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Archives de la catégorie : 'religion'

Polygamie américaine

Intéressant, mais pas le temps de commenter, malheureusement :

Consciously taking tactics from the gay-rights movement, polygamists have reframed their struggle, choosing in interviews to de-emphasize their religious beliefs and focus on their desire to live “in freedom,” […]
Polygamists Fight to Be Seen As Part of Mainstream Society, By John Pomfret, The Washington Post, Tuesday, November 21, 2006; Page A01

La justification religieuse de la polygamie a échoué à convaincre le gouvernement fédéral à la fin du XIXe siècle (voir les travaux de Sarah Barringer-Gordon). Une justification basée sur les droits fondamentaux réussira-t-elle ?

Journalismes, hindouismes

Avant-hier, je reçois ce mail :

Bonjour,
Je suis étudiant au centre de formation des journalistes, à Paris.
Je réalise un reportage sur les habitudes de consommation d’objets érotiques.
Je souhaite savoir si vous seriez disponible pour un entretien filmé avant demain 16h00.
Je serai en tournage ce soir dans une boutique “spécialisée”.
Pouvez-vous me rappeler au 06 ** ** ** ** aussitôt qu’il vous sera possible ?
D’avance, je vous en remercie.

Comme je demande à mes étudiants de réaliser des entretiens (cela fait partie de l’apprentissage du métier de sociologue), je me sens un petit devoir de répondre positivement à cette demande. Et je réponds “dès que possible” au mail (je dois être considéré comme un bon client, c’est le deuxième étudiant en journalisme de la même promotion qui me contacte).
Amma France2 novembre 2006Avant-hier aussi, je reçois ce mail en provenance de France2 (les demandes arrivent toujours par vague) :

Bonjour,
Dans le cadre d’un reportage sur Amma, la femme indienne qui parcourt le monde pour serrer les gens dans ses bras, je cherche un intervenant sur le thème de l’engouement pour ce genre de phénomènes en France. J’ai lu que vous étiez spécialiste des religions, et me suis donc dit que vous pourriez m’aider à replacer les pratiques d’Amma dans un contexte plus large. Le reportage serait diffusé demain mercredi au 13h, merci donc de me contacter dès réception de ce mail si vous êtes intéressé…
A bientôt

Je suis toujours flatté quand des journalistes s’adressent à moi — vanité… — encore plus quand elles ont lu mon blog, et doublement quand ce sont des travaux d’autres personnes qui ont été remarqués. Ici, en l’occurrence, c’était la réflexion de Véronique Altglas sur Amma qui avait été appréciée. Dans ma réponse (immédiate, “dès réception de ce mail“) j’ai donc redirigé France2 vers la Professeure Altglas (en fournissant adresse, téléphones, mails)… qui n’a pas été contactée, semble-t-il. Pourtant Véronique est la spécialiste du néo-hindouisme occidental. Au lieu de cela, dans le reportage, on a droit à une étrange théorie psychiatrique rapprochant l’embrassade de la communion.

Amma en France [format Quicktime], reportage, journal télévisé, 1er novembre 2006

Dans ce reportage, ce que l’on ne trouve pas, c’est une critique d’Amma en tant que gourou, ou même la notion de “secte”. La personne apparaît suffisamment amusante, ou intéressante, exotique, pour que France2 et France3 y consacrent plusieurs reportages. Mais pas assez étrange ou menaçante pour mériter dénonciation.

Signalons, à tout hasard, et sans transition (mais par association), comme l’a mentionné Fabrice Desplan récemment, la mise à disposition des archives vidéo des auditions publiques de la commission d’enquête parlementaire sur les mineurs et les dérives sectaires, sur le site de La Chaîne Parlementaire : Archives vidéo des auditions de la commission d’enquête.
Je recommande l’audition de Nicolas Jaquette, ancien témoin de Jéhovah, qui explique ses capacités d’analyse (réelles) non seulement à partir d’un travail réflexif (la rédaction d’un livre autobiographique), mais parce qu’il a “toujours vécu en double personnalité dans la secte, parce [qu’il est] homosexuel, et que l’homosexualité est réprimée dans la secte…” Il démonte ensuite les multiples jeux avec la doctrine, l’engagement, le surinvestissement… qui devraient en intéresser plus d’uns (je pense à Jean-Marc – Gayanglican ou cossaw.
L’audition de M. Leschi du Bureau central des cultes, est aussi fort intéressante : elle a donné lieu à de vifs échanges et montre combien “l’État” est perclus de tensions et d’oppositions. S’il fallait ne regarder qu’une audition, c’est celle-ci qu’il faut voir.

La commission d’enquête sur les sectes…

J’essaie de suivre d’assez près la Commission d’enquête parlementaire sur l’influence des mouvements sectaires sur les mineurs. La qualité des interventions est inégale. Il s’agit pourtant d’auditions à l’Assemblée nationale, devant nos représentants élus. Cette commission a des buts normatifs : réformer ou proposer de nouvelles lois. Elles occupent le temps — et longtemps — de ces élus. L’on pourrait s’attendre à des échanges d’une qualité minimale (dans le raisonnement, les faits rapportés, les réflexions, les définitions). Un chercheur comme Sébastien Fath aurait pu être invité à y participer [en fait, ce ne sont pas des invitations, mais des réquisitions : l’on ne peut refuser de participer, une fois convoqué]. Des membres de mouvements visés par les parlementaires auraient pu être conviés.
Au contraire, on a le droit d’entendre un député (Jacques Myard) parler de “malversations sexuelles” (sic ??) et de pressions américaines (l’anti-américanisme de certain-e-s élu-e-s est important, et c’est un anti-américanisme fondé sur ce qu’ils conçoivent être des ingérences dans l’espace public national). Il a face à lui la présidente d’une association internationale, “Innocence en danger”, dont le discours, vous allez pouvoir le vérifier, est fondé sur des bases inégalement assurées :

Retenons une citation :

Bon, Tom Cruise, c’est la Scientologie, mais il y a une autre secte qui est extrêmement puissante aux Etats-Unis, c’est les évangélistes

Cette phrase devrait faire sursauter Sébastien Fath, à plusieurs niveaux : un petit sursaut (une question de termes : Homayra Sellier veut sans doute parler d’Evangéliques), un sursaut plus important (l’on parle ici en fait d’un mouvement religieux peu coordonné, certes en tension relative avec le monde contemporain, mais largement inscrit dans la modernité, ne prônant ni exclusivisme religieux absolu, ni socialisation séparée…), et enfin un sursaut jusqu’au troisième étage du “site Pouchet” (comparer les quelques milliers de scientologues et les dizaines de millions d’évangéliques en une seule petite phrase… c’est manquer de la plus élémentaire notion d’échelle).
Je ne suis pas tendre avec Mme Sellier. C’est avant tout parce que j’estime — me voilà fort normatif — qu’une audition, lors d’une commission d’enquête, ne doit pas s’appuyer sur des on-dits, des “j’ai vu un reportage à Envoyé Spécial”…

J’ai pas été témoin direct (…) Ce que je sais sur le mouvement des raéliens, c’est ce que j’ai lu. C’est un document extraordinaire qui a été tourné par une journaliste française…

Toutes les auditions ne sont pas aussi dénuées de fondement. Il y a eu “pire” (l’audition de l’AFSI). Il y a eu bien mieux : L’audition la mieux construite, j’en parlerai prochainement, provenait d’un ancien Témoin de Jéhovah qui avait une maîtrise étonnante du discours en public, une force de conviction et un raisonnement mesuré mais aussi très réflexif (peut-être dû en partie à une socialisation chez les TJ : lecture biblique, confessions publiques, evangélisation de trottoir, porte-à-porte aident à apprendre à parler en public).
Mais là, il faut laisser encore une fois la parole à Mme Sellier. Je n’ai pas essayé de sélectionner les passages les plus amusants :

L’on a ici non seulement une absence de compréhension des mécanismes d’adhésion et de croyance (les Raéliens ont des doctrines trop drôles pour être vraiment dangereux… Par comparaison qu’une vierge elle-même conçue “sans péché” puisse accoucher d’un sauveur miraculeux annoncé par une étoile… fait tout à fait sens, n’est-ce pas ?), mais la volonté de limiter fortement la liberté d’expression, au nom, bien sûr, des “enfants”.
L’on a donc, in fine, une sélection rigide d’intervenants (en provenance il est vrai de nombreux secteurs de l’Etat — juges, policiers… — du para-étatiques — associations reconnues d’utilité publiques et financées par subventions — et du secteur associatif). Mais une partie des intervenants semble avoir été sélectionnée par effet de réseau ou proximité personnelle plus que pour la qualité de ses recherches ou de ses analyses.
Je me demande bien ce que l’on pourra lire dans le rapport qui sera construit à partir de ces auditions…

Les noces de Cana

D’après Jean 2:1-11 :

« Le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi fut invité à la noce ainsi que ses disciples. Le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit « Ils n’ont pas de vin ».


Rowan Atkinson sur YouTube.

Le métier de prêtre

Céline Béraud a publié il y a quelques semaine un livre fort intéressant, Le Métier de prêtre (éditions de l’Atelier). Cet ouvrage propose un croisement fructueux entre sociologie du travail et sociologie des religions, ou plutôt, propose de prendre un des objets centraux de la sociologie des religions (le prêtre) pour l’analyser au travers des problématiques issues de la sociologie du travail (qui s’intéresse surtout aux professions laïques). L’entreprise sera sans doute jugée iconoclaste ou hérétique. A coup sûr par certains prêtres refusant de concevoir leur occupation comme un métier, mais comme une vocation irréductible à toute approche profane. Il ne faudrait pas qu’elle échappe aux sociologues du travail (elle ne le sera sans doute pas totalement, Céline Béraud ayant publié un article, Les « intermittents » de l’Église. Modalités d’emploi des personnels laïcs dans le catholicisme français dans la revue Sociologie du travail.
Métier de prêtre Celine BeraudJ’ai dans ce livre un chapitre préféré, le chapitre 2, intitulé “Le statut administratif du prêtre”. Dans ces pages, Céline Béraud prend au sérieux le travail d’objectivation réalisé par l’Etat et ses satellites. Le “prêtre” est ici envisagé en tant que catégorie socio-professionnelle, dans ses relations avec la Sécurité sociale, et enfin à partir du « cas limite » du prêtre au chômage. A travers le “regard” bureaucratique, le prêtre catholique prend forme administrative. Et c’est là un point d’importance. Les catégories construites par le monde séculier ne sont pas sans effet sur le métier de prêtre. On décèle, dans ce chapitre, combien les catégories d’Etat finissent par décrire assez bien ce qu’est un prêtre. C’est à la fois le signe d’un rapprochement de l’Eglise et du monde séculier (un rapprochement fait de compromis avec la Sécu et la possibilité de quitter la prêtrise, et, donc, de se retrouver au chômage). Mais c’est aussi le signe d’une “sécularisation interne” de l’Eglise : quand une grille de lecture séculière finit par s’appliquer — sans trop déformer — à l’Eglise, c’est le signe que, même intérieurement, elle s’est transformée.
L’usage sociologie possible des “formes instituées” (instituées à l’extérieur de la sociologie) est un de mes dadas, et le livre de Céline Béraud ne se réduit pas au statut administratif du prêtre : l’auteure explore aussi (et surtout) la professionnalisation du prêtre (de l’homme orchestre au chef d’orchestre) et le “nouvel idéal vocationnel”, qui s’avère être fortement compatible avec l’idéal de l’accomplissement personnel qui sous-tend d’autres professions.

Full disclosure : je suis cité dans les remerciements (vous savez, le paragraphe que l’on cherche en premier à l’ouverture d’un livre…)

En finir avec les mariages civils-religieux

Le diocèse épiscopalien du Massachusetts se demande s’il ne serait pas préférable d’en finir avec la célébration des mariages civils-religieux. Aux Etats-Unis, les pasteurs, prêtres, rabbins, imams, etc… sont autorisés à célébrer, au nom de l’Etat, des mariages civils. Ils sont, au moment de signer la “licence” de mariage (le document nécessaire à l’établissement d’un mariage aux yeux des autorités civiles), dépositaires d’un pouvoir étatique. Et, en général, la formule utilisée dans le cadre de la cérémonie religieuse est “By the power vested in me by the State of … I now pronounce you husband and wife” (dans le cas des mariages ou les personnes sont de sexes différents, bien sûr).
Cette caractéristique étrange de la séparation des Eglises et de l’Etat n’a jamais été fortement contestée, principalement, à mon avis, parce qu’elle n’impose pas de nuisance particulière aux dénominations religieuses ni n’instaure de différences entre religions (vous êtes ordonné, OK, vous pouvez célébrer…). [Un exemple, anecdotique, Homer Simpson, le personnage du dessin animé, se fait ordonner dans un épisode de 2005, pour célébrer le mariage de deux hommes. Un autre exemple, dans le même billet, est extrait d’un entretien avec un homme du Vermont s’étant fait ordonné par correspondance, pour célébrer l’union civile d’un couple de ses amis]
Mais voici que le mariage gay, dans l’Etat du Massachusetts, vient remettre ce consensus en question :

A group of local Episcopal priests, saying that the gay marriage debate has intensified their longtime concern about acting as agents of the state by officiating at marriages, is proposing that the Episcopal Church adopt a new approach. Any couples qualified to get married under state law could be married by a justice of the peace, and then, if they want a religious imprimatur for their marriage, they could come to the Episcopal Church seeking a blessing from a priest.
source : The Boston Globe)

Le principal problème, tel que le relate le Boston Globe, est un problème d’égalité de traitement entre couples du même sexe et couples de sexes différents. L’Eglise épiscopalienne ne permet pas la célébration religieuse d’un mariage pour les couples du même sexe, elle n’autorise qu’une bénédiction générale. Alors que l’Etat a ouvert le mariage à ces couples, depuis plus de deux ans (et promeut donc une égalité de traitement). L’assemblée générale des épiscopaliens du Massachusetts va donc examiner une résolution (un projet de règlementation) :

The resolution would declare diocesan convention’s desire that, starting in January 2008, Episcopal marriages be presided over by an agent of the state, and not Episcopal clergy, whose role would be limited to blessing a married couple. That is the system currently in place for gay and lesbian couples at Episcopal churches. In some cases, the civil and religious ceremonies both take place in the church; the couple can bring a justice of the peace, or a minister of another denomination, who signs the state marriage license and pronounces the couple married, and then the Episcopal priest blesses the couple. In other cases, the civil and religious ceremonies take place separately.

L’établissement de compromis de ce type, au Vermont, m’avait énormément intéressé en son temps. Le Vermont avait créé un système d’unions civiles en 1999, et autorisé les personnes ordonnées à célébrer et certifier ces contrats au nom de l’Etat, qui devenaient des “Religious civil unions. J’avais essayé aussi de passer en revue, autour du mariage, l’histoire récente de l’utilisation du clergé comme agent of the state (dans un article publié dans Matériaux pour l’histoire de notre temps). Je regrette donc de ne pas être en ce moment au Massachusetts pour étudier cette accommodation du monde religieux à l’innovation juridique que constitue le mariage (civil) des couples du même sexe.
Les fans des compromis séculier-religieux pourront aussi s’amuser avec un début d’analyse statistique : quelle sorte de couple se marie religieusement ?.

Droit des religions

Je redécouvre ce site consacré au droit des religions, appelé droitdesreligions.net et qui se penche principalement sur l’application du droit séculier aux confessions (et pas sur le droit interne des Eglises). Ce n’est donc pas sur ce site que l’on connaîtra l’évolution de la jurisprudence catholique sur les annulations de mariage, pourtant très utile quand on est princesse monégasque. Une plongée dans droitdesreligions.net permettra cependant de se tenir au courant des derniers jugements impliquant des croyants, des fidèles ou des institutions religieuses (je me demande d’ailleurs bien comment Sébastien Lherbier, le responsable du site, fait pour être au courant des jugements des cours administratives… Legifrance ne les indexe pas…). On regrettera l’absence de fil RSS et de “permalinks” évidents (l’ensemble du site se trouvant dans une “frame”).
De manière connexe, le New York Times consacre un dossier aux différentes exemptions légales dont bénéficient les organisations religieuses :

In recent years, many politicians and commentators have cited what they consider a nationwide “war on religion” that exposes religious organizations to hostility and discrimination. But such organizations — from mainline Presbyterian and Methodist churches to mosques to synagogues to Hindu temples — enjoy an abundance of exemptions from regulations and taxes. And the number is multiplying rapidly. (source)

Cette absence de taxation, de contrôles… pourrait-elle expliquer en partie la force des institutions religieuses ? Il nous faudrait un économiste, ici, qui relierait le nombre de fidèles (ou la participation aux offices) et la somme des taxes ou des régulations auxquelles sont soumises les Eglises. Aux Etats-Unis, il semble bien que les institutions religieuses bénéficient d’un avantage comparatif face aux institutions séculières offrant les mêmes services.

As religious activities expand far beyond weekly worship, that venerable tax break is expanding, too. In recent years, a church-run fitness center with a tanning bed and video arcade in Minnesota, a biblical theme park in Florida, a ministry’s 1,800-acre training retreat and conference center in Michigan, religious broadcasters’ transmission towers in Washington State, and housing for teachers at church-run schools in Alaska have all been granted tax breaks by local officials — or, when they balked, by the courts or state legislators.

Un des usages les plus folkloriques, et peut-être le plus connu, a été promu par la Universal Life Church : elle ordonne ses pasteurs sur simple demande postale, et dans les années soixante-dix, un village entier s’était fait ordonner, afin d’échapper à toute taxation, en tant que communauté religieuse. Cela n’a pas tenu longtemps. Mais il apparaît avec cet exemple et de nombreux autres moins exotiques qu’il y a un intérêt financier (et pas seulement symbolique) à obtenir un classement de ses activités dans la catégorie “religion”. Qui classe ? Qui définit les frontières de la catégorie ? Assez souvent, semble-t-il, c’est après une négociation, un conflit, une action en justice… — et donc un contact prolongé avec le monde séculier et ses pratiques — que le caractère religieux, et donc la possibilité d’une plus grande liberté d’agir, est reconnu.

The Breastplate of Righteousness… a encore frappé

Dans son Epitre aux Ephésiens (6:14), Saint Paul écrivait :

Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture; revêtez la cuirasse de la justice;

Le prêtre épiscopalien et sociologue Laud Humphreys, dans Tearoom Trade, a utilisé cette dernière expression, “cuirasse de justice”, en anglais “Breastplate of Righteousness” (plastron de rectitude…) pour signaler l’un des modes de protection des “déviants”. Son étude portait plus particulièrement sur les hommes participant à des relations sexuelles rapides et anonymes dans les toilettes publiques. Une partie de ces participants s’avèrent être des personnes aux opinions politiques et sociales très conservatrices (pasteurs fondamentalistes, hommes politiques, “workers” de droite…). Pour se protéger du risque de dévoilement associé à des actes à l’époque non seulement jugés pervers, mais aussi criminels (l’étude de Humphreys date de la fin des années 1960), ces hommes se sont construits une personnalité publique que le sens commun jugerait opposée à la personnalité supposée des “déviants”. Ces conservateurs exhibent fièrement un plastron de rectitude : opposition publique à l’homosexualité, vote à droite ou à l’extrême droite, opinions religieuses ostentatoires…

Motivated largely by his own awareness of the discreditable nature of his secret behavior, the covert deviant develops a presentation of self that is respectable to a fault. His whole lifestyle becomes an incarnation of what is proper and orthodox. In manners and taste, religion and art, he strives to compensate for an otherwise low resistance to the shock of exposure.
Humphreys (Laud), Tearoom Trade, chapitre 7.

Cette semaine, un jeune stagiaire mineur au Congrès a révélé une série de mails et de “instant messages qu’un Représentant (député) américain lui a envoyé. D’autres stagiaires ont suivi :

“What ya wearing?” Mr. Foley wrote to one, according to the network. “Tshirt and shorts,” the teenager responded. “Love to slip them off of you,” Mr. Foley replied.

Foley s’était fait remarqué non seulement pour avoir voté le Defense of Marriage Act (qui visait à instaurer une interdiction fédérale du mariage gay), mais pour être l’un des grands défenseurs des mineurs face aux “prédateurs sexuels” et autre pédophiles de l’internet.

Representative Mark Foley, a Republican, became well known for his ardent efforts to safeguard the young and vulnerable, leading the House caucus on missing and exploited children and championing laws against sexual predators.
source : New Tork Times

Il ne semble pas, pour l’instant, y avoir eu autre chose que du flirt virtuel entre un homme d’une cinquantaine d’année et des adolescents d’environ 17 ans… Mais la révélation de ces histoires (homosexuelles) dans le cadre d’une campagne électorale a suffit à pousser Foley à la démission [à la fin des années 1990, Foley avait été outé par le magazine gay The Advocate sans que cela nuise à sa carrière et à sa réélection].
Le blog de Brian Ross de la chaine ABC – The Blotter a bien plus.
Le tout rappelle l’histoire du maire de Spokane.

Laïcité et financement des cultes

Je signale, au passage, un texte critique très intéressant sur le blog de Sébastien Fath, au sujet d’un rapport sur le financement des cultes et la laïcité, le “Rapport Machelon”.

Dérives sectaires et mineurs

Sébastien Fath, dans un billet de son blog, Pourquoi j’ai refusé l’offre de la Miviludes écrivait :

il n’existe à l’heure actuelle aucun chercheur en sciences sociales des religions parmi les membres de la MIVILUDES elle-même (je ne parle pas du conseil d’orientation). Un seul serait déjà insuffisant, mais aucun ! Ma connaissance d’autres contextes européens (comme la Suisse, par exemple) me rappelle qu’il existe bien d’autres façons de fonctionner que cette étrange manière française qui consiste à mettre à distance ceux que la République paie pour être spécialistes du religieux.

Mme Delpech alerte faux souvenirs induitsLa Miviludes, c’est la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Elle produit, chaque année, un rapport. En ce moment, la Miviludes voit son travail secondé par une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs qui se tient à l’Assemblée nationale. Certains des travaux de cette commission sont diffusés sur La Chaine Parlementaire.
Les premières auditions de cette commission révèlent le contexte dans lequel elle se tient : pour l’instant, aucun sociologue ou historien des religions n’a été auditionné, ou ne va l’être prochainement. Aucun membre d’une secte connue non plus apparemment. Aucun représentant des principales religions non-qualifiées de sectes… C’est que, comme le remarquait l’un de mes chers camarades sociologues auteur d’un travail universitaire sur le sujet, la lutte contre les dérives sectaires ne vise plus seulement le monde religieux. Les dérives sectaires, ce sont celles des psychothérapeutes, des travailleurs sociaux, de membres de la famille, d’enseignants… Cela peut être la dérive d’une seule personne, il n’y a plus besoin de communalisation de la croyance. La secte a été laicisée : et au fur et à mesure de sa laïcisation, elle sort du domaine des spécialistes du religieux. Il n’y a plus besoin de curé ou de sociologues des faits religieux pour en parler.
Les personnes auditionnées sont donc en grande partie des professionnels de la lutte contre les sectes : le président du Centre de documentation, d’éducation contre les manipulations mentales, une sociologue travaillant à l’Union nationale des associations familiales, le président du “Centre d’information sur les organisations sectaires nuisibles” (je n’invente pas, c’est le nom de l’association)… Mais semblent visés en priorité certaines thérapies de l’âme : la commission interroge la présidente de l’Association AFSI (Alerte faux souvenirs induits) et le président de l’association “Psychologie vigilance” qui n’ont à première vue pas grand chose à voir avec les sectes telles qu’on les comprenait au début des années 1970.
J’ai regardé avec intérêt certaines des auditions, diffusées en direct ou en différé sur la Chaine parlementaire, et voici un extrait de l’audition de la présidente de Alerte faux souvenirs induits. Les faux souvenirs dont parle la présidente sont ceux qui sont créés à la suite de “thérapies déviantes” (je cite), et qui sont souvent des souvenirs d’abus sexuel, conduisant souvent à des ruptures familiales. L’extrait ne rend pas justice à l’auditionnée : il a lieu à la toute fin de l’audition et Mme Delpech est visiblement fatiguée.


Lien vers l’extrait au format video MP4