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Jeux d’échelles : circulations évangéliques

Parlons un peu de circulation régionale, de circulation internationale et de religion.
Il y a quelques jours, je proposais cette carte de la répartition des églises évangéliques “noires”, ou “d’expression africaine” en région parisienne, en me basant sur une collection d’affiches :
eglisesnoires1
Cette carte incite implicitement à une lecture “locale” : les lieux de culte sont situés dans les communes les plus pauvres de la région parisienne [pour être plus précis dans les communes où sont sur-représentés les ménages pauvres]. Et comme le soulignait en commentaire F. Dejean une autre lecture “locale” est possible, en associant cette carte à celle de la répartition des immigrés d’Afrique sub-saharienne.
L’on pourrait ainsi comprendre ces églises comme ancrées sur un espace communal. Mais le processus même de recueil des données incite à une autre interprétation. Toutes les affiches dont je dispose (presque 80) ont été photographiées à Château Rouge, un quartier commerçant de Paris proche de Barbès fréquenté par les diasporas africaines, qui sert ici de “plaque tournante” ou de “redistributeur” : c’est en allant faire ses courses à Château Rouge que l’on peut rencontrer l’église dans laquelle on ira le vendredi soir ou le dimanche suivants.
oursinlocalL’on pourrait donc représenter les adresses des lieux de culte comme des directions plutôt que comme des points. Si l’on considère que Château-Rouge est l’origine, alors il est possible de dresser cette carte étoilée, “en oursin” [au centre, Château Rouge, et à chaque extrémité, un lieu de culte]. Inversement, cette carte montre l’attraction régionale (ou le rayonnement) de ce quartier parisien.
Quel est l’intérêt d’une telle carte ? Elle donne peut-être un peu mieux l’idée du mouvement ou des déplacements que les fidèles peuvent faire.
exempleaffiche
Elle entre aussi en résonnance avec la carte des invitations de pasteurs. La carte suivante est une ébauche de représentation spatiale des voyages des pasteurs mentionnés sur les affiches d’églises africaines.
Car l’on trouve souvent, sur ces affiches, mention d’un “pasteur invité” accompagné de son pays de résidence (parfois aussi de la ville). Au centre de l’étoile l’on trouve la région parisienne (les lieux de culte mentionnés sur les affiches), et au bout des rayons, les villes de résidence de ces pasteurs.
pasteurs invitations

Avec ces cartes, je souhaite rendre visible la multiplicité des échelles utilisables pour décrire ces églises. J’ai précédemment cartographié la répartition des églises en Île de France : c’est principalement en Seine-Saint-Denis qu’elles sont localisées.
Ici l’on voit qu’à cet espace s’est “accroché” une dimension transnationale, qu’au “local” s’est accroché le “global” mais que ces deux dimensions sont “lues” simultanément sur ces affiches. Je multiplie ici à dessein les guillemets : je n’ai pas encore de vocabulaire précis à ma disposition qui me plaise suffisamment. Le passage obligé par l’objectivation statistique m’aide donc à asseoir l’usage de termes comme “global” sur les possibilités offertes par la cartographie.
Continuons.
L’espace dessiné par les invitations de pasteurs étrangers révèle plusieurs choses :
1- Un espace africain : l’afrique sub-saharienne uniquement. Peut-être parce que certaines églises sont des boutures européennes de créations congolaises (par exemple). Peut-être parce que d’autres, inscrites dans des liens préalables à l’immigration, continuent à entretenir la référence à l’Afrique.
2- Un espace européen : Londres, Berlin, Bruxelles sont les pointes d’un polygone qui inclut la Seine-Saint-Denis en tant qu'”espace européen” ou “espace TGV”. Est-il alors suffisant de décrire ces églises comme “noires” ou “africaines” ou même “d’expression africaine” ? Même en acceptant, et l’hypothèse est très restrictive, que les fidèles sont des locaux, à l’échelle régionale, il semble que les pasteurs (sous cette dénomination ou une autre, apôtre, prophète…) dessine un espace clérical à une autre échelle : ils circulent entre pays.
3- Un espace américain : Canada, Bahamas, Etats-Unis et même au Sud. L’Amérique, c’est à la fois des sessions de formation, des stages bibliques, auxquels ont pu participer certains pasteurs, mais c’est aussi le lieu mythique de la réussite, réussite évangélique et réussite sociale.

Note sur la méthode : J’ai utilisé R pour tracer les cartes, puis un logiciel de dessin vectoriel. Pour dessiner des cartes en oursin, il m’a semblé “simple” de faire ainsi :
Mes données ont cette structure. Les données, ici, s’appellent “oursinlocal”

Adresse		lon		lat
briand 		2.448342	48.868919
ChatRouge 	2.351933	48.887745
arago 		2.325025	48.904659
ChatRouge	2.351933	48.887745

Je répète, une fois sur deux, la longitude latitude de Château-Rouge ce qui permet de tracer des lignes.
J’ai téléchargé un fichier shapeline (.shp) de la France sur le site de l’IGN (qui s’appelle GEOFLA ou un truc de ce genre). Il faut aussi les packages “maptools” et “sp” pour R
franceshp<-read.shape("geofla/LIMITE_DEPARTEMENT.shp", dbf.data = TRUE, verbose=TRUE, repair=FALSE)
plot(franceshp,xlim=c(2,2.6),ylim=c(48.6,49))
lines(oursinlocal$lon,oursinlocal$lat,col="red")

J’en profite pour signaler que je n’ai pas compris comment passer d’une projection à une autre… Ce qui donne, au départ, des cartes un peu “écrasées” par rapports aux projections habituelles de la France. Mais si j’utilise le fichier GEOFLA en projection “lambert”, je n’arrive plus à placer mes églises…
Pour la carte “mondiale”, il existe, dans le package “maps”, des données sur les principales villes du monde, world.cities. La partie complexe consiste à lier ces données, world.cities, à la liste des villes relevées sur les affiches.

Mise à jour
franceshp< -readShapeSpatial("Desktop/geofla/LIMITE_DEPARTEMENT.shp",proj4string=CRS("+proj=longlat")) fonctionne parfaitement (avec R 2.11.1)

Les hommes des cavernes étaient cartographes

On trouve dans un article de Catherine Delano Smith, “The Emergence of ‘Maps’ in European Rock Art: A Prehistoric Preoccupation with Place” (Imago Mundi, Vol. 34. (1982), pp. 9-25) le dessin suivant, identifié comme une carte préhistorique (datant de l’âge du bronze) :
prehistoricmap
A lire rapidement l’article, il me semble que c’est la répétition des mêmes éléments (rectangles remplis de points, petits cercles pointés, lignes de connections entre éléments) qui ont guidé l’interprétation de ce dessin comme étant une carte. Mais que représentent-ils ? Simple passage à l’image d’objets réels (le champ de Ügur le chef du village et de Srrööö la sorcière ?), signes représentant des points saillants du paysage environnant (ou lointain), ou véritables symboles (Here lies dragon) ?
A-t-il fallu un minimum d’organisation “étatique” ou “gouvernementale” pour dresser cette carte — presque un cadastre ?
C’était un petit hommage à StrangeMaps et, en avance des Vases Communicants de vendredi, un clin d’oeil à Scriptopolis.

Note : à l’âge du bronze, mes ancêtres n’étaient déjà plus tous cavernicoles, je sais…

Eglises évangéliques africaines : cartographie

femme delivreeLes six douzaines d’affiches recueillies depuis un an environ donnent déjà une idée de la géographie des églises africaines (ou “d’expression africaine”, ou “afro-antillaises”…) de la région parisienne.
En plaçant sur une carte les lieux de culte mentionnés sur les affiches — du type de celle qui est reproduite ci-contre — voici ce que l’on obtient. Chaque point rouge indique la localisation d’une salle ayant servi de bâtiment d’église :
eglisesnoires1
Les Parisiens et assimilés reconnaîtront une répartition familière : ces églises se trouvent principalement en Seine-Saint-Denis.
Et il suffit de superposer cette carte avec une carte de l’inégale répartition des revenus pour faire apparaître une corrélation. Dans la carte suivante (extraite de Qu’apporte l’échelon infracommunal à la carte des inégalités de richesse en Île-de-France? de Jean-Christophe François et Antonine Ribardière M@ppemonde 75, 2004.3), plus la zone est verte, plus les ménages riches sont surreprésentés, et plus la zone est rouge, plus les ménages pauvres sont surreprésentés [reportez vous à l’article pour plus de précisions].

eglisesnoires2

Les églises africaines ne sont pas installées partout. Et quand les services religieux ont lieu dans les départements plus riches (Hauts de Seine…), c’est dans les communes pauvres de ces départements. Si j’arrive à trouver la proportion par commune de résidents nés en Afrique sub-saharienne, je ferai d’autres cartes.
Mais dans l’immédiat, une autre carte, “en oursin”, va m’occuper, qui va relier les pays de résidence des pasteurs invités (Allemagne, Canada, Bénin…) à l’Ile de France. Une manière de conjuguer l’objectivation cartographique au discours sur le global, le local et le transnational.
Pour aller plus loin : voir le blog de Frédéric Dejean, géographe.
Note : La carte des disparités de revenus a pour origine ce rapport de recherche : Disparités (Les) des revenus des ménages franciliens en 1999
Auteurs : J. C. François, H. Mathian, A. Ribardiere, T. Saint-Julien, UMR Géographie-cités, Etude pilotée par P. Rohaut, DUSD
Editeur : DREIF, 2003

Choses en listes (19)

Le site wikio.fr me contacte tous les 3 mois pour me proposer de révéler, en avant-première, leur classement des blogs scientifiques… Mais ça ne m’intéresse pas vraiment (pas plus que faire des échanges de liens avec des sex-shops en ligne).
En revanche, leur “wikiopole” http://labs.wikio.net/wikiopole/ est plus amusant et on peut y passer des heures. Au lieu d’un classement, c’est une sorte de carte des blogs :
wikiopole
La taille des points est probablement proportionnelle au nombre de liens (certains sous-groupes aiment beaucoup faire des liens entre proches et sont ainsi bien visibles). Les couleurs identifient des intérêts différents (bande-dessinée, cuisine…). coulmont.com se trouve dans la catégorie “sciences” (avec arhv-lhivic et aixtal), entre “politique” (en vert) et “high-tech” (en rouge). OK, pourquoi pas.

Etrangement, pas de “pédéblogueurs” identifiés (outons ici http://blog.matoo.net, ajoutons aussi D. Madore). Un bon tiers des sites semblent être des blogs de “scrapbook” ou des blogs de scrapbook.

La représentation proposée est “classique” en sociologie des réseaux. On pouvait voir sur OrgTheory récemment une représentation similaire des 53 textes les plus cités récemment dans les trois principales revues de sociologie américaines.
Il y a quelques années, OuiNon avait proposé une cartographie un peu différente, dont la construction artisanale ne permettait pas de mise à jour automatique.
ouinoncarte.
 
Ailleurs sur internet : Gizmo : le sabordage des économistes français : quand elles évaluent leurs collègues, les économistes françaises leur mettent des mauvaises notes… Romain Garcier en Ouzbekistan.
 
Phnk / The Nincompoop Continuum / Fr. / Boîte Noire / François Briatte devient, mois après mois, une expérience de minimalisation : les billets disparaissent, le nom change, tout s’efface petit à petit et son “Book of Saturday” est incompréhensible… Pas vraiment une mandala tibétaine électronique, plutôt le blog d’une nouvelle de Borges.

Bouts de marabouts

Fonds de tiroirs, à vider avant les vacances. Flyers de marabout…

marabouts

Un peu de cartographie, extraite d’un ouvrage de Liliane Kuczynski :
marabouts-kuczynski
C’est là un bel exemple d’utilisation sociologique d’un corpus. Il faudrait voir si, entre 1993 et aujourd’hui, la dispersion des marabouts à Paris a été modifiée… Des collections systématiques de flyers devraient permettre de repérer ces modifications : Qui voudrait faire un mémoire de master sous ma direction ?

 

Ailleurs sur internet :
Sémiologie structurale du flyer de marabout et autres “Personal Marabouts Generator”.
Pool “Flyers de Marabouts” sur Flickr.
La dictature du nom de L. Kuczynski.

Géographie des prénoms

Où les lecteurs apprendront comment repérer des ressemblances.

Je continue mon exploration des données du “Fichier des prénoms” de l’INSEE, et je me plonge dans des outils statistiques que je ne maîtrise plus. Aujourd’hui, il s’agissait de combiner la “cluster analysis” et la cartographie.
L’analyse de clusters consiste, en gros, à demander à un ordinateur de trouver, tout seul, des groupes de ressemblances dans un tas de données. Prenons un prénom. Au hasard, « Faustine ». Quels sont les prénoms qui, récemment, évoluent comme Faustine ? Apparemment, Maylis, et Oriane connaissent des variations proches celles de Faustine… plus proche, en tout cas, que les prénoms Constance et Fiona, qui connaissent des évolutions proches de celles de Gabrielle ou Florine.
La chose est intéressante : il existe plusieurs dizaines de milliers de prénoms en usage, et il est impossible de repérer à l’oeil nu des proximités entre prénoms — sauf à se restreindre aux dix ou vingt premiers.
La chose est intéressante, mais que fait-on une fois qu’on a trouvé ces groupes de ressemblance. Rarement, l’interprétation vient d’elle-même : des prénoms démodés de l’immigration maghrébine apparaissent parfois ensemble… Il faut le plus souvent essayer de construire des typologies…

*

Disposant de données départementales, et cherchant à trouver des spécificités régionales, j’ai essayé de combiner analyse de clusters et géographie. Les résultats sont fascinants, mais difficiles à interpréter. On voit bien apparaître des départements, ou des groupes de départements “collés” ensemble, mais qu’en tire-t-on ? C’est là qu’un-e géographe versé en statistiques me serait utile…

Pour réaliser l’image précédente, j’ai sélectionné les prénoms masculins qui, en 1970, sont donnés dans tous les départements français au moins 3 fois, et j’ai demandé à Monsieur l’Ordinateur (à l’aide du logiciel “R“) de grouper en 4 ensembles les régions. Mon problème est le suivant : la répartition des ensembles n’est visiblement pas aléatoire, mais qu’en tirer ? Sont-ce des homogénéités culturelles basées sur des différences (le “pool” de prénoms donnés au moins 3 fois dans l’ensemble des départements n’est pas très grand)… Ce n’est pas vraiment “les zones les moins intégrées” versus “les zones les plus intégrées”. Bref, ça demande du travail !
D’autant plus que la même commande, mais pour les prénoms féminins, donne un “truc” différent, mais où les quatre “coins” de l’Hexagone (Nord, Bretagne, Landes-basques, Corse et Alsace) apparaissent avec une espèce de distinction.

Les deux images précédentes en PDF :
cluster-region-1970-prenoms-feminins
cluster-region-1970-prenoms-masculins

Prénoms typiques

Si l’on dispose de données départementales sur les prénoms, il est possible de chercher à savoir quels sont les prénoms “typiques” d’un département.
Avec, tout de suite, le caveat suivant : la typicité est historique. Prenons, par exemple, le prénom “Loïc” : en 1946, c’est un prénom fréquent en Bretagne, inconnu ailleurs. En 2004, c’est un prénom de l’Est. L’animation suivante montre le passage de la “perturbation Loïc” entre 1946 et 2004. Sur ces cartes, plus le gris est foncé, plus le rang du prénom est proche de 1.
[flashvideo filename=”../blog/fichiers/2008/loic-animation.flv” width=”480″ height=”500″ /]
(Les données sont celles du Fichier des prénoms, INSEE, via le Centre Quêtelet / CMH, elles ont été traitées avec le logiciel R. L’animation a été réalisée en gros avec ImageMagick puis ffmpeg).
J’avoue sans peine aucune que l’exemple “Loïc” est particulier : je n’ai pas trouvé, pour l’instant, d’autres prénoms voyageant aussi bien sur le territoire au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.

Trêve de diachronie. Un peu de synchronie.

L’on pourrait — pour faire apparaître des prénoms “typiques” — commencer par repérer les prénoms les plus donnés, ceux qui ont la fréquence la plus élevée. C’est ce que représente la carte ci-dessous (pour l’année 2004). Mais comme on peut le constater, ces prénoms sont peu variés : Enzo, Théo, Lucas et Mathis suffisent à recouvrir la quasi-totalité du territoire. Se distinguent Paris (avec “Alexandre”) et la Seine-Saint-Denis (avec “Mohamed”).

les prénoms les plus fréquents

C’est que cette manière de faire (repérer les prénoms les plus fréquents) ne permet pas de distinguer entre eux les départements. Il faudrait pouvoir représenter les prénoms qui sont surtout donnés dans un département et peu ailleurs pour faire ressortir une typicité derrière l’apparente uniformité. La France n’est pas une masse uniforme : et pour chaque département l’on trouve quelques prénoms dont la fréquence est beaucoup plus élevée que la fréquence nationale. Souvent, ce sont des prénoms qui ne sont donnés, cette année là, que dans ce département et à un tout petit nombre d’enfants.
Il convient donc de ne considérer que les prénoms suffisamment donnés. Pour la carte qui est ci-dessous, le seuil a été placé à 10 (il faut que 10 nouveaux-nés reçoivent ce prénom) et le rapport entre fréquence départementale et fréquence nationale doit être supérieur à 2. (J’ai retenu, pour les prénoms donnés au moins 10 fois en 2004 dans tel département, celui qui maximise le rapport entre la fréquence départementale et la fréquence nationale).

prénoms typiques ?

Avec cette méthode, on arrive à faire surnager certains départements, voire certaines régions. La Bretagne se distingue en donnant “Gurvan” et “Klervi” ou “Youna”, inconnus ou presque ailleurs. L’Alsace avec Eren et Elif (des prénoms aussi répandus en Turquie), le sud-ouest avec quelques prénoms basquisants et la région parisienne, avec Bintou, Assa, Djibril, Liora, Constantin et Ibtissem… [une version pdf de la carte est disponible pour une lecture plus simple]
Mais cette méthode est un peu trop sensible : le seuil (10 enfants recevant ce prénom) est trop bas. Par tâtonnement, il m’apparaît qu’un seuil de 30 pour les garçons et 20 pour les filles donne des résultats géographiquement plus “jolis”, avec des prénoms différents…

Les départements où aucun prénom ne surnage sont peu nombreux, mais ils existent. Dans ces départements, la répartition des prénoms ressemble à la répartition française.

Ceci me permet de revenir sur les “prénoms bretons” déjà abordés précédemment. Pour établir le graphique de ce billet, je m’étais basé sur diverses listes de prénoms “bretons” proposés par des régionalistes ou des sites internets du type meilleursprenoms.com. Or les prénoms choisis comme “bretons” par les parents ne correspondent peut-être pas aux propositions normatives des promoteurs institutionnels d’identités locales. Un exemple : les variations sur le -wenn (Lilwenn, Louwenn, etc…).
L’on pourrait donc proposer une autre méthode, en examinant de près la liste des prénoms réellement donnés en “Bretagne” (sans référence à une liste préétablie). Peut-être qu’elle diffère plus de la moyenne nationale que les listes de prénoms donnés dans d’autres régions. Et il faudrait examiner l’évolution, sur les soixante dernières années, de cette différence. Comme on le voit avec l’exemple “Loïc”, un prénom peut ne pas rester indéfiniment “breton”.

Ailleurs sur internet :

Début de cartographie avec R

R, le logiciel libre de statistiques, peut être étendu au traitement de données spatiales, et il arrive même à générer des cartes. La plupart des exemples que j’ai trouvés en ligne concernent l’utilisation de fichiers de type shapefile .shp, j’avais besoin d’un outil plus simple.
Le package “maps” qui contient une carte des départements français, semblait un point de départ intéressant. Ce billet a pour but d’aider d’autres novices qui souhaiteraient produire des choses similaires à ceci :

Les deux cartes ci-dessus ont été produites avec R et le paquet “maps”. Elles présentent, pour l’année 2004, le nombre de naissances d’enfants mâles nommés Ewen et Erwan pour la France métropolitaine et continentale. En gros, Erwan a été abandonné par les Bretons et adopté par les Chtis. Les Bretons ont produit le superceltique “Ewen” qui est très rare en dehors de la Bretagne [Pour une discussion sur les prénoms bretons, voir ici].

*

Le principal problème, à mon avis, avec la géo-statistique, c’est l’établissement du lien entre le fond de carte et les données. Comment l’ordinateur peut-il comprendre que certains chiffres correspondent à certains départements ? C’est sur cette question que je vais me centrer ici. Je n’aborderai pas du tout la sémantique cartographique ou le choix de données significatives (proportions plutôt que valeurs absolues, etc…).
Commençons par installer le paquet “maps” :

install.packages("maps")
library(maps)
france<-map(database="france")

L’objet “france” est composé de descriptifs des polygones départements : $x (longitudes) et $y ; d’une description de la zone : $range ; et des noms des départements : $names.
L’instruction france$names donnera, dans R, une idée :

  [1] "Nord"                                 "Pas-de-Calais"                       
  [3] "Somme"                                "Nord"                                
  [5] "Ardennes"                             "Seine-Maritime"  

Les départements ne sont pas identifiés par leur numéro administratif, mais par leur nom, avec des étrangetés comme “Cote-Dor”. Les enclaves (l’exclave du Nord dans le Pas de Calais, dite communauté de communes de l’Enclave) sont représentées : d’où l’apparition, dans la liste ci-dessus, de “Nord” à deux reprises.
Produisons une carte toute simple colorant certains départements :

dpt2001<-c("Ain","Marne","Nord","Charente")
col2001<-c(1,2,3,5)
match <- match.map(france,dpt2001) 
color <- col2001[match] 
map(database="france", fill=TRUE, col=color)

C’est l’instruction “match.map” qui établit le lien entre la liste des départements qui se trouve dans “dpt2001” et le fond de carte, “france”. Le résultat donne quelque chose comme ceci :

L’exclave du Nord est bien coloriée en rouge, comme les îles (Ré et Oléron) au large de la Charente-Maritime. Et comme l’on n’a pas été strict, R a compris qu’il fallait colorier et Charente, et Charente-Maritime… Cela peut poser problème, attention…
Il est donc préférable, peut-être, de demander ceci à R :

match <- match.map(france,dpt2001,exact=TRUE)

Pour la carte des “Ewen”, mes données sont structurées ainsi (j’ai enlevé le nombre de naissances) :

              nom DPT NOMBRE
1        Calvados  14      *
2    Cotes-Darmor  22     **
3       Finistere  29     **

Et pour obtenir la carte, je demande à R ceci :

dptewen<-ewen$nom
colewen<-ewen$NOMBRE
match <- match.map(france,dptewen,exact=TRUE)
gray.colors <- function(n) gray(rev(0:(n-1)/1.5)/n)
color <- gray.colors(100)[floor(colewen[match])] 
map(database="france", fill=TRUE, col=color)

Au final, donc, il est possible de produire à peu de frais des cartes, presque aussi facilement qu’avec Philcarto, mais pour bénéficier de ce qu’offre Philcarto (les traitements statistiques intégrés et l’excellente formalisation sémantique), il faudra apprendre encore plus de R.

Les agences d’intérim industriel

Ce matin, dans le New York Times, un article sur les Google Maps Mashups, à savoir, en bon français, la réunion des facultés cartographiques du Grand Oracle Omniscient Gardien des Longitudes et de l’Elévation [dit G.O.O.G.L.E.] et de données externes :

the Web mapping revolution began in earnest two years ago, when leading Internet companies first allowed programmers to merge their maps with data from outside sources to make “mash-ups.” Since then, for example, more than 50,000 programmers have used Google Maps to create mash-ups for things like apartment rentals in San Francisco and the paths of airplanes in flight.
source : With Tools on Web, Amateurs Reshape Mapmaking

Après avoir, récemment, utilisé les services de mapbuilder pour cartographier les établissements scolaires de Paris (voir ce billet), voilà que j’y reviens, avec un mashup des “agences d’intérim industriel” de la région de Chicago, en appui au travail de doctorat de Sébastien Chauvin, “Agences de travail journalier et mouvements sociaux de travailleurs précaires à Chicago”.
agences d’intérim industriel - officiellement baptisées de day labor
Cliquez pour zoomer… (attention – Safari sous OS X peine un peu), la carte complète est sur https://coulmont.com/chauvin.html

J’ai utilisé la même méthode qu’avec les écoles parisiennes mentionnées plus haut : à partir d’une liste d’adresses au format EXCEL, mapbuilder géolocalise et crée une googlemap. Ensuite, il est possible de décorer à sa sauce : par exemple, ici, la majorité des agences est en rose-transparent, ce qui permet de différencier les agences proches les unes des autres. Cette carte n’a, ici, qu’un but d’illustration, mais les connaisseurs de Chicago, qui s’amuseront à zoomer et à voyager sur la carte, reconnaîtront des différences entre quartiers : le “South Side”, dans son acception large, au sud de la E ou W 26th st., est vide d’agences. D’autres quartiers semblent bien mieux fournis.
Il manque à cette carte quelques calques, représentant par exemple les frontières des différents quartiers de Chicago et leur composition raciale. Je n’ai pas encore compris comment ajouter rapidement les données du recensement (c’est possible avec Google Earth, mais plus difficile avec Google Maps, apparemment).
Celles et ceux que les agences d’intérim industriel passionnent ne manqueront pas d’assister à la soutenance prochaine de la thèse de Sébastien Chauvin, où seront révélés tous les mystères qui demeurent…

Sex-shops et écoles

Est examiné en ce moment un projet de loi visant à réformer la protection de l’enfance. Des députés y ont inséré un amendement visant à interdire certains magasins à moins de 200 mètres des écoles

Protection enfance : pas de sex-shop à moins de 200 m des écoles
Les députés français ont décidé dans la nuit de mardi à mercredi d’interdire l’installation de sex-shops “à mois de 200 mètres” d’un établissement scolaire. Ils l’ont fait lors de l’examen d’un projet de loi sur la protection de l’enfance.
Les députés ont approuvé, avec l’avis favorable du gouvernement, un article additionnel, présenté par la rapporteure Valérie Pécresse et le député du Rhône Bernard Perrut (UMP, droite), prévoyant ce dispositif.
Il est ainsi précisé qu’”est interdite l’installation, à moins de 200 mètres d’un établissement d’enseignement, un établissement dont l’activité est la vente ou la mise à disposition du public d’objets à caractère pornographique”.
L’infraction à ce dispositif “est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30’000 euros d’amende”, indique l’article additionnel, qui autorise les associations de parents d’élèves, de jeunesse et de défense de l’enfance en danger, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, de se porter partie civile.
SDA-ATS (source)

Une loi assez proche existait depuis 1987, mais elle s’intéressait aux magasins proposant des “publications” à caractère pornographique. En changeant de critère (“objets” et non plus “publications”), la nouvelle loi étend de beaucoup son champ d’action.
Le compte-rendu analytique de la séance d’examen est bref :

Mme la Rapporteure – À l’initiative de M. Perrut, la commission a adopté l’amendement 9 rectifié qui interdit d’installer à moins de 200 mètres d’une école un établissement de vente d’objets à caractère pornographique.
Mme Muguette Jacquaint – Très bien.
L’amendement 9 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
source

Mise à jour (2007 01 11) :
Le compte-rendu intégral n’est pas bien plus long :

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9 rectifié.
La parole est à Mme la rapporteure, pour le défendre.
Mme Valérie Pecresse, rapporteure. Initialement présenté par notre collègue Bernard Perrut, cet amendement a été réécrit. Il propose d’interdire « l’installation, à moins de deux cents mètres d’un établissement d’enseignement, d’un établissement dont l’activité est la vente ou la mise à disposition du public d’objets à caractère pornographique ».
M. Serge Blisko et Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
(source)

Serge Blisko est député socialiste de Paris et Muguette Jacquaint est députée communiste… La lutte contre les sex-shops ne connait pas les frontières partisanes.
L’amendement avait été rectifié par rapport à sa première version (juillet 2006). En voici l’exposé :

Cet amendement visant à limiter l’installation des sex shops à proximité des établissements scolaires doit être rectifié car sa rédaction initiale n’était pas assez précise. En utilisant l’expression « produits dont la vente est prohibée aux mineurs » cet amendement prêtait à confusion et pouvait aussi concerner les cafés ou les kiosques. C’est pourquoi la rédaction proposée précise que l’interdiction d’installation vise les établissements mettant en vente ou présentant des objets à caractère pornographique.
La protection de l’enfance constitue une priorité pour nous tous et nous sommes sensibles au débat selon lequel l’effet d’accoutumance et l’exposition fréquente aux productions pornographiques mettraient en danger les mineurs, victimes de perturbations psychiques et comportementales.
Chacun en convient aisément, les images véhiculées par l’industrie pornographique sont dégradantes et portent atteinte à la dignité de la personne humaine.
Il n’est pas admissible que des enfants, à la sortie des écoles soient témoins de comportements tendancieux liés aux sex-shops.
Il convient donc de préciser les dispositions de l’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social et en premier lieu de faire passer de 100 à 200 mètres le périmètre d’installation des établissements dont l’activité principale consiste à mettre à la disposition du public des produits et publications pornographiques.
(source)

L’on constate donc que les défenseurs des kiosques et des cafés ont réussi à se mobiliser, rapidement, pour obtenir la modification d’un amendement qui risquait de les concerner. Le petit commerce pornographique, lui, au contraire, a totalement échoué dans la défense de son bout de pain. L’amendement insiste sur le fait que “des enfants, à la sortie des écoles [sont] témoins de comportements tendancieux liés aux sex-shops“… chose que je trouve relativement intéressante, étant donnée l’absence de fondements objectifs (principalement l’absence de recherches empiriques).
Et voici le texte de cet amendement :

L’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social est ainsi rédigé :
« Est interdite l’installation, à moins de deux cents mètres d’un établissement d’enseignement, un établissement dont l’activité est la vente ou la mise à disposition du public d’objets à caractère pornographique. L’infraction au présent article est punie de deux ans d’emprisonnement et de trente mille euros d’amende.
« Sont passibles des mêmes peines les personnes qui favorisent ou tolèrent l’accès d’un mineur à un établissement où s’exerce l’une des activités visées au premier alinéa.
« Pour cette infraction, les associations de parents d’élèves, de jeunesse et de défense de l’enfance en danger, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. »
(source)

Comme vous l’avez remarquez, la nouvelle loi sera beaucoup plus large : l’ancienne loi se basait uniquement sur des “publications” (qui avait déjà été interdites aux mineurs par le ministère de l’intérieur), et il fallait que ces établissement aient comme activité “principale” leur vente. La nouvelle loi est plus floue, elle s’intéresse aux “objets à caractère pornographique”, et l’activité n’a plus à être “principale”. De plus, un plus grand nombre d’associations pourra se porter partie civile et porter plainte (auparavant, seules les associations de parents d’élèves étaient autorisées à êtres reconnues partie civile).

Il ne reste plus, au Sénat, qu’à voter la loi dans les mêmes termes pour qu’une nouvelle règle s’ajoute au millefeuille juridique et administratif régissant les sex-shops. Mais au Sénat, lors d’une des dernières tentatives de création d’une loi sexshopicide, la voix forte de Robert Badinter s’était faite entendre : “Mes chers collègues, véritablement je ne suis pas sûr qu’on ait mesuré la portée de ce qu’on est en train de faire ! Je n’ose penser aux malheureux collègues professeurs de droit qui auront à présenter à leurs étudiants ce texte concernant finalement la suppression pure et simple, par une voie détournée, des sex-shops !” (30 octobre 1997). Réitèrera-t-il son opposition ?

Pour plus de précisions voir un ancien billet sur ce même blog : pornographie et gestion spatiale