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Une édition “de classe exceptionnelle” !

Dans la Revue philosophique de la France et de l’étranger, 2009/2 (Tome 134), l’on peut lire, sous la plume de Dominique Merllié, une présentation d’une réédition d’un ouvrage de Durkheim. En voici de larges extraits (coupes non indiquées) :

En 2008, c’est le tour des Formes élémentaires de la vie religieuse d’être rééditées avec une introduction aux Éditions du CNRS. En réalité, en dépit de la date du copyright comme du sérieux académique qu’on attendrait de son éditeur, [ce] n’est pas une nouvelle édition, car elle reproduit celle qui était parue en 1991 dans la collection du « Livre de poche » : même introduction, même biographie-croupion d’une vingtaine de lignes (dont une erreur de date pour les Règles), même « bibliographie » (neuf titres de 1960 à 1990) et tous les défauts de cette édition déjà relevés. Y manque notamment la carte de l’Australie qui permet de situer les tribus citées. Quant à l’établissement du texte, s’il innove quelque peu, c’est en ajoutant encore, à celles de l’édition reproduite, son propre lot de coquilles nouvelles. C’est le cas, par exemple, de la transcription des formules grecques, toutes plus ou moins estropiées, parfois drôlement (comme lorsque le mot qui se lit « guénos » est transcrit « yévoç », p. 168), parfois d’une manière qui défie la restitution (e.g. p. 92, note). C’est le cas de notes qui ont sauté (e.g. p. 162), ont perdu une partie de leur texte (e.g. p. 215), ont été déplacées par rapport aux appels (e.g. p. 119). Parmi d’autres broutilles plus ou moins gênantes (dont l’irrégularité du traitement de ce qui était en italiques chez Durkheim), le plus remarquable est un passage devenu inintelligible, p. 269 : pour la cohérence textuelle, il faut comprendre que la note 27 inclut en fait, après son contenu, à la fois une vingtaine de lignes qui devraient être dans le texte et le texte de la note appelée à la fin de ce passage. Le même phénomène se reproduit p. 293, mais, comme il s’agit de deux notes très rapprochées, le lecteur souffre moins.

Il serait indélicat de dévoiler qui fut impliqué dans les deux éditions (au “Livre de poche” et aux éditions du CNRS). Mais un indice : cette personne voit ses œuvres complètes publiées par les mêmes éditions du CNRS, et il a été nommé, et renommé au conseil d’administration du CNRS…

Hermasculé

jastrow-hermes-posteAu Musée de la Poste en ce moment se déroule une exposition, “D’Hermès au SMS… [pdf]. L’affiche consiste en une reproduction photographique d’une statue de Hermès, provenant du Musée du Vatican (cliché assez facile à trouver en utilisant google). Chose amusante, la photo qui a servi de base est disponible sur wikimedia commons et a été prise par une camarade de l’ENS, Marie-Lan Taÿ-Pamart (Nguyen) [A/L 98], sous le nom de Jastrow [@jastrow75 sur twitter].

Reprendre et modifier une photo est parfois cause de controverse : Dans le métro, même les légendes ne fument plus écrivait le magazine Time. Ainsi Sartre (sur une affiche pour la BNF), Jacques Tati, Coco Chanel et Serge Gainsbourg, pour pouvoir être diffusés (notamment dans le métro) ont eu une consulation icono-tabacologique. Et à chaque fois, la pipe, la cigarette ou le cigare ont été pieusement photoshopés.
avant-apres-hermesApparemment, rien de tel avec Hermès et son SMS, même si l’un des attributs centraux de la statue a disparu, caché par une petite enveloppe (on dirait même, en se penchant sur la comparaison, qu’Hermès a subi une épilation “à la brésilienne”). Pas de controverse, même petite, pas de demande organisée visant au rétablissement génital de la statue [dont l’organe viril a subi directement les outrages du temps]. Est-ce parce que la retouche est soit trop modeste, soit trop voyante ? Est-ce parce que, de toute façon, on ne regarde jamais les sexes masculins réduits de la statuaire gréco-romaine ? Ou parce que, du pénis à la pipe, il est des choses que l’on ne montre plus ?

Dans “Envoyé spécial”

Un reportage sur les classes préparatoires a été diffusé dans l’émission “Envoyé spécial” sur France2. Les journalistes avaient suivi certains des élèves qui sont passés devant mon collègue Philippe C*** et moi-même, à l’oral du concours d’entrée à l’ENS.
Et, micro-seconde de gloire, on me voit apparaître à la fin du reportage : je m’étais stratégiquement placé devant la caméra
envoyespecial
[voir aussi mon propre reportage]

Monde de brutes !

Aux acheteurs du manuel que j’ai écrit avec Céline Béraud, Les courants contemporains de la sociologie, voici ce qu’Amazon recommande :
nosanes-web
C’est certainement une erreur. Et j’espère que le département de sociologie de Paris 7 – Denis Diderot, qui a acheté plusieurs centaines d’exemplaires pour leurs étudiants de licence, ne le prendra pas mal. J’y présente d’ailleurs, demain matin (29 septembre 2009) ce manuel et quelques autres recherches (Amphi 8C à partir de 9h30).
[Image fournie par un aimable correspondant, J. N.]

Incompétences

En juin dernier, l’information s’est diffusée largement : Michel Maffesoli s’était auto-promu “professeur de classe exceptionnelle”, avec l’un de ses mignons, Tacussel. Cela prêterait à sourire si ces deux personnes n’étaient en charge des promotions pour la 19e section du CNU (sociologie et démographie).
Les casseroles que traînent ces deux-là sont connues, mais au ministère, ils sont en cour. [Et d’aucuns — ouh les mauvaises langues — disent qu’être franc-maçon, ça aide. Je ne puis m’associer à ces rumeurs !]
On peut lire, sur la liste de diffusion de l’ASES, des discussions au sujet de l’autopromotion. Je me permet ici d’émettre un jugement personnel : ça ne vole pas très haut. Mais jugez par vous même…
Sans transition, mais vraiment, sans transition, et sans aucun lien avec ce qui précède, car on va parler maintenant de l’Italie, pas de la France, ni du CNU : L’incompétence sert parfois de signal

[Après avoir étudié certains criminels] Gambetta affirme que quelque chose de similaire se passe chez les baroni qui président aux comités de sélection impliqués dans les modes de promotion académiques en Italie. […] Les baroni opèrent sur la base d’un pacte en réciprocité, qui requiert beaucoup de confiance, car les dettes ne sont remboursées que bien des années plus tard… Les figures les plus puissantes, dans ce système, tendent à être les moins intellectually distinguished.
(…) Etre incompétent, et le montrer, transmet un message : “je ne tirerai pas au flanc, car je n’ai pas les munitions (intellectuelles)”. Dans un marché académique corrompu, être bon, être intéressé par sa recherche, signale en revanche un potentiel de carrière indépendante de la réciprocité corrompue.
*
Gambetta argues that something similar takes place among the baroni (barons) who oversee the selection committees involved in Italian academic promotions. While some fields are more meritocratic than others, he says, the struggle for advancement involves a great deal of horse trading. “The barons operate on the basis of a pact of reciprocity, which requires a lot of trust, for debts are repaid years later. …The most powerful figures in this system, says Gambetta, tend to be the least intellectually distinguished. … “… and this is what is the most intriguing, they do not try to hide their weakness. One has the impression that they almost flaunt it in personal contacts.” … Gambetta argues that the cheerful incompetence of the baroni is akin to the mafioso’s way of signaling that he can be “trusted” within his narrowly predatory limits.
“Being incompetent and displaying it,” he writes, “conveys the message * I will not run away, for I have no strong legs to run anywhere else. * In a corrupt academic market, being good at and interested in one’s own research, by contrast, signal a potential for a career independent of corrupt reciprocity…. In the Italian academic world, the kakistrocrats are those who best assure others by displaying, through lack of competence and lack of interest in research, that they will comply with the pacts.”

Se pourrait-il aussi qu’en France, les kakistocrates puissent être suffisamment nombreux pour se gratter réciproquement le dos ? Cela demande, sans doute, des recherches approfondies.

I’çrem (.)’kram

agriculture biologique, aïkido, anthroposophie, anti-nucléaire, anti-psychiatrie, anti-vaccination, astrologie, bio-dynamie, bio-énergie, Charlie-Hebdo, corps, créativité, danse, diététique, drague, drogue, écologie, enfance, ésotérisme, expression corporelle, extraterrestres, folk, formation permanente, go, hallucinogène, handicapés, homéopathie, homosexuel, imagination, immigrés, invention, judo, kinésithérapie, libertés, luttes, magnétisme, médecines orientales, méditation transcendentale, macrobiotique, nomades, non-violence, poterie, prisons, plantes, randonnée, rencontre, répression, roulottes, science-fiction, thérapie, tissage, vannerie, vert, vol à voile, voyage.

Auteur ?

Varia

Aujourd’hui : Jésus, Bourdieu, Socio-Voce :

  • Mais tout d’abord en introduction : une nouvelle maquette pour le site du département de sociologie de Paris 8.
  • La marche pour Jésus suivie par Frédéric Dejean :

    Les lieux traversés par la « Marche » ne sont pas laissés au hasard et possèdent une signification. De manière générale il s’agit bien de lutter contre certaines forces sataniques (porte d’Enfer) ou occultes (les « lignes ley » renvoyant à la radiesthésie) par le biais d’un « combat spirituel ». Ces différents éléments indiquent que le parcours n’est pas seulement une entreprise de mise en visibilité des Chrétiens dans l’espace public mais relève bien d’un projet religieux dans lequel la prière localisée en certains lieux aura des vertus positives.

  • Looking back at Bourdieu, par Michèle Lamont

    During these Paris years, I progressively moved away from Bourdieu because, to put matters bluntly, he did not know how to mentor young women, wavering between far too great proximity and distance.[NOTE] In the highly gendered (although not gender-aware) Parisian intellectual milieu of the early eighties, he was much more at ease with young brilliant men, onto whom he could project his younger self (I thought). Moreover, his research center had notoriously treacherous interpersonal dynamics which seemed far too complicated for the 21 year old woman that I was.

    NOTE : To clear any ambiguity, there was no sexual harassment involved, only awkwardness. Bourdieu’s inadequacy as a mentor of women resonates with his ignorance of the feminist scholarship and of the literature on gender inequality that was available at the time

    Il faudrait comparer cela à ce qu’écrit Luc Boltanski dans Rendre la réalité insupportable (où les filles apparaissent peu)… et aussi à ce qu’écrit Heinich (que je n’ai pas lu).

  • Socio-voce remplace “Fred et Ben sociobloguent”. Les articles sont toujours aussi bons. Mais le nouveau titre est meilleur que l’ancien.
    Soit dit en passant : connaissez-vous d’autres blogs de sociologues ouverts récemment ?

RATP vs. TARP

On peut prendre le métro tous les jours et s’ennuyer de la répétition des mêmes lieux… D’autres s’en amusent. Un groupe de chanteurs avait disposé des “moustaches poétiques” sur les affiches publicitaires, en novembre dernier : Alain Souchon, Audrey Tautou ou Tom Cruise se couvraient alors d’une petite moustache… La chercher dans les stations rendait le trajet divertissant.
D’autres encore commentent ou modifient les slogans omniprésents de la RATP. Des articles dans le Tigre [ce curieux journal curieux] essaient de saisir, mot par mot, la logique de la Régie. Des autocollants proposent aussi un commentaire, en détournant les messages institutionnels.
Cherchez l’erreur :
cherchez l erreur
Il y a quelques jours, ces autocollants avaient investi la station “Jourdain” (ligne 11) et m’ont incité à écrire cette note informe et sans direction. Ils ne sont restés que quelques heures, les autocollants : les sous-traitants de la Régie chargés du nettoyage ont fait vite. Le “si vous repérez un contrôleur, parlez-en à votre voisin” est mon préféré : les contrôleurs de la RATP ont la mauvaise habitude de se cacher pour leurs contrôles (derrière le coude d’un couloir le plus souvent).
Dans son analyse des consignes, Le Tigre écrivait :

ETIQUETEZ systématiquement tous vos bagages. Oui, oui, oui. Sys-té-ma-ti-que-ment. (…) N’est-ce pas d’une utilité extrême ? CQFD). Tout colis suspect abandonné étant de toutes manières détruit, boum ! la question est la suivante : le gros sac à dos de Durand, Pierrette, Nice, sera-t-il détruit avec moins de suspicion dans l’oeil du démineur que le gros sac à dos anonyme ? [source— voir aussi le dossier la société du slogan]

L’un des grands problèmes de la Régie autonome des transports parisiens est la discipline des “usagers”. Les clochards et les sans-toits ne peuvent plus s’allonger, grâce au travail des constructeurs de mobiliers. Les enfants, on le sait, ont tendance à se faire pincer les doigts très fort. Il y a quelques années, la RATP n’infantilisait que les enfants. Cela donnait déjà lieu à des détournements (au moment même où des petits vandales — le mouvement anti-pub — déchiraient des affiches de publicité pendant leur temps libre) [voir aussi paranos, ensemble] :

bulle-ratpPeut-on penser que le succès du lapin rose ait poussé la RATP à concevoir des messages similaires, mais destinés aux adultes ? L’on a vu récemment poindre des “bulles”, visibles depuis début 2009, qui incitent les voyageurs à “faciliter leur sortie” en “préparant leur descente” :
Et ce sont les “bulles” actuelles de la RATP qui ont excité les graphistes rebelles (notamment ceux qui se réclament du TARP).

Le choix d’une bulle n’est pas anodin car, dans la tête des créatifs, c’est une manière de faire dévier le contenu autoritaire (un message, une voix qui vient d’ailleurs, d’au-dessus) vers une forme plus «humaine». Ainsi, dans le cas du métro, les autocollants ont été collés à hauteur des têtes des usagers;
source : formes-vives.org

Mais les réactions sont souvent négatives, dénonçant le caractère “passive-aggressive” des messages. Palagret écrit :

Le message “Retenir les portes, c’est retenir le métro” cherche à culpabiliser le pauvre voyageur qui essaye d’entrer dans un wagon bondé. Le quatrième message “1 seconde perdue en station = du retard sur toute la ligne” fait appel aux capacités mathématiques du voyageur et l’accuse carrément d’être responsable de tous les dysfonctionnements de la ligne 13.

Pascal Riché sur rue89 lit les “bulles” de manière identique :

voilà que ces petits panneaux arc-en-ciel (une couleur joyeuse pour faire passer la pilule ? ) viennent me dire : « Mais non, usager, c’est toi le responsable des retards. Tu ne prépares pas ta sortie, tu perds des précieuses secondes, tu retiens la porte pour tes copains… Alors ne vas pas te plaindre ! »

Les observateurs attentifs ont pu aussi remarquer l’opposition de certains voyageurs. Les photographies de Palagret (j’en reprends une ci-dessous) sont exemplaires :
bulle-bleue-m-tro-tag-ligne-13

Des groupes (ou une personne seule bien organisée) ont été plus loin : en reprenant la forme des messages de la RATP, ils en détournent le sens.

n attendez pas le signal pour offrir un sourire
N’attendez pas le signal pour offrir un sourire… le texte fleur bleue rappelle les poésies légères que la RATP affiche quand la publicité pour “Wall Street English” fait défaut. Mais la série offre aussi un petit message “philosophique” (si l’on accepte que la philosophie soit un guide de bonne vie).

Un groupe, le TARP, est à l’origine d’une série plus complète de messages. Je n’ai pas réussi à trouver des informations concernant ce groupe, mais j’y vois des étudiants en arts graphiques. Plus directes, souvent méchantes, les bulles du TARP s’inspirent de la culture grolandaise : “Quand le signal sonore retentit, je cris Youpi !”… Je reproduis ci-dessous certaines de leurs bulles :

Fumer des gros joints facilite ma descente :
fumer gros joints
Photo prise chez BlogMichet
.

Le détournement est réjouissant… Pascal Riché place en fin d’article cette photo (prise par Philon) :
signal-photo-philonrue89

NeverMindTheBolog a trouvé une belle bulle : “Une narine bouchée, du retard sur toute la ligne” (avec le “fumer des gros joints”, l’on distingue une source commune) :

La dernière bulle vient du blog de Sycomore :

pousse-les-vieux
source

Les détournements ont peut-être une vertu indirecte, celle de réveiller le sens critique. BanMwenColombo écrit, après avoir vu les nouveaux slogans :

Voilà ce qui m’interpellait et je n’arrivais pas à exprimer : ces messages de la RATP sont condescendants vis à vis des usagers du métro.
source

Les lectrices intéressées pourront trouver ailleurs d’autres photos (chez LaQuincaillerieDuCentre, F. Briand, CMoi – flickr, Paternoster et un message scatologique et photo chez MonsieurPoulpe).

Pourquoi consacrer du temps à ces petites images ? D’abord parce qu’elles m’ont amusé. Et parce que ce qui m’intéresse, au delà du salutaire appel au sourire, c’est surtout la combinaison du respect formel du design des messages de la RATP et d’une rébellion limitée à contredire les instructions officielles. Pas vraiment une rébellion, donc.

Sacré Paul !

Sur la lancée d’un billet précédent, sur la serendipitous découverte d’un vieux ticket de métro, je me suis souvenu du fonctionnement de la Bibliothèque des Lettres de l’ENS. À l’entrée se trouvait un fichier des emprunts, chaque livre emprunté se trouvant matérialisé par une fiche, remplie par l’emprunteur.
Parfois, le livre ne revenait jamais : si l’on ne trouvait pas le livre en rayon (la Bibal fonctionne en accès libre) il était facile de vérifier, dans le fichier des emprunts, si un “cher camarâââde” ne l’avait pas emprunté.
Parfois, l’emprunt était tellement ancien que les fiches avaient changé de taille. Ainsi la fiche suivante, photocopiée il y a une quinzaine d’années :

paul nizan

Paul Nizan (1924 L), en 1929, emprunte Marxismus d’un certain Dietzgen, et oublie de le rendre [l’ouvrage est toujours “manque en place” aujourd’hui]. Sacré Paul !
Je crois me souvenir d’un autre ouvrage, jamais rendu par Maurice Halbwachs (pour cause de départ en camp de concentration puis décès)…
La modernisation de la Bibliothèque a fait disparaître ce fichier des emprunts… et j’ai bien peur que ces fiches, aussi, aient disparu corps et biens.

Le minotaure (finir sa thèse)

Circule en ce moment :
Le Minotaure (Simon Berjeaut)

spéciale dédicace à Pandore / Kalai Elpides et à tous ceux qui, l’ayant finie (la thèse), n’en ont pas fini avec.