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Billet

Petit problème sociologique

Billet publié le 26/12/2008

La sociologue ne saisit jamais directement les grandes fictions (“sécularisation”, “individualisme”, “bourgeoisie”…) qui servent à décrire et comprendre la société (encore une). Mais la sociologue peut s’appuyer sur des indicateurs : proportion de baptêmes parmi l’ensemble des naissances d’une année, taille des familles…
C’est même une forme élémentaire de la sociologie que de partir à la recherche de ces indicateurs. Durkheim faisait-il autre chose quand, dans Le Suicide, il prenait le “taux des suicides” et leurs variation pour comprendre “intégration” et “régulation”, et, ultimement, l’état de la société ?
Mais j’ai du rater quelques cours dans ma jeunesse… cette manière de faire a-t-elle été pensée ou discutée ? Trouve-t-on des sociologues qui, refusant le recours aux beaux indicateurs indirects (et aux jolies proxies), s’attachent aux fictions elle-mêmes ? Ou des sociologues un peu épistémologues, qui auraient étudié le recours aux indicateurs ?

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7 commentaires

Un commentaire par Vincent (26/12/2008 à 20:27)

Bonjour,

Je pense ne rien vous apprendre mais si je ne m’abuse une grande part de la critique des ethnométhodologues sur la “méthode classique” en sociologie porte sur l’utilisation de ces “proxies”.
Sur la sociologie des “indicateurs”, je pense qu’on peut se référer aux travaux de Desrosières et Thévenot sur la construction et l’utilisation des catégories et des indicateurs statistiques ?

Quant à l’analyse sur les fictions elles-mêmes, si on ne les saisit pas par les chiffres qui les illustrent/construisent, c’est qu’en général on s’attache aux discours qui les analysent et participent à leur configuration, ce que fait par exemple Foucault, mais plus généralement beaucoup de sociologues qui s’intéressent à la “construction des problèmes publics”.

Un commentaire par A Sociological Puzzle | The Global Sociology Blog (26/12/2008 à 21:11)

[…] Baptiste Coulmont has a sociological puzzle that needs solving. Can anyone help […]

Un commentaire par Baptiste Coulmont (26/12/2008 à 21:33)

> Vincent : Je n’avais pas pensé aux ethnométhodologues… dans mon souvenir, ils s’attaquaient plus aux grands concepts (que j’ai appelé ici les fictions) qu’aux indicateurs. Pour ce qui est de Desrosières et Thévenot… je n’ai pas trouvé ce que j’y cherchais.
> “Global Sociology” : Thank you / Merci !

Un commentaire par Vincent (27/12/2008 à 16:22)

Je suis loin d’être spécialiste, mais les éthnométhodologues élaborent également une critique contre les “indicateurs” (catégories, agrégats) qui soutiennent ces fictions et qui n’appartiennent pas aux “ethnométhodes” des acteurs ordinaires mais sont construit de façon ad hoc par le sociologue. D’ailleurs ils (ou en tout cas Garfinkel) ne reviennent pas sur la définition durkheimienne du fait social, qui peut inclure ces “fictions” dont vous parlez, mais changent de perspective en montrant comment ces fictions sont le produit d’activités sociales coordonnées. Par exemple dans le célèbre texte de Garkinfel sur Agnès la transsexuelle, pour montrer comment la féminité (comme modalité du genre) est bien un fait social dont la construction se révèle dans ces expériences disruptives que sont les changements de sexe.
Pour Desrosières et Thévenot, qu’est-ce que vous n’avez pas trouvé ? Les réponses apportées ne sont pas celles des questions que vous vous posez, ou sont-elles insuffisantes en elle-même ?

Et pour terminer, Latour ne pourrait pas être une autre piste ? Je pense aux textes sur les instruments scientifiques qui “inscrivent” – en la traduisant – la réalité dans des matériaux accessibles à l’interprétation du chercheur (le sismographe par exemple). Ne pourrait-on pas faire un parallèle avec les instruments qu’utilise le sociologue ? La réalité ne nous est de toute façon jamais directement accessible, il faut bien toujours des instruments d’objectivation (plus ou moins élaborés, formalisés, techniques) qui permettent de donner un sens à la masse des nos observations.

Un commentaire par XavierM (01/01/2009 à 19:19)

Ca m’étonnerait bien que Passeron n’ait pas parlé de ça, soit dans le raisonnement sociologique soit dans un de ces articles parus dans la revue européenne des sciences sociales… Je vais enquêter (mais pas tout de suite !)

Un commentaire par XavierM (05/01/2009 à 17:05)

Il ne parle pas explicitement d’indicateurs, mais je crois que Passeron est en plein dans le sujet avec son article “L’espace mental de l’enquête” (en 2 parties), paru dans Enquêtes n°1 (1995) et n°3 (1996) :
http://enquete.revues.org/document259.html
http://enquete.revues.org/document393.html

1 petit résumé en image :
http://enquete.revues.org/docannexe/image/259/img-1.jpg

Un commentaire par Baptiste Coulmont (08/01/2009 à 10:31)

> XavierM : merci bien !
Les article de “Enquête” mûrissent fort bien avec l’âge.