises, lors de mon long séjour à New York, était l’omniprésence des publicités pour diverses églises (et synagogues) dans la presse gaie locale. Gay City News et le New York Blade (ce dernier moins fréquemment) avaient, chaque semaine, environ une page de publicité à caractère religieux. Mes séjours plus courts à Boston, Philadelphie, Chicago et Washington — et la lecture consciencieuse des informations LGBT locales m’ont convaincu qu’il ne s’agissait pas du tout d’un particularisme newyorkais. Religion et homosexualité n’étaient pas nécessairement contradictoires, gays et lesbiennes semblaient même, en partie, recherchés en tant que public ou fidèles potentiels.
JFCS - jewish - chicagoCette première image, par exemple, provient d’un des magazines gay de Chicago (le Windy City News ou le Chicago Free Press, je n’ai pas les références sous la main). Elle est destinée aux éventuels gay (lesbiennes bi ou trans) juifs à la recherche d’un lieu de prière… mais aussi d’un soutien communautaire. L’identité ici est presque plus ethnique que religieuse. Ce sont les “families” qui sont au coeur de l’action : la “communauté LGBT” n’est pas constituée que d’individus.
St marks nyA New York, St Mark’s Church est présente dans le Gay City News chaque semaine ou presque, sans toujours centrer ses publicités sur des références à l’identité gaie. Ici, dans une publicité de début janvier 2007, c’est même le Kwanzaa, le Noël noir américain, qui est mis en avant. L’Eglise épiscopale, à laquelle se rattache St Mark’s, est l’une des principales dénominations bourgeoises américaines : une dénomination presque aristocratique dans son recrutement social. Sa petite taille (quelques 2 millions de fidèles) cache une influence sociale plus importante (au travers, notamment, de sa richesse immobilière, des hommes et femmes politiques qui s’en réclament, ou des séminaires et instituts théologiques qui y appartiennent). En 2003, un prêtre gay — et hétéro-divorcé — a été élu évêque.
Inner Light - Washington DCA Washington, je me suis amusé à la lecture de cette publicité pour Inner Light Ministries (slogan : “I see GOD in you”). Grande métropole noire, D.C. compte visiblement au moins une église gaie noire afro-centrée : l’évêque Cheeks (dont on nous signale que c’est l’anniversaire, et que cette fête sera religieuse) se prénomme Kwabena et est paré d’atours Afro. “Inner Light Ministries” ne semble pas posséder de frontières théologiques précises : c’est un « Omnifaith outreach ministry dedicated to spiritual transformation » nous dit le site internet. Assemblée précaire, elle ne semble plus exister en 2007.
Voici donc trois exemples, rapides, trois vignettes cherchant à montrer combien, pour une partie du protestantisme, du judaïsme et du “new age” (comment mieux décrire Inner Light ?), certaines formes d’homosexualité on été « dépeccabilisées ».
politicians NYLes églises ne sont pas les seules institutions sociales à s’afficher dans la presse homosexuelle. Chaque année, fin juin pour la Gay Pride, et vers Noël, les femmes et hommes politiques locaux achètent des encarts publicitaires : “Joyeuses fêtes et Bonne année” nous disent ensemble (ils se sont côtisés) Tom Duane et ses collègues. Le NYPD, la police municipale (mais pas l’armée !), est aussi une acheteuse fréquente d’espaces publicitaires, en période de recrutement.
Les perméabilités sont grandes entre institutions à vocation “universaliste” (police, représentation politique, voire églises dans une moindre mesure) et celles dont la vocation apparaît à première vue comme particulariste. Nombre de Français tireraient à propos de ces exemples l’alarme du “communautarisme” (certains groupes constituent même cette dénonciation en fonds de commerce)… je les laisse crier au loup.

Le Figaro sur Gallica

contre obesiteLe Figaro est enfin copieusement sur Gallica. Conformément à la tradition gallicanne, le tout est très difficile d’accès et de circulation… Mais bon, on y arrive, surtout quand on arrive à tomber sur la page de navigation par année :
Le Figaro, 1854-
On peut y lire, jour après jour, en 1905, les débats sur la loi de séparation des Églises et de l’État :
separation figaro
Vos crimes ? Vous avez brûlé Savonarole, Jean Huss ! emprisonné Galilé ! et favorisé mon adversaire aux dernières élections ! (dessin de Forain, décembre 1905, Le Figaro)
Interrogé par un journaliste du Figaro, un évêque déclare : “Un jour viendra où le peuple de France sera ingouvernable, parce que l’école sans Dieu, la mauvaise presse, qui flatte les grossiers appétits, et le suffrage universel qui les introduit dans la nation, auront supprimé toute autorité”
eveque separation figaro
Autres journaux :
La Croix (pour la fin du XIXe siècle) : Réaction à la Séparation :

M. Loubet a signé la loi de séparation (…) consommant définitivement le crime national qui vient de se commettre (…)

Charite La Croix antisemitesAu moment de l’Affaire Dreyfus, on remarquera, en permanence dans La Croix, dessins et articles antisémites. Ainsi cet extrait du 10 décembre 1898 :
 
« (…) une foule nombreuse avait envahit la salle, les marchands juifs occupaient le premier rang. Un grand nombre d’entre eux, montés sur les bancs, empêchaient le public de voir la vente. Les brillants, pierres précieuses, chaînes, etc. des victimes avaient été accaparées par les fils de la Synagogue (…) M. l’abbé Odelin (…) a voulu se rendre acquéreur d’un lot de chapelets(…) . Les juifs le lui ont disputé jusqu’à 41 francs…»
 
Or, argent, juifs malpolis (et recevant leur richesse de l’étranger… pire ! de l’Angleterre), pauvres “victimes” françaises dépouillées par les “fils de la Synagogue”… Cet entrefilet de La Croix conjugue en quelques paragraphes les stéréotypes les plus fréquents (avarices, avidité, absence de civilisation, inféodation internationaliste…).

Belles vaches et brebis égarées…

L’ego-googlage est amusant, mais avec Google Books il est possible de Googler ses ancêtres :
Concours de la plus belle vache
François Coulmont a donc reçu — il y a longtemps, un prix au concours de la plus belle vache. Dommage que ni les archives familiales, Cure coulmontni Google Books, ne conservent de photo (ou de gravure) de la bête en question.
Mais cet extrait de L’Ami de la Religion est plus amusant : il célèbre le curé de Saulzoir, près de Cambrai, qui arrive à faire abjurer une poignée de « protestans »… [Ils étaient peut-être membres d’assemblées locales étudiées, cent cinquante ans plus tard, par Sébastien Fath.] Il faudrait renoncer à la raison pour n’être pas Catholique, nous dit-on… Curé zélé que cet aïeul : “En moins de trois ans, le zèle éclairé de ce jeune prêtre a ramené dix-huit brebis égarées.”
Plus sérieusement, Google Books commence à devenir un point de départ intéressant pour l’histoire du XIXe siècle.

Pour ne plus confondre Amish et Mormon

« Les Mormons, c’est ceux qui n’ont pas le téléphone ? »… Non, ce sont les Amishs (du moins dans l’imaginaire populaire) … Et l’on me pardonnera de proposer ce clip du Weird Al Yankovich :

As I walk through the valley where I harvest my grain
[En marchant dans les vallées où je récolte le blé]
I take a look at my wife and realize she’s very plain
[Je regarde ma femme et voit qu’elle est plain (“sans apprêt” (théol.), mais aussi : moche (vulg.), opposition avec “vallées” du vers précédent : complexe]
But that’s just perfect for an Amish like me
[Mais c’est parfait pour un Amish comme moi]
You know I shun fancy things like electricity
[Tu sais, j’évite les fantaisies, comme l’électricity]
At 4:30 in the morning I’m milkin’ cows
[A 4 h du matin, je trais les vaches]
Jebediah feeds the chickens and Jacob plows… fool
[Jébédiah nourrit les poulets et Jacob laboure]
And I’ve been milkin’ and plowin’ so long that
Even Ezekiel thinks that my mind is gone
I’m a man of the land, I’m into discipline
[Je suis un homme de la terre, j’aime la discipline (le clip laisse sous-entendre une forme de “discipline” particulière)]
Got a Bible in my hand and a beard on my chin
But if I finish all of my chores and you finish thine
[Si j’achève mon travail et si tu finis le tien [“thine” (arch.)]
Then tonight we’re gonna party like it’s 1699
[On s’amusera ce soir comme en 1699]
We been spending most our lives
Living in an Amish paradise
I’ve churned butter once or twice
Living in an Amish paradise
It’s hard work and sacrifice
Living in an Amish paradise
We sell quilts at a discount price
[On vend des patchwork à prix réduit]
Living in an Amish paradise
[On vit dans un amish paradis]

A local boy kicked me in the butt last week
I just smiled at him and I turned the other cheek
I really don’t care, in fact I wish him well
‘Cause I’ll be laughing my head off when he’s burning in Hell
[Je rirais bien quand il brûlera en enfer]
But I ain’t never punched a tourist even if he deserved it
An Amish with a ‘tude?
You know that’s unheard of
I never wear buttons but I got a cool hat
And my homies agree
I really look good in black… fool
If you come to visit, you’ll be bored to tears
We haven’t even paid the phone bill in 300 years
But we ain’t really quaint, so please don’t point and stare
We’re just technologically impaired […]

Encore moins politiquement correct, ce I’m Fat du même Weird Al est un bonheur visuel et auditif.
Weird Al Amish ParadiseCette image, extraite du clip “Amish Paradise”, bien que censée susciter le sourire, me fait immanquablement penser à une autre forme d’hybridité musicale et religieuse, Matisyahu, le musicien et chanteur reggae-juif hassidique.

Critiquer la religion ? Critiquer l’ignorance !

Je me suis réveillé en sursaut ce matin en entendant, dans le “Dossier de la rédaction” de France Info, cette prise de parole de “Carine Marcé du Département Stratégies d’Opinion de TNS Sofres”, qui nous explique pourquoi “Les Français” n’apprécient pas que l’on critique “La Religion” :

Il faut se rappeler par exemple des débats qu’y a pu y avoir au moment de la constitution en 2005 sur le fait de rattacher ou non le catholicisme, euh… à la constitution. C’est quelque chose qui a été écarté, mais en France, en fait, il y a toute une partie de la population qui, effectivement, alors qu’on vit depuis deux siècles, dans une république laïque, aurait souhaité effectivement que cette constitution fasse référence en fait à la religion catholique. Ca montre, si vous voulez, qu’effectivement, la France est un pays où la religion garde une place importante.

Lien vers la rubrique de France Info : dossier de la rédaction (format realmedia).
Vous allez me dire que la journaliste de France Info a corrigé ces erreurs énormes. Mais non, écoutez le reportage, la journaliste n’y a entendu que du feu (la Rédaction entière de France Info, puisque cette rubrique s’intitule “le dossier de la rédaction”, n’y a vu que du bien et du bon).
Le “rattachement du catholicisme à la constitution” ??? Il n’en a jamais été question, ni dans la constitution européenne (il y a eu des débats sur les racines chrétiennes, mais pas du tout sur le “rattachement au catholicisme”), ni dans aucun débat sur la constitution française. De quoi parle Carine Marsé ? (Confondrait-elle chrétiens et catholiques ? le tout pour la partie ? “rattachement” et “référence” ?)
Mais la pire des erreurs, c’est, pour un institut de sondage, de produire des chiffres censés parler de laïcité et de l’état de la laïcité en France et d’employer des personnes, qui, à la presse, vont essayer de faire croire que la France est une république laïque depuis deux siècles. Passons sur Napoléon (qui ? mais oui, le président Napoléon de la Première république !), sur Charles X, sur Louis-Philippe (très laïques, ces républicains, très “Jules Ferry”), sur Napo 3 (“12% des Français le classent parmi les hommes de l’année”)… et même, sur, par exemple, 1905 et la loi de séparation ? (séparation de quoi ? vite, un sondage TNS-SOFRES : 100% des Carine Marsé pensent qu’elle date de deux siècles)…
Je les invite, toutes les deux, à recruter par exemple l’un(e) de nos étudiant(s) de Paris 8 ou à venir suivre mon cours d’introduction à la sociologie des religions, qui se tiendra, dès fin février, à l’université Paris 8, tous les vendredis, de 18h à 21h (et j’invite aussi Nicolas S., qui doit faire un exposé sur l’Aïd, à revoir sa copie, dans laquelle se sont glissées quelques petites erreurs quant aux lieux sacrificiels).

New York Religions

Voici quelques images recueillies pendant un séjour récent à New York.
Tout d’abord, ce “Prayer Booth” (cabine à prière), construite par un artiste en reprenant les codes graphiques des cabines téléphoniques américaines. On n’en voit pas encore dans les rues, et le brevet n’a pas été déposé, mais l’idée est amusante et fait réfléchir aux supports matériels de la foi — en rendant visibles certains supports incongrus.
Prayer Booth
[Pour en savoir plus : le prayer booth en situationd’autres oeuvres de Dylan Mortimerle site de Dylan Mortimer]
L’article suivant, toujours extrait du New York Times est plus triste : une étude interne de l’Eglise catholique montre les difficultés de la gestion de l’argent basée sur la confiance et le cash. L’argent de la quête dominicale semble particulièrement touché par ces cas d’embezzlement (détournement frauduleux) :
Catholic Embezzlement
Brooklyn est la ville aux milliers d’églises, connu sous le nom de “Borough of Churches”, le quartier des églises. Parfois, ces églises sont d’anciennes synagogues, comme le souligne cette exposition à la Brooklyn Historical Society, From Synagogue to Church: Converted Brooklyn Houses of Worship. Des synagogues, qui avaient été construites dans des quartiers à population juive, ont été revendues une fois les juifs partis, ou parce que le bâtiment était devenu trop petit… Mais les signes de judaïté ne disparaissent pas aussi vite des bâtiments : l’on trouve ainsi des superpositions de croix et d’étoiles de David, des ménoras et des Jésus…
Church and synagogue
Pendant que des synagogues deviennent des églises, des juifs hassidiques deviennent officiers de police. Le New York Post célébrait ainsi, le 27 décembre 2006, le premier Kosher Cop de New York, qui a reçu l’autorisation de garder ses boucles de cheveux (en hébreux, פאות, peiyot ou payos).
Kosher Cop
[Le New York Post semble trouver ce policier très cute : il avait été en couverture, en juillet dernier, sous le titre NYPD JEW]
Toujours dans le Borough of Churches, voici quelques exemples de diversité religieuse (situés sur google maps). Le premier exemple concerne des églises pentecôtistes, installées de manière plus ou moins précaires dans d’anciens locaux commerciaux ou résidentiels. L’on parle alors, le plus souvent de “storefront churches” :
Jesus never fails dit la première, qui s’appelle la “Jesus Never Fails Church of God” (Avec Dieu, tout est possible) :
Jesus never fails
La deuxième église est le Tabernaculo Christiano de Park Slope, une église hispano-américaine, faisant partie des Assemblies of God, une dénomination pentecôtiste. Cette église semble mieux installée que la précédente, mais ne dispose pas encore d’un bâtiment à l’architecture symbolique… En cas de succès, cela viendra probablement, et l’assemblée locale rachètera le bâtiment d’une église vieillissante ou ayant perdu un pasteur au grand charisme.
Tabernaculo
Le dernier exemple se situe à l’opposé, politiquement et théologiquement. Nous sommes ici dans un ancien bâtiment d’église, dans la Park Slope United Methodist Church, qui a pour particularité, entre autres, de posséder un vitrail “gay” montrant un couple (de sexes discordants ou similaires) au bout d’un chemin arc-en-ciel, sous un soleil radieux :
Gay vitrail

Unions civiles : New Jersey

Après le Vermont et le Connecticut, c’est le New Jersey qui ouvre tous les bénéfices liés au mariage aux couples du même sexe (mais pas le mariage lui-même), en créant un nouveau statut, l’union civile. Le New Jersey, c’est l’Etat situé immédiatement à l’ouest de New York, et il y a deux mois, la cour suprême locale avait demandé que les couples du même sexe aient l’accès aux mêmes droits que les couples de sexes discordants. Comme pour le Vermont et le Connecticut, les membres du clergé sont autorisés à agir en tant qu’agent de l’Etat (agent of the state) et donc à célébrer ces unions civiles. Voici comment la loi, dans le New Jersey, présente la chose :

17. R.S.37:1-13 is amended to read as follows:
37:1-13 Authorization to solemnize marriages and civil unions.
Each judge of the United States Court of Appeals for the Third Circuit, each judge of a federal district court, United States magistrate, judge of a municipal court, judge of the Superior Court, judge of a tax court, retired judge of the Superior Court or Tax Court, or judge of the Superior Court or Tax Court, the former County Court, the former County Juvenile and Domestic Relations Court, or the former County District Court who has resigned in good standing, surrogate of any county, county clerk and any mayor or the deputy mayor when authorized by the mayor, or chairman of any township committee or village president of this State, and every minister of every religion, are hereby authorized to solemnize marriage or civil union between such persons as may lawfully enter into the matrimonial relation or civil union; and every religious society, institution or organization in this State may join together in marriage or civil union such persons according to the rules and customs of the society, institution or organization.
source

On constate qu’un bon nombre de juges et d’élus, voir du personnel administratif municipal, peuvent célébrer des mariages, ainsi que “tout ministre (membre du clergé) de toute religion” ou “toute société, institution ou organisation religieuse” est autorisée à célébrer des unions civiles. La distinction entre “clergé” d’un côté et “société religieuse” de l’autre est nécessaire depuis que les Quakers, organisation sans clergé, sont autorisés à marier (leurs membres, puisqu’un non Quaker aurait de fait des difficultés à être marié par une assemblée quaker).
Dans le Connecticut, la loi se présente un peu différemment, mais pour revenir au même : le premier point insiste sur l’ordination (ou l’autorisation), le deuxième sur les règles internes aux Eglises. Si l’union a eu lieu validement aux yeux de l’organisation religieuse [et si elle répond aux critères fixés par l’Etat], alors elle est valide.

Sec. 4. (NEW) (Effective October 1, 2005) (a) All judges and retired judges, either elected or appointed, including federal judges and judges of other states who may legally join persons in marriage or a civil union, family support magistrates, state referees and justices of the peace may join persons in a civil union in any town in the state, and all ordained or licensed members of the clergy, belonging to this state or any other state, as long as they continue in the work of the ministry may join persons in a civil union. All civil unions solemnized according to the forms and usages of any religious denomination in this state are valid. All civil unions attempted to be celebrated by any other person are void.
source

Pour le Vermont une seule différence existe entre le mariage et l’union civile : le premier est “solemnisé” par une autorité civile ou religieuse, la deuxième est “certifiée”. Cela semble n’avoir d’autre fonction que d’atténuer l’implication du “sujet célébrant”. Je n’ai pas trouvé de texte (ni de trace dans les débats parlementaires à l’Assemblée du Vermont) donnant les raisons de cette différenciation entre mariage et union civile. J’en suis réduit à des suppositions :

§ 5164. PERSONS AUTHORIZED TO CERTIFY CIVIL UNIONS
Civil unions may be certified by a supreme court justice, a superior court judge, a district judge, a judge of probate, an assistant judge, a justice of the peace or by a member of the clergy residing in this state and ordained or licensed, or otherwise regularly authorized by the published laws or discipline of the general conference, convention or other authority of his or her faith or denomination or by such a clergy person residing in an adjoining state or country, whose parish, church, temple, mosque or other religious organization lies wholly or in part in this state, or by a member of the clergy residing in some other state of the United States or in the Dominion of Canada, provided he or she has first secured from the probate court of the district within which the civil union is to be certified, a special authorization, authorizing him or her to certify the civil union if such probate judge determines that the circumstances make the special authorization desirable. Civil unions among the Friends or Quakers, the Christadelphian Ecclesia and the Baha’i Faith may be certified in the manner used in such societies.
source

L’Etat du Vermont est donc bien précis sur le type de clergé autorisé à célébrer, allant même jusqu’à prévoir le cas des Baha’i [Baha’ii ? Baha’is ?].
La création des unions civiles place donc, à chaque fois, les Eglises (les denominations disent les Américains, pour ne pas limiter le discours aux Chrétiens et assimilables) face à la possibilité de célébrer au nom de l’Etat des unions civiles. Pour le droit américain (qui n’a pas eu souvent à se prononcer sur la question), les membres du clergé qui célèbreraient des mariages (ou des unions civiles, maintenant) sont temporairement des officiers séculiers. Mais pour les Eglises ? Imaginent-elles les mêmes fictions juridiques ? Le fait que le “mariage” (dont elles revendiquent en partie la définition) ne soit pas touché par cette loi permettrait-il une accommodation religieuse (avec l’établissement d’une théologie de l’union civile et de rites particuliers) et donc une relative dé-sécularisation du terme ?

Religions, brevets et commerces

Dans un ouvrage érudit, minutieux et très intéressant, La bénédiction de Prométhée, l’historien Michel Lagrée étudiait l’accommodation catholique des technologies : l’invasion des machines était vue par certains comme un risque de déshumanisation. La société industrielle du XIXe siècle n’était pas seulement productrice de modernité idéologique, mais aussi de modernité technologique. Et cette modernité technologique avait des conséquences au coeur du monde religieux. Il n’est besoin que de considérer le cas des Amish pour comprendre combien techniques et modernités sont liées pour des conceptions religieuses du monde. Refuser le progrès technique, ou même seulement certaines innovations, pouvait apparaître comme une résistance face au désenchantement produit par une certaine rationalisation mécanique des objets, des moeurs et des idées.
Prenons un seul exemple, mais plus proche, et plus catholique : le XIXe siècle voit la consolidation d’une industrie textile fortement mécanisée, et produisant en masse de nouvelles étoffes de coton. Certains refusaient les tissus en coton, moins chers que les tissus de lin, au nom du bel ouvrage, au nom d’un régionalisme industriel, mais aussi au nom de symboles puissants. Dans les lieux de culte catholique, le lin régnait en maître, règne renforcé par une jurisprudence de la Congrégation des Rites, qui avait fait du lin blanc le tissu noble par excellence. Un décret de Pie VII, en 1819, interdit même le coton (la «vulgo mousseline») : “les pièces de linge directement en contact avec les saintes espèces devaient être remplacées dans un délai d’un mois”, précise Lagrée : il fallait maximiser la distance entre le sacré et l’inventé, afin, probablement, d’éviter toute contamination.
L’industrialisation de la production d’électricité, et la possibilité pour les églises de s’en servir pour s’éclairer, a donné lieu à des débats semblables, de même que l’invention de la parafine, qui ne fut pas rapidement admise en remplacement de la véritable cire d’abeilles pour la confection des cierges.

Le monde catholique (probablement plus celui des fidèles, laïcs, que des clercs) participa toutefois pleinement à la diffusion et la production du progrès technique. L’on trouve ainsi sur le formidable Google Patents une série de brevets liés à la cuisson des hosties. On nous propose, dès 1876 un brevet sur l’amélioration de la cuisson du pain de messe, qui sera ainsi d’une épaisseur uniforme et jamais brûlé.
Host dispenserLes revendication d’individualisation des comportements religieux, plus récents, se perçoivent bien dans des inventions qui mettent en lumière les peurs associées aux co-présences liées aux rites communautaires. En 1999, M. Bourque propose un distributeur d’hosties :

Host dispenser Michael P. Bourque, n°6253669
The disclosed invention provides a Host dispenser, which substantially eliminates the possibility of spreading unwanted germs amongst the members of a church congregation.

Comme vous l’avez compris, il s’agit ici d’éviter la dispersion de “germes” (bactéries et virus). De la même manière, l’on trouve des dispositifs permettant de remplacer la coupe commune, dans laquelle se trouve le vin consacré, par des petits gobelets en papier jetables individuels : comme ça, éliminée, la gastro post-messe.
De manière générale, le monde étatsunien semble être un beau producteur de brevets destinés à l’amélioration des pratiques religieuses : pour un début de recherche, rien de tel que ces centaines de brevets proposant du “religious”.

Pourrait-on essayer de faire une typologie des religions en fonction des brevets déposés. Certaines Eglises chrétiennes semblent fortement cléricales, si l’on en croit les inventions portant sur les vêtements liturgiques (n°3486170 ou encore 2102198), sur les dispositifs de transport spatial des hosties consacrées (appelés pyxes : 218262), sur les croix pliantes (1254553 , qui ne sont pas destinées à lutter contre les vampires) ou les autels (1944985).
D’autres religions semblent attirer à elles des brevets destinés plus spécifiquement au vulgum fidèlus : Linda Markfield propose ainsi une Hair and yarmulke clip (D497034) et Jonathan Whitman (6974925) un cache-interrupteur pour Shabbat.
Hassan Faouaz propose, lui, un Muslim prayer counter (6783822) :

A new and improved Muslim prayer counter that is used in displaying the number of times prayers are said through the number of times a switch is contacted by a user’s head

Cet objet se présente comme un tapis un peu spécifique, dôté d’un compteur déclenché par le contact de la tête avec le tapis, qui permet donc de ne pas perdre le compte des prières effectuées. De manière proche, le “clip” permettant de marquer sa place sur un chapelet permet de compter les “Notre-Père” et les “Je Vous Salue Marie” [chose qui était utile quand à chaque péché était associé une mesure et un acte de repentance particulier].
Mais la religion ayant peut-être le plus embrassé certaines technologies modernes, religion fondée comme science-fiction et psychothérapie, est sans doute la Scientologie. Dès 1965, Lafayette Ronald Hubbard déposait le brevet de l’audimètre : DEVICE FOR MEASURING AND INDICATING CHANGES IN RESISTANCE OF A LIVING BODY (3290589). [Les Mormons ont bien déposé un objet Projection device and loop box therefor, mais ce n’est pas un objet cultuel, il restera donc non mentionné ici.] L’audimètre, qui fait l’interface entre le clergé scientologue et les [futurs] fidèles, a ceci d’intéressant qu’il provient du fondateur lui-même [et, non, Vorilhon ne semble pas avoir déposé de brevet].

L’individualisation des pratiques religieuses est-elle inéluctable ? On peut le croire en découvrant de worshipping system (système cultuel) qui

simulates the transfer of the spirit of the deceased from the cinerary urn to the worshipped object. This causes the worshippers of their ancestors to feel that the spirit in the cinerary urn has been united to the worshipped object

En simulant le transfert de l’esprit du décédé de l’urne funéraire vers l’objet cultuel, il permet presque, sans la nécessité d’un clergé (ou même de fidèles), la sacralisation rationalisée d’objets de cultes.

Sans transition
Cette semaine dans le New Yorker, un bel article sur le commerce des Bibles aux Etats-Unis :

The general principle—that Scripture can be repackaged to meet the demands of an increasingly segmented market—is at the heart of the modern Bible-publishing industry. […]
Bible publishing in the twenty-first century involves an intersection of faith and consumerism that is typical of contemporary American evangelicalism.

Le résultat : Revolve, le Nouveau Testament pour les adolescentes (Ton amoureux est-il godly ?) :
Revolve New Testament
Il s’agit d’amener la Bible au Monde, et pas le monde à la Bible.
La chose n’est pas nouvelle, sur un produit différent, le Missel, entre 1935 et 1960, c’est à une explosion commerciale que les Français ont assisté. Dans un article ancien mais amusant, Louis Kammerer déclarait d’ailleurs qu’il y avait trop de missels (KAMMERER, Louis. “Pourquoi il y a trop de missels”. La Maison-Dieu, 1953, 34, p.28-52) :

Les missels se multiplient à un rythme accéléré : il paraît en moyenne deux missels nouveaux chaque année, deux ou trois quotidiens sont en préparation et, sans doute, autant de dominicaux.
Le moment semble donc venu de faire le point.

Kammerer essaie de comprendre l’explosion misselante :

: le succès incontestable du missel quotidien plus léger du R.P. Morin a poussé plusieurs éditeurs à faire des missels du même type pour tenir leur place sur le marché. Ceci s’est produit d’ailleurs aussi sous l’influence de libraires ou de représentants qui demandaient à leur fournisseur habituel de leur livrer des missels analogues.
C’est ici que les nécessités de la concurrence commerciale risquent de s’opposer à l’intérêt véritable des clients. Il n’est pas toujours facile de trouver un auteur compétent

Le missel est rentable :

Mais si le missel est un livre difficile à réaliser pourquoi en fait-on tant de modèles différents ? C’est sans doute que c’est un article de bonne vente, à condition de garder sa place sur le marché. […]
L’éditeur qui actuellement n’a pas son « missel vespéral », voire son quotidien, risque tout simplement d’être tôt ou tard éliminé du marché, car les missels illustrés se vendent de moins en moins. Or il existe actuellement en Belgique environ sept maisons qu’on peut dire spécialisées dans l’industrie du missel, et six en France. Nous ne comptons pas dans ces nombre les abbayes, ni les éditeurs qui n’ont jusqu’à présent lancé qu’un seul missel.

On le constate donc aisément : la commercialisation du religieux n’est pas proprement américaine ou protestante. Les circonstances réunies, l’édition religieuse embrasse des logiques économiques ou une sectorisation sociale (il y avait des missels pour ouvriers, des missels pour soldats, des missels pour cheminots, des missels pour communiants…).

La diversification des missels de même que la diversification biblique pose problème : trop de choix peut tuer un marché (les acheteurs étant incapables de choisir entre la Bible du surfeur et la Bible des jeunes dynamiques ; les libraires ne peuvent tout stocker…).

The most obvious solution would be fewer choices, but, given the enthusiasm that consumers have shown for a diversified market and the investment that publishers have made in satisfying this demand, that’s out of the question. [article du New Yorker]

La solution catholique fut, apparemment, Vatican II, dont les conséquences furent fatales pour le champ des missels français, qui disparurent en quelques années.

Sur ces mots, ce blog prendra probablement quelques semaines de repos.

Mort et religion

Le Washington Post rapporte que l’administration américaine a autorisé l’usage d’un symbole wiccan sur la tombe d’un soldat mort en Irak.
Les wiccans revendiquent une forme de paganisme organisé, parfois aussi la sorcellerie blanche. Le symbole (Emblem of faith) que le soldat décédé souhaitait sur sa tombe était un pentacle inversé. Un résumé de l’affaire se trouve sur pluralism.org (Harvard U.) et probablement aussi sur Wikipedia.
On apprend alors rapidement qu’il existait, avant même la revendication de ce soldat et de sa famille, trente-huit symboles autorisés. En voici quelques uns :
Emblèmes de foi
L’absence de symbole est aussi possible, de même que la revendication de l’absence de dieu(x). Les athéistes ont droit, non pas à un filament d’ADN, ou à un Ichthus darwinien, mais à un “symbole atomique” dont une des orbites est ouverte (et ressemble à une demi-arche McDo).
american atheist logo
[La reconnaissance complexe de l’athéisme par l’armée américaine, qui expliquerait la présence de logos revendicatifs sur les pierres tombales, ne sera pas expliquée ici.]
Pour aller plus loin :
Liste des Emblems of Faith autorisés.
Formulaire VA 40-1330, pour choisir son symbole.